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Cas individuel (CAS) - Discussion : 1988, Publication : 75ème session CIT (1988)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Equateur (Ratification: 1967)

Autre commentaire sur C087

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Un représentant gouvernemental a désiré rappeler qu'un nouveau gouvernement entrera en fonction en Equateur le 10 août 1988, ce qui aura des conséquences importantes, puisqu'il incombera à ce nouveau gouvernement d'adopter des mesures concernant les points traités par la présente commission. Il a déclaré qu'il y a, en Equateur, une totale liberté d'organisation syndicale garantie par la Constitution, ainsi que par la législation du travail, conformément aux dispositions de la convention. Le BIT a été informé de cela depuis de nombreuses années; le Code du travail a été adopté dix ans avant l'approbation de la présente convention, et il contenait déjà les idéaux préconisés par la convention. Dans son pays, les dispositions de la convention no 87 sont appliquées de façon active et intense dans la vie pratique; il ne s'agit pas d'une simple fiction juridique, mais d'un instrument d'application quotidienne. Son gouvernement, convaincu de l'efficacité et de l'utilité du syndicalisme, a stimulé le dialogue entre les partenaires sociaux; il a encouragé la négociation collective, comme instrument approprié pour régler les relations de travail et accélérer la procédure de fixation des salaires. Ces huit derniers mois, on a enregistré 157 nouvelles organisations syndicales, ce qui démontre que la période constitutionnelle de l'actuel gouvernement (de 1984 à 1988) a représenté une étape de paix du travail, bien que l'on puisse en avoir une image différente si l'on se réfère aux prétendus arrêts de travail généraux qui ne portent pas sur des plateformes revendicatives de travail et que le gouvernement s'est vu contraint de contrôler, avec prudence. afin d'éviter le vandalisme et d'assurer la protection des citoyens. Le représentant gouvernemental a signalé que la situation pouvait être améliorée, et son gouvernement est disposé à tenir compte des observations formulées par la commission d'experts à propos de la présente convention, sans que cela implique une menace pour l'indépendance ou la souveraineté nationale, et les intérêts suprêmes du peuple comme la paix publique, l'ordre intérieur et la sécurité extérieure. Des observations raisonnables peuvent parfaitement être prises en compte. Le représentant gouvernemental a énuméré les observations formulées par la commission d'experts et a attiré l'attention sur le fait que, bien que la commission fasse allusion à la réponse du gouvernement concernant les quatre premiers points de l'observation. elle n'indique pas si cela est suffisant ou non; d'où il s'ensuit que le pouvoir exécutif n'a pas pu exercer son droit d'initiative devant le Congrès, et ces quatre points de l'observation n'ont, par conséquent, toujours pas trouvé de solution définitive. Aujourd'hui, le gouvernement actuel se trouve confronté au fait que ces points sont entre les mains du gouvernement récemment élu qui entrera en fonction dans les prochaines semaines. Enfin, pour ce qui est de l'observation relative à la nécessité de dispositions garantissant la protection contre les actes de discrimination antisyndicale au moment de l'embauche, son gouvernement estime que la commission d'experts devrait indiquer clairement ce qu'elle demande. De l'avis du gouvernement, la législation en vigueur est plus que suffisante et efficace puisque, si dans un contrat de travail il existait une clause contrevenant à la liberté syndicale, cette disposition serait nulle et non avenue, et si des activités antisyndicales prenaient des proportions extrêmes, le cas relèverait du domaine pénal, en tant qu'infraction aux droits constitutionnels. Le représentant gouvernemental a assuré que son pays respecte pleinement toutes les dispositions de la convention, et que le gouvernement a pris en compte les observations de la commission d'experts, dans l'intention de les traduire dans la pratique, dans le cadre des possibilités et des modalités du système juridique du pays.

Les membres travailleurs ont relevé de nombreuses contradictions dans les déclarations du représentant gouvernemental: le gouvernement reconnaît que des changements sont nécessaires, mais cependant tout va bien; la commission d'experts n'a pas expliqué clairement ce que le gouvernement devrait faire, et pourtant le représentant a cité la liste des manquements énumérés dans l'observation. En bref, rien n'a été fait. Des contacts directs ont eu lieu en 1980 et 1985, aboutissant à des recommandations, mais, malheureusement, aucun progrès n'a été réalisé. Même s'il est vrai qu'il existe des syndicats libres en Equateur, ces mêmes syndicats ont relevé la nécessité de changements au plan de la législation. Le gouvernement s'ingère dans les affaires syndicales, ce qui est en contradiction avec la convention. Les fonctionnaires de la fonction publique n'ont pas le droit de créer des syndicats, les dirigeants syndicaux doivent être de nationalité équatorienne, les conseils d'entreprise peuvent être dissous automatiquement si leur nombre d'adhérents tombe en dessous d'un certain seuil, et les arrêts collectifs de travail peuvent être sanctionnés par des peines d'emprisonnement. L'argument du gouvernement selon lequel tout cela est nécessaire pour des raisons d'ordre, de sécurité et de protection de la population est tout bonnement inacceptable. Dans les années qui ont suivi les derniers contacts directs, le gouvernement n'a rien fait pour garantir la conformité avec la présente convention. A l'heure où un nouveau gouvernement va entrer en fonction, la commission court le risque de constater à nouveau, l'an prochain, qu'aucun progrès n'a été réalisé.

Un membre travailleur de l'Equateur a apporté son soutien total aux déclarations des membres travailleurs. Il a estimé, lui aussi. que les propos du gouvernement sont truffés de contradictions, ce qui ne contribue pas à trouver une solution aux problèmes de divergences dans la mise en oeuvre de la convention. La déclaration du gouvernement est de nature générale et contradictoire et ne fait mention d'aucun progrès réalisé sur les questions soulevées dans les observations de la commission d'experts. Dire que des mesures législatives n'ont pu être prises parce que le gouvernement arrive à la fin de son mandat, et qu'il incombera au nouveau gouvernement de les adopter, ne peut servir de justification. Les conditions que connaissent les travailleurs non seulement ne se sont pas améliorées, mais se sont même détériorées. Il existe une liberté d'association, mais, des interdictions sont prononcées à l'égard du droit d'association, de négociation collective et de grève pour les salariés de la fonction publique. La situation s'est également aggravée du fait de la crise économique actuelle, qui se traduit par plus de deux millions de chômeurs ou de sous-employés; il s'en est suivi la création. au sein de certaines entreprises, d'entreprises parallèles qui profitent de cette situation de chômage pour embaucher des travailleurs avec des salaires plus bas que ceux stipulés dans les conventions collectives. Les travailleurs équatoriens n'ont plus confiance en leur gouvernement. Le membre travailleur de l'Equateur a signalé qu'en 1987, le gouvernement avait proposé au Congrès certaines modifications du Code du travail, destinées à limiter le droit d'entreprendre des grèves de solidarité, et qui, en relation avec le travail à temps partiel, auraient été en conflit avec les dispositions législatives relatives à l'égalité de traitement dans les différentes formes de travail. Le Congrès a, fort heureusement, rejeté ces amendements. Le membre travailleur a fait également référence au salaire minimum vital qui, en 1984, était équivalent à 96 dollars américains et qui, aujourd'hui, n'est plus l'équivalent que de 30 dollars américains pour une famille type de cinq personnes. Il est faux de dire, comme le fait le gouvernement, qu'il existe une liberté syndicale absolue et totale dans le pays; il a relevé que les exigences des travailleurs à travers les trois centrales syndicales formant le Front unitaire des travailleurs (Frente Unitario de Trabajadores), catalogué comme une action illégale et politique par le gouvernement, les réclamations des travailleurs portaient sur des augmentations de salaire, la résolution des conflits collectifs du travail, le gel des prix des produits alimentaires, le crédit et l'assistance technique accordés aux petits agriculteurs, l'amélioration du système de sécurité sociale, la non-augmentation du prix des transports et le non-remboursement de la dette extérieure. Afin d'appuyer ces revendications, les centrales syndicales ont appelé à une grève nationale le 1er juin 1988, qui s'est soldée par l'arrestation de six travailleurs, dont José Chavez, le président de la CEOSL. Enfin, il a affirmé que les problèmes sociaux de l'Equateur doivent être résolus prioritairement par rapport au problème de la dette extérieure. Et bien que les travailleurs mettent peu d'espoirs dans le nouveau gouvernement qui prendra la relève le 10 août 1988, étant donné la grave crise économique, ils veulent croire que les droits de l'homme seront respectés.

Les membres employeurs ont estimé qu'il est clair qu'aucun progrès n'a été réalisé dans ce cas. Le gouvernement a indiqué dans son rapport qu'il était prêt à procéder à des changements dans trois des six domaines qui posent problème (le droit d'association des fonctionnaires de la fonction publique, l'éligibilité d'étrangers aux comités directeurs des syndicats et la dissolution des conseils d'entreprise), mais le représentant gouvernemental n'a mentionné aucun projet de loi ou décret qui aurait été soumis à une autorité compétente afin de remédier à ces difficultés. La mission de contacts directs de 1985 avait préparé un projet de législation dans tous ces domaines. L'an dernier, le cas en était au même point, sans que le gouvernement n'ait donné aucune indication d'une réelle volonté de pallier ces insuffisances.

Le représentant gouvernemental n'a pas réussi à reconnaître son propre pays dans la plupart des propos qui viennent d'être tenus. Il a admis que dans son pays les salaires et les revenus étaient peu élevés, le salaire moyen étant, en fait, trois fois supérieur au salaire minimum. Le Congrès discute actuellement d'une augmentation de ce dernier, et l'arrêt de travail mentionné par le membre travailleur de l'Equateur n'a été déclenché qu'en prévision du cas où cette augmentation ne serait pas adoptée. L'arrêt a été provoqué par une augmentation du prix - très bas - des transports publics. L'orateur a fait référence aux conditions économiques générales dans le pays, dont il a dit qu'elles ne sont pas les pires de la région. Il a nié que le gouvernement commet des crimes économiques à l'encontre des travailleurs, dont la situation, si elle n'est pas satisfaisante, est du moins stable. Les travailleurs jouissent de la liberté d'association et de la liberté d'expression; à titre d'exemple, il a cité un article de presse rédigé par un dirigeant syndical qui parlait de la "stupidité du ministre du Travail" par rapport aux revendications formulées par les travailleurs des transports. Son pays applique à la lettre la convention, même si les modifications recommandées par les missions de contacts directs n'ont pas été effectuées. Relevant que la Centrale équatorienne des organisations de la classe ouvrière a formulé des commentaires concernant cette convention, il a affirme que son gouvernement a une idée très claire de ce qu'il convient de faire. Le gouvernement est disposé à amender sa législation, mais il ne peut pas le faire tous les jours. Face à l'opposition rencontrée, il n'a pas été possible d'opérer les changements. Il a admis qu'il existait certaines contradictions dans cette situation.

Les membres travailleurs ont déclaré que, compte tenu de l'importance de cette convention et du fait que ce problème est discuté depuis fort longtemps, la situation déplorable justifie que ce cas soit mentionné dans un paragraphe spécial du rapport de la présente commission. Les membres employeurs se sont ralliés à cette proposition, étant donné l'importance des questions soulevées et l'absence manifeste de progrès.

La commission a pris note des explications fournies par le représentant gouvernemental et des indications fournies concernant les questions posées par la commission d'experts. La commission a noté que le gouvernement a accepté plusieurs des recommandations qui ont été formulées au cours de la mission de contacts directs. La commission a exprimé l'espoir que les autres divergences seront éliminées de toute urgence, afin de mettre le droit et la pratique en pleine conformité avec la convention. Elle prie le gouvernement de fournir des informations complètes en réponse à tous les points soulevés par la commission d'experts, notamment concernant toutes mesures prises ou envisagées en rapport avec l'application de la convention. Elle décide de mentionner ce cas dans la partie appropriée de son rapport.

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