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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Thaïlande (Ratification: 1969)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Thaïlande (Ratification: 2018)

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La commission prend note des observations transmises le 30 décembre 2010 par le Congrès national du travail de Thaïlande (NCTL), au sujet de l’application de la convention par la Thaïlande. Dans ses observations, le NCTL souligne que, même si le gouvernement déploie des efforts considérables pour lutter contre la traite des personnes, les statistiques montrent que le nombre d’arrestations et de poursuites liées à la traite reste faible par rapport au nombre d’infractions. Par ailleurs, le NCTL trouve préoccupant que les organisations d’employeurs et de travailleurs ne soient pas associées à la mise en œuvre de la convention dans le pays. La commission espère que le gouvernement transmettra des informations sur ces observations avec son prochain rapport.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. Mesures de prévention et de protection et application de la loi. La commission prend note avec intérêt de l’adoption de la loi B.E. 2551 de 2008 de lutte contre la traite des personnes, qui abroge la loi B.E. 2540 de 1997 sur les mesures de prévention et de répression de la traite des femmes et des enfants. La nouvelle loi donne de l’exploitation une définition large, laquelle comprend l’exploitation sexuelle, la production et la diffusion de matériel pornographique, d’autres formes d’exploitation sexuelle, l’esclavage, la mendicité forcée, le travail forcé, ou d’autres formes d’exploitation similaires. La commission prend note des informations sur les mécanismes et les procédures spéciales élaborés par le gouvernement en vertu de la nouvelle loi pour prévenir la traite des personnes et protéger les victimes de manière efficace. Elle prend note en particulier de l’élaboration de principes directeurs opérationnels sur la prévention et la répression de la traite aux fins d’exploitation du travail, l’assistance aux victimes et leur protection. La commission note en outre que, en vertu de la nouvelle loi, les victimes peuvent demander réparation des dommages causés par la traite aux personnes qui en sont responsables.
La commission prend note des statistiques communiquées par le gouvernement concernant le nombre d’affaires relatives à la traite des personnes sur la période juin 2009 - juin 2010, ainsi que des informations concernant les activités de la Division de lutte contre la traite des personnes (AHTD), créée au sein de la police royale de Thaïlande. Depuis 2009, il s’agit du principal organisme chargé de la prévention et des enquêtes concernant les infractions liées à la traite. Enfin, la commission prend note des informations sur l’action que déploie le Centre de répression de la traite internationale, placé sous l’autorité du bureau du Procureur général.
Prenant note des informations détaillées communiquées par le gouvernement, qui témoignent des efforts considérables déployés pour lutter contre la traite, la commission demande au gouvernement de continuer à transmettre des informations, notamment sur l’application pratique de la loi B.E. 2551 de 2008 de lutte contre la traite des personnes, en transmettant copie des décisions de justice prononcées dans les cas de traite et de travail forcé, ainsi que des informations sur toute difficulté rencontrée par les autorités compétentes pour identifier les victimes et engager des poursuites judiciaires.
Traite des personnes à des fins d’exploitation. Travailleurs migrants. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des observations formulées par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) – devenue la Confédération syndicale internationale (CSI) – concernant l’application de la convention par la Thaïlande. Dans sa communication du 31 août 2006, la CISL se disait préoccupée par la persistance de la traite en provenance et à destination de la Thaïlande, et se référait à un rapport publié en avril 2006 par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, rapport dans lequel la Thaïlande figurait parmi le groupe des pays où le phénomène de la traite avait une ampleur considérable, en tant que pays de destination, d’origine et de transit. D’après le rapport, des femmes et des jeunes filles cambodgiennes et laotiennes étaient victimes de traite vers la Thaïlande, où elles travaillaient dans des usines, comme domestiques ou comme prostituées. Des hommes originaires de Birmanie, du Cambodge et de la République démocratique populaire lao étaient eux aussi victimes de traite vers la Thaïlande où ils étaient contraints de travailler dans des secteurs tels que la construction, l’agriculture et la pêche.
