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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2007, Publication : 96ème session CIT (2007)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Ethiopie (Ratification: 1963)

Autre commentaire sur C087

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Un représentant gouvernemental s'est félicité de l'occasion qui lui était offerte de prendre la parole devant la commission dans un esprit de dialogue constructif et de tripartisme. La commission et les partenaires sociaux doivent être assurés de la pleine coopération de son gouvernement, lequel a pris des mesures afin d'assurer l'application la plus complète de la convention no 87, et dont quelques-unes seront exposées ci-après.

L'Ethiopie est l'un des plus anciens membres africains de l'OIT et a ratifié toutes les conventions fondamentales. Son gouvernement a toujours été conscient et a toujours souscrit sans faillir au principe suivant lequel la ratification n'est que la première étape de l'obligation d'un Etat qui doit, par la suite, appliquer les normes de l'OIT. Ainsi, toutes les conventions de l'OIT que l'Ethiopie a adoptées ont été intégrées dans le système juridique éthiopien, conformément aux articles 9 et 13 de la Constitution éthiopienne. Cette Constitution comporte aussi tout un éventail de dispositions dont la plupart ont une incidence directe sur les droits des travailleurs.

S'agissant de l'allégation de restriction du droit syndical à l'égard de certaines catégories de travailleurs, le paragraphe 1 de l'article 42 de la Constitution vise de très nombreuses catégories de travailleurs qui ont le droit de constituer des associations en vue d'améliorer leurs conditions d'emploi et leur bien-être économique. Le gouvernement a également adopté des mesures additionnelles afin d'assurer la compatibilité de la législation promulguée avant l'adoption de la Constitution de 1996 avec les normes constitutionnelles. L'une d'elles est la Proclamation du travail no 42 adoptée en 1993. Le gouvernement a aussi pris des mesures spécifiques destinées à assurer la compatibilité de ces proclamations avec la Constitution, de telle sorte que le droit syndical soit garanti à la fois dans la loi et dans la pratique. De ce fait, la Proclamation du travail no 42 a été amendée en 2003 et la Proclamation du travail no 377 a été adoptée dans le but de combler les lacunes laissées par la précédente.

Il faut rappeler que la Commission de la Conférence avait recommandé que, pendant son processus de réforme, l'Ethiopie mette en place un régime législatif spécifique qui permettrait une diversification des syndicats à l'intérieur d'une entreprise. Le système actuel répond donc à cette demande et est cohérent. Dans le même esprit, le gouvernement poursuit ses efforts de réforme afin d'assurer la compatibilité de la législation avec la Constitution et avec les obligations internationales contractées par le pays. L'Agence fédérale de la fonction publique a poursuivi l'examen de la législation fédérale afin d'apporter des garanties additionnelles aux catégories de travailleurs citées dans les observations de la commission d'experts.

Concernant les allégations portant sur l'Association des enseignants éthiopiens (ETA), en particulier celles évoquant la détention de plusieurs de ses membres, la prétendue fermeture de ses bureaux, le gel de ses avoirs financiers et la confiscation de ses documents, l'orateur a expliqué que le pays compte deux associations des enseignants éthiopiens; toutes deux prétendent être le successeur légitime de l'ETA d'origine fondée en 1949. La présence de plusieurs associations professionnelles dans un même secteur devrait être une situation normale, mais elle a dégénéré en un conflit juridique très controversé parce que les deux associations revendiquaient le même titre légal, les mêmes membres et les mêmes avoirs. Les allégations suivant lesquelles le gouvernement prendrait le parti d'une des ETA contre l'autre, emprisonnerait les membres de la seconde et confisquerait ses biens, sont mensongères et dénuées de tout fondement.

Plusieurs cas avaient été portés à l'attention de la commission à l'époque où la pseudo-junte communiste était au pouvoir. Bien que ce gouvernement ait créé le Parti des travailleurs d'Ethiopie en 1987, il avait aussi dissous, d'un seul coup, les associations professionnelles, dont l'ETA. La Confédération des syndicats éthiopiens avait été remplacée par le Syndicat panéthiopien (AETU), que le gouvernement contrôlait dans la pratique. En outre, les bureaux de l'ETA avaient été fermés en 1975 et ses avoirs confisqués officiellement en 1979.

Après le renversement de la junte militaire en 1993, les enseignants de tout le pays ont voulu créer une institution qui les représenterait plutôt que d'être un instrument de l'idéologie de l'Etat. Pour ce faire, ils ont créé une équipe de coordination nationale, composée de membres élus venus de toutes les régions du pays. La nouvelle ETA est officiellement née en 1994. Elle a reçu un certificat d'enregistrement qui devait être renouvelé chaque année après présentation de son rapport financier et de son rapport d'activités. Cette association compte actuellement des dizaines de milliers de membres qui cotisent dans tout le pays. L'allégation suivant laquelle le gouvernement aurait illégalement transféré des fonds de l'ETA est tout simplement infondée.

Après la création de l'ETA, un groupe dirigé par un ancien membre du gouvernement militaire, le docteur Taye Woldesemayat, a essayé de faire renaître l'ETA d'origine de ses cendres, de déstabiliser l'association déjà en place et d'imposer sa volonté aux autres. Il a ouvert ses propres bureaux, qui fonctionnent toujours actuellement, malgré les allégations suivant lesquelles le gouvernement les aurait fermés. Le groupe a repris le nom ETA, continué à organiser des réunions et correspondu avec des organisations internationales sous le nom d'ETA. Cependant, il n'a en aucune occasion cherché à obtenir sa reconnaissance par les autorités gouvernementales chargées de l'enregistrement des associations.

Devant cette situation, l'ETA reconnue a demandé à la justice de se prononcer. Le 27 novembre 2006, la Cour suprême fédérale, sur des questions de procédure, a chargé la Haute Cour de statuer sur le fond de la demande. Le Comité de la liberté syndicale a été informé de la situation, alors que le gouvernement n'était même pas partie dans cette affaire. Quoi qu'il en soit, la Commission de la Conférence doit se montrer constructive en laissant la procédure judiciaire suivre son cours.

S'agissant de l'allégation d'arrestations de membres de l'ETA, dont le président de la branche d'Addis-Abeba du syndicat, M. Kassahun Kebede, le gouvernement a reconnu que certains membres de l'ETA ont effectivement été arrêtés en raison de leur implication directe dans des actes de violence survenus à la suite des élections de mai 2005 en Ethiopie. La commission d'enquête indépendante a établi que des écoles avaient été la cible principale de ces violences qui avaient causé la mort de 193 civils innocents et de douzaines d'agents des forces de l'ordre. Cependant, le gouvernement réfute avec la plus grande énergie l'allégation suivant laquelle ces arrestations sont liées à l'exercice par des enseignants de la liberté syndicale et de leur droit syndical. Ces personnes, parmi lesquelles M. Kassahun Kebede, ont été arrêtées sous l'inculpation d'infraction aux dispositions du Code pénal fédéral en participant directement à des actes de violence ayant conduit à la perte de vies humaines et à la destruction de biens publics et mis gravement en danger la sécurité nationale.

Leur détention et leurs procès ont été en tous points conformes aux dispositions de la Constitution et aux normes internationales. Des membres de leurs familles, du personnel médical, des religieux, des membres d'ONG, des représentants de la Commission nationale des droits de l'homme et des avocats ont pu rendre visite aux enseignants. De plus, les détenus ont reçu la visite de personnalités et de représentants d'institutions de défense des droits de l'homme, dont le Haut Commissaire aux droits de l'homme. Par conséquent, comme on le voit, l'allégation selon laquelle les détenus, dont quelques enseignants, ont été empêchés de rencontrer leurs avocats est fausse.

La procédure judiciaire a également respecté les normes internationalement reconnues en matière de droits de l'homme et s'est déroulée en présence de juristes observateurs internationaux, de l'Union européenne et d'Amnesty International notamment. La Haute Cour, qui avait été saisie de l'affaire, a déjà rendu des arrêts. Par exemple, après l'examen des nombreux éléments de preuve présentés par le Procureur général, la Haute Cour a prononcé, le 10 avril 2007, un non-lieu pour les personnes concernées, dont M. Kassahun Kebede. Le gouvernement est heureux de communiquer à la commission les pièces relatives à cette décision. Il n'y a actuellement plus aucun enseignant en détention.

Le gouvernement avait déjà, le 23 mai 2007, adressé une note verbale au BIT déclarant qu'une enquête approfondie sur ces allégations s'imposait pour lui permettre d'y répondre. Bien que le gouvernement soit convaincu que la plupart de ces accusations sont sans fondement et inexactes, l'orateur a promis à la commission qu'il retournera ciel et terre dans son enquête et lui fournira une réponse dès que possible.

Les membres employeurs ont signalé que le cas de l'Ethiopie, concernant l'application de la convention no 87, a été traité depuis 1987 à neuf reprises par la commission, le dernier examen ayant eu lieu en 2003.

La non-conformité avec la convention provient en partie de certaines dispositions empêchant le libre exercice du droit syndical de catégories déterminées de travailleurs. Les exceptions prévues par la convention s'appliquent exclusivement aux membres de la police et des forces armées et, par conséquent, ne s'appliquent pas au personnel enseignant ni du secteur public ou du secteur privé, ni aux fonctionnaires publics. La Proclamation du travail de 1993 exclut les enseignants de son champ d'application et rend possible la dissolution administrative des syndicats ou l'autorisation préalable à leur constitution. C'est pour cette raison que la commission avait, en 2003, demandé instamment au gouvernement d'harmoniser les dispositions de cette proclamation avec celles de la convention et de garantir l'exercice du droit syndical aux enseignants et fonctionnaires publics. Ce sont pour ces raisons que l'assistance technique du BIT avait été offerte au gouvernement. La Proclamation de 1993 a été modifiée en 2003 avec la suppression de l'exclusion des enseignants du secteur privé de son champ d'application. En somme, les enseignants travaillant dans le secteur public ainsi que les autres fonctionnaires publics restent exclus du champ d'application de cette proclamation. Même si les amendements ont supprimé l'autorisation directe et la suppression administrative des organisations de travailleurs, il existe toujours la possibilité d'annuler le certificat d'enregistrement d'organisations interdites en vertu de la Proclamation du travail. Dans la pratique, cette possibilité peut laisser supposer une nouvelle restriction en violation de la convention no 87.

La commission d'experts pose, d'autre part, la question pratique de l'ingérence illégitime dans les activités des travailleurs de l'enseignement, notamment celle de la détention du président du syndicat d'enseignants en novembre 2005, de la fermeture des bureaux du syndicat, de la confiscation de documents, du gel d'avoirs financiers, de l'arrestation d'enseignants, de l'emprisonnement d'autres enseignants, entre autres, et de l'apparition d'une nouvelle organisation syndicale portant le même nom que l'organisation d'origine.

Le gouvernement indique qu'il a répondu de manière adéquate à ces allégations et que la détention du dirigeant syndical était liée à ses activités politiques et non à ses activités syndicales. Si les faits précédemment énoncés se sont exclusivement fondés sur l'exercice légitime d'activités syndicales ou sur l'appartenance à une organisation considérée comme illégale puisque n'entrant pas dans le champ d'application des Proclamations du travail de 1993 et de 2003, il s'agit alors d'un nouveau cas de violation de la convention. Le gouvernement devrait fournir des informations détaillées concernant ces faits ainsi que sur le degré d'affiliation et les conditions de création de la nouvelle organisation syndicale dans le secteur de l'enseignement de manière à en vérifier la véracité.

Malgré certaines avancées d'ordre normatif, il existe suffisamment d'indices permettant de supposer une nouvelle violation de la convention, notamment en pratique. Les membres employeurs se sont demandé si le gouvernement est dans la possibilité de transmettre des informations détaillées sur les mesures adoptées pour obtenir un plus grand respect de la convention dans la pratique et sur les actes d'ingérence mentionnés.

Les membres travailleurs ont indiqué que, entre 1998 et 2003, la commission avait, à chacune de ses sessions, examiné le cas de l'Ethiopie, et que c'était l'occasion aujourd'hui de vérifier si des progrès avaient été accomplis depuis lors. La déclaration du représentant gouvernemental peut porter à croire que la situation s'est améliorée considérablement, ce dont les membres travailleurs étaient convaincus jusqu'à tout récemment. Cependant, la semaine dernière, des syndicalistes ont de nouveau été arrêtés. Le gouvernement tient un double discours. D'une part, le représentant gouvernemental parle de l'engagement du gouvernement à entamer un dialogue avec les syndicats, mais d'autre part l'intimidation et la détention des membres des syndicats continuent.

S'agissant de la restriction du droit syndical des enseignants, les enseignants du secteur privé ont le droit de constituer des syndicats et le droit de négociation collective. Le droit syndical des enseignants publics est considérablement limité. Selon le gouvernement, les enseignants employés dans le secteur public bénéficient également du droit de constituer des associations professionnelles. Dans une communication envoyée au BIT le 1er juin 2006, le gouvernement indiquait que l'Agence civile étudiait la manière selon laquelle les fonctionnaires publics pourraient constituer des syndicats. Il serait intéressant d'obtenir des informations concernant cette étude.

Selon le gouvernement, il existe deux associations professionnelles des enseignants du secteur public. Dans son observation, la commission d'experts se réfère à l'ETA et à la Confédération des syndicats éthiopiens (CETU). Or les membres travailleurs craignent que la commission d'experts confonde ces deux organisations. La CETU est la centrale syndicale à laquelle les organisations d'enseignants ne peuvent s'affilier parce que les enseignants du secteur public n'ont pas le droit de s'organiser.

Les deux associations mentionnées par le gouvernement portent le même nom, à savoir ETA. En 1993, la procédure d'enregistrement des organisations de la société civile a été modifiée et l'ETA a dû renouveler son enregistrement auprès du ministre de la Justice. C'est à ce moment qu'elle a appris qu'une autre organisation portait le même nom. La nouvelle organisation a entamé des poursuites judiciaires afin de revendiquer la propriété des bâtiments et les ressources financières de l'organisation d'origine. Aujourd'hui, le cas est toujours pendant devant la justice. La Cour suprême a toutefois rejeté l'explication du ministre de la Justice selon laquelle l'ETA d'origine a été liquidée, l'assemblée générale de cette dernière n'ayant jamais dissolu l'organisation. Aux termes de l'article 4 de la convention no 87, les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. Malheureusement, l'arrêt de la Cour suprême n'a jamais été appliqué. Actuellement, les bâtiments de l'ETA sont toujours sous scellés et les ressources financières gelées. De plus, les cotisations syndicales des membres de l'ancienne ETA ont été réallouées à la nouvelle organisation.

L'ETA a été victime d'ingérences permanentes de la part du gouvernement. Des réunions ont été interrompues par les forces armées; les activités pour la Journée mondiale des enseignants et des enseignantes n'ont pu avoir lieu en 2003, 2004 et 2005; et les documents et les équipements électroniques ont été confisqués. De la sorte, l'organisation ne peut plus exercer ses activités et défendre les intérêts des enseignants. Le gouvernement, prétendant qu'une seule organisation nommée ETA existe, ne veut plus dialoguer avec les membres de l'organisation d'origine. Depuis avril 2003, plusieurs membres de l'ETA d'origine ont été licenciés, transférés, détenus ou victimes de mauvais traitements. D'autres ont reçu des menaces les incitant à ne plus avoir de contacts avec l'organisation d'origine. Le président de la branche de l'ETA d'origine d'Addis-Abeba a été détenu pendant dix-sept mois et a été remis en liberté en mars 2007. En décembre 2006, trois dirigeants ont été arrêtés et, le jour de leur procès, il était clair qu'ils avaient été victimes de mauvais traitements. En avril 2007, ils ont été remis en liberté. Il faut toutefois mentionner que, tout juste avant le début de la Conférence, les membres travailleurs ont été informés que les trois dirigeants de l'ETA d'origine ont été de nouveau arrêtés.

Concernant la situation des journalistes et la liberté de presse en Ethiopie, il faut souligner que le droit d'association des journalistes éthiopiens est nié dans le pays. Les dirigeants doivent se cacher ou s'exiler dans un autre pays, par exemple au Kenya. Dans un rapport du 2 mai 2007 intitulé "La protection des journalistes", l'Ethiopie est citée comme étant le pays où la liberté de presse s'est le plus détériorée ces cinq dernières années.

Les membres travailleurs ont indiqué qu'il est clair que le gouvernement essaie de contrôler toutes les organisations de la société civile, notamment par l'imposition des dirigeants dans ces organisations.

Une observatrice représentante de l'Internationale de l'enseignement a souligné que l'application de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et de la convention no 87 de l'OIT est intrinsèque à tout gouvernement qui se respecte, en particulier à un pays en développement qui se décrit lui-même comme étant en voie de démocratisation, qui connaît une grande pauvreté, dans lequel vivent 15 des 120 millions d'enfants non scolarisés du monde et qui est le berceau de l'une des plus anciennes civilisations. Mais la réalité quotidienne est celle de harcèlements et d'intimidations incessants, qui sévissent de longue date et qui prennent notamment la forme d'avertissements de se tenir à l'écart de l'ETA, de filatures, de la confiscation des papiers d'identité, d'arrestations arbitraires et même de torture.

