ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1998, Publication : 86ème session CIT (1998)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Ethiopie (Ratification: 1963)

Autre commentaire sur C087

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

Un représentant gouvernemental de l'Ethiopie a indiqué que son gouvernement avait répondu à toutes les questions et tous les commentaires de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale. Le représentant gouvernemental ne s'exprimera donc que sur certains points des réponses de son gouvernement. La commission d'experts a demandé des précisions sur la manière dont les associations d'enseignants, les fonctionnaires de l'Etat, les juges, les procureurs et d'autres catégories d'employés jouissent du droit de constituer des organisations pour la défense de leurs intérêts professionnels et d'y adhérer. Le gouvernement éthiopien a clairement dit dans ses précédents rapports que d'autres lois que la législation du travail s'appliquent aux fonctionnaires de l'Etat. De plus, la Constitution éthiopienne garantit aux fonctionnaires de l'Etat le droit d'organisation et le droit de conclure des accords avec leurs employeurs. A cet effet, des programmes de réformes du service public et une législation spécifique sont à l'examen.

La commission d'experts a également évoqué les cas nos 1888 et 1908 dont est actuellement saisi le Comité de la liberté syndicale. Le gouvernement, en réponse au comité, a indiqué, à propos du cas no 1908, que le comité directeur de la Fédération des syndicats du commerce et des syndicats du secteur technique et de l'imprimerie (FCTP) a demandé au ministère du Travail et des Affaires sociales de délivrer des cartes d'identification aux dirigeants récemment élus qui ont remplacé ceux ayant quitté de leur plein gré la FCTP. Le ministère, qui est responsable de l'enregistrement et de l'homologation des syndicats et de leurs dirigeants, a délivré ces cartes d'identification, après examen des documents pertinents. Les allégations présentées au Comité de la liberté syndicale sont donc infondées. La fédération a fourni d'amples explications au Comité de la liberté syndicale afin d'éclaircir la situation et a demandé qu'il ne soit pas tenu compte de ces allégations. Il convient aussi de mentionner que la FCTP est l'une des huit fédérations qui composent la CETU et qu'aucun cas n'est en cours de discussion à ce sujet devant les tribunaux. Il ne s'agit donc que d'allégations inventées de toutes pièces par les anciens dirigeants de la fédération. A ce propos, la cour a rejeté l'appel dont s'était pourvu l'ancien président de la CETU devant la Chambre du travail de la Haute Cour fédérale, à propos de l'annulation de l'enregistrement de l'ancienne CETU. Le gouvernement a déjà adressé la traduction en anglais de la décision de la cour au Comité de la liberté syndicale. Au sujet du cas no 1888, le gouvernement a également fait part de ses observations sur l'ensemble des commentaires du Comité de la liberté syndicale. A cette occasion, le gouvernement a indiqué que l'ancien président de l'Association des enseignants éthiopiens (ETA) et cinq autres personnes ont été détenus non en raison de leur appartenance à l'ETA ou d'autres activités syndicales, mais parce qu'ils étaient accusés d'avoir créé une organisation terroriste clandestine, le "Front patriotique national de l'Ethiopie", et mené une insurrection armée et des activités terroristes visant le gouvernement et des étrangers, afin de semer la terreur et de fomenter l'anarchie dans le pays. Ils ont été arrêtés et déférés en justice, conformément à la loi, et la Haute Cour centrale est en train d'examiner leurs cas. A propos de l'ETA, la Constitution éthiopienne prévoit que quiconque peut jouir du droit de liberté syndicale pour quelque motif ou objectif que ce soit. Les organisations qui violent les lois applicables, qui visent à troubler l'ordre constitutionnel ou qui prônent des activités de ce type sont interdites. La Constitution prévoit également que tous les citoyens, organismes publics, organisations politiques ou autres associations, ainsi que leurs dirigeants, ont le devoir et la responsabilité de garantir le respect de la Constitution. Toutefois, les associations clandestines qui sont créées à des fins antisociales et illégales ne sont pas acceptées.

