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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - République démocratique du Congo (Ratification: 1960)

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La commission prend note du rapport succinct fourni par le gouvernement le 9 juin 2011 ainsi que de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence sur l’application de la convention par la République démocratique du Congo. Elle note également les observations de la Confédération syndicale du Congo (CSC) reçues au Bureau le 21 septembre et transmises au gouvernement le 26 septembre 2011.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Travail forcé et esclavage sexuel dans le cadre du conflit armé. Dans sa précédente observation, la commission s’est référée à différents rapports émanant du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et des titulaires de mandats au titre des procédures spéciales sur la situation en République démocratique du Congo qui soulignaient la gravité de la situation des droits de l’homme dans le pays – tant dans les zones où les hostilités ont repris que dans les zones épargnées par le conflit – et faisaient état des violations commises par les forces de sécurité de l’Etat et par d’autres groupes armés, parmi lesquelles le recours au travail forcé et à l’esclavage sexuel. Dans le deuxième rapport conjoint de sept experts des Nations Unies sur la situation en République démocratique du Congo, les experts ont noté que les mines dans les Kivu continuaient d’être exploitées par les groupes armés, en particulier les forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), et ont exprimé leur préoccupation face aux «informations indiquant que les civils continuaient d’être soumis au travail forcé, à l’extorsion et à la taxation illégale, et que l’exploitation sexuelle des femmes et des fillettes était très fréquente dans ces régions minières». Le rapport a également souligné que «tant des membres des FARDC que d’autres groupes armés ont enlevé des femmes et des filles et les ont détenues pour les utiliser comme esclaves sexuelles et que celles-ci ont été soumises à des viols collectifs pendant des semaines et des mois, parfois accompagnés d’autres atrocités» (A/HRC/13/63 du 8 mars 2010).
Dans son rapport, reçu en juin 2011, le gouvernement indique qu’il a pris bonne note des observations de la commission, et que des mesures urgentes sont en train d’être prises pour mettre fin à ces violations graves. Il ajoute qu’un projet de loi portant abrogation du travail forcé est à l’examen au niveau du Parlement.
La commission note que, à l’issue de son examen de ce cas, la Commission de l’application des normes de la Conférence «a pris note avec préoccupation des informations présentées qui attestent de la gravité de la situation et du climat de violence, d’insécurité et de violation des droits de l’homme qui prévaut dans l’Est du pays, en particulier dans la province du Nord Kivu. Ces informations confirment que les actes d’enlèvements de femmes et d’enfants en vue de leur utilisation comme esclaves sexuels ainsi que de l’imposition de travail forcé, notamment sous la forme de travaux domestiques, sont fréquents et continuent à être pratiqués. Par ailleurs, dans les exploitations minières, les travailleurs sont otages des conflits pour l’exploitation des ressources naturelles et sont victimes d’exploitation et de pratiques abusives relevant pour nombre d’entre elles du travail forcé. La commission a observé que le non-respect de la règle de droit, l’insécurité juridique, le climat d’impunité et la difficulté pour les victimes d’accéder à la justice favorisent l’ensemble de ces pratiques … La commission a lancé un appel au gouvernement afin qu’il prenne des mesures urgentes et concertées pour faire cesser immédiatement ces violations…»
La commission regrette que, suite à cette discussion, le gouvernement n’ait pas fourni des informations détaillées sur les mesures prises pour mettre fin à ces violations ni répondu aux observations de la CSC qui confirment les pratiques d’enlèvements de femmes et jeunes filles et, dans une moindre mesure, d’hommes et de jeunes garçons pour être soumis au travail forcé et à l’esclavage sexuel pour le compte des groupes armés. Les femmes âgées sont également enlevées pour le travail domestique. Le syndicat cite des cas précis d’enlèvements et précise que les territoires les plus touchés sont ceux de Walikale, Rutshuru, Masisi et le Nord Kivu.
Compte tenu de la gravité des faits, la commission prie instamment le gouvernement de prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour faire cesser immédiatement ces pratiques qui constituent une violation grave de la convention et pour garantir un climat de stabilité et de sécurité juridique qui ne puisse ni légitimer ni laisser impuni le recours au travail forcé. Prière de fournir des informations sur les poursuites judiciaires engagées et les sanctions pénales prononcées.
Article 25. Sanctions pénales. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté que, selon l’article 323 du Code du travail, toute infraction à l’article 2, alinéa 3, qui interdit le recours au travail forcé ou obligatoire, est punie d’une peine de servitude pénale principale de six mois au maximum et d’une amende ou de l’une de ces deux peines seulement, sans préjudice des lois pénales prévoyant des peines plus sévères. Soulignant le caractère peu dissuasif des sanctions prévues dans le Code du travail, la commission a demandé au gouvernement de préciser les dispositions pénales qui interdisent et sanctionnent le recours au travail forcé. La commission note que le gouvernement confirme que le Code pénal de 1940 (tel qu’amendé jusqu’en 2006) ne prévoit pas de sanction à l’encontre de ceux qui imposeraient du travail forcé. Le gouvernement précise que le projet de loi portant abrogation du travail forcé, qui est à l’examen par le Parlement, prévoit des sanctions pénales efficaces. La commission veut croire que le gouvernement pourra faire état, dans son prochain rapport, de l’adoption de la loi portant abrogation du travail forcé et que celle-ci prévoira des sanctions pénales dissuasives, conformément à l’article 25 de la convention.
Abrogation de textes permettant d’imposer un travail à des fins de développement national, comme moyen de recouvrement de l’impôt, et aux personnes en détention préventive. Depuis plusieurs années, la commission demande au gouvernement d’abroger ou de modifier les textes législatifs et réglementaires suivants qui sont contraires à la convention:
  • -la loi no 76-011 du 21 mai 1976 relative à l’effort de développement national et son arrêté d’application, l’arrêté départemental no 00748/BCE/AGRI/76 du 11 juin 1976 portant exécution de tâches civiques dans le cadre du programme national de production vivrière: ces textes, qui visent à accroître la productivité dans tous les secteurs de la vie nationale, obligent, sous peine de sanction pénale, toute personne adulte et valide, qui n’est pas considérée comme apportant déjà sa contribution dans le cadre de son emploi (mandataires politiques, salariés et apprentis, fonctionnaires, commerçants, professions libérales, religieux, étudiants et élèves), à effectuer des travaux agricoles et de développement décidés par le gouvernement;
  • -l’ordonnance-loi no 71/087 du 14 septembre 1971 sur la contribution personnelle minimum dont les articles 18 à 21 permettent au chef de la collectivité locale ou au bourgmestre de prononcer la contrainte par corps avec obligation de travailler à l’encontre des contribuables qui ne se seraient pas acquittés de leur contribution personnelle minimum;
  • - l’ordonnance no 15/APAJ du 20 janvier 1938 relative au régime pénitentiaire dans les prisons des circonscriptions indigènes, qui permet d’imposer du travail aux personnes en détention préventive (cette ordonnance ne faisant pas partie de la liste des textes abrogés par l’ordonnance no 344 du 15 septembre 1965 régissant le travail pénitentiaire).
Le gouvernement a précédemment indiqué que ces textes étaient caducs et donc abrogés de fait. Par ailleurs, répondant à la demande de la commission d’abroger formellement ces textes pour garantir la sécurité juridique, le gouvernement a indiqué que la sécurité juridique n’est pas compromise par l’absence d’abrogation formelle de ces textes. La commission note que, dans son rapport de juin 2011, le gouvernement indique que la promulgation de la loi portant abrogation du travail forcé permettra de trouver des réponses aux préoccupations de la commission en ce qui concerne l’abrogation de la loi no 76 011 relative à l’effort de développement national et son arrêté d’application ainsi que de l’ordonnance no 15/APAJ du 20 janvier 1938 relative au régime pénitentiaire dans les prisons des circonscriptions indigènes. La commission espère que, à l’occasion de l’adoption de la loi portant abrogation du travail forcé, les textes auxquels elle se réfère depuis de nombreuses années et dont le gouvernement indique qu’ils sont caducs et abrogés de fait pourront être finalement abrogés formellement.
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