L'ETA est une organisation représentative d'enseignants, sérieuse et bien organisée. Aux termes de la législation en vigueur, elle est une association professionnelle, fonctionnant selon les principes syndicaux, indépendante et démocratique. Bien que son assemblée générale du mois d'août 2006 ait été interrompue par les forces de sécurité et toutes les listes de ses membres confisquées, l'ETA est néanmoins parvenue à achever la sélection d'un nouveau comité directeur et à maintenir ainsi son mandat à l'égard de ses membres. L'organisation est dotée d'une constitution et d'un code de conduite qui interdisent tout engagement politique partisan à ses membres, qu'ils agissent pour leur propre compte ou au nom de l'organisation. L'ETA a été fondée en 1949 et enregistrée auprès du ministère de l'Intérieur en 1968. Il doit être noté que la compétence en matière d'enregistrement a été transférée au ministère de la Justice en 1993. Depuis lors, les litiges se sont succédé, les bureaux restant fermés, les avoirs gelés et les cotisations réaffectées de force à la nouvelle ETA, formée en 1993. Les décisions de la Cour suprême à ce sujet n'ont jamais été appliquées.

En dépit de la situation défavorable, l'ETA a continué de fonctionner et de participer aux programmes de l'Internationale de l'enseignement. Elle a cherché à fonctionner indépendamment du gouvernement, comme un syndicat autonome et démocratique, capable d'utiliser ses ressources, son énergie et ses compétences au service du développement humain, donc socio-économique, de la société éthiopienne, à travers l'éducation.

De nombreuses années durant, l'ETA et l'Internationale de l'enseignement ont cherché l'occasion d'engager le dialogue avec le gouvernement et ont récemment pensé avoir fait des progrès dans ce domaine. Pourtant, dans le même temps, les organisations ont fermement protesté contre les violations des droits de l'homme et des droits syndicaux. Ces approches ne sont pas contradictoires. L'oratrice a poursuivi en attirant l'attention sur les arrestations d'enseignants et d'officiels de l'ETA ainsi que sur l'obstruction du gouvernement à la tenue d'une conférence subrégionale sur l'éthique professionnelle que l'Internationale de l'enseignement avait voulu organiser à Addis-Abeba en avril 2007. Le gouvernement a refusé d'autoriser la conférence sans qu'une réunion préalable soit tenue pour aborder la question de la méfiance qui régnait entre lui et l'Internationale de l'enseignement. Le gouvernement fit usage de la peur et d'intimidations en cherchant à imposer son ordre du jour, non seulement à l'ETA, mais aussi à l'Internationale de l'enseignement. L'ETA et l'Internationale de l'enseignement sont disposées à travailler avec le gouvernement, mais pas au prix des droits de l'homme et des droits syndicaux, dont font partie la liberté syndicale et le droit d'organisation.

En conclusion, l'oratrice a appelé à la libération de trois enseignants emprisonnés et d'un enseignant porté disparu, à mettre un terme aux arrestations arbitraires, à la torture et au harcèlement, et à un usage approprié du système judiciaire. En outre, les conventions nos 87 et 98 doivent être appliquées, et l'ETA doit exister et fonctionner comme un syndicat d'enseignants. Pour l'Internationale de l'enseignement, les enseignants sont pris pour cible en raison de leur appartenance à l'ETA et sont privés de leur droit d'organisation. L'affirmation selon laquelle l'ETA serait composée de membres de la précédente junte militaire doit être fermement rejetée.

Le membre travailleur du Botswana a félicité l'Internationale de l'enseignement pour le travail qu'elle a accompli. Des enseignants affiliés à l'ETA ont été révoqués, transférés contre leur gré et détenus de manière arbitraire. Entre 2002 et aujourd'hui, des centaines de membres de l'ETA ont été victimes de harcèlement, de licenciement, de torture et d'emprisonnement. Des enseignants ont parfois été internés dans des prisons fort éloignées du lieu de résidence de leur famille. Pendant leur détention, les enseignants ne perçoivent pas leur salaire, alors que leur famille a besoin de leur rémunération pour survivre. Par ailleurs, il est rare qu'un enseignant qui a été arrêté soit réintégré après sa libération.