La situation en question a été d'autant plus regrettable que la profession et l'association ont été trompées par certains membres de l'ETA, comme le docteur Taye Woldesmiate. Etant donné que les dirigeants de l'ETA estiment que l'ETA est la seule organisation de ce type et qu'ils préfèrent préparer et mener des activités terroristes, à l'évidence, des mesures judiciaires doivent être prises. Le gouvernement éthiopien n'a pas le droit de se mêler des affaires intérieures de syndicats ou d'autres organisations, pas plus qu'il n'a intérêt à le faire. En outre, la question des fonds et du patrimoine de l'ETA est examinée par le tribunal compétent, et le gouvernement informera la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale de toute décision à ce sujet. De même, l'allégation selon laquelle d'anciens membres de l'ETA auraient été démis de leurs fonctions est privée de tout fondement. En fait, les enseignants éthiopiens ont pris l'initiative de reconstituer une association et d'élire de nouveaux dirigeants. Normalement, lorsque des dirigeants récemment élus prennent leurs fonctions au sein d'une association, les anciens dirigeants ont le droit de retrouver leur emploi. Or les anciens dirigeants de l'ETA ont choisi de faire autrement, comme ils en ont le droit. On ne saurait blâmer le gouvernement de décisions que des particuliers ont prises de leur plein gré.

A propos des allégations, le représentant gouvernemental a indiqué que les institutions éducatives fonctionnent de manière autonome et exercent leurs facultés et responsabilités. Ainsi, les universités et les collèges peuvent engager et, le cas échéant, licencier leur personnel enseignant, si ces derniers ne s'acquittent pas de leurs tâches ou s'ils sont incapables de le faire. Les institutions éducatives sont entièrement libres et elles établissent leurs propres barèmes de salaire. Ni le ministère de l'Education ni un autre organisme ne peuvent s'immiscer dans des décisions prises par les conseils d'administration des universités et des collèges. De plus, le personnel enseignant a pleinement le droit d'adhérer ou de participer à des organes de direction de l'ETA. La sécurité de leur emploi est assurée tant qu'ils s'acquittent de leurs devoirs et satisfont à leurs responsabilités. Enfin, le représentant gouvernemental réitère que son gouvernement s'engage à promouvoir et à respecter pleinement les droits fondamentaux et les libertés consacrées par la constitution éthiopienne et par les traités internationaux que l'Ethiopie a ratifiés.

Les membres travailleurs ont souligné que le cas de l'Ethiopie, pour ce qui est de l'application de la convention no 87, a été examiné la dernière fois par la commission en 1992. A cette occasion, le représentant du gouvernement de transition avait annoncé que son pays vivait une nouvelle ère de paix et de démocratie, ce dont on s'était félicité. Le gouvernement de transition avait établi une charte de la démocratie qui garantissait, entre autres, la liberté syndicale, et un nouveau Code du travail était en cours de préparation. Un projet qui avait été élaboré prévoyait que les travailleurs pouvaient se syndiquer sans ingérence de la part des pouvoirs publics. En particulier, le système de syndicat unique avait été aboli et le droit de grève était reconnu. Toutefois, comme l'avait fait alors observer la commission d'experts dans son rapport, les enseignants étaient exclus de la portée de la Proclamation no 42 de 1993 sur la main-d'oeuvre. En outre, une nouvelle loi régissant les fonctionnaires, les juges, les procureurs et d'autres catégories devait entrer en vigueur. Elle n'a pas encore été introduite.

Dans le même temps, la nouvelle législation applicable ayant été adoptée en 1993, un espace s'ouvrait pour les libertés démocratiques, mais la liberté syndicale en Ethiopie a aussitôt fait l'objet de graves entraves. Tout d'abord, avant la fin de 1994, le ministère du Travail a annulé l'enregistrement de la Confédération des syndicats éthiopiens (CETU), au motif que la confédération s'opposait à la rigoureuse politique d'ajustement structurel du gouvernement. Les bureaux de la CETU ont été fermés, ses comptes bancaires gelés, et ses véhicules confisqués. Alors que la Haute Cour avait prononcé deux décisions obligeant le gouvernement à rouvrir les bureaux et les comptes bancaires de la CETU et à rendre ses biens à la confédération, le gouvernement n'a pas tenu compte de ces décisions. Le gouvernement a commencé alors à accorder son soutien à un groupe factieux de la confédération afin d'en faire un groupe qui lui soit favorable et il y est parvenu. Par ailleurs, au début de 1993, l'Association des enseignants éthiopiens (ETA) a fait l'objet de pressions et d'ingérences graves de la part du gouvernement. Ce dernier a enregistré et reconnu un groupe dissident de l'ETA et il a pu le contrôler. De la sorte, l'ETA n'a pu poursuivre ses activités. Le gouvernement a fermé le compte bancaire de l'ETA et les comptes bancaires de ses bureaux régionaux. Il a fermé aussi les bureaux régionaux. Le gouvernement a fait transférer les biens de l'ETA au groupe factieux susmentionné. Vingt membres de l'ETA, dont tous ses dirigeants, ont perdu leur emploi. Des centaines d'enseignants ont été mutés. En décembre 1994, le gouvernement n'a pas tenu compte d'une décision de justice qui ordonnait de reconnaître l'ETA au motif que cette association avait été constituée de manière démocratique. Le juge qui a pris cette décision a été démis de ses fonctions peu de temps après. Le gouvernement a fait appel de cette décision, dont l'application a été ajournée jusqu'en juillet 1998. Le 19 mars 1996, les forces de sécurité ont fouillé le siège de l'ETA. Un membre du comité directeur, M. Abata Angore, a été frappé et détenu pendant plus d'un mois. Le président, le docteur Taye Woldesmiate, a été arrêté le 29 mai 1996. Son domicile a été fouillé et ses biens ont été confisqués. Le docteur Woldesmiate a été mis au secret et, pendant plusieurs mois, on ne lui a pas ôté ses menottes. Il n'a pas été autorisé à rencontrer un avocat ou sa famille jusqu'en août 1997 et, à ce moment-là, il a été accusé de conspiration contre de hauts fonctionnaires du gouvernement. Le docteur Woldesmiate est toujours emprisonné alors que deux des accusations les plus graves qui pèsent contre lui n'ont pas été retenues par la Haute Cour en février 1997. On l'accuse par ailleurs, à tort, d'incitation au soulèvement armé. Lors du procès du docteur Woldesmiate en juillet 1997, deux autres personnes contre lesquelles pesaient d'autres accusations ont déclaré que la police avait essayé de les forcer à accuser le docteur Woldesmiate. En octobre 1997, une autre personne a dit qu'on l'avait torturée pour la forcer à accuser le docteur Woldesmiate. Le 8 mai 1997, la police a tué M. Assefa Maru, un des membres du comité directeur de l'ETA, au moment où elle tentait de l'arrêter. Le gouvernement a refusé de mener une enquête publique sur le meurtre. Peu après, le bureau de l'ETA à Addis-Abeba a été fouillé par la police et les forces de sécurité. Trente-quatre membres du syndicat ont été détenus. La télévision publique prétend que les membres du comité directeur de l'ETA sont liés à une organisation terroriste illégale. Le secrétaire général de l'ETA a quitté le pays car il craignait pour sa vie. Les jours suivants, quelque 70 membres de l'ETA et d'autres enseignants ont été détenus dans tout le pays pour avoir paraphé une pétition dénonçant la répression du gouvernement contre les organisations syndicales et les organisations de défense des droits de l'homme. Dans sa réponse au Comité de la liberté syndicale, qui a examiné deux plaintes contre le gouvernement éthiopien en novembre 1997, le gouvernement n'a pas été en mesure d'apporter des précisions sur un certain nombre d'allégations graves au sujet de l'ETA, en particulier sur celles selon lesquelles M. Assefa Maru aurait été tué par la police.

Par ailleurs, on constate une ingérence de la part du gouvernement dans la Fédération des syndicats du commerce, du secteur technique et de l'imprimerie. Cette fédération est membre de la CETU. Ce syndicat a fait l'objet de tracasseries et d'ingérences constantes de la part des autorités qui souhaitent réduire au silence ce syndicat et d'autres fédérations membres de la confédération nationale. En novembre 1996, des membres de la fonction publique, avec l'aide de la police et des forces de sécurité, se sont introduits de force dans les bureaux du syndicat. Le trésorier du syndicat, M. Mulatu Gurmu, a été brutalement agressé. Les dirigeants élus de la fédération ont dû quitter de force leurs fonctions en 1996. Le vice-secrétaire du syndicat a dû quitter le pays en mars 1997 après avoir fait l'objet de quatre attentats et après plusieurs descentes de police à son domicile en pleine nuit. En 1997, la CETU a été reconstituée et elle a tenu un congrès du 22 au 24 avril. Son siège et ses comptes bancaires ont été réouverts. Le gouvernement a enregistré la nouvelle organisation en mai 1997. Chose curieuse, le 24 avril 1997, c'est-à-dire le dernier jour du congrès de la CETU, la Haute Cour a confirmé la décision que le ministère du Travail avait prise en 1994 d'annuler l'enregistrement de la CETU. L'ancien président de la CETU et d'autres membres de sa direction ont quitté le pays en avril 1997 pour sauver leur vie.

Les membres travailleurs se disent extrêmement préoccupés à ce sujet. Ce cas porte sur plusieurs aspects du droit, notamment sur le fait que la loi semble conférer au ministère du Travail des pouvoirs importants, sur l'application de la loi et, enfin, sur les actions violentes et répressives du gouvernement.

Les membres travailleurs souhaitent donc que ce cas fasse l'objet de conclusions exprimées dans les termes les plus vigoureux afin que l'on puisse y revenir l'année prochaine si des progrès importants ne sont pas accomplis. Ce cas a trait à des manquements constants à l'obligation de mettre en oeuvre les dispositions de la convention. Ils demandent au gouvernement d'indiquer s'il souhaite bénéficier d'une assistance du Bureau dans les domaines susmentionnés.

Les membres employeurs ont souligné que ce cas présentait des problèmes en droit et en pratique. La Proclamation sur le travail de 1993 excluait les enseignants de son champ d'application. En conséquence, les associations d'enseignants ne peuvent promouvoir ou défendre les intérêts de leurs membres. De plus, à plusieurs reprises dans le passé, le gouvernement a annoncé qu'une nouvelle législation sur les employés de l'Etat, les juges et les procureurs serait adoptée dans un proche avenir. Toutefois, le représentant gouvernemental n'a fourni aucune information sur le moment où cette législation serait adoptée. Concernant l'exercice de la liberté syndicale, les membres employeurs notent que les dirigeants syndicaux ont été remplacés et que le gouvernement a fait appel de la décision de la Haute Cour soutenant que l'Association des enseignants d'Ethiopie représente les enseignants éthiopiens. Ces informations illustrent le non-respect des principes consacrés dans la convention no 87. La législation nationale devrait par conséquent être révisée et modifiée de manière à appliquer les dispositions de la convention no 87. Le gouvernement devrait en outre être instamment prié de fournir des informations complètes et détaillées en réponse aux questions posées dans le rapport de la commission d'experts.

Le membre travailleur du Swaziland a déclaré qu'il s'agissait là d'un cas de graves violations des droits de l'homme où les procédures judiciaires sont entravées, la loi est bafouée par le gouvernement, la vie humaine n'a aucune valeur, la sécurité de l'emploi n'a aucune signification, le droit de propriété n'est pas respecté, la liberté syndicale est inexistante, et où l'unique choix est de "s'adapter ou mourir". Le représentant gouvernemental a lui-même admis la culpabilité du gouvernement lorsqu'il a déclaré que les fonds et les biens du CETU avaient été mis sous tutelle par les autorités compétentes. Cette situation n'est tout simplement pas acceptable. Lorsque le CETU a attaqué devant la Haute Cour la décision de confiscation de ses biens meubles et immeubles ainsi que la mise sous scellés de ses locaux, il a obtenu une décision en sa faveur. Cette décision n'a pas été respectée par le gouvernement. Par conséquent, l'orateur demande que le gouvernement soit fermement condamné par la présente commission dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés.

Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande a souhaité s'exprimer sur le traitement infligé à l'Association éthiopienne des enseignants (ETA), organisation affiliée à l'Internationale de l'éducation. L'expérience de l'ETA est similaire à celle qu'ont vécu la Fédération des syndicats du commerce, des industries techniques et de la presse (FCTP) et l'ancienne Confédération des syndicats éthiopiens (CETU). Elle confirme le caractère systématique de l'ingérence dans les activités syndicales ainsi que l'utilisation de la force contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes qui remettent en cause la politique du gouvernement éthiopien.

Au cours de l'année dernière, la répression contre l'ETA s'est intensifiée. Par exemple, le 8 mai 1997, la police éthiopienne a tué M. Assefa Maru, secrétaire adjoint de l'ETA. Cela s'est passé à 8 heures 20, alors qu'il se rendait au travail. Il n'était pas armé, n'a opposé aucune résistance et n'a pas tenté de s'enfuir. Le gouvernement a refusé d'ouvrir un enquête publique sur ce meurtre. On peut également citer le cas du président de l'ETA, le docteur Taye Woldesmiate, qui a été emprisonné pendant deux ans. Deux plus graves charges pesant sur lui ont été rejetées par la Haute Cour fédérale, le 28 février 1997. Toutefois, il est resté en prison en attendant la décision finale sur l'accusation d'utilisation d'arme. Le docteur Taye Woldesmiate a toujours clamé son innocence. Dans ce cas, lors de la plus récente audience, deux de ses coaccusés ont témoigné que la police s'est employée, en utilisant des moyens tels que la torture, à les convaincre d'accuser le président de l'ETA.

En outre, une organisation rivale, encouragée par le gouvernement, a fait appel de la décision de la Cour reconnaissant que le docteur Woldesmiate et la direction actuelle de l'ETA sont les dirigeants légitimement élus de l'ETA et autorisant l'accès à ses biens et à ses comptes bancaires. Cet appel a constamment été ajourné, sans qu'une décision soit prise. En outre, le juge qui a rendu le jugement initial en faveur de l'ETA a été démis de ses fonctions peu de temps après avoir rendu sa décision. Ainsi, les autres juges essaient d'éviter d'avoir à traiter ce cas, au moins jusqu'au moment où l'ETA aura été complètement écrasée. Il y a deux mois, les comptes bancaires de l'ETA ont été transmis à l'organisation rivale. Les membres de l'ETA ont subi d'autres actes de harcèlement, tels que l'utilisation d'un système d'évaluation du travail des enseignants en classe par des non-professionnels et des membres du parti au pouvoir assistant aux cours. Le refus de dialoguer avec l'ETA, de les consulter ou de négocier sur ce problème montre l'étendue de l'ingérence politique à travers le système scolaire. En dépit de ces difficultés, l'ETA reçoit un large soutien de la part des enseignants à travers tout le pays. En février 1998, une réunion de la direction et un séminaire regroupant l'ensemble des représentants élus de toutes les provinces éthiopiennes, à l'exception de deux, se sont tenus avec beaucoup de succès. Il convient de souligner que l'ETA n'a le soutien d'aucune organisation terroriste, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement. Elle souhaite simplement être en mesure de survivre, de permettre à ses membres de s'affilier et de négocier avec les autorités compétentes aux niveaux fédéral et provincial.

En conclusion, l'orateur demande à la commission de prier instamment le gouvernement, en tout premier lieu, de condamner le meurtre de M. Assefa Maru par la police et d'ouvrir une enquête publique et indépendante sur les circonstances de sa mort. De plus, il conviendrait de prier instamment le gouvernement de reconnaître la direction élue de l'ETA, de réintégrer, en leur versant leur salaire, les membres de l'ETA licenciés, de donner à l'ETA accès à ses comptes bancaires et de rendre les fonds qui ont été versés à l'organisation rivale, et, enfin, de cesser de harceler l'ETA, ses dirigeants et ses membres. Enfin, la commission devrait instamment prier le gouvernement de renouer le dialogue avec l'ETA, ainsi que le Premier ministre l'a proposé. Il convient également de proposer l'assistance technique du BIT pour l'application de la convention no 87.

Un membre travailleur de l'Allemagne a souscrit aux interventions déjà faites dans ce cas. Se référant à la discussion générale sur le rapport conjoint du Comité mixte BIT/UNESCO sur l'application des recommandations concernant le statut des enseignants, l'orateur déclare qu'un cas en question -- en l'occurrence le cas no 1888 du Comité de la liberté syndicale -- a également été présenté dans ledit rapport. Reprenant les principales conclusions du Comité d'experts BIT/UNESCO, il a demandé au représentant gouvernemental comment un système éducatif pourrait se développer alors que ses représentants -- c'est-à-dire les enseignants -- ont été licenciés, persécutés, enlevés et assassinés.

Le membre travailleur des Pays-Bas a indiqué qu'il était en Ethiopie du 18 au 22 mai 1998 afin de participer à une conférence internationale chargée d'établir une commission éthiopienne des droits de l'homme et de nommer un Ombudsman, obligation imposée au gouvernement par la nouvelle Constitution éthiopienne. Après avoir fait des remarques générales, l'orateur a attiré l'attention de cette conférence sur les conclusions et recommandations sur les violations des droits syndicaux en Ethiopie, adoptées par le Comité de la liberté syndicale à sa session de novembre 1997 concernant les cas nos 1888 et 1908 sur l'Ethiopie. Malheureusement, le président de cette conférence, qui était aussi le porte-parole du parlement éthiopien, a répondu en rejetant les conclusions et en les qualifiant de mensonges, et ce même après avoir appris par la suite que ces conclusions émanaient d'un rapport du Coneil d'administration de l'OIT et non d'un rapport d'une organisation syndicale. L'orateur était curieux de savoir ce que le représentant gouvernemental avait à dire à ce sujet.

Le membre travailleur de l'Ethiopie a souligné que les travailleurs éthiopiens ont eu à traverser une série de hauts et de bas depuis plusieurs années afin de défendre leurs droits et bénéfices, particulièrement dans le domaine de la liberté syndicale et du droit à la négociation collective. Néanmoins, le gouvernement n'a jamais accepté de porter une quelconque attention à ces problèmes avant l'effondrement du régime militaire et l'établissement d'un nouveau gouvernement en 1991. Des nouvelles lois sur les relations professionnelles ont alors été adoptées et la nouvelle déclaration sur le travail de 1993 a permis aux travailleurs de constituer des syndicats librement et sans ingérence. Malheureusement, les dirigeants de la Confédération éthiopienne des syndicats (CETU) de l'époque ont échoué immédiatement après sa création. Une des raisons expliquant cette crise est les malentendus et le manque de confiance qui existent entre les dirigeants de l'ancienne CETU. Mais la raison la plus importante est que les dirigeants de l'époque n'ont pas respecté l'autonomie de ces fédérations affiliées. Les présidents, secrétaires généraux et trésoriers de six de ces neuf fédérations ont été illégalement suspendus du Conseil général par le président de la CETU et quelques-uns de ses collaborateurs. Ainsi, la raison principale de l'échec des dirigeants de l'ancienne CETU était sa nature dictatoriale. Des décisions portant sur plusieurs questions touchant les relations professionnelles ont été prises sans consultation suite aux sérieux problèmes rencontrés par les dirigeants de la CETU, et les travailleurs éthiopiens ont donc dû se passer d'un centre national pendant presque trois ans. Toutefois, huit des neuf fédérations ont par la suite formé un comité de coordination afin de réorganiser la CETU, et ce comité a mené une série de campagnes à travers le pays pour établir un contact avec tous les membres au niveau de la base. De plus, le comité de coordination a organisé une conférence pour tous les représentants syndicaux afin d'examiner les causes des problèmes de la confédération et de les résoudre. Suite à ces discussions, les dirigeants syndicaux et les membres ont décidé de réorganiser la confédération. Le comité de coordination a convoqué le huitième Congrès général en avril 1997. A cette occasion, le congrès a adopté une constitution révisée et la confédération a été réorganisée de façon démocratique et indépendante en présence, entre autres, de représentants de l'OIT, de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et du secrétaire général de l'Organisation des syndicats africains unis (OATUU). Cette nouvelle confédération des syndicats éthiopiens a préparé une série de programmes de formation et a organisé des séminaires afin de sensibiliser les travailleurs à leurs droits et bénéfices. Elle a également essayé d'organiser ses membres afin qu'ils puissent négocier des conventions collectives avec les employeurs. De plus, ces séminaires ont permis aux membres de la nouvelle confédération de proposer des amendements aux lois du travail existantes. En particulier, la confédération a préparé une importante proposition en vue d'amender la proclamation de 1993 sur les relations professionnelles afin d'accorder la liberté syndicale aux enseignants et aux fonctionnaires. Ainsi, le gouvernement a été prié d'améliorer les lois actuelles sur les relations professionnelles avec la pleine participation des travailleurs. La nouvelle confédération essaie également de protéger les travailleurs contre les licenciements abusifs de certaines compagnies. En conclusion, la nouvelle confédération des syndicats éthiopiens a travaillé et continuera de travailler afin de sauvegarder les intérêts de ses membres. A cet effet, elle continuera de coopérer avec l'OIT jusqu'à ce que les droits des travailleurs soient totalement respectés et que les conventions de l'OIT soient pleinement appliquées en Ethiopie.

Le représentant gouvernemental a remercié tous les orateurs qui étaient intervenus bien que seuls quelques-uns aient présenté un reflet réel de la situation en Ethiopie. En ce qui concerne les charges existant contre le docteur Woldesmiate, il indique que la décision du tribunal à cet égard sera communiquée à l'OIT dès qu'elle sera rendue. En ce qui concerne l'incident allégué entre la police et M. Assefa Maru, il explique que ce dernier a refusé de se rendre et qu'il est décédé suite à un échange de coups de feu. Les circonstances de cet incident n'ont pas été correctement établies par les orateurs précédents. La vérité est que la situation des droits de l'homme s'est améliorée en Ethiopie. Il conclut en affirmant que son gouvernement accorde de l'importance au respect des normes de l'OIT et se dit prêt à accueillir toute assistance future de l'OIT en Ethiopie.

Le représentant du gouvernement a tenu à assurer au membre travailleur du pays que la déclaration imputée à une fonctionnaire du gouvernement à propos d'un rapport d'un organe de contrôle de l'OIT ne reflétait certainement pas l'opinion du gouvernement éthiopien.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a ensuite eu lieu. Elle rappelle que la commission d'experts s'est déclarée préoccupée par les allégations dont le Comité de la liberté syndicale a été saisi à propos du retrait forcé de dirigeants syndicaux élus et de la désignation directe par les autorités administratives des membres des comités exécutifs de ces syndicats, ainsi que de l'annulation de l'enregistrement d'une confédération syndicale. Elle déplore en outre que, selon ce qu'il ressort des discussions, le gouvernement n'a toujours pas rétabli la reconnaissance de la direction de l'association des enseignants malgré la décision de justice dans ce sens; elle rappelle que la commission d'experts a demandé des informations sur la manière dont les associations d'enseignants peuvent défendre leurs intérêts professionnels compte tenu de leur exclusion du champ d'application de la proclamation sur le travail. La Commission de la Conférence exprime le ferme espoir que le gouvernement réengagera le dialogue avec l'Association des enseignants éthiopiens. Elle note en outre avec une profonde préoccupation que les rapports du Comité de la liberté syndicale font également état d'incarcérations de dirigeants syndicaux sans jugements. Elle prie instamment le gouvernement de prendre sans retard toutes les mesures nécessaires afin que les associations de travailleurs soient en mesure d'élire leurs représentants et d'organiser leur administration et leurs activités à l'abri de toute ingérence des pouvoirs publics, conformément aux prescriptions de l'article 3 de la convention. Elle le prie enfin de communiquer pour la prochaine session de la commission d'experts un rapport détaillé sur les mesures concrètes qui auront été prises pour assurer la pleine conformité de la législation et de la pratique avec la convention.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer