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Cas individuel (CAS) - Discussion : 1992, Publication : 79ème session CIT (1992)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Equateur (Ratification: 1967)

Autre commentaire sur C087

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Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

En ce qui concerne les commentaires de la commission d'experts, le gouvernement souligne que les modifications du Code du travail introduites par la loi no 133 sont le résultat d'un important processus de discussion et de débat au niveau national. La loi en question modernise le Code du travail de 1938 et répond aux nécessités imposées par les réalités économiques et commerciales actuelles sans perdre pour autant de vue l'intangibilité des garanties en matière de travail prévues par les conventions internationales.

La loi no 133 constitue un progrès important dans la protection des intérêts des travailleurs. Afin de rendre les relations professionnelles plus responsables et de garantir un droit de recours aux travailleurs pour revendiquer leurs droits en cas de risque de perte de leur travail, la loi introduit également deux nouveaux motifs pour déclencher une grève (art. 63 (6) et (7)), et elle augmente les amendes imposées en général aux employeurs lorsque ceux-ci manquent aux dispositions de la loi qui protège les travailleurs.

Les points de vue qui ont été exprimés par des représentants des chambres de commerce et des organisations des travailleurs lors de réunions antérieures ont été pris en considération au cours de l'élaboration du projet de réformes.

Au sein de l'Assemblée nationale, il appartient à la Commission pour les affaires de travail et les affaires sociales d'engager la procédure constitutionnelle prévue pour les projets de réformes proposés par le pouvoir exécutif ainsi que pour les propositions faites à cet organe par le Front unitaire des travailleurs et la Centrale équatorienne des organisations de classes.

Le but des réformes est l'établissement d'un instrument équilibré et équitable pour réglementer les relations professionnelles, dans la mesure où ces réformes visent à corriger des procédures défectueuses, à donner une souplesse et une sécurité à l'exercice du droit de recours et à améliorer le degré de protection individuelle des travailleurs.

Augmentation du nombre minimum nécessaire de travailleurs pour constituer des associations syndicales (art. 53 et 55 de la loi no 133):

Le gouvernement est d'avis que l'exercice du droit de se syndiquer n'est pas entravé par les articles 53 et 55 de la loi no 133 qui augmentent le nombre minimum nécessaire de travailleurs pour constituer des associations syndicales. En effet, le premier paragraphe de l'article 8 de la convention no 87 dispose que, dans l'exercice des droits syndicaux, les travailleurs sont tenus de respecter la légalité. Cet instrument international a par conséquent conféré à chaque pays le pouvoir de déterminer, à la lumière de la réalité nationale, le nombre de travailleurs nécessaire pour la constitution de syndicats. C'est précisément la réalité économique, productive et sociale prévalant en Equateur qui a rendu nécessaire la révision du nombre minimum de travailleurs pour constituer des associations syndicales; la règle antérieurement en vigueur avait été adoptée en 1938, à une époque où le développement industriel et professionnel du début du siècle était encore dans sa phase initiale. Aujourd'hui, le pays est engagé dans un processus régional et subrégional d'intégration économique, industrielle et douanière. Au 30 avril 1992, 41 organisations de travailleurs ont été constituées en vertu de la loi no 133. Il est également important de souligner que le législateur a porté une attention particulière à la protection des droits acquis et à la personnalité juridique des organisations constituées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi mentionnée. A cette fin, une disposition transitoire a été incorporée dans la loi.

Décision du ministre du Travail concernant les services minima en cas de grève (art. 69 de la loi no 133):

Le législateur a été d'avis que le gouvernement a le devoir fondamental de veiller au fonctionnement des services minima en cas de grève dans les institutions qui fournissent des services qui sont essentiels pour l'intérêt social ou public. Il ne s'agit pas d'une règle d'application générale, mais d'une disposition à caractère exceptionnel, applicable aux institutions qui fournissent des services essentiels pour l'intérêt social ou public. Dans ce champ d'application limité, la disposition en question s'applique uniquement en cas de désaccord entre les parties. Il convient de signaler que, depuis 1991, le pays a souffert de façon dramatique des effets d'une grave épidémie de choléra. De ce fait, il a été indispensable que les services hospitaliers et de santé, en particulier ceux situés dans les zones rurales manquant de facilités sanitaires, continuent à fonctionner. Toutefois, dans ces circonstances, des grèves nationales et régionales ont été déclenchées par les travailleurs du secteur de la santé et ont complètement paralysé les services médicaux. Cette situation n'a pas seulement entraîné la mort de personnes atteintes par le choléra qui n'ont pas reçu les soins médicaux nécessaires, elle a également mis dans une situation critique et de grand danger des parties de la population qui ont été privées de ce service public essentiel. Toute société a sans aucun doute, et davantage les sociétés qui se trouvent au bord de la pauvreté, l'obligation fondamentale de maintenir le droit à la vie et à la santé des citoyens. Confronté à cette réalité, le gouvernement a été obligé d'adopter, sans pour autant entraver le droit de recourir à la grève ou à d'autres actions de revendication, des mesures adéquates pour maintenir une garantie minimale de fonctionnement des services essentiels dans le cas où, une fois les délais prévus par la loi écoulés, les parties ne sont pas en mesure de se mettre d'accord sur le maintien de ces services.

Projets de modifications de la législation du travail:

Dans le cadre des obligations du gouvernement vis-à-vis de l'Organisation internationale du Travail, le ministère du Travail a fait plusieurs démarches auprès de l'Assemblée nationale en vue d'inclure dans les réformes, en matière de travail, analysées au sein de cet organe, l'examen de projets de modifications et d'interprétation législative relatifs aux dispositions qui ont fait l'objet de commentaires de la commission d'experts. A la lumière des obligations qui le lient et considérant qu'il est de l'intérêt du gouvernement d'assurer l'application des conventions internationales ratifiées, le ministre du Travail, dans sa communication no DM900116 du 18 avril 1991, a demandé au président de l'Assemblée d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée, conformément à la procédure constitutionnelle, les projets de loi qui ont été soumis à cet organe législatif en date du 22 mai 1990. Par la suite, dans la communication no AIT-91102 du 19 juillet 1991, le ministère du Travail a demandé au président de la Commission des affaires du travail et des affaires sociales de l'Assemblée de procéder à l'examen des réformes du Code du travail. Enfin, dans la communication no AIT-91117 du 12 août 1991, le ministère du Travail lui-même s'est à nouveau adressé au vice-président de la commission précitée et lui a demandé instamment de faire avancer l'examen et l'adoption des réformes législatives introduites le 22 mai 1990. Dans ces circonstances, le gouvernement réitère son intention d'insister auprès des autorités compétentes de l'Assemblée nationale pour qu'elles examinent et approuvent les projets de loi dont le sort final sera déterminé par cet organe législatif.

Le gouvernement a joint à son rapport une copie des communications dont il a fait mention.

En outre, un représentant gouvernemental, le ministre du Travail et des Ressources humaines, a apporté des informations sur les efforts déployés par son gouvernement afin de réviser la législation du travail. Il a rappelé que, en novembre 1989, à la demande du Président Rodrigo Borja, une mission consultative du BIT s'est rendue en Equateur pour étudier entre autres les questions portant sur l'application de cette convention. A la suite de cette mission, des projets de loi tenant compte des suggestions de la mission du BIT ont été soumis au Congrès. Ces projets n'ont malheureusement pas encore été adoptés. Malgré une communication adressée en avril 1991 au président du Congrès, et une autre, en juillet 1991, au président de la Commission de législation du travail, et bien que ces deux personnalités soient des militants syndicaux actifs, les projets de loi n'ont pu être adoptés, tandis qu'étaient laissés en suspens les problèmes visés par la commission d'experts. L'orateur a invité les membres travailleurs de son pays à soutenir le gouvernement dans ses efforts pour faire aboutir les projets de loi avant la fin de la présente législature, en août 1992. En ce qui concerne la partie de l'observation de la commission d'experts portant sur les problèmes liés à la présente convention soulevés par l'application de la loi no 133 de 1991 modifiant le Code du travail, il convient de rappeler l'origine de cette réforme. Celle-ci est intervenue à la suite d'un large processus de consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs, comme l'Equateur n'en avait jamais connu au cours de son histoire en tant que démocratie constitutionnelle. La réforme de 1991, dont il est regrettable que la commission d'experts n'ait relevé que deux points, représente un ensemble de conquêtes de la plus haute importance pour les travailleurs. Le représentant gouvernemental a soutenu que la loi no 133 de 1991 ne violait pas les dispositions de la convention. En effet, la convention ne comporte pas de disposition sur le nombre minimum de travailleurs requis pour constituer une organisation de travailleurs. Il est généralement admis que ce nombre varie entre 20 et 30 travailleurs. L'évolution des conditions économiques et sociales a amené à modifier les dispositions du Code du travail de 1938 et à porter le minimum requis pour constituer un syndicat de 15 à 30 travailleurs. Rappelant les propos tenus par le Président de la République de Zambie en séance plénière de la Conférence, selon lesquels il convient de ne pas légiférer contre les employeurs, ainsi que l'offre du Directeur général du BIT d'apporter son assistance technique aux pays qui souhaitent assouplir leur législation du travail pour l'adapter aux nouvelles conditions économiques et sociales, l'orateur a indiqué que son gouvernement avait introduit des éléments de souplesse dans le droit du travail. Les résultats atteints par l'application pratique de la loi no 133 de 1991 doivent être soulignés: depuis six mois qu'elle est en vigueur, 41 organisations de travailleurs ont été enregistrées et l'incidence des conflits du travail a diminué. S'agissant de l'intervention du ministère du Travail, en cas de désaccord entre les parties, concernant les services minima à maintenir en cas de grève dans les services considérés comme essentiels, le représentant gouvernemental a indiqué que des grèves dans des services essentiels, et notamment dans les hôpitaux, ont causé une grande détresse dans les couches les plus pauvres de la population. La réglementation de la grève doit être considérée comme un bienfait pour la société, tant du point de vue du gouvernement que de celui des syndicats. En tout état de cause, la loi no 133 de 1991 a augmenté le nombre de cas dans lesquels une grève peut être déclenchée. Finalement il a souligné la nécessité de modifier la législation du travail afin de faire face au principal problème du gouvernement qui est le manque d'emploi, l'augmentation du sous-emploi et du chômage. L'emploi est la préoccupation prioritaire du gouvernement, et des mesures doivent être prises afin d'encourager la création d'entreprises.

Les membres travailleurs ont exprimé leur profonde déception du fait que le gouvernement n'ait pas profité de l'adoption de la nouvelle loi no 133 modifiant le Code du travail pour mettre sa législation en conformité avec la convention et pour donner suite aux commentaires que la commission d'experts formule depuis de nombreuses années, d'autant plus que ce cas a été discuté de nombreuses fois, que deux missions du BIT ont été effectuées en Equateur (1986 et 1989), pendant lesquelles le gouvernement a pris des engagements, et que des paragraphes spéciaux ont été introduits par la commission dans son rapport à la Conférence en 1988 et 1989. Malgré cela, des changements n'ont guère pu être notés. La nouvelle loi no 133 a fait l'objet d'un seul commentaire positif des experts (augmentation du nombre des cas dans lesquels une grève peut être déclenchée), mais elle pose des problèmes additionnels. Rien n'a malheureusement changé en ce qui concerne les graves violations que les experts ont soulevées depuis de nombreuses années. La loi no 133 semble être une tactique du gouvernement consistant à modifier quelques articles du Code du travail, à éviter des changements fondamentaux et, en même temps, à prétendre qu'on satisfait à la présente commission. Par ailleurs, le gouvernement a informé que les changements fondamentaux que la commission d'experts demande ont seulement été proposés au Congrès national par un député. Il semble que le sort du syndicalisme est donc devenu la responsabilité d'un seul député, et il faut regretter devoir constater un tel déclin des responsabilités. Les graves problèmes concernant l'application de la présente convention restent donc inchangés: l'interdiction faite aux fonctionnaires publics de constituer des syndicats, l'ingérence intolérable du gouvernement dans la gestion interne et dans l'existence même du mouvement syndical, la perception assez négative du gouvernement de la liberté syndicale et du rôle dynamique du syndicalisme dans l'économie et le développement du pays, et l'augmentation du nombre minimum nécessaire de travailleurs pour constituer des associations syndicales. Effectivement, la convention ne mentionne pas de chiffre concret, mais il est clair qu'en augmentant le nombre minimum nécessaire les possibilités réelles pour les travailleurs de créer des organisations syndicales et de mieux pouvoir défendre leurs intérêts diminuent. Les membres travailleurs ont fermement insisté auprès du gouvernement pour qu'il soit plus actif, pour qu'il mette fin à brève échéance aux problèmes signalés depuis longtemps et pour qu'il applique pleinement, dans la pratique, les normes et les dispositions de la convention.

Les membres employeurs se sont référés aux trois points relatifs à la nouvelle loi no 133 soulevés par la commission d'experts. En ce qui concerne l'élargissement des cas dans lesquels une grève peut être déclenchée, ils n'ont pas voulu faire d'autres commentaires, étant donné que ce point n'a pas été critiqué par les experts. S'agissant des deux autres questions (l'augmentation du nombre minimum nécessaire de travailleurs pour constituer des associations syndicales et la décision du ministère du Travail concernant les services minima en cas de grève et en cas de désaccord entre les parties), les experts ont estimé qu'elles peuvent poser des problèmes. Les experts n'ont apparemment pas été certains de ce fait et les membres travailleurs ont exprimé la même incertitude. Un grand nombre de pays connaissent des nombres minima nécessaires de travailleurs pour constituer des syndicats; selon les membres employeurs, il n'est toutefois pas nécessaire de fixer un chiffre. Comme la convention ne dit rien à ce sujet, la pratique constitue la meilleure orientation au cas où une telle liberté existe. Les experts ont estimé que le nombre fixé par la législation équatorienne (le chiffre a été porté de 15 à 30) laisse planer un doute. Les membres employeurs n'ont pas voulu continuer la discussion sur ce point, étant donné qu'il s'agit simplement d'une question à résoudre par la pratique. Quant aux problèmes que pourrait soulever la décision du ministère du Travail, en cas de désaccord entre les parties, concernant les services minima à maintenir en cas de grève, les membres employeurs ont été d'avis qu'il est nécessaire que des services d'urgence existent lorsqu'une grève est déclenchée. Et si les parties n'aboutissent pas à un accord concernant la définition de ces services, une décision doit être prise rapidement. Selon eux, la décision devrait appartenir alors à l'employeur. Ils ont estimé que cette solution peut se défendre juridiquement. Ils ont également indiqué qu'à tout le moins les services médicaux font partie des services essentiels qui ne doivent pas être interrompus et dans lesquels un service minimum doit être maintenu. Quant aux cinq anciens points, dont la présente commission a déjà discuté dans le passé, les experts ont exigé des modifications. Les membres employeurs ont estimé que ces points ont un poids différent. Pour ce qui est des sanctions pour fait de grève, ils supposent qu'il s'agit de grèves illégales. Compte tenu du fait que la présente commission ne connaît pas la définition de grève illégale dans le pays, cette question reste pour le moment en suspens. Quant à la dissolution administrative des conseils d'entreprise lorsque le nombre de ses membres tombe en dessous de 25 pour cent du total des travailleurs, ils ont été d'avis que, la convention ne contenant pas de dispositions précises à ce sujet, le principe général selon lequel la liberté doit être aussi grande que possible en cette matière s'applique et que cette question doit être réglée par la pratique. Les autres points, notamment l'exclusion des fonctionnaires de la liberté de créer un syndicat, l'exigence d'être Equatorien pour être membre du comité directeur d'un conseil d'entreprise ainsi que la limitation des activités des syndicats dans le domaine politique et religieux, constituent des interventions injustifiables dans la liberté syndicale. En ce qui concerne les quatre projets de réformes légales présentés par un député au Congrès national et mentionnés dans le rapport des experts, les membres employeurs ont demandé au représentant gouvernemental de fournir des informations sur le contenu des amendements à la loi proposés, d'indiquer également les chances qu'ont ceux-ci pour aboutir à une nouvelle loi et de communiquer les intentions du gouvernement à cet égard.

Un membre travailleur des Etats-Unis, s'exprimant au nom de l'ensemble des membres travailleurs, a regretté d'avoir à traiter de ce problème qui existe depuis longtemps. Il a estimé qu'il devient urgent d'y remédier. Il s'est déclaré d'autant plus inquiet à cause de l'absence d'informations de la part du représentant gouvernemental sur les résultats de la mission de contacts directs effectuée en 1986. Six ans après cette mission, la situation n'a toujours pas changé. L'exaspération des travailleurs les a finalement amenés à insister pour obtenir l'inclusion dans le rapport de la commission d'un long paragraphe spécial sur cette question. L'orateur a demandé au représentant gouvernemental d'indiquer à la présente commission les recommandations de la mission de contacts directs qui ont été mises en oeuvre en vue de procéder aux réformes nécessaires et celles qui ne l'ont pas été, ainsi que les raisons de cela.

