ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 81) sur l'inspection du travail, 1947 - Ouganda (Ratification: 1963)

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

La commission note avec regret que le rapport du gouvernement ne répond pas aux précédents commentaires de la commission sur l’application de la convention dans le pays et se limite à fournir des informations vagues en réponse à l’observation générale de 2007, indiquant simplement que le ministère chargé des questions de genre, de travail et de développement social travaille en étroite collaboration avec les services de l’Inspection générale du gouvernement, la Commission des droits de l’homme et le ministère public, sollicitant à l’occasion des conseils techniques sur certaines dispositions légales délicates, tandis que les services de l’avocat général ont largement participé à l’élaboration de règles relatives à la législation du travail.
Néanmoins, la commission note avec intérêt que le gouvernement a demandé l’assistance technique du Bureau en vue d’effectuer une évaluation des besoins des systèmes de l’inspection et de l’administration du travail. La commission demande au gouvernement de tenir le Bureau informé des résultats de cette évaluation et des mesures prises ou envisagées dans ce cadre, dans un but de donner plein effet à la convention et répondre à ses commentaires précédents, qui étaient conçus dans les termes suivants:
La commission note que le gouvernement n’a pas communiqué le rapport demandé par la Commission de l’application des normes de la Conférence sur les mesures prises pour donner suite à ses conclusions adoptées à sa session de mai-juin 2008. Elle prend toutefois note des informations reçues au BIT le 11 novembre 2008 au sujet de l’adoption en 2006 de la loi no 6 sur l’emploi et de la loi no 9 sur la sécurité et la santé au travail, ainsi que des avis exprimés par la Confédération des syndicats libres des travailleurs ougandais (COFTU) et l’Organisation nationale des syndicats de l’Ouganda (NOTU) à l’occasion d’un atelier tripartite sur l’application de la convention. La commission note également que, conformément aux recommandations de la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2001, 2003 et 2008, une mission d’assistance technique du Bureau a été reçue du 13 au 17 juillet 2009 et a examiné avec le gouvernement, les partenaires sociaux et divers organes publics les causes de la détérioration du système d’inspection du travail depuis les années quatre-vingt-dix, en vue de rechercher les moyens d’y remédier.
Nécessité d’établissement d’un système d’inspection du travail en conformité avec les dispositions de la convention
La mission d’assistance technique du BIT a pu constater que le phénomène de démantèlement de l’inspection du travail du fait de la décentralisation de cette fonction, tel que constaté en 1995 par une précédente mission du BIT, a continué de s’aggraver. Les entretiens qu’elle a eus avec de nombreux interlocuteurs de l’administration du travail et d’autres administrations publiques, ainsi qu’avec les partenaires sociaux, lui ont fourni des informations faisant état d’une détresse appelant le rétablissement urgent d’un système d’inspection propre à assurer, conformément à l’article 3, paragraphe 1 a), de la convention, le contrôle des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs, et à fournir, tant aux employeurs qu’aux travailleurs des établissements industriels et commerciaux, des informations utiles pour leur application, comme prévu par le paragraphe 1 b) du même article.
Les visites de terrain proposées à la mission s’étant cantonnées à deux très grandes entreprises agroalimentaires à capitaux étrangers, situées dans des zones d’intense activité industrielle (à Kampala et à Jinja), la mission a regretté de ne pas avoir été mise en position d’apprécier les conditions de travail dans des établissements ougandais de petite ou moyenne importance. Toutefois, la dégradation progressive de la situation de l’inspection du travail peut se mesurer à l’aune des informations contenues dans les rapports annuels d’inspection reçus successivement au BIT en 1994 et 1996. Selon le rapport qui porte sur l’année 1994, le Département du travail comptait un effectif de 83 fonctionnaires dont 62 exerçaient au niveau des districts. En dépit de ressources limitées, les fonctionnaires de l’inspection du travail avaient pu réaliser 280 inspections intégrales, 292 visites de suivi d’exécution et 436 autres types de visites. Ces opérations portaient, conformément à l’article 3, paragraphe 1 a), de la convention, sur l’application des conditions de travail (conditions générales et sécurité et santé au travail) et la protection des travailleurs. Sur les nombreuses plaintes de travailleurs qui étaient parvenues à ses structures, l’inspection du travail avait pu en examiner 1 252 et en déférer 32 à la justice. Entre autres informations détaillées sur les activités d’inspection, le rapport annuel d’inspection pour 1994 fournissait des données statistiques accompagnées d’analyses et commentaires pertinents, y compris en matière d’accidents du travail, signalant en particulier le déficit des normes générales de santé et hygiène dans les établissements de petite et moyenne importance.
En 1995, une mission d’assistance technique du BIT établissait que l’administration du travail n’était plus représentée que dans 20 des 39 districts du pays et avait perdu plus de 75 pour cent de ses ressources humaines. A titre d’exemple, il n’existait que deux postes sur les 67 prévus pour le Département de sécurité et santé au travail, l’un à Jinja, l’autre à Mbala, et ce en dépit du nombre considérable d’établissements régis par la loi de 1964 sur les usines et leur répartition à travers l’ensemble du pays.
Le rapport annuel d’inspection pour 1996 mentionnait 17 conflits collectifs du travail portant sur les droits syndicaux, le refus par les employeurs de payer les arriérés de salaire et les indemnités de retraite, ainsi que sur le licenciement injustifié de travailleurs syndiqués. La restructuration de l’administration du pays avait amplifié le phénomène du chômage par celui des fonctionnaires licenciés. En conséquence, la question du contrôle des conditions de travail semble avoir été marginalisée au cours de la période couverte au profit de la politique de l’emploi et ne plus être un sujet de préoccupation pour le gouvernement. Les moyens de l’administration centrale du travail avaient été amoindris au point qu’elle ne disposait d’aucun véhicule pour les déplacements vers les services extérieurs et le contrôle de leur fonctionnement et que certains de ces services n’étaient pas joignables par téléphone. Au cours de l’année couverte par le rapport susmentionné, seuls 13 des 21 services du travail de district avaient pu communiquer des informations sur leurs activités: au total 1 151 visites d’inspection avaient été réalisées, certaines d’entre elles avec les moyens de transport des employeurs. Le personnel d’inspection en matière de sécurité et santé au travail totalisait 19 agents. Sur 104 accidents du travail notifiés, huit seulement avaient fait l’objet d’une enquête. Il était établi un pourcentage de 25 pour cent des accidents dans la construction et 33 pour cent dans les services gouvernementaux et organismes privés de sécurité; 34,61 pour cent des accidents touchaient les personnes de la tranche d’âge 26-30 ans, mais aucune procédure légale pertinente n’avait été engagée au cours de la période couverte. La Cour du travail contribuait semble-t-il, de manière significative, à la pacification et à l’harmonisation des relations professionnelles et ses décisions étaient rendues en majorité en faveur des travailleurs, son efficacité étant attribuée en grande partie à son autonomie fonctionnelle et financière.
Par voie d’observations successives au cours des années suivantes, la commission a relevé le défaut d’application de la convention et rappelé au gouvernement ses obligations découlant de la ratification afin qu’il prenne les mesures nécessaires au redressement de la situation de l’inspection du travail. Ces mesures impliquent en particulier le placement de cette institution sous la supervision et le contrôle d’une autorité centrale, ainsi que le recrutement d’un personnel qualifié et dûment formé. Des moyens financiers, matériels et logistiques sont également indispensables à la réalisation des contrôles dans les établissements industriels et commerciaux couverts au titre de la convention et de la législation nationale pertinente (bureaux aménagés, mise à disposition de l’équipement technique approprié aux contrôles, moyens et facilités de transport et remboursement des frais de déplacement professionnel). La diversité et la complexité des fonctions d’inspection du travail, telles que définies par la convention, nécessitent en outre que les inspecteurs du travail, en qualité de fonctionnaires publics, stables dans leur emploi et indépendants à l’égard de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue, y consacrent la majeure partie de leur temps de travail.
Néanmoins, le processus de décentralisation de l’administration du travail dans son ensemble a rapidement abouti à la disparition du ministère du Travail en tant que tel et à la fusion de ses structures dans divers ministères successifs. L’administration du travail constitue aujourd’hui l’une des directions du ministère également responsable des questions de genre et de développement social (MGLSD). Ses moyens autant que son autorité sur les services décentralisés ont été considérablement réduits. Si la décentralisation était censée répondre aux exigences d’une politique d’ouverture à l’investissement tant national qu’international, en vue du développement économique du pays et de la création d’emplois, sa mise en œuvre, sans considération des questions relatives aux conditions de travail, n’a cessé de porter préjudice de plus en plus gravement aux travailleurs, en violation des dispositions de la convention.