Des militants et dirigeants élus de premier plan de l'ETA ont aussi fait l'objet de mesures de harcèlement, d'intimidation, d'arrestation, et même soumis à la torture. Citant les cas de trois responsables de l'ETA, Tilahun Ayalew, Anteneh Getenet et Meqcha Mengistu, l'orateur a expliqué qu'aucun mandat d'arrêt n'a été délivré contre eux pendant les premiers jours de leur détention; ils n'ont pas pu rencontrer un avocat ni bénéficier de soins médicaux et ils ont été maintenus au secret. Un autre cas similaire est celui du président de la branche de l'ETA d'Addis-Abeba, Kassahun Kebede, qui a passé dix-sept mois en prison sur des accusations d'utilisation de son association à des fins abusives et d'incitation à la violence. De plus, le gouvernement refuse obstinément d'admettre que 11 personnes ont été tuées, dont le secrétaire général adjoint de l'ETA, Assefa Maru, abattu alors qu'il se rendait au local du syndicat, en 1997. Aucune enquête n'a été ouverte sur les circonstances de cet assassinat.

Cette longue liste d'exemples prouve que les enseignants sont systématiquement découragés de s'affilier à l'ETA. Quoi qu'il en soit, l'ETA souhaiterait entamer un dialogue avec le gouvernement éthiopien parce qu'elle voudrait contribuer à améliorer l'enseignement dans son pays. L'orateur a ajouté que les membres travailleurs espèrent que le gouvernement éthiopien ouvrira des pistes pour un dialogue sur des questions touchant à la politique éducative ou pour des consultations et des négociations avec l'ETA, créée en 1949.

Le membre travailleur du Swaziland a rappelé que l'Ethiopie a ratifié la convention no 87 il y a plus de quarante ans et a, par conséquent, eu tout le temps de transposer ses dispositions dans sa législation nationale ainsi que de les appliquer à la fois dans l'esprit, en droit et en pratique. En devenant Membre de l'OIT, un gouvernement choisit d'accepter les principes fondamentaux contenus dans la Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie, y compris le principe de la liberté syndicale.

L'orateur a indiqué que le gouvernement éthiopien a arbitrairement occupé les bureaux de l'ETA, recherché et confisqué des documents et des équipements électroniques appartenant à l'ETA, gelé ses avoirs financiers, détenu et arrêté des dirigeants et des membres de cette organisation, réalloué ses cotisations syndicales à un autre syndicat et tenté de dissoudre l'ETA d'origine. Tous ces actes constituent de graves violations de la convention no 87. Les employés de l'Etat et les enseignants se voient dénier le droit de constituer des associations professionnelles et sont privés des droits contenus dans la convention. Pourtant, il est un principe fondamental de l'OIT que le droit à une protection satisfaisante des biens des syndicats constitue un droit civil indispensable à l'exercice normal des droits syndicaux. De plus, le Comité de la liberté syndicale a souligné que l'arrestation et la détention de syndicalistes, même pour des raisons de sécurité intérieure, risquent d'impliquer une grave ingérence dans l'exercice des droits syndicaux si une telle mesure ne s'accompagne pas de garanties judiciaires appropriées.

Une réponse thématique est toujours attendue de la part du gouvernement éthiopien sur les questions soulevées par la commission d'experts. L'orateur a donc appelé la Commission de la Conférence à conjurer le gouvernement de libérer sans conditions les personnes qu'il détient ou de les inculper et de les poursuivre sans délai, de restituer tous ses biens à l'ETA, de mettre fin à l'occupation des bureaux de l'organisation et de lui restituer ses documents et ses équipements électroniques, d'adopter de toute urgence une loi du travail permettant aux employés de l'Etat de jouir pleinement des droits contenus dans la convention no 87, de cesser de réallouer les cotisations syndicales et de restituer toutes les cotisations réallouées illégalement, et, enfin, d'obtenir du Bureau toute coopération technique dont il pourrait avoir besoin.

Le représentant gouvernemental a remercié tous ceux qui ont contribué à ce débat important, qui est essentiel dans la perspective du futur que son gouvernement souhaite voir prendre forme en Ethiopie. La garantie de la meilleure application possible des normes de l'OIT est capitale pour l'instauration d'une bonne gouvernance et la protection des droits de l'homme. C'est sur cette compréhension de la question que repose la relation étroite qu'entretient son gouvernement avec l'OIT et ses mécanismes de contrôle.

L'orateur a déclaré que beaucoup de choses se sont passées depuis la publication du rapport de la commission d'experts. Son gouvernement a apporté au Comité de la liberté syndicale et au BIT toutes les informations dont il disposait. Dans une lettre adressée au Bureau le 23 mai 2007, il a même demandé un délai pour permettre une enquête plus approfondie sur les nombreuses allégations contenues dans la communication originale. Le gouvernement avait informé le Bureau de la libération, suite à l'arrêt de la Haute Cour fédérale, de tous les enseignants qui avaient été arrêtés. Il avait également fourni une copie de la lettre adressée par le secrétaire général de l'Internationale de l'enseignement au Premier ministre éthiopien, S. E. Meles Zenawi, dans laquelle il exprimait sa satisfaction après la libération des enseignants et leur rapide réintégration à leur poste. Le gouvernement est d'avis que les gestes qu'il a accomplis et les différentes mesures qu'il a prises méritent d'être approuvés par la commission et que celle-ci doit prendre la décision de ne pas aller plus loin dans cette affaire.

Bien que les questions soulevées sur la situation générale des droits de l'homme en Ethiopie suscitent sa plus grande sympathie, leur pertinence dans le cadre du présent forum, au mandat clairement défini, est contestable. Le gouvernement éthiopien est dirigé par des personnes qui ont consacré leur vie à la lutte contre la pire dictature qu'ait connue le continent africain. Le gouvernement est à la tête d'un pays lourdement accablé par la pauvreté, un voisinage difficile et le manque de moyens, entre autres choses. Néanmoins, le pays tente de renaître de ses cendres. Son économie connaît une croissance annuelle moyenne de 9 pour cent, laquelle, si elle se poursuit pendant les cinq prochaines années, aidera l'Ethiopie à atteindre ses objectifs du Millénaire pour le développement plus tôt que la date limite fixée à l'année 2015. Environ 90 pour cent des enfants en âge d'aller à l'école primaire sont scolarisés, alors que ce chiffre n'atteignait que 40 pour cent il y a dix ans. Le gouvernement investit massivement pour améliorer le secteur de l'éducation et les conditions des enseignants.

L'Ethiopie a également accompli des progrès dans d'autres aspects des droits de l'homme. Son parlement compte aujourd'hui plus d'une centaine de membres dans l'opposition, alors que ce chiffre ne s'élevait qu'à une douzaine il y a cinq ans. Plus de 30 pour cent des membres du parti au pouvoir au sein du parlement sont des femmes. Le pays compte un comité national des droits de l'homme actif, un médiateur et une commission anticorruption. Il faut toutefois reconnaître que de nombreux défis demeurent. Son gouvernement est ouvert et favorisera la transparence en abordant ces problèmes avec les partenaires sociaux.

Revenant au problème de l'ETA, il faut mentionner qu'il n'est pas exact que le gouvernement ait fermé le bureau de l'ETA - les deux associations portant ce nom possèdent toujours un bureau. L'orateur a regretté l'intervention du représentant de l'Internationale de l'enseignement, relevant que le secrétaire général de cette organisation parlait clairement un langage tandis que son représentant en parlait un autre.

Les membres employeurs ont réaffirmé que la convention no 87 reconnaît un droit, la liberté syndicale, applicable à l'ensemble des travailleurs indépendamment du fait qu'ils exercent leur activité dans le secteur public ou dans le secteur privé. Malgré certains progrès réalisés suite à la modification de la législation en 2003, la non-conformité de la législation nationale avec les dispositions de la convention attire encore l'attention. La supposée persistance d'actions pouvant être considérées comme une ingérence dans l'exercice du droit syndical, ou du moins l'insuffisance d'informations expliquant les raisons ainsi que le contexte dans lesquels se sont produites ces actions, n'en sont que plus importantes. En conclusion, les membres employeurs ont instamment recommandé au gouvernement d'adapter la législation aux exigences de la convention no 87, de ne plus réaliser d'actes d'ingérence dans le libre exercice de l'activité syndicale et d'envoyer des informations détaillées sur ces différents aspects à la commission d'experts.