Un membre travailleur de l'Equateur a regretté que les modifications du Code du travail, qui ont été introduites par la loi no 133 de 1991, constituent un retour en arrière de cinquante ans dans les domaines de la liberté syndicale, de la négociation collective et de la grève et que le gouvernement n'ait entrepris aucune démarche pour réaliser l'adoption, par le Congrès national, des projets de loi élaborés avec l'assistance du BIT et qui portent sur quatre des points soulevés par la commission d'experts depuis de nombreuses années. En ce qui concerne la constitution des syndicats, et plus particulièrement l'augmentation du nombre minimum nécessaire de travailleurs en vertu de la loi no 133 (le nombre a été porté de 15 à 30), le gouvernement a justifié cette disposition devant la presse en déclarant qu'elle avait pour but l'augmentation des emplois et que, si on empêchait les syndicats dans les entreprises de moins de 30 travailleurs, il n'y aurait pas davantage d'entreprises. Il s'agit d'une violation de la convention, surtout si l'on tient compte du fait que la grande majorité des entreprises en Equateur emploient moins du nombre minimum nécessaire de travailleurs exigé par la loi pour constituer un syndicat et que, d'autre part, ce nombre minimum peut ne plus être atteint par le licenciement des membres affiliés étant donné que les employeurs sont seulement tenus de leur verser une indemnité. La constitution des syndicats est également entravée par le fait que le ministère du Travail renvoie très souvent les statuts des syndicats sans les avoir enregistrés - et parfois à plusieurs reprises -, et cela pour des raisons de pure forme, sans véritable signification, telles que l'absence d'un mot, d'un point ou d'une virgule, ce qui entraîne une violation de la loi. En ce qui concerne l'interdiction pour les fonctionnaires publics de constituer des syndicats, le Président de la République a déclaré à la presse que tolérer le syndicalisme dans le secteur public constitue le chemin le plus court vers la dissolution de l'Etat. Une telle conception a inspiré la politique du gouvernement en matière de syndicalisme. Il est également interdit aux fonctionnaires du secteur public de négocier collectivement et de conclure des conventions collectives. De plus, l'article 73 de la loi sur les forces armées interdit la constitution d'organisations syndicales regroupant des travailleurs civils employés dans les entreprises qui sont affectées à l'armée. L'orateur a également critiqué la réglementation relative aux services minima à maintenir en cas de grève dans les services essentiels, telle qu'elle est prévue par la loi no 133. Il s'agit d'une gamme d'activités publiques et privées qui ne correspondent pas aux services essentiels; les services minima doivent être maintenus avec pas moins de 20 pour cent des travailleurs et, dans le cas où les parties ne se mettent pas d'accord sur le nombre de travailleurs devant garantir le maintien d'un service minimum, le ministère du Travail prend une décision à cet égard, y compris dans le secteur public où l'Etat est juge et partie. Si les travailleurs n'acceptent pas le service minimum tel qu'il a été décidé par le ministère, ils risquent d'être licenciés, leur responsabilité civile peut être engagée et de nouveaux travailleurs peuvent être engagés. L'orateur a critiqué les dispositions de la loi no 133 relatives à la nécessité de constituer un comité central unique représentant 50 pour cent des travailleurs d'une usine, d'une entreprise ou d'une industrie du secteur public pour pouvoir négocier collectivement. En effet, ce comité se substitue aux syndicats et est dissout après la signature de la convention collective. Le suivi des conventions collectives est ainsi rendu impossible. De plus, l'exigence de représenter 50 pour cent des travailleurs du niveau de la négociation peut être difficile à remplir. L'orateur a conclu en signalant que le présent cas a été discuté depuis de nombreuses années, qu'il appuyait les observations de la commission d'experts et qu'il espérait que celle-ci examinera les points auxquels il s'est référé.

Un membre employeur de l'Equateur a déclaré que l'intervention du membre travailleur de son pays dressait un tableau disproportionné et caricatural qui ne correspond absolument pas à la situation dans le pays, et il a déploré que les organisations syndicales n'aient pas voulu participer à la première phase des travaux prévus par les réformes du Code du travail et que, lors de la phase ultérieure, elles n'y aient participé que de façon insatisfaisante. Il a également regretté que les questions traitées soient interprétées hors de leur contexte et qu'on ait omis toute référence aux conquêtes en matière de travail consacrées par la loi no 133: l'augmentation des indemnités en cas de licenciement injustifié; la possibilité pour les syndicats d'intervenir comme partie dans les procès en matière fiscale où l'Etat introduit une requête contre une entreprise; la possibilité d'exercer le droit de grève pendant le déroulement de la négociation collective; la création d'un conseil de salaires minima de caractère tripartite; la suppression de la cessation de la relation de travail pour des raisons préjudiciables dans les contrats de durée indéterminée, etc. En ce qui concerne le droit de constituer des syndicats dans le secteur public, une disposition restrictive existe, mais seulement en théorie - et cela explique les déclarations faites par le Président de la République puisque la majorité des fonctionnaires publics équatoriens jouissent de ce droit depuis la modification de l'article 125 de la Constitution en 1978. Il existe des syndicats dans les communes, dans le secteur pétrolier, dans le secteur de l'électricité, etc., et, pour cette raison, la loi no 133 a réglementé les services minima à maintenir en cas de grève. A l'égard de tels services, l'intérêt de la communauté est considérablement plus respectable que celui - également respectable - que les dirigeants syndicaux veulent faire valoir et, à cause de cela, le pays ne saurait être livré à la merci des syndicats. L'augmentation du nombre minimum nécessaire de travailleurs pour constituer un syndicat se réfère implicitement au secteur informel dans un contexte où les entreprises connaissent beaucoup d'entraves. Il a fallu choisir entre une législation rigide et une légalité flexible, sensible et prudente dans laquelle se réunissent tous les facteurs présents. Enfin, il a indiqué que les services minima en cas de grève répondent à l'exigence d'égalité dans les relations professionnelles et à l'exercice des droits de toutes les parties, et que les organisations syndicales ont souscrit à maintes reprises les clauses relatives à ces services.

Un membre travailleur de la France a fait observer que les propos tenus par le membre employeur de l'Equateur feraient presque penser que la situation est satisfaisante et oublier les graves critiques signalées par les experts. Ces propos n'ont pas apporté d'éléments qui puissent changer la nécessité de modifier les dispositions relatives à l'interdiction pour les fonctionnaires de constituer des syndicats et à toutes les entraves à la liberté syndicale. En outre, le fait qu'un représentant des employeurs tente de faire croire à la présente commission qu'il est possible en Equateur, où encore tant d'entraves existent dans la législation, de faire que le pays serait à la merci des dirigeants syndicaux, dépasse les limites du raisonnable. Considérant que les modifications demandées par la commission d'experts doivent être exigées, il a exprimé le ferme espoir que le gouvernement s'efforcera de modifier la législation dans le sens indiqué par les experts et que les employeurs équatoriens respecteront non seulement la législation mais également les travailleurs dans ce pays.

Un membre travailleur de l'Equateur a déclaré que les organisations syndicales avaient présenté par écrit leurs propositions relatives aux réformes du Code du travail au gouvernement et que celui-ci ne les avait pas retenues. Etant donné les divergences qui existent entre les membres de la présente commission, il a demandé qu'une mission du BIT soit effectuée en Equateur afin d'obtenir des informations sur l'application de la convention.

Un membre travailleur de la Colombie a regretté que le membre employeur de l'Equateur ait considéré le secteur informel comme la panacée en Amérique latine et ait justifié l'affaiblissement du mouvement syndical. Les problèmes qu'entraîne le modèle capitaliste sauvage doivent être abordés de manière conjointe en Amérique latine. Etant donné qu'il n'a pas été répondu aux points soulevés par le membre travailleur de l'Equateur, la commission d'experts devrait les examiner l'année prochaine.

Un membre travailleur du Pakistan a signalé que le droit d'association, reconnu par la convention, avait une même importance pour les travailleurs et pour les employeurs. Il a fait un appel aux employeurs de porter une attention particulière à cette situation, même si celle-ci ne comprend que le droit d'association des travailleurs, parce que le pouvoir du gouvernement de dissoudre de telles organisations pourrait également s'appliquer à eux. Selon lui, les syndicats donnent toujours la priorité aux intérêts de la communauté au lieu de considérer en premier lieu leurs propres intérêts. Il a exprimé l'espoir que la législation nationale sera prochainement mise en pleine conformité avec les exigences de la convention.

Un membre travailleur du Royaume-Uni, s'exprimant au nom des membres travailleurs, a formulé des doutes quant aux assurances données par le représentant gouvernemental selon lesquelles son gouvernement n'avait pas l'intention de restreindre le droit d'association des travailleurs. Les travailleurs des entreprises publiques telles que la société d'électricité et les sociétés pétrolières bénéficient de certains droits tandis que les employés de l'administration de l'Etat sont toujours privés du droit d'association. Il s'est déclaré particulièrement préoccupé de ce que les fonctionnaires en Equateur se voient déniés le droit de s'organiser aux termes de la loi. La convention reconnaît clairement leur droit d'association. Il s'est référé aux nombreux exemples de syndicats de fonctionnaires publics qui existent à travers le monde. Si les syndicats de fonctionnaires n'avaient pas existé, un grand nombre d'éminents dirigeants syndicaux n'auraient pas pris part aux travaux de la présente commission. Il a reconnu que le droit de grève a au cours de ces dernières années fait l'objet d'interrogations de certains membres employeurs qui ont prétexté qu'il ne faisait pas partie intégrale de la convention. Cependant, la présente commission et la commission d'experts ont réaffirmé ce droit. A moins que le représentant gouvernemental fournisse des clarifications sur les doutes exprimés par la commission et que le gouvernement puisse assurer à la commission que la législation de son pays prochainement va être mise en pleine conformité avec la convention, il a souhaité instamment que la présente commission examine de nouveau ce cas l'année prochaine.

Le représentant gouvernemental de l'Equateur a regretté l'attitude mentale de quelques membres travailleurs et, en particulier, celle du membre travailleur de l'Equateur qui, tergiversant sur les choses, empêche tout progrès; cette attitude a en outre des répercussions sur la politique interne du pays. Un exemple de tergiversation consiste à dire que la loi no 133 suppose une régression de cinquante ans puisque avec cela on prétend nier toutes les conquêtes en matière de travail consacrées dans cette loi. Il a rappelé à cet égard que les organisations syndicales ont refusé, au début, de participer au processus de réforme du code et que, malgré cela, il s'est réuni avec les dirigeants syndicaux, y compris les membres travailleurs de l'Equateur, et on a pu arriver à un accord qui a résolu huit ou dix questions fondamentales. En plus, il faut signaler que sous l'empire du régime actuel 400 nouvelles organisations syndicales se sont constituées. Le représentant gouvernemental a déclaré qu'il était prêt à défendre avec toutes les parties les projets de réforme préparés avec l'assistance du BIT et, après cette déclaration, il les a lus à la commission. Il a également rappelé que le député qui a introduit ces projets devant le Congrès national l'avait fait à la demande du gouvernement. Enfin, il a signalé que les organisations syndicales réalisent une activité noble en luttant pour de plus grands bénéfices mais qu'elles ne doivent pas perdre de vue les exigences nécessaires pour l'efficacité des entreprises publiques et privées.

Les membres employeurs, faisant remarquer que la dernière intervention du gouvernement devant la présente commission remontait à trois ans, ont estimé que le dialogue était nécessaire. Toutefois, la discussion a dépassé les questions qui figurent dans le rapport de la commission d'experts, et il ne faut par conséquent pas entrer dans les détails. Le rapport des experts, ainsi que celui du ministre, a indiqué des modifications positives mais il demeure nécessaire de procéder à d'autres changements. Les membres employeurs ont espéré que le gouvernement sera très prochainement en mesure de fournir à la présente commission et à la commission d'experts un rapport écrit détaillé à cet égard, et ils ont demandé que les conclusions de la commission se concentrent sur les questions que les membres employeurs avaient soulevées antérieurement et qu'elle note qu'il existe un large accord entre les travailleurs et les employeurs sur ces suggestions.

La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement mais a rappelé que cette question a déjà été discutée plusieurs fois auparavant et que les conclusions ont été mentionnées dans des paragraphes spéciaux de son rapport. Elle n'a constaté que des preuves limitées de progrès dans le projet de loi visant à modifier le Code du travail et qui est actuellement en instance devant le Parlement. Elle a demandé au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour mettre sa législation en pleine conformité avec les normes internationales et pour garantir sa mise en oeuvre dans un futur proche, étant donné la grande importance que le Comité de la liberté syndicale a donnée à cette question. La commission a demandé instamment au gouvernement de communiquer dans les meilleurs délais les documents pertinents au BIT; elle a décidé d'examiner ce cas lors de sa prochaine session et elle a espéré qu'elle pourra noter avec satisfaction des mesures prises à cet égard.

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