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Cas individuel (CAS) - Discussion : 1998, Publication : 86ème session CIT (1998)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Equateur (Ratification: 1967)

Autre commentaire sur C087

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Un représentant gouvernemental, ministre du Travail, s'est félicité de l'occasion qui lui est donnée de s'adresser à la commission. Il déclare qu'en Equateur il n'existe pas de problèmes de violation des droits des travailleurs. L'Etat respecte et garantit les droits syndicaux, et l'existence de réunions de concertation démontre que la liberté syndicale est respectée. A propos des projets de loi élaborés par la mission d'assistance technique qui s'est rendue en Equateur en 1997, projets dont il est question dans le rapport de la commission d'experts, il a déclaré ce qui suit:

-- au sujet du projet qui vise à modifier la loi sur le service civil et la carrière administrative, de manière à permettre aux agents de la fonction publique de créer des organisations syndicales, il a souligné que les travailleurs en question jouissent déjà du droit d'association. Il se trouve qu'en Equateur la loi sur le service civil et la carrière administrative, d'une part, et le Code du travail, d'autre part, se chevauchent. La loi sur le service civil et la carrière administrative garantit une protection plus importante aux travailleurs qu'elle vise que la protection prévue dans le Code du travail en faveur d'autres travailleurs. Si le projet en question était appliqué, il se traduirait par un recul dans ce domaine. M. Guerrero Bermudez invite une commission à se rendre dans son pays pour procéder à une analyse juridique de ce point et pour confirmer ainsi qu'il existe une superposition de droits;

-- pour ce qui est d'abroger l'alinéa g) de l'article 60 de cette même loi, qui interdit aux agents de la fonction publique de déclarer des grèves, de leur apporter leur soutien ou d'y intervenir, et de créer des syndicats, il indique que la Constitution équatorienne garantit l'existence de syndicats et que le seul objectif des restrictions qu'elle prévoit est qu'il n'y ait qu'un syndicat dans chaque institution de l'Etat, ce qui ne veut pas dire que les travailleurs ne jouissent pas du droit d'association. A propos du droit de grève, il indique que, si l'on autorisait les grèves dans le secteur public, une minorité de personnes pourrait porter atteinte à la majorité de la population. En effet, il ne s'agit pas d'équilibrer les forces entre les travailleurs et les employeurs, comme c'est le cas dans le secteur privé. Les travailleurs jouissent du droit de grève dans les limites prévues par la loi, et les différends du travail doivent faire l'objet d'une médiation, afin de résoudre les problèmes dans ce domaine. Le représentant gouvernemental estime qu'une mission pourrait analyser les faits et constater que, dans ce cas, il existe aussi une superposition des institutions juridiques;

-- à propos du projet visant à modifier l'article 441 du Code du travail de manière à ce que le syndicat ou l'association puisse saisir la justice d'un cas de refus d'enregistrement, il indique que le Code du travail prévoit que, si dans un délai de trente jours, le ministère du Travail ne se prononce pas sur une demande d'enregistrement, cette demande est enregistrée d'office. La modification qui est proposée constitue une entrave au droit d'association;

-- à propos du projet qui prévoit de modifier l'alinéa 11 de l'article 443 du Code du travail, de manière à ce que les organisations de niveau supérieur jouissent du droit d'exprimer leurs opinions sur la politique économique et sociale du gouvernement, le représentant gouvernemental indique que tous les syndicats prévoient dans leurs statuts une disposition à ce sujet. Chacun peut exprimer ses opinions en Equateur. Il n'est pas nécessaire d'établir des normes à ce sujet, étant donné que ce droit est consacré par la Constitution;

-- au sujet de la proposition visant à modifier, à l'article 455, l'alinéa 4 relatif à l'exigence selon laquelle il faut être Equatorien pour faire partie d'un organe de direction, il indique qu'en Equateur toutes les personnes jouissent du droit au travail et qu'il ne sait pas si le droit au travail est une garantie du domaine du travail ou d'ordre politique. Il conviendrait d'étudier ce point;

-- à propos de la modification de l'article 461 du Code du travail relatif à la dissolution par voie administrative d'un comité d'entreprises, il indique qu'il n'est pas nécessaire de recourir à une juridiction contentieuse mais qu'il faut utiliser la voie administrative qui est prévue;

-- quant à la question des services minimum en cas de grève (article 69 de la loi no 133), il faudrait établir un texte plus clair que celui qui est proposé;

-- au sujet de l'abrogation qui est proposée du décret no 105 du 7 juin 1967 sur les actions de débrayage et les mouvements de grève illégaux, étant donné la rédaction de ce décret et la confusion qui existe entre les termes débrayage et grève, ce décret est inapplicable et il est caduc. En raison de son caractère contradictoire, il n'a jamais été appliqué. Diverses actions ont été menées au Congrès pour l'abroger mais elles n'ont pas été couronnées de succès, et une action en amparo sera intentée pour que la justice se prononce et déclare inconstitutionnel ce décret;

-- quant à la nécessité d'abaisser le nombre minimum de travailleurs requis pour constituer des associations ou des comités d'entreprises, il est nécessaire qu'une commission effectue une étude quantitative et chiffrée pour déterminer le nombre qui devrait être fixé;

-- à propos de la nécessité pour les travailleurs civils relevant ou dépendant des forces armées de jouir du droit de s'affilier au syndicat de leur choix, il faut effectuer une étude sur les cas mentionnés par la commission d'experts;

-- au sujet de la garantie de stabilité aux travailleurs qui participent à une grève de solidarité (article 65 de la loi no 133), il n'est pas possible en Equateur de licencier les travailleurs qui suivent une grève de solidarité;

-- pour ce qui est du délit implicite du droit de grève pour les fédérations et confédérations (article 491 du Code du travail), le représentant gouvernemental indique que la législation ne prévoit pas ce délit. Le fait que le comité d'entreprise peut déclarer la grève conformément au Code du travail ne constitue pas un délit implicite. S'il n'existe pas de comité d'entreprise, le droit de grève n'est pas annulé pour autant et, à la majorité absolue, les travailleurs de l'entreprise peuvent déclarer la grève;

-- enfin, le représentant gouvernemental indique que le gouvernement équatorien est disposé à donner effet aux conventions qu'il a ratifiées.

Les membres employeurs ont remarqué que le représentant gouvernemental a essayé, de manière étrange, de faire croire à la commission que la législation était en conformité avec les exigences de la convention no 87. En ce qui concerne le rapport de la commission d'experts, ils ont remarqué que le représentant du gouvernement n'a pas réussi à démontrer la conformité de la législation nationale. Lors d'une mission du BIT en 1997, deux projets de loi, comprenant des amendements ou l'abrogation des textes législatifs, conformément aux commentaires de la commission d'experts, ont été préparés. Ceux-ci constituent une approche positive afin de mettre la législation en conformité avec les dispositions de la convention. Le contenu de ces projets a fait l'objet d'un commentaire détaillé dans le rapport de la commission d'experts; il porte essentiellement sur la création et l'enregistrement des syndicats, mais aussi sur la liberté de créer son propre syndicat, de le gérer et d'exprimer de manière pacifique ses opinions sur la politique économique et sociale du gouvernement. Ils ont également remarqué qu'un système de contrôle aurait dû être établi.

La question du droit de grève ayant déjà fait l'objet de discussions, un débat supplémentaire n'était pas nécessaire dans la mesure où la position des employeurs était différente de celle de la commission. Toutefois, ils n'ont pas contesté le droit de l'Etat d'adopter la position de la commission d'experts en la matière. Il est évident que la législation doit être modifiée, et il est surprenant que ces projets de loi ne sont plus mentionnés dans le rapport du gouvernement. En revanche, le représentant du gouvernement a voulu montrer qu'il n'était pas nécessaire de modifier la législation qui, aux yeux des membres employeurs, représente une amélioration. Ils ont exprimé leur accord avec la position de la commission d'experts, excepté le droit de grève, qui est que la liberté syndicale et le droit d'organisation n'existent pas dans ce pays et que des modifications législatives sont nécessaires. Ils ont conclu que la commission doit se montrer ferme envers le gouvernement. Par conséquent, le gouvernement devrait être incité à revoir la législation en vigueur afin d'y apporter, de manière urgente, des modifications.

Les membres travailleurs, remerciant le représentant gouvernemental pour les informations communiquées, ont rappelé que ce cas a été examiné par la Commission de la Conférence en 1985, 1987, 1988, 1992 et 1993 et que plusieurs des points soulevés par la commission d'experts sont évoqués depuis longtemps dans son rapport et ont même fait l'objet de paragraphes spéciaux par le passé (1988 et 1989). Entre-temps, plusieurs missions de contacts directs et missions techniques de l'OIT ont été effectuées dans le pays pour tenter de rendre la législation conforme à la convention. Quelques progrès avaient été accomplis en 1991, avec l'adoption de la loi no 133 portant modification du Code de travail, mais des disparités importantes subsistaient entre la législation et la convention, raison pour laquelle la commission a repris l'examen de ce cas en 1993. Depuis, une nouvelle mission d'assistance technique de l'OIT s'est rendue dans le pays, du 4 au 8 septembre 1997. Elle a contribué à l'élaboration de deux projets de loi tendant à améliorer la conformité de la législation avec la convention mais, depuis lors, les membres travailleurs constatent, comme la commission d'experts, que le gouvernement n'en fait plus mention. Qui plus est, celui-ci signale que des projets de loi datant de 1989 sont réactivés et soumis au Congrès, ce qui constitue un grand pas en arrière. Les membres travailleurs voient dans une telle attitude une absence de volonté politique réelle de collaboration avec les organes de contrôle, attitude contre laquelle la commission, dans son ensemble, s'est toujours insurgée. L'assistance technique et les missions de contacts directs de l'OIT ne doivent pas être utilisées pour gagner du temps. Ces mécanismes ont été conçus pour promouvoir l'application des conventions par une analyse approfondie des problèmes et par la recherche de solutions efficaces. Les membres travailleurs ont rappelé les points sur lesquels portent les divergences de la législation et de la pratique par rapport à la convention no 87: le déni de la liberté syndicale aux fonctionnaires et aux travailleurs civils des forces armées; l'absence de voies de recours efficaces et indépendantes contre le refus d'enregistrement d'un syndicat; le nombre élevé de membres nécessaires pour pouvoir constituer un syndicat, situation particulièrement préoccupante dans un système de syndicats d'entreprise; les restrictions très importantes entravant l'action syndicale des fédérations et confédérations, notamment le droit de recourir à la grève; la dissolution de syndicats par voie administrative. A moins que la commission d'experts ne constate de réels progrès, notamment l'adoption par le Congrès national des projets de loi élaborés en septembre 1997 et de textes complémentaires, les membres travailleurs estiment que la commission devra réexaminer ce cas l'an prochain et que, à cette occasion, les conclusions devront être rédigées en d'autres termes et refléter leurs préoccupations. Les membres travailleurs demandent également que les conclusions prennent en compte les positions et préoccupations déjà exprimées.

Le membre travailleur de l'Equateur s'est déclaré en plein accord avec les observations de la commission d'experts et a remercié le ministre du Travail de son pays de sa présence. Depuis plusieurs années, des observations, commentaires et demandes directes ont été adressés par la commission et les organes de contrôle au gouvernement de l'Equateur afin qu'il mette la législation et la pratique en conformité avec la convention no 87. Face à ces demandes, le gouvernement a promis à plusieurs occasions de prendre les mesures nécessaires pour mener à bien les réformes légales nécessaires. Les observations de la commission d'experts se référaient jusqu'en 1990 aux dispositions légales suivantes: interdiction pour les agents de la fonction publique de constituer des syndicats, négocier des conventions collectives et déclarer la grève; interdiction faite aux syndicats d'intervenir dans le domaine de la politique partisane ou religieuse; obligation d'être Equatorien pour participer à la direction des comités d'entreprise; dissolution par voie administrative des comités d'entreprise; imposition de peines de prison aux auteurs de débrayages ou grèves; et la négation implicite du droit de grève aux fédérations et confédérations. Le non-respect par le gouvernement de ses engagements a donné lieu à l'inscription de l'Equateur dans des paragraphes spéciaux en 1983, 1988 et 1989. De son côté, l'OIT a fourni la collaboration demandée par le gouvernement à travers l'envoi de missions de contacts directs en 1985 et 1989 et à travers la mission d'assistance technique mentionnée par la commission d'experts dans son rapport. Le gouvernement n'a fait aucun cas des recommandations formulées par les missions et, contrairement aux progrès attendus, les nouvelles dispositions législatives adoptées ont aggravé la situation, et mettent en cause le sérieux et la crédibilité du gouvernement devant la Commission de la Conférence. Dans son rapport de 1991, le gouvernement a signalé que six projets de loi avaient été présentés au Congrès, parmi lesquels les projets visant la modification de la législation afin de la mettre en conformité avec la convention no 87. Toutefois, peu de mois après avoir envoyé son rapport, le gouvernement a adopté la loi no 133 contenant des dispositions qui violent les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. Les dispositions de cette loi ont donné lieu aux commentaires de la Commission de la Conférence en 1992. Concrètement, ces commentaires se réfèrent à l'augmentation du nombre de travailleurs nécessaires pour constituer des syndicats d'entreprises, qui passe de 20 à 30 (en Equateur, 60 pour cent des entreprises ont un nombre de travailleurs inférieur à 30); l'exigence de notification de la déclaration de la grève vingt jours à l'avance; et l'obligation que, dans ces entreprises, un nombre minimum de travailleurs continue à travailler, nombre qui sera fixé par le ministère du Travail si les parties ne parviennent pas à un accord, ce qui implique que dans le secteur public le ministère du Travail est à la fois juge et partie.

Alors que dans ses rapports successifs, le gouvernement indique qu'il a insisté pour que le Congrès donne suite au projet de loi mentionné, au cours des mois de janvier, juin et juillet 1996, les restrictions imposées aux agents de la fonction publique pour la constitution de syndicats et la négociation de conventions collectives et la déclaration de grèves ont été incorporées à la Constitution. Ainsi, une disposition stipulant que "aux fins des relations professionnelles dans les entités du secteur public, les travailleurs seront représentés par une seule organisation syndicale". En outre, au mois de septembre 1997, le ministère du Travail a de nouveau demandé au Congrès d'étudier les six projets présentés en 1990, parmi lesquels un projet prévoit l'abrogation du décret no 105 précité. Contrairement à ce qu'a déclaré le ministre du Travail, le décret no 105 a été appliqué aux dirigeants syndicaux en novembre 1997. De plus, le 21 novembre de cette même année, ce décret qui permet d'imposer des peines de prison en cas de paralysie de l'activité a été élevé au rang de disposition constitutionnelle. Tous ces faits montrent l'absence de volonté politique du gouvernement visant à respecter la convention no 87 malgré les recommandations, commentaires et observations de la Conférence. Au lieu de progrès, ce sont des reculs qui ont été constatés; ceci alors que le Bureau international du Travail a investi des ressources humaines sans obtenir les résultats escomptés. La Commission de la Conférence a fait preuve d'une patience et d'une tolérance illimitées, et la persistance d'une telle situation pourrait porter préjudice à l'efficacité des systèmes et organes de contrôle de l'OIT. L'orateur a demandé que des mesures adéquates soient prises pour que le gouvernement de l'Equateur modifie la Constitution et les lois qui sont en contradiction avec les dispositions de la convention no 87.

Le membre travailleur de l'Argentine a déclaré que le rapport de la commission d'experts fait une analyse détaillée des projets de loi visant à modifier la loi du service civil et le Code du travail. Si, d'une part, le gouvernement dans son rapport souligne qu'il a réactivé le traitement de ces projets de loi, d'autre part, en novembre dernier, une session extraordinaire du Congrès a adopté un amendement à la Constitution interdisant le droit de grève dans des secteurs publics essentiels, y compris les écoles. Si l'on rajoute à cela le fait que les agents publics ne peuvent pas constituer des syndicats et que ceux qui en ont la possibilité ont vu le nombre minimum de travailleurs nécessaires pour en constituer un modifié par la loi de 1991; le fait de priver de stabilité les travailleurs qui participent à une grève de solidarité, et la négation implicite d'exercice du droit de grève pour les fédérations et confédérations, on est en mesure d'affirmer qu'il n'y a pas de progrès dans la modification d'une législation qui entrave le plein exercice de la liberté syndicale. A cet effet, il souscrit aux réclamations légitimes des travailleurs de l'Equateur et de leurs représentants syndicaux.

Le membre travailleur des Etats-Unis a relevé que l'Equateur a été mentionné par la commission dans des paragraphes spéciaux pour violations des conventions nos 87, 98 et 105 en 1987, 1988 et 1989, et que le BIT a envoyé des missions de contacts directs en Equateur en 1985 et 1989. Ainsi que l'a indiqué le rapport le plus récent de la commission d'experts, une autre mission du BIT s'est rendue en septembre 1997 en Equateur, concernant le problème de la conformité avec la convention no 87. En faisant globalement le point, les violations de la convention no 87 semblent persister, et la situation pourrait même s'empirer si l'on considère certains aspects du dispositif équatorien du droit du travail. La commission d'experts indique dans son rapport que deux projets de loi avaient été élaborés en septembre 1997 en Equateur. Le premier devait apporter des améliorations aux droits syndicaux des agents de la fonction publique, tout en leur accordant le droit de grève par la modification de certains articles de la loi sur le service civil et la carrière administrative. Le second devait supprimer l'exigence selon laquelle il faut être Equatorien pour pouvoir faire partie d'un organe de direction d'un syndicat, de même qu'il devait supprimer les peines individuelles prévues en cas de mouvements de grève supposés illégaux.

Toutefois, aucun desdits projets de loi n'a été adopté, et la commission a déjà manifesté sa surprise à l'égard du fait que le gouvernement ait même manqué de faire référence à ces propositions dans un rapport. En outre, dans sa déclaration devant la commission, le représentant gouvernemental n'a pas fait référence à l'adoption d'une quelconque nouvelle législation. De toute façon, même dans le cas d'adoption de ces deux projets de loi dans un proche avenir, il n'y aurait toujours pas de solution quant aux violations les plus fondamentales des principes de la liberté syndicale. Plus particulièrement, le premier projet de loi destiné à modifier la loi sur le service civil et la carrière administrative maintient toujours une très large et vague définition des services essentiels où le droit de grève peut être interdit. En outre, la modification de l'article 443 (11) du Code du travail par le second projet de loi -- qui avait pour objet de permettre aux organisations syndicales et à leurs dirigeants d'exprimer paisiblement leurs opinions sur la politique économique et sociale du gouvernement, tout en ne leur permettant pas de s'impliquer dans des campagnes politiques -- aurait privé les travailleurs de l'une des formes les plus essentielles de liberté d'expression et d'association. Enfin, même en cas d'adoption, les deux projets auraient été supplantés par d'autres dispositions constitutionnelles et statutaires reniant entièrement les droits syndicaux. Par exemple, en novembre 1997, la section législative du gouvernement équatorien avait, au cours d'une session extraordinaire du Congrès, fait adopter des amendements constitutionnels interdisant les grèves dans les services publics clés, y compris les écoles. Par ailleurs, l'article 49 de la Constitution équatorienne a spécifiquement interdit les mouvements de grève dans les secteurs de l'énergie, de l'eau, de la santé, de l'informatique, du transport et de la distribution de combustibles, de l'éducation, des transports publics et des télécommunications. De plus, rien dans la législation proposée n'aurait directement changé la loi de 1991 qui a fait passer de 15 à 30 le nombre minimum de travailleurs juridiquement nécessaire pour constituer des syndicats et des conseils de travail. A l'évidence, cette loi avait été adoptée pour rendre encore plus difficile la syndicalisation dans les petites et moyennes entreprises. L'orateur a conclu en priant instamment le gouvernement de prendre dûment en considération ce qui a été déclaré dans la commission, ainsi que d'opérer les modifications nécessaires à la Constitution et la législation afin de remédier aux violations de la liberté syndicale qui ont été mentionnées.

Le membre travailleur de l'Espagne, remerciant le ministre de sa présence et des explications présentées, a fait valoir que le rapport de la commission fait ressortir que des projets de loi contenant des améliorations sur le plan de la conformité de la législation de l'Equateur à la convention no 87 avaient été élaborés, mais que le gouvernement n'en a pas fait état dans son rapport et évoque au contraire d'autres projets, ayant décidé de laisser de côté les projets initiaux pour d'autres qui ne font qu'aggraver la situation. Cette attitude fait injure à l'intelligence et marque une régression considérable. De l'avis de l'intervenant, le cas devrait faire l'objet d'un paragraphe spécial.

Le membre travailleur de la Colombie s'est déclaré profondément préoccupé par la grave situation à laquelle doivent faire face les travailleurs de l'Equateur en matière de liberté syndicale. Malgré les efforts déployés par le ministre, il est évident que la situation demeure obscure et que la législation de ce pays n'est pas en conformité avec les conventions de l'OIT en la matière. Il est toutefois utile que le Bureau international du Travail fournisse l'assistance technique nécessaire pour éviter que cette situation se poursuive ou empire dans un proche avenir. Il n'est pas juste d'affirmer en ce lieu que la législation de l'Equateur est conforme à la convention quand au même moment sont évoqués des projets de loi; ceci amène obligatoirement à penser qu'il n'existe pas une politique cohérente de la part du gouvernement dans ce cas. L'orateur s'associe à la déclaration du porte-parole des travailleurs en ce qui concerne un réexamen de ce cas l'année prochaine.

Le membre travailleur de la France a déclaré que le discours du délégué gouvernemental de l'Equateur ne l'avait pas convaincu du tout, et il demeure persuadé que la convention no 87 se doit d'être appliquée dans sa totalité en Equateur. Il souligne que le mot "paro" existe bien dans la Constitution équatorienne et estime que le ton méprisant utilisé par le ministre du Travail constitue un affront à cette commission. Il juge que la déclaration du ministre démontre que les violations à la convention no 87 sont bien réelles et qu'elles semblent aller en s'aggravant. Il en voit une cause dans la logique des privatisations qui prévaut en Equateur. Enfin, il était tenté de demander l'inscription d'un paragraphe spécial sur ce cas, mais se rallie au porte-parole des travailleurs qui a exprimé le souhait de voir ce cas discuté à nouveau l'année prochaine si aucun progrès n'était réalisé.

Le représentant gouvernemental de l'Equateur s'est déclaré reconnaissant des interventions faites dans le cadre des débats. Certains orateurs ont fait référence à la disposition constitutionnelle relative à l'interdiction du droit de grève. De son point de vue, la Constitution doit être appréciée dans sa totalité, ce qui permet de constater qu'il n'y est pas question de grève mais de paralysie des activités. Il n'est donc pas question de violation du droit de grève. L'Equateur connaît la division des pouvoirs, le gouvernement exerçant le pouvoir exécutif. A cet égard, en mai 1998, le pouvoir exécutif a demandé au Congrès d'examiner les projets de loi sus-mentionnés en vue de rendre la législation conforme aux conventions en matière de liberté syndicale. C'est cette démarche, et non celle de légiférer, qui rentre dans les obligations du pouvoir exécutif. En ce qui concerne les projets de loi élaborés au cours de la mission d'assistance technique de 1997, le membre gouvernemental considère qu'ils ne tiennent pas compte de la réalité juridique de l'Equateur. Enfin, il a déclaré que son gouvernement est attaché à toutes les suggestions que l'OIT peut formuler dans l'intérêt des travailleurs et qu'il n'existe pas de problème dans les relations entre travailleurs et employeurs.

La commission a pris note de la déclaration verbale du ministre du Travail et de la discussion qui s'en est suivie. La commission a rappelé sa profonde préoccupation au sujet des commentaires que la commission d'experts avait formulés sur les divergences importantes entre la législation nationale et la convention: notamment, la dénégation des droits syndicaux pour les fonctionnaires et les membres civils des forces armées; le nombre élevé de personnes requises afin de créer un syndicat; l'interdiction pour les syndicats de participer à toutes formes d'activités politiques; l'exigence de la nationalité équatorienne pour être élu dirigeant d'un syndicat; des restrictions sévères sur le droit des organisations de travailleurs de formuler un programme d'action afin de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs, ceci sous peine d'emprisonnement; et la dissolution administrative des syndicats. La commission a rappelé que ce cas a été discuté par la Commission de la Conférence à plusieurs reprises, et qu'une mission technique du BIT s'est rendue à nouveau en Equateur en septembre 1997 afin d'assister à la rédaction des projets de loi en vue d'améliorer l'application de la convention. Elle a regretté profondément qu'aucune mention des projets précités ne figure dans le dernier rapport du gouvernement, et qu'aucun progrès n'ait été réalisé. La commission a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures afin de mettre sa législation en conformité avec la convention dans les meilleurs délais. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournira, à la prochaine session de la commission d'experts, un rapport détaillé concernant les mesures prises à cet effet.

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