Les membres travailleurs, après avoir entendu les interventions des membres de la commission et la réponse du représentant gouvernemental éthiopien, ont voulu faire les remarques suivantes. En Ethiopie, le droit syndical des enseignants employés dans le secteur public est limité. A cet égard, le gouvernement doit fournir des informations concernant l'étude qui devait être réalisée sur la constitution d'associations professionnelles des fonctionnaires publics. Les membres travailleurs ont ensuite réitéré leurs inquiétudes concernant la situation subie par l'ETA d'origine, notamment le fait qu'elle ait été victime d'ingérence dans son fonctionnement, que les dirigeants et les membres de l'ETA aient été, et sont toujours, victimes de menaces, d'arrestations, de détentions et de violences.

Selon les membres travailleurs, le temps est venu pour que le gouvernement cesse son double discours et amorce un vrai dialogue avec les organisations syndicales. Les membres de l'ETA d'origine doivent être libérés immédiatement et l'organisation d'origine doit avoir la possibilité de défendre de nouveau les droits syndicaux des enseignants sans aucune ingérence. Ce qui implique que ses biens et ses ressources financières lui soient rendus. Compte tenu du fait que le gouvernement ne semble pas reconnaître la situation actuelle décrite dans la lettre du secrétaire général de l'organisation l'Internationale de l'éducation, les membres travailleurs ont proposé qu'une mission de contacts directs se rende dans le pays et ont espéré que le gouvernement accepte cette mission.

Le représentant gouvernemental de l'Ethiopie, en réponse aux allégations concernant les nouvelles arrestations survenues la semaine dernière, a indiqué qu'il n'avait pas eu connaissance de ces allégations. Les auteurs de ces dernières n'ont pas fourni de détails sur les évènements, tels que les noms des personnes concernées et les lieux de détention. L'orateur a demandé du temps pour pouvoir consulter son gouvernement afin qu'il puisse y répondre et a réitéré la volonté de son gouvernement d'engager le dialogue avec les organes de contrôle de l'OIT.

La commission a noté la déclaration du représentant du gouvernement ainsi que la discussion qui a suivi. Elle a rappelé que les commentaires de la commission d'experts font référence à des commentaires émanant d'organisations internationales de travailleurs alléguant un nombre important de violations graves de la convention en particulier au regard des droits syndicaux des enseignants, y compris la limitation de leur droit d'organisation, la création d'un syndicat contrôlé par le gouvernement, la fermeture et l'occupation des locaux, le gel d'avoirs financiers ainsi que la condamnation et la détention de membres de syndicats. La commission d'experts mentionne également le fait que la législation restreint toujours le droit d'association des fonctionnaires.

La commission a noté les informations communiquées par le gouvernement selon lesquelles la Haute Cour fédérale a décidé en avril 2007 qu'aucune accusation n'était à retenir contre M. Kebede, président du bureau d'Addis-Abeba de l'ETA, ni contre les autres personnes poursuivies devant la Cour. Selon le gouvernement, suite à cette décision, il n'y a plus aucun enseignant incarcéré en Ethiopie.

Tout en se félicitant de la nouvelle de l'acquittement et de la libération de M. Kebede et de ses collègues, la commission a fait part de sa profonde préoccupation en ce qui concerne les nouvelles allégations au sujet de récentes arrestations de syndicalistes et de mauvais traitements, intimidations et interférences permanents. Elle a prié instamment le gouvernement d'enquêter sur ces récentes allégations et, si celles-ci s'avèrent fondées, de veiller à la libération immédiate de tout nouvel enseignant détenu.

La commission a exprimé le ferme espoir que des mesures appropriées seront prises afin de garantir pleinement le droit syndical des enseignants et de permettre, à la fois dans la législation et dans la pratique, que les activités légitimes des syndicats soient menées à bien sans ingérence du gouvernement, et qu'à l'avenir les membres syndicaux ne seront ni arrêtés ni emprisonnés pour avoir exercé les droits qui leur sont garantis par la convention. Etant donné que la commission d'experts a fait des commentaires sur la non-application de la convention depuis de nombreuses années, et à la lumière de l'expression par le gouvernement de son désir de continuer à coopérer pleinement avec l'OIT, la commission a demandé au gouvernement d'accepter une mission de contacts directs. Elle lui a demandé de fournir à la commission d'experts des informations détaillées sur toutes les mesures prises à cet égard dans le rapport qu'il est censé soumettre en 2007, et elle a exprimé le ferme espoir d'être en mesure, l'an prochain, de noter des progrès tangibles dans ce domaine.

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