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Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Maroc (Ratification: 2001)

Autre commentaire sur C182

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La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend également note de la discussion détaillée qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes au cours de la 99e session de la Conférence internationale du Travail de juin 2010.

Article 3 de la convention et Point V du formulaire de rapport. Pires formes de travail des enfants et application de la convention dans la pratique. Alinéas a) et d). Travail forcé ou obligatoire et travail dangereux. Travail domestique des enfants. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté les indications de la Confédération syndicale internationale (CSI) selon lesquelles le travail domestique des enfants, dans des conditions de servitude, est courant dans le pays, des parents vendant leurs enfants, parfois âgés de 6 ans seulement, pour qu’ils travaillent comme domestiques. La CSI avait également indiqué qu’environ 50 000 enfants, majoritairement des filles, travaillent comme domestiques, parmi lesquels 13 000 fillettes de moins de 15 ans sont employées comme servantes dans la ville de Casablanca dont 70 pour cent ont moins de 12 ans et 25 pour cent moins de 10 ans. La commission a noté que l’article 10 du Code du travail interdit le travail forcé et que, en vertu de l’article 467-2 du Code pénal, le travail forcé des enfants de moins de 15 ans est interdit. Elle a également noté qu’un projet de loi sur le travail domestique avait été adopté et était en cours de validation. Ce projet de loi fixe l’âge minimum d’admission à ce type d’emploi à 15 ans, établit les conditions de travail et prévoit les mesures de contrôle ainsi que les sanctions applicables.

La commission note l’information du gouvernement figurant dans son rapport, selon laquelle le projet de loi réglementant les conditions d’emploi et de travail des travailleurs domestiques est dans les circuits de l’adoption. Elle note également que ce projet de loi a été récemment enrichi par le durcissement des sanctions allant jusqu’à des peines d’emprisonnement à l’encontre des employeurs occupant des enfants de moins de 15 ans. En outre, la commission note qu’une liste spécifique fixant les travaux dangereux interdits dans le secteur du travail domestique sera élaborée et adoptée en application de la future loi relative aux conditions d’emploi et de travail des salariés domestiques. Cette liste coexistera avec la nouvelle liste fixant les travaux dangereux interdits aux enfants de moins de 18 ans portant révision du Code du travail promulgué par le dahir du 24 décembre 2004.

La commission note également l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle une première enquête qualitative et quantitative sur les filles domestiques de moins de 18 ans a été réalisée en 2001 dans la Wilaya de Casablanca. En outre, une deuxième enquête est prévue dans le Grand Casablanca au cours du 2e  semestre de 2010 avec extrapolation des résultats et des données au niveau national. La commission prend note des résultats de l’enquête statistique réalisée en 2001 et observe que près de 23 000 jeunes filles âgées de moins de 18 ans travaillent dans la région du Grand Casablanca en tant que domestiques, parmi lesquelles 59,2 pour cent ont moins de 15 ans. La grande majorité de ces filles (82,2 pour cent) ne savent ni lire ni écrire et seuls 17,8 pour cent d’entre elles ont reçu une éducation scolaire. L’enquête révèle également que plus de la moitié des filles domestiques (55 pour cent) font l’objet de sanctions ou punitions dans l’exercice de leurs tâches et 10 pour cent déclarent avoir reçu des coups. En ce qui concerne la question des abus sexuels, le rapport indique que les filles ont été assez réticentes face à cette question et que 4,2 pour cent des 529 filles questionnées ont avoué avoir subi des abus sexuels de la part de leurs employeurs. En outre, plus de la moitié des filles (55,4 pour cent) interrogées disent souffrir d’un mal physique quelconque. Tout en prenant note des mesures prises par le gouvernement, la commission exprime sa profonde préoccupation face à l’exploitation du travail domestique des enfants de moins de 18 ans exercé dans des conditions assimilables à l’esclavage ou dans des conditions dangereuses. Elle rappelle à nouveau au gouvernement que, en vertu de l’article 3 a) et d) de la convention, le travail ou l’emploi des enfants de moins de 18 ans dans des conditions assimilables à de l’esclavage ou dangereuses constitue des pires formes de travail des enfants et sont, aux termes de l’article 1, à éliminer de toute urgence. La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que le projet de loi sur le travail domestique soit adopté de toute urgence. En outre, la commission exprime le ferme espoir que la liste fixant les travaux dangereux interdits dans le secteur du travail domestique prendra en compte le travail domestique des enfants de moins de 18 ans exercé dans des conditions assimilables à l’esclavage ou dans des conditions dangereuses. Se référant aux conclusions de la Commission de l’application des normes, elle prie à nouveau le gouvernement de redoubler d’efforts et de prendre des mesures immédiates et efficaces afin de veiller à ce que des enquêtes approfondies et la poursuite efficace des personnes ayant soumis des enfants de moins de 18 ans à un travail domestique forcé ou à des travaux domestiques dangereux soient menées à leur terme et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées dans la pratique. Enfin, la commission prie le gouvernement de communiquer copie de l’enquête de 2010 sur la situation des petites filles domestiques à Casablanca.

Article 4, paragraphe 3. Examen périodique et révision de la liste des types de travail dangereux. La commission note avec intérêt la communication du gouvernement adressée au Bureau au mois d’avril 2010 relative à l’adoption imminente d’un décret d’application du Code du travail promulgué par le dahir du 24 décembre 2004 qui fixe la liste des travaux dangereux interdits aux enfants de moins de 18 ans. Ce projet de décret a été validé au cours d’un séminaire tripartite au mois d’avril 2010. En outre, d’après les informations communiquées par le représentant du gouvernement devant la Commission de l’application des normes en juin 2010 ainsi que dans le rapport du gouvernement, la nouvelle liste relève le nombre de types de travail dangereux de 10 à 30. La commission prie le gouvernement de communiquer copie du projet de décret fixant la liste des travaux dangereux interdits aux enfants de moins de 18 ans une fois qu’il aura été adopté.

Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéas a) et b). Empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants et les soustraire de ces pires formes et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Prostitution enfantine et tourisme sexuel. Dans ses précédents commentaires, la commission s’était dite préoccupée par la persistance de la prostitution enfantine et du tourisme sexuel impliquant de jeunes marocains et immigrés, notamment des garçons, et ce malgré la modification du Code pénal de 2003 qui a introduit le crime de tourisme sexuel. Elle avait noté que, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan national d’action pour l’enfance (PANE) pour la décennie 2006-2016, une étude préliminaire sur la problématique de l’exploitation sexuelle des enfants avait été réalisée au cours du mois de février 2007 en vue de l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention et la lutte contre une telle exploitation. Elle a en outre noté que des unités de protection de l’enfance (UPE) ont été mises en place à Casablanca et Marrakech pour assurer une meilleure prise en charge médicale, psychologique et légale des enfants victimes de violence ou maltraitance, dont les enfants victimes d’exploitation sexuelle ou économique.

La commission note les informations du gouvernement dans son rapport selon lesquelles le fléau de l’exploitation sexuelle des enfants demeure invisible et méconnu au Maroc, raison pour laquelle le gouvernement ne ménage pas ses efforts. Elle note qu’un numéro vert a été mis à la disposition des enfants victimes de violence par l’Observatoire national des droits de l’enfant. Néanmoins, la commission note avec regret que l’élaboration de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants est toujours au stade du processus de consultation. Elle observe de plus que, une fois encore, le rapport du gouvernement ne fournit aucune information relative aux résultats de l’étude préliminaire sur la problématique de l’exploitation sexuelle des enfants réalisée en février 2007.

La commission note que, d’après une étude intitulée «L’exploitation sexuelle de l’enfant – cas de Marrakech» réalisée par l’UNICEF en 2003 et dont les résultats s’appuient sur un échantillon de cent mineurs prostitués, parmi lesquels 62 garçons et 38 filles, la majorité des enfants ont commencé à se prostituer après une rupture scolaire. En outre, seuls trois enfants sur les cents interrogés sont scolarisés et 16 n’ont jamais fréquenté l’école. Parmi les mineurs prostitués qui n’ont jamais fréquenté l’école, la plupart sont des filles qui ont été placées très jeunes dans des familles pour y travailler comme domestiques. Les résultats de l’enquête révèlent également que 71 pour cent des enfants déclarent avoir des clients étrangers et marocains. Par ailleurs, il semble que de nombreux mineurs travaillent en indépendants même si le recours à un proxénète semble davantage répandu chez les filles. D’après les témoignages des mineurs qui se prostituent, les policiers se laissent souvent soudoyer par les enfants eux-mêmes. Lorsqu’ils sont arrêtés, ils peuvent toutefois être placés en institutions caritatives. Cependant, les conditions de séjour dans ces établissements étant jugées mauvaises, les enfants ont tendance à s’en échapper. Exprimant sa vive préoccupation devant l’absence de mesures spécifiques prises pour empêcher que les enfants de moins de 18 ans ne soient victimes de prostitution ainsi que pour les soustraire de cette pire forme de travail et assurer leur réadaptation et intégration sociale, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer que la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants soit mise en œuvre dans les plus brefs délais. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations sur les progrès réalisés à cet égard, en termes du nombre d’enfants qui auront été prévenus ou retirés de la prostitution dans le cadre de la stratégie nationale. Elle prie également le gouvernement de communiquer copie de l’étude préliminaire sur la problématique de l’exploitation sexuelle des enfants réalisée en février 2007 en vue de l’élaboration de la stratégie nationale.

Alinéa d). Enfants particulièrement exposés à des risques. Travail domestique des enfants. La commission a précédemment noté l’adoption du Programme national de lutte contre le travail domestique des petites filles (INQAD) dans le cadre du PANE. Elle a également noté que, dans le cadre de son plan stratégique de 2008-2012 et suite à la mise en œuvre du programme INQAD, le ministère du Développement social, de la Famille et de la Solidarité prévoit l’organisation de la deuxième campagne nationale de sensibilisation pour la lutte contre le travail domestique des petites filles ainsi que l’élaboration de plans d’intervention régionaux. En outre, elle a noté que, dans le cadre du Programme multisectoriel de lutte contre les violences fondées sur le genre par l’autonomisation des femmes et des filles au Maroc, mis en œuvre en collaboration avec le PNUD, l’OIT/IPEC a initié un programme d’action de lutte contre le travail domestique des filles dans la région de Marrakech Tensift-El Haouz pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Tout en prenant note des mesures prises par le gouvernement dans la lutte contre le travail domestique des enfants, la commission note l’absence d’informations sur les résultats effectivement obtenus dans le cadre du programme INQAD et du programme de l’OIT/IPEC en termes du nombre d’enfants de moins de 18 ans prévenus ou retirés des pires formes de travail des enfants dans le secteur du travail domestique. Se référant aux conclusions de la Commission de l’application des normes, la commission prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts en matière d’identification, de retrait et de réinsertion des filles de moins de 18 ans qui travaillent comme domestiques et qui sont victimes d’exploitation économique ou sexuelle. Elle le prie également à nouveau de communiquer des informations sur les résultats obtenus à cet égard et en particulier dans le cadre du programme INQAD.

La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

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