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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Cuba (Ratification: 1952)

Autre commentaire sur C087

Réponses reçues aux questions soulevées dans une demande directe qui ne donnent pas lieu à d’autres commentaires
  1. 2019

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La commission prend note des commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) du 4 août 2011, et des commentaires de la Coalition des syndicats indépendants de Cuba (CSIC) – dont le gouvernement conteste la nature syndicale – du 13 août 2011, qui concernent la répression visant des syndicalistes. La commission prend également note de la réponse du gouvernement à ces commentaires.

Droits syndicaux et libertés publiques

La commission rappelle que dans ses précédents commentaires, elle priait instamment le gouvernement de prendre dans les meilleurs délais les mesures nécessaires pour que les syndicalistes et les dirigeants syndicaux condamnés à de lourdes peines de prison soient libérés, que les allégations de la Confédération ouvrière nationale indépendante de Cuba (CONIC) de 2009 fassent l’objet d’enquêtes, et que, si leur véracité était établie, les auteurs de ces actes soient sanctionnés. La commission note que le gouvernement indique à nouveau que les personnes mentionnées dans la communication de la CONIC n’ont pas fait l’objet de sanctions injustes. Les faits imputés ont été dûment prouvés, avec toutes les garanties de procédure prévues par la législation. Ces personnes ont commis des délits définis dans la loi et, en conséquence, ont été jugées et sanctionnées comme il se doit par les tribunaux. Nul n’a été poursuivi ou sanctionné en raison de l’exercice ou de la défense de droits syndicaux. Ces personnes n’ont pas été condamnées par le gouvernement, mais jugées et sanctionnées par des tribunaux compétents et indépendants, et toutes les garanties liées aux procédures judicaires régulières ont été respectées. La commission note que le gouvernement déplore que ses réponses n’aient pas été prises en considération, et qu’il reprend des indications déjà données à d’autres occasions. Le gouvernement souligne que, à Cuba, il n’y a pas de syndicalistes emprisonnés, persécutés ou menacés au motif qu’ils sont syndicalistes, et qu’aucun local ou bien appartenant aux organisations syndicales n’a été confisqué.
Par ailleurs, la commission note avec préoccupation que la Coalition des syndicats indépendants de Cuba (CSIC) – entité créée le 30 mars 2011, dont le gouvernement conteste le statut de confédération syndicale – allègue dans ses commentaires sur l’application de la convention que des dirigeants et des membres de la CONIC, de la Centrale des travailleurs indépendants de Cuba (CTIC) et du Conseil unitaire des travailleurs de Cuba (CUTC) auraient été arrêtés et menacés, et seraient harcelés par la sécurité d’Etat. La commission note aussi que d’après la CSI, en novembre 2010, on aurait recensé 1 224 arrestations pour des motifs politiques, ce qui dissuade la formation de syndicats indépendants. La commission prend note des informations données par le gouvernement pour répondre à ces commentaires: 1) les allégations de la CSI ne sont pas nouvelles; la confédération reprend des arguments sans fondement déjà présentés, et aborde d’autres questions montrant qu’elle connaît mal la réalité de Cuba, ou qu’elle essaie de fausser cette réalité; 2) il s’agit d’allégations non fondées, résultant d’informations inventées; et 3) la source des allégations concernant les 1 224 arrestations n’est pas indiquée, mais l’on suppose que ce chiffre provient d’informations diffusées par la presse, et que celles-ci sont élaborées par une personne se fondant sur des renseignements erronés. Les listes de personnes prétendument détenues qu’elle communique comprennent des personnes décédées, des personnes qui ont quitté le pays, ou qui n’ont jamais été arrêtées, pour aucun motif.
S’agissant des commentaires de la CSIC, le gouvernement indique que: 1) il réfute les allégations de la CSIC et n’accepte pas les arguments présentés; 2) la CSIC n’est pas une organisation syndicale et ne regroupe pas des travailleurs cubains. Elle ne compte pas plus de 25 membres, et il existe une relation de travail pour trois d’entre eux seulement; 3) ce n’est pas la première fois que ces personnes, réunies aujourd’hui pour former une nouvelle «coalition», s’emploient à inventer de fausses allégations concernant la violation des droits consacrés dans les conventions de l’OIT et à en transmettre aux organismes internationaux pour faire croire aux syndicalistes du monde entier que les travailleurs cubains sont divisés; 4) le nombre de membres ne correspond pas à la réalité et cette organisation n’a aucune crédibilité à Cuba; 5) il n’est pas vrai qu’il existe un climat de violence, pressions ou de menaces dans le pays; il n’y a pas lieu d’invoquer des actes de violence ou de répression, comme le fait la CSIC; 6) aucun syndicaliste ni dirigeant syndical n’est appréhendé à Cuba, mais plusieurs personnes qui se prétendent membres de la CSIC sont des délinquants de droit commun (d’après le gouvernement, certaines d’entre elles ne se trouvaient pas dans le pays au moment des faits allégués, et d’autres ont commis des délits); et 7) le gouvernement a donné à plusieurs reprises des éléments de réponse sur ces affaires, il va continuer à œuvrer pour le renforcement de la coopération internationale afin de défendre les droits au travail et le droit syndical, et au renforcement de la coopération internationale nécessaire dans le cadre de l’OIT pour que les objectifs concernant le travail décent soient atteints partout dans le monde.
La commission rappelle que la liberté syndicale n’est qu’un aspect de la liberté d’association, et que celle-ci s’inscrit dans un vaste ensemble de libertés fondamentales de l’être humain, liées entre elles et complémentaires, et énumérées par la Conférence dans la résolution de 1970. Elles comprennent en particulier: a) le droit à la liberté et à la sûreté de la personne ainsi que la protection contre les arrestations et les détentions arbitraires; b) la liberté d’opinion et d’expression et en particulier le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit; c) la liberté de réunion; d) le droit à un jugement équitable par un tribunal indépendant et impartial; et e) le droit à la protection des biens des syndicats. Dans ces conditions, la commission rappelle au gouvernement que les droits syndicaux sont un aspect important des droits de l’homme et que les droits des organisations des travailleurs ne peuvent s’exercer que dans un climat où l’ensemble des droits de l’homme sont pleinement respectés, exempt de violence, de pressions ou de menaces de quelque sorte que ce soit visant les dirigeants et les membres de ces organisations, et qu’il incombe aux gouvernements de garantir le respect de ce principe.
Enfin, la commission prie à nouveau le gouvernement de transmettre copie des décisions de justice qu’il mentionnait dans son précédent rapport à propos des commentaires formulés par la CSI du 28 août 2007. Ces commentaires concernaient d’autres cas concrets d’arrestation de travailleurs de la CONIC, de harcèlement et de menaces d’emprisonnement visant des délégués du Syndicat des travