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Cas individuel (CAS) - Discussion : 1999, Publication : 87ème session CIT (1999)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Ethiopie (Ratification: 1963)

Autre commentaire sur C087

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Un représentant gouvernemental s'est dit surpris que la commission lui ait demandé d'assister à la présente session, étant donné que les cas ayant fait l'objet de commentaires de la commission d'experts ont été examinés par la commission à la 86e session de la Conférence internationale du Travail. A cette occasion, la délégation éthiopienne avait fourni à la commission des explications détaillées pour apaiser les préoccupations que suscitait l'application, par l'Ethiopie, de la convention no 87. Dans ses conclusions, la Commission de la Conférence avait formulé des recommandations et demandé au gouvernement éthiopien de fournir un rapport détaillé pour la session suivante de la commission d'experts. Ainsi, des rapports détaillés ont été adressés à la commission d'experts et au Comité de la liberté syndicale, avec les documents nécessaires, y compris la traduction d'une décision de justice. Dans ses rapports, le gouvernement avait indiqué quelles mesures concrètes avaient été prises pour garantir la pleine conformité de la loi et de la pratique avec la convention no 87. A cet égard, des consultations se poursuivent avec les partenaires sociaux en vue de modifier la proclamation sur le travail en question. Cela illustre bien les efforts que le gouvernement déploie pour continuer de satisfaire pleinement aux dispositions de la convention. Ainsi, il est tenu compte des commentaires de la commission d'experts et des débats qui ont eu lieu l'an passé au sein de la commission. Le gouvernement se félicite de ces commentaires et suggestions qui vont dans le sens du dialogue tripartite en cours dans son pays, mais il a estimé qu'il n'y a pas lieu, cette année, de reprendre cette question et que la commission aurait dû attendre les conclusions à ce sujet du Comité de la liberté syndicale. La délégation éthiopienne n'a pas voulu surcharger de travail la commission en réitérant les informations que le gouvernement avait données l'année précédente sur les mêmes questions. Elle s'est limitée à certaines d'entre elles: à propos du comité directeur de l'Association des enseignants éthiopiens, la Haute Cour fédérale d'Addis-Abeba a dit dans sa décision que, comme son nom l'indique, cette association a été créée par des enseignants. Par conséquent, seuls les membres de l'association peuvent élire, selon les règlements applicables, les représentants de l'association. La Cour n'était donc pas compétente pour déterminer lequel des comités directeurs en présence représentait légalement l'association. Cela incombe à l'assemblée générale de l'association. Ainsi, la Cour n'a pas déterminé la légitimité de l'un ou l'autre des comités directeurs, dont celui conduit par M. Taye Woldesmiate. Au contraire, elle a établi la compétence de l'assemblée générale de l'association pour se prononcer sur ce point. Comme suite à cette décision, l'assemblée générale de l'association a été convoquée le 18 octobre 1995 et a librement élu les nouveaux membres du comité directeur. La Cour s'est également prononcée sur l'administration du patrimoine et des actifs de l'association. A ce sujet, le gouvernement n'est pas intervenu de manière unilatérale. Le Comité de la liberté syndicale a reçu une réponse détaillée du gouvernement, ainsi que la traduction anglaise de la décision de la Haute Cour de justice. A propos de M. Taye Woldesmiate, qui est un ancien membre du comité directeur de l'association, le représentant gouvernemental a rappelé que, à maintes reprises, le gouvernement a exposé les faits qui ont conduit à son arrestation et au procès dont il fait en ce moment l'objet. Actuellement, les cas de cette personne et de ses complices sont examinés par la deuxième Chambre de la Haute Cour fédérale. M. Taye Woldesmiate est détenu dans des conditions respectueuses de sa personne. Les allégations de mauvais traitements à son égard sont donc totalement infondées. Il est jugé pour des faits qui n'ont rien à voir avec les activités qu'il a exercées alors qu'il était membre du comité directeur de l'association. En fait, les accusations portent exclusivement sur le rôle qu'il a joué dans une tentative de soulèvement armé, avec les autres justiciables, visant à renverser l'ordre constitutionnel en Ethiopie. A propos des recommandations en vue d'une modification de la proclamation sur le travail, le représentant gouvernemental a rappelé que le ministère examine cette question en consultation avec les partenaires sociaux, de façon à présenter en temps voulu des propositions concrètes au gouvernement. Ce type de réforme législative ou la promulgation d'une nouvelle loi seront effectués conformément aux priorités et au programme de travail de la législature. En conclusion, le représentant gouvernemental a réitéré que le gouvernement continuera de coopérer pleinement avec les mécanismes de supervision de l'OIT. Par ailleurs, la ratification par l'Ethiopie de trois conventions fondamentales de l'OIT démontre son total attachement aux principes fondamentaux de l'Organisation.

Les membres travailleurs ont rappelé que ce cas avait été examiné l'année précédente. Au cours des douze derniers mois, la répression par le gouvernement des syndicats qui ne sont pas sous son influence ou qui ne l'appuient pas s'est poursuivie. Par exemple, ils ont indiqué que la centrale nationale des syndicats, la Confédération des syndicats éthiopiens (CETU), a vu son enregistrement annulé par voie administrative en 1994 conformément aux dispositions de la loi du travail de 1993 après qu'elle eut critiqué la rigoureuse politique d'ajustement structurel mise en oeuvre dans le pays. Les autorités ont à nouveau enregistré la confédération en 1997 avec, à sa tête, une nouvelle direction acceptable pour le gouvernement. Les neuf fédérations affiliées à la CETU sont passées sous l'influence du gouvernement, à l'exception d'une seule, la Fédération industrielle des syndicats de banques et d'assurances, qui s'est retirée pour conserver son indépendance en 1998. Il semblerait que les autorités interviennent constamment dans les affaires des syndicats qui lui sont affiliés. Une réunion aurait été organisée à la Corporation éthiopienne des assurances alors qu'une minorité seulement de membres était présente et au cours de laquelle de nouveaux dirigeants auraient été nommés. Des faits analogues se seraient produits à la Banque pour la construction et les affaires. En 1998, le président de la Fédération des banques et assurances a dû se démettre de ses fonctions à la Corporation éthiopienne des assurances lorsqu'il a été procédé aux premières compressions d'effectifs malgré le fait que, selon la loi, les syndicalistes ne devraient être licenciés qu'en dernier lieu. Ayant perdu son emploi, il ne pouvait plus demeurer président de son syndicat. Soixante-neuf autres syndicalistes ont perdu leur emploi à la corporation des assurances.

Pour les membres travailleurs, l'Association, non affiliée, des enseignants éthiopiens (ETA) continue de faire l'objet des harcèlements les plus graves. Ils ont rappelé que, en décembre 1994, à la suite d'une action intentée par un groupe dissident, appuyé par le gouvernement, de l'ETA, un tribunal avait déterminé que M. Taye Woldesmiate était en fait le dirigeant légitime de l'ETA. Le groupe dissident a fait appel de cette décision et le tribunal a gelé les avoirs bancaires de l'ETA. Il semble que tous les bureaux de l'ETA ont été occupés par les forces de police et que l'usage en a été accordé au groupe dissident. Ces mesures contre l'ETA ont fait suite aux critiques prononcées par l'association à l'égard de la politique gouvernementale sur l'éducation et au début de la négociation collective de l'ETA sur les salaires des enseignants. Qui plus est, en 1997, le secrétaire général adjoint de l'ETA, M. Assefa Maru, a été tué par les forces de l'ordre. Aucune enquête indépendante n'a été menée sur ce meurtre. Peu après, le secrétaire général de l'ETA, M. Gemoraw Kassa, a dû s'exiler. En outre, le 13 octobre 1998, le siège de l'ETA a été occupé par un groupe de 30 personnes composé de policiers et de membres du groupe dissident, puis fermé. Deux membres du comité directeur du syndicat ont été détenus pendant sept heures. On a dit aux locataires de l'immeuble, à cette occasion, de payer à l'avenir leur loyer au gouvernement et non à l'ETA. Les membres travailleurs ont aussi signalé que la police avait interrompu un séminaire organisé par l'ETA, pénétré dans les bureaux de l'ETA et arrêté certains de ses membres. Après avoir comparu à deux reprises devant le tribunal, les membres de l'ETA arrêtés n'ont fait l'objet d'aucune condamnation. L'un d'entre eux, le secrétaire général intérimaire de l'ETA, M. Shimales Zewdie, qui souffrait de tuberculose, a été détenu dans une cellule avec 12 autres personnes et s'est vu refuser des soins médicaux. Ils ont été libérés le 15 octobre. Malheureusement, M. Shimales Zewdie est décédé en avril dernier, sa santé s'étant gravement détériorée à la suite de sa détention.

Les membres travailleurs ont rappelé que le président de l'ETA, le docteur Taye Woldesmiate, a été arrêté en mai 1996 et qu'il est détenu depuis maintenant trois ans. Il est accusé d'un complot commis en août 1996 contre de hauts fonctionnaires du gouvernement et, bien sûr, il s'est vu refuser sa libération sous caution. Au début de 1997, deux des accusations les plus graves contre lui ont été abandonnées. Deux des témoins principaux à charge se sont rétractés et ont affirmé que leur témoignage avait été obtenu sous la torture. L'un de ceux-ci, aussi coprévenu dans l'affaire, M. Kebite Desita, président de l'Association des enseignants retraités, organisation affiliée à l'ETA, après avoir été arrêté en mars 1996, est demeuré en prison pendant trois ans. Le docteur Taye Woldesmiate a comparu à nouveau devant le tribunal en juillet 1998 et, à cette occasion, il a déclaré que des gardiens l'avaient harcelé et menacé de mort. Le juge a alors déclaré qu'il n'avait aucune autorité sur l'administration pénitentiaire et a ordonné qu'il soit menotté jusqu'à sa comparution prochaine fixée au 15 septembre. Il est en fait resté menotté jusqu'au 28 septembre. Les menottes étaient enlevées une fois par jour pour lui permettre d'aller aux toilettes. En août 1998, Amnesty International a même lancé un appel urgent à son sujet pour traitement cruel, inhumain et dégradant. Amnesty a indiqué que sa cellule était obscure et qu'une ampoule électrique y était allumée 24 heures sur 24. En 1999, le docteur Taye Woldesmiate a comparu à de nombreuses reprises devant le tribunal mais, à chaque fois, son cas a dû être ajourné en raison de la maladie du codéfendeur, M. Kebede Desita. Le 29 mars de cette année, celui-ci est mort en prison après trois ans de détention et de mauvais traitements. Le 3 juin 1999, Taye Woldesmiate a été condamné injustement pour conspiration contre l'Etat. Cette condamnation est passible d'une peine de vingt-cinq ans d'emprisonnement ou de la peine de mort. Les membres travailleurs sont scandalisés par cette condamnation. Il va sans dire que de sérieux doutes se posent à propos du déroulement du procès. Les changements intervenus dans le système judiciaire suscitent de graves inquiétudes quant à son indépendance.

Les membres travailleurs ont relevé que, dans son observation, la commission d'experts a noté avec une profonde préoccupation les graves allégations dont le Comité de la liberté syndicale a été saisi au sujet de l'Ethiopie. La commission d'experts a également noté que la Proclamation sur le travail de 1993 exclut les enseignants de son champ d'application. En outre, les salariés de l'administration de l'Etat, les juges et les procureurs ne peuvent pas adhérer à des syndicats. Le droit de grève subit de grandes restrictions et la définition des services essentiels est très ample. Les différends du travail peuvent être portés devant le ministre du Travail pour conciliation et arbitrage obligatoire par l'une des parties au différend. L'année dernière, les membres travailleurs ont exprimé le souhait que la commission revienne cette année sur ce cas afin d'examiner si des progrès avaient été enregistrés. Cependant, en dépit des efforts déployés par les membres travailleurs pour dialoguer avec le gouvernement, la situation a empiré. Les conclusions de la commission priant le gouvernement d'ouvrir à nouveau le dialogue avec l'ETA n'ont pas été suivies d'effet. Au lieu de cela, en raison de leurs activités syndicales, trois dirigeants syndicaux sont morts, et un autre est toujours en prison. Les membres travailleurs ont demandé la libération immédiate de Taye Woldesmiate et prié le gouvernement d'assurer la sécurité des dirigeants de l'ETA lorsqu'ils essaient de rencontrer leurs membres dans les différentes régions du pays. Aux yeux des membres travailleurs, l'Ethiopie impose les traitements les plus violents aux dirigeants syndicaux. Les termes les plus fermes devraient être employés et la conclusion adoptée l'année dernière par la commission devrait être réitérée.

Les membres employeurs ont déclaré qu'aucune nouvelle information n'avait été fournie depuis le dernier examen de ce cas à la Conférence de 1998. Concernant le problème de l'exclusion des enseignants de l'application des dispositions de la convention, ils soulignent que le gouvernement avait déjà indiqué en 1995 qu'un projet de loi sur ce point était en préparation. Ainsi, cette législation n'est toujours pas en conformité avec la convention. En ce qui concerne la question relative au remplacement de dirigeants syndicaux, ils notent que le rapport de la commission d'experts indique que le gouvernement a fait appel de cette décision. Bien que le représentant gouvernemental ait fourni certaines informations sur cette question, des informations écrites sont nécessaires afin de permettre à la commission de s'assurer du plein respect des principes contenus dans la convention. Ils notent également que le ministère du Travail a annulé l'enregistrement de l'ancienne Confédération des syndicats éthiopiens (CETU), ce qui constitue, d'une part, une ingérence flagrante de la part du gouvernement en ce qui concerne le droit de liberté syndicale et, d'autre part, une violation de la convention. Concernant les limitations au droit de grève imposées par le Code du travail, les membres employeurs expriment leur désaccord avec les commentaires de la commission d'experts pour ce qui est de sa définition des services essentiels, qu'ils estiment trop ample. Ainsi, on ne devrait pas exiger du gouvernement qu'il suive les recommandations de la commission d'experts concernant la définition des services essentiels. En conclusion, les membres employeurs soulignent les nombreuses divergences entre la législation nationale et les dispositions de la convention. Cette commission devrait donc prier instamment le gouvernement d'adopter sans délai des mesures afin de mettre sa législation et sa pratique en conformité avec la convention.

Le membre travailleur de l'Ethiopie s'est déclaré en désaccord avec les observations de la commission d'experts selon laquelle les dirigeants syndicaux seraient destitués et nommés par les autorités administratives. Aucun dirigeant syndical n'a été proposé par le gouvernement. Comme le précise clairement la Proclamation sur le travail, les travailleurs élisent librement leurs représentants. En ce qui concerne la nécessité de modifier la Proclamation sur le travail, l'orateur a reconnu que cette dernière ne vise pas certaines questions importantes et que certains articles sont ambigus. Il a fermement appuyé la demande de la commission d'experts visant à ce que la législation du travail soit modifiée. Sa confédération oeuvre à cette fin en coopération avec d'autres organisations. Après avoir identifié des lacunes de la législation du travail, les travailleurs ont préparé des propositions d'amendements qui seront soumises au symposium national en juillet. L'Equipe multidisciplinaire pour l'Afrique orientale joue un rôle important de soutien en coordonnant et en mettant les partenaires sociaux en contact. Enfin, l'orateur a souligné que l'Ethiopie a ratifié 19 conventions de l'OIT dont 6 conventions fondamentales. Il a incité le gouvernement à ratifier d'autres conventions de façon à accroître la protection des droits des travailleurs.

Le membre travailleur des Pays-Bas a souligné que le gouvernement actuel avait promis des changements importants dans la législation, mais que ces changements n'étaient pas encore intervenus. Il a déclaré que le gouvernement, tout comme l'ancien régime Dergue, tente d'utiliser le mouvement syndical comme une courroie de transmission pour ses propres fins politiques. Cela est clairement démontré par le fait que la Confédération éthiopienne des syndicats (CETU) s'est abstenue de critiquer le gouvernement. Il a par la suite attiré l'attention de la commission sur un certain nombre de syndicalistes, dont il a cité les noms, qui ont récemment disparu. Il a accusé le gouvernement de profiter du conflit avec l'Erythrée pour faire enlever des syndicalistes. Enfin, il a de nouveau critiqué l'attitude des membres employeurs concernant le droit de grève, et en particulier les divergences entre leurs positions à la Commission de la Conférence, d'une part, et à la Commission de la liberté syndicale, d'autre part.

Le membre travailleur du Ghana a souscrit entièrement aux déclarations des membres travailleurs mais a souhaité développer certains points particulièrement préoccupants. L'argumentation du gouvernement relative aux violations graves de la convention n'est que trop connue. En fait, selon lui, il n'y a eu absolument aucun progrès en Ethiopie pour ce qui est du cas à l'examen. Depuis 1994, le gouvernement a déclaré dans son rapport qu'une nouvelle loi allait être adoptée "dans un très proche avenir" en vue de régler la question des violations de la convention soulevées par la commission d'experts. Cinq ans plus tard, cette loi n'est toujours pas adoptée. Il est clair que le gouvernement n'a absolument pas l'intention de faire quoi que ce soit pour améliorer la situation; les enseignants et autres travailleurs de l'Ethiopie continueront à se voir dénier leurs droits fondamentaux. En outre, le gouvernement de l'Ethiopie ou, pour cette question, tout autre gouvernement n'a pas à décider au nom des travailleurs à quelle association ou à quel syndicat ces derniers devraient s'affilier. Une telle intervention constitue une violation grave et flagrante de la convention, ce qui ne saurait être toléré. Il a dès lors suggéré que le gouvernement soit critiqué dans les termes les plus sévères, mais qu'il doit également être prié de mettre dans les plus brefs délais la loi et la pratique en conformité avec les dispositions de la convention. A titre de conclusion et en se référant à la déclaration du membre travailleur de l'Ethiopie, il a dénoncé les efforts manifestes que le représentant gouvernemental déploie pour que, du côté des membres travailleurs, on appuie l'action du gouvernement. Il a exprimé l'espoir que la commission serait en mesure d'évaluer à sa juste valeur la déclaration prononcée.

Le membre travailleur de l'Allemagne a noté avec une profonde préoccupation la situation actuelle dans le pays en matière de liberté syndicale, telle qu'exposée par la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale. Un rapport publié il y a quelques jours par la CISL témoigne également des graves violations de la convention. C'est pour cette raison qu'un syndicat allemand s'est adressé au ministre allemand des Affaires étrangères et au Premier ministre d'Ethiopie. Un dirigeant syndical, M. Assefa Maru, a été assassiné à Addis-Abeba il y a deux ans. En outre, le secrétaire de l'Association éthiopienne des enseignants (ETA), M. Tange, a été arrêté mais n'a pas encore été jugé. D'une manière générale, les dirigeants syndicaux sont souvent arrêtés, destitués, voire torturés. Par ailleurs, il existe de graves restrictions au droit de grève. Se référant au secteur des télécommunications en voie de privatisation, l'orateur a estimé que ce secteur ne constitue pas un service essentiel. En conclusion, l'orateur a instamment prié le gouvernement de se conformer aux recommandations de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale.

Le membre travailleur du Sénégal a souscrit aux observations des membres travailleurs et a relevé la longue liste des faits qui témoignent de violations sérieuses de la convention. Il a insisté sur l'importance de les dénoncer devant des forums internationaux, telle la commission. Pour ce qui est de l'observation de la commission d'experts qui sert de base aux travaux de la commission, il a noté que plusieurs problèmes relevés sont tout à fait inacceptables, telle la question de la destitution forcée de dirigeants syndicaux. Il a insisté sur l'importance de la fonction normative de l'OIT dans l'arsenal juridique des Etats Membres; il a toutefois exprimé un doute au sujet de l'annonce des mesures législatives qui seront prises: elles servent parfois de mesures dilatoires. Il s'est aussi interrogé sur la mesure et l'étendue de l'ingérence des autorités aux fins de remplacer des organisations librement constituées par d'autres qu'elles contrôlent.

Le représentant gouvernemental de l'Ethiopie a remercié les orateurs pour leurs commentaires et a fait bon accueil à plusieurs des opinions exprimées. Cependant, il a exprimé sa grande déception face aux déclarations de certains orateurs et a catégoriquement rejeté l'opinion selon laquelle le gouvernement viole de façon flagrante la convention. Il a mentionné que, pour la première fois dans l'histoire de son pays, les syndicats jouissent réellement de la liberté syndicale. Il a également manifesté son appréciation pour les observations constructives de la commission d'experts et a déclaré que les amendements à la Proclamation du travail viendraient en temps opportun. Cependant, il a souligné que de tels amendements peuvent prendre un certain temps, tout dépendant du programme d'action du gouvernement en matière législative. Pour ce qui est de Taye Woldesmiate, il a rappelé que les charges contre lui sont toujours en instance devant le tribunal et que, dans tous les cas, elles ne sont pas liées à ses activités syndicales. En ce qui concerne l'incident entre les forces de police et M. Assefa Maru, il a également rappelé que ce dernier a été tué à la suite d'un échange de coups de feu lorsqu'il a refusé de se rendre et que ces faits ont été clairement établis. Pour ce qui est de la question de l'expulsion de certaines personnes, il a indiqué que la commission tripartite était en train de l'examiner. Cette question a été introduite au Conseil d'administration sous des prétendues allégations de violation de conventions ratifiées, et le Conseil d'administration a nommé une commission tripartite pour examiner l'affaire. Celle-ci sera donc adéquatement traitée par cette commission. Il a indiqué que, sans aller dans les détails, il souhaitait informer la commission que cette déportation a lieu dans le respect total des obligations internationales, ainsi que des lois nationales pertinentes. Enfin, il a réitéré l'engagement formel de son gouvernement au respect des principes de l'OIT.

Le représentant gouvernemental de l'Erythrée a tout d'abord remercié la commission pour ses efforts en vue de mettre un terme aux violations flagrantes des droits de la personne en Ethiopie. Il a regretté d'entendre un travailleur trahir les principes que les travailleurs défendent et a souhaité mentionner des cas de violations de la convention dont il a connaissance. Il a déclaré que des milliers de travailleurs, membres de directions syndicales, ont été expulsés d'Ethiopie vers l'Erythrée au motif qu'ils seraient des ressortissants de ce dernier pays. Il a allégué que près de 60.000 travailleurs ont été ainsi expulsés et que leurs salaires ne leur ont pas été versés. Il a également dénoncé la pratique qui consiste à détenir des personnes dans des conditions présentant des risques graves pour leur santé. Il a conclu en condamnant les pratiques actuelles du gouvernement de l'Ethiopie dans les termes les plus sévères.

Le représentant gouvernemental a souhaité que soit consigné au procès-verbal son désaccord profond avec les déclarations erronées du représentant gouvernemental de l'Erythrée. Selon lui, les déclarations prononcées constituent un grave affront à la commission et un abus flagrant de ces procédures d'examen. La commission ne doit pas être utilisée à des fins de politique politicienne. Dans tous les cas, il a souhaité préciser que la déportation de ressortissants d'Erythrée, qui a eu lieu en Ethiopie, concerne des personnes dont la présence clandestine en Ethiopie ne pouvait être acceptée pour des raisons liées à la sécurité nationale. Ces faits n'ont aucun lien avec les questions qui sont présentement discutées.

Le membre travailleur des Pays-Bas a déclaré qu'il estime que les deux interventions précédentes ne sont pas pertinentes dans le cadre des travaux de la commission.

Les membres travailleurs ont prié la Confédération des syndicats éthiopiens (CETU) de bien vouloir démontrer qu'ils représentent les intérêts des travailleurs et non ceux du gouvernement. En ce qui concerne la position des membres employeurs sur le droit de grève, ils se sont référés aux deux résolutions qui ont été adoptées par la Conférence en 1957 et 1970.

Les membres employeurs se sont référés à la question, d'un ordre plus technique, posée par les membres travailleurs sur l'expression des opinions des employeurs en matière de droit de grève. Ils ont rappelé l'article 7 du Règlement de la Conférence, qui définit le mandat de la commission. Cette commission existe depuis 1926 et son mandat diffère de celui de la commission d'experts. En outre, le Comité de la liberté syndicale, établi en 1950, exerce des fonctions similaires à celles de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale. Il a pour rôle de dresser un inventaire des faits et de mener une première évaluation. A cet égard, peu importe si l'Etat a ratifié ou non la convention. Au contraire, le mandat de la commission est d'examiner l'application des conventions ratifiées. Dans un premier temps, les membres employeurs ont discuté entre eux et leur porte-parole a ensuite présenté leur opinion.

La commission a noté la déclaration du représentant gouvernemental et la discussion qui a eu lieu par la suite. Comme la commission d'experts, elle s'est dite gravement préoccupée que le Comité de la liberté syndicale ait examiné à nouveau des plaintes très graves contre le gouvernement. Ces plaintes se réfèrent à la destitution de dirigeants syndicaux élus, à la nomination de membres des instances dirigeantes des syndicats par les autorités administratives, à l'annulation de l'enregistrement d'une confédération ainsi qu'à la détention de dirigeants syndicaux. Elle a, de plus, déploré que le gouvernement n'ait pas réenregistré l'Association éthiopienne des enseignants (ETA), malgré le fait qu'un tribunal lui ait ordonné de le faire; elle a demandé des informations sur la manière dont les associations d'enseignants peuvent promouvoir leurs intérêts, étant entendu qu'elles sont exclues du champ d'application de la Proclamation sur le travail. Rappelant que, l'année dernière, la commission avait exprimé le ferme espoir que le gouvernement reprenne le dialogue avec l'ETA, la commission s'est dite gravement préoccupée que le Comité de la liberté syndicale ait déploré le fait que des dirigeants syndicaux soient détenus depuis plus de trois ans sans procès. Enfin, la commission a insisté sur le besoin pressant d'éliminer les divergences entre la loi et la pratique et la convention. Elle a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires sans délai pour garantir que le droit d'organisation soit reconnu aux enseignants en vue de défendre leurs intérêts et que les organisations de travailleurs puissent élire leurs représentants sans intervention de la part des autorités publiques et que les organisations de travailleurs ne soient pas dissoutes par voie administrative, conformément aux articles 2, 3 et 4 de la convention. La commission a prié le gouvernement de respecter pleinement les libertés publiques qui sont essentielles pour la mise en oeuvre de la convention. La commission a exprimé l'espoir que le gouvernement fournira des informations détaillées dans le rapport soumis à la commission d'experts cette année sur les mesures concrètes prises en vue d'assurer la conformité de la convention, tant dans la loi que la pratique.

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