En vertu de la loi no 1 de 1997 sur le gouvernement local, les questions relatives au travail ont été transférées aux districts au même titre que les services et activités de réadaptation sociale, de la mise à l’épreuve et du bien-être, des enfants de rue et des orphelins, du rôle de la femme dans le développement, du développement communautaire, de la jeunesse, de la culture et des services d’information. Ce transfert d’attributions impliquait notamment l’exercice par les districts de pouvoirs auparavant détenus par le gouvernement central. Désormais, les districts sont habilités à formuler des plans de développement en fonction de priorités définies au niveau local, à savoir lever, percevoir, gérer et affecter des ressources à travers des budgets propres, ainsi qu’à établir ou abolir des structures de service public. En conséquence, les questions d’administration du travail ayant perdu leur caractère prioritaire, la représentation de la direction du travail s’en est trouvée réduite à une structure embryonnaire dans quelques districts et a disparu dans d’autres. En outre, le nombre de districts s’est accru pour passer de 56 à 75 en 2005 et à 80 en 2009. Il est appelé à croître prochainement. Seul le district de Kampala, qui a un statut spécial, est administré par les autorités centrales du pays. La COFTU et la NOTU se sont inquiétées de cette atomisation administrative du pays dans un contexte de réduction drastique du personnel de l’administration du travail et ont réclamé une modification de la Constitution pour le retour à une inspection du travail placée sous le contrôle et la surveillance d’une autorité centrale au sein d’un ministère du Travail à part entière pourvu des capacités nécessaires à l’exercice efficace de ses fonctions. Selon les conclusions de la mission, en dépit de l’opinion exprimée dans ce sens par la quasi-totalité des responsables politiques et administratifs et autres interlocuteurs rencontrés sur la question, une telle perspective n’est pas à l’ordre du jour.
Le 15 septembre 2008, la loi sur les gouvernements locaux a à nouveau été modifiée en vue d’une décentralisation plus poussée de l’administration du pays tenant compte d’une distinction entre entités rurales et urbaines. Suivant l’article 77 de cette loi, les gouvernements locaux auront le droit et l’obligation de formuler, d’approuver et d’exécuter leurs budgets et plans sous réserve d’équilibre budgétaire obligatoire (paragr. 1), sous réserve de l’obligation de privilégier les domaines de priorité des programmes nationaux (paragr. 2). Il est reconnu l’autonomie financière aux gouvernements locaux urbains, à condition que leur plan soit incorporé à celui du district (art. 79). La commission relève que, selon l’article 83 (paragr. 2) de la même loi, le gouvernement central du pays alloue aux gouvernements locaux, pour le financement du fonctionnement des services décentralisés, un montant minimum inconditionnel de ressources calculé comme prévu par le chapitre 7 de la Constitution, soit d’une valeur égale à celui de la précédente année fiscale pour le même objet.
Dans son rapport reçu en novembre 2008, le gouvernement a déclaré avoir pris des mesures pour la recherche de fonds dans le cadre du programme national pour un travail décent (PPTD) adopté en mai 2007, tout en soulignant que le renforcement de l’inspection du travail est un élément clé de la stratégie visant à améliorer les relations professionnelles à travers la promotion des droits au travail. Il s’est engagé à traiter dans son rapport dû en 2009 de tous les points soulevés par la commission, tout en tenant compte également des conclusions formulées par la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2008. Or le gouvernement n’a pas communiqué le rapport annoncé mais il ressort des informations documentées recueillies par la mission du BIT de juillet 2009 que, si le MGLSD a reçu une enveloppe budgétaire supplémentaire au cours de l’année, l’inspection du travail n’a pas fait l’objet de prévisions budgétaires de la part du MGLSD pour l’exercice fiscal en cours et qu’en outre les questions d’administration du travail en général ne font l’objet d’aucun des projets ni d’aucune des stratégies développées par le ministère chargé des gouvernements locaux pour les court et moyen termes.