Répondant aux observations de la CISL, le gouvernement indique que la loi B.E. 2551 de 2008 de lutte contre la traite des personnes couvre toutes les victimes, qu’il s’agisse de femmes, d’enfants ou d’hommes, et qu’elle prévoit des peines plus lourdes pour les responsables, la protection des victimes et l’établissement d’un fonds de soutien pour la prévention et la répression de la traite. S’agissant en particulier de la servitude pour dettes et du travail forcé, le gouvernement indique que les dispositions de la nouvelle loi et de la loi sur la protection du travail (B.E. 2541) concernant les heures supplémentaires et les salaires minima (art. 70, 90, 24, 25 et 144) peuvent également constituer des outils pour prévenir ces pratiques.
Le gouvernement signale également que, s’agissant de la traite et du travail forcé, les mesures qu’il met en œuvre en matière d’inspection du travail et de protection du travail comprennent une coordination avec les organismes publics, les ONG et les organisations internationales intéressés, ainsi qu’avec les ambassades de Thaïlande à l’étranger, pour assurer la protection, le rétablissement et la réinsertion des victimes de la traite afin d’éviter qu’elles n’en fassent à nouveau l’objet. Enfin, le gouvernement indique que des programmes de rapatriement ont été mis en place avec le Cambodge, la République démocratique populaire lao, le Myanmar et la province chinoise du Yunnan en vue d’élaborer des procédures de rapatriement efficaces et sûres.
S’agissant des statistiques et de la documentation sur la traite, l’exploitation et le travail forcé de travailleurs originaires du Myanmar sur les navires et dans les ports thaïlandais, le gouvernement indique que, au cours de l’exercice 2005-06, le Département de la protection du travail et de la prévoyance (DLPW) a reçu 15 plaintes concernant des personnes qui travaillaient à bord de navires de pêche thaïlandais; deux d’entre elles ont été classées parmi les affaires relevant du travail forcé.
La commission prend note de l’additif du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants, présenté à la 17e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 17 mai 2011 (A/HRC/17/33/Add.1), qui comprend les communications envoyées aux gouvernements et les communications reçues de ces derniers. Dans les communications envoyées au gouvernement thaïlandais, le rapporteur spécial fait part de sa préoccupation concernant les violations des droits de l’homme des migrants dans le pays, notamment les effets négatifs de la procédure nationale de vérification aux fins d’enregistrement pour les travailleurs migrants. La commission note que, d’après le rapport, environ 300 000 travailleurs migrants n’ayant pas pu faire l’objet de la procédure nationale de vérification avant la date limite, reportée au 31 mars 2010, et près d’un million de travailleurs migrants non enregistrés qui n’ont pas pu bénéficier de cette procédure sont considérés comme des migrants en situation irrégulière, particulièrement exposés aux arrestations arbitraires, à la violence et à l’exploitation. D’après le rapport, lorsqu’ils sont arrêtés par la police ou placés en garde à vue, les travailleurs migrants non enregistrés peuvent se voir demander de payer à la police des pots-de-vin allant de 200 à 8 000 baht (THB) – voire plus – en échange de leur liberté.
La commission relève également l’information figurant dans le rapport sur l’ordonnance du Premier ministre du 2 juin 2010, qui prévoit la création d’un centre chargé de prendre des mesures de répression visant les travailleurs étrangers employés dans l’économie souterraine, de les arrêter et de les poursuivre (ordonnance no 125/1223). En vertu de ce texte, le centre a pour mandat de prendre des mesures de répression à l’égard des travailleurs étrangers entrés illégalement dans le pays, de les arrêter et de les poursuivre. Le rapporteur spécial se dit particulièrement préoccupé par la situation des migrants, caractérisée par des arrestations arbitraires, des violences et l’exploitation, qui s’est aggravée avec l’ordonnance susmentionnée. Un nombre croissant d’affaires faisant apparaître des abus de pouvoir systématiques des autorités ont été signalées, notamment la «vente» de migrants en situation irrégulière à divers intermédiaires qui les renvoient ensuite sur leur lieu de travail en contrepartie d’une somme d’argent, qui les «revendent» ou les mettent – dans le cadre d’une traite – à la disposition de différents employeurs de la pêche et des industries nationales. Enfin, le rapporteur spécial se dit préoccupé par les informations reçues, faisant état de la situation des travailleurs migrants originaires du Myanmar qui sont arrêtés et expulsés vers leur pays d’origine, par bateau, en passant par des postes de contrôle non officiels aux mains de l’Armée bouddhiste démocratique Karen (DKBA). La DKBA exigerait des personnes expulsées qu’elles versent une somme d’argent en échange de leur liberté. Selon le rapport, les migrants qui ne peuvent pas s’acquitter de cette somme sont battus et soumis au travail forcé.
La commission prend note du rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) du 14 janvier 2011 sur la traite des pêcheurs en Thaïlande, qui corrobore les communications du Rapporteur spécial des Nations Unies. Ce rapport mentionne des violations des droits de l’homme des travailleurs migrants en Thaïlande, notamment dans le secteur de la pêche. L’OIM exprime sa préoccupation face aux conditions d’embauche des travailleurs migrants dans le secteur de la pêche en Thaïlande: les procédures de recrutement demeurent largement informelles, et se fondent la plupart du temps sur des accords oraux, ce qui entraîne souvent des abus et encourage la traite des personnes. En outre, l’OIM attire l’attention sur le fait que de nombreux pêcheurs sont «vendus» par des intermédiaires aux propriétaires de bateaux de pêche, et qu’ils doivent travailler de longues périodes sans recevoir aucun salaire pour rembourser leurs dettes. L’OIM relève aussi que les conditions de travail sont dégradantes, mais que les pêcheurs n’ont souvent pas d’autre choix que de s’y soumettre, puisque les bateaux de pêche sont généralement en mer pour de longues périodes et que les pêcheurs ne peuvent ni partir, ni s’enfuir. Le rapport indique que les pêcheurs migrants, souvent sans papiers et non enregistrés, sont fréquemment retenus sur les bateaux pour une durée indéterminée, qu’ils travaillent et sont transférés de force sur un autre bateau de pêche lorsque leur bateau doit rejoindre la côte, sous la menace d’être dénoncés aux services de l’immigration.
La commission prend note de ces informations et, compte tenu de la gravité des faits décrits ci-dessus, rappelle que, malgré les efforts déployés par le gouvernement pour prévenir, combattre et réprimer la traite des personnes, les incertitudes qui entourent le statut légal des travailleurs migrants – notamment ceux employés dans le secteur de la pêche – les placent dans une situation d’extrême vulnérabilité. Cette situation de vulnérabilité les expose à des abus et à des pratiques qui vont à l’encontre de la protection prévue par la présente convention. En outre, la mobilité qui caractérise ce type de travail et les longues périodes passées en mer rendent difficile l’identification des pêcheurs migrants victimes de la traite et contraints de travailler dans des conditions relevant du travail forcé.
Par conséquent, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures efficaces pour protéger les travailleurs migrants, notamment dans le secteur de la pêche, afin qu’aucun travail forcé ne soit plus exigé de cette catégorie de travailleurs. Elle le prie également d’adopter les mesures nécessaires pour continuer à renforcer les mécanismes de contrôle de l’application de la loi, notamment des mesures destinées à appliquer la loi de lutte contre la traite aux personnes qui ciblent les pêcheurs migrants, et de veiller à ce que ces mesures tiennent compte des problèmes mis en évidence dans les rapports susmentionnés. La commission espère que le gouvernement fournira, dans son prochain rapport, des informations détaillées sur les progrès réalisés suite à l’adoption de ces mesures, en indiquant le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées ainsi que les sanctions pénales effectivement imposées aux personnes qui emploient des pêcheurs migrants, et qui ont fait l’objet d’une condamnation en vertu de la nouvelle loi de lutte contre la traite. Prière également de communiquer des informations sur l’application pratique de l’ordonnance du Premier ministre du 2 juin 2010 mentionnée plus haut, qui prévoit la création d’un centre chargé de prendre des mesures de répression visant les travailleurs étrangers employés dans l’économie souterraine, de les arrêter et de les poursuivre (ordonnance no 125/1223). A cet égard et compte tenu de la gravité de la situation dans laquelle se trouvent les travailleurs migrants, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures adoptées pour prévenir leur exploitation et garantir la protection de leurs droits, indépendamment de leur statut légal.
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