La commission espère néanmoins que, dans le plus proche avenir possible, l’inspection du travail se verra reconnaître un rôle clé dans la stratégie de développement socio-économique du pays, notamment à travers le processus de révision du programme pour un travail décent adopté en 2007, à la faveur de l’adoption des nouvelles lois précitées sur l’emploi et sur la sécurité et la santé, ainsi que de l’assistance technique du BIT, pour atteindre les objectifs de la convention. La commission rappelle que l’inspection du travail est une fonction de l’administration publique nécessitant l’allocation d’un budget de fonctionnement propre permettant le recrutement d’un personnel et la mise à disposition de moyens appropriés; qu’il appartient au ministère chargé du travail de définir les besoins à cette fin et de sensibiliser les autorités gouvernementales et les partenaires sociaux, en particulier les employeurs, à l’impact positif d’une inspection du travail efficace sur le développement économique du pays et les résultats financiers de l’entreprise.
La commission note le rétablissement d’une Cour du travail financée sur le budget de l’Etat. Suivant la loi no 8 de 2006 relative aux différends du travail (arbitrage et règlement), cette juridiction peut être saisie par l’inspecteur du travail des litiges qu’il n’est pas parvenu à résoudre ou par l’une des parties en cas d’inaction après écoulement de quatre-vingt-dix jours. Pour que la Cour du travail joue pleinement son rôle, il conviendrait, d’une part, que la législation relative au fonctionnement et aux pouvoirs de l’inspection du travail soit révisée en vue de son adaptation à l’évolution du monde du travail et, d’autre part, que la législation sur les conditions de travail soit complétée par la réglementation nécessaire à son application dans la pratique sous le contrôle de l’inspection du travail. La commission prend note de l’indication donnée à la mission d’assistance technique d’un processus parlementaire en cours à cette fin. La commission note que la loi no 6 sur l’emploi et la loi no 9 sur la sécurité et la santé au travail, adoptées en 2006, contiennent des dispositions en conformité dans leurs grandes lignes avec celles de la convention, et prie le gouvernement de veiller à ce que des mesures soient rapidement prises pour leur mise en œuvre dans la pratique. Elle le prie en particulier d’assurer qu’il soit rapidement donné effet à l’article 3(1) de la loi no 9 sur la sécurité et la santé au travail et à l’article 9 de la loi no 6 sur l’emploi concernant le recrutement du personnel d’inspection nécessaire pour assurer l’application de ces lois, et que le nombre d’inspecteurs sera déterminé dans chaque district en tenant compte des critères techniques et géographiques auxquels se réfère l’article 10 de la convention. En conséquence, la commission demande instamment au gouvernement de veiller à mettre en place les conditions nécessaires à une coopération efficace entre l’administration du travail et les autres services publics et institutions privées détenant les données utiles (tels les ministères chargés des Finances, de la Justice, du Tourisme, du Commerce et de l’Industrie, le Bureau national des statistiques et le Conseil national des investissements, ainsi que le Fonds national de sécurité sociale (NSSF)) pour l’établissement d’un registre d’entreprises fournissant à l’inspection du travail les informations nécessaires à une programmation des contrôles qui tienne compte des branches d’activité où sont occupés les travailleurs les plus vulnérables au regard des conditions générales de travail et des risques pour leur santé et leur sécurité.
La commission note que, en vertu de l’article 20 de la loi no 6 sur l’emploi, un rapport annuel contenant des informations sur l’inspection du travail doit être publié par le commissaire au travail du ministère en charge du travail, ce qui semble indiquer à tout le moins le retour à l’idée d’une autorité centrale d’inspection du travail au sens de l’article 4 de la convention pour le contrôle et la supervision des travaux menés par les services d’inspection des districts. L’élaboration d’un rapport annuel tel que prévu par les articles 20 et 21 de la convention permettra en outre aux autorités nationales intéressées, aux partenaires sociaux, ainsi qu’aux organes de contrôle de l’OIT d’avoir une vision suffisamment claire du fonctionnement du système d’inspection du travail pour pouvoir envisager ou proposer, selon le cas, les moyens nécessaires à son amélioration.
La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises aux fins susvisées et tout document pertinent. Elle lui saurait gré de fournir des précisions en particulier sur la manière dont il est envisagé de donner effet à l’article 4 de la convention en ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement dans la pratique du système d’inspection du travail dans le contexte de l’application de la loi sur les gouvernements locaux, dans sa teneur en vigueur. La commission prie enfin le gouvernement de veiller à ce qu’un rapport annuel d’inspection contenant les informations disponibles sur les sujets visés à l’article 21 de la convention et reflétant tant les progrès que les failles du système d’inspection du travail soit publié et que copie en soit communiquée au BIT.
La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2012.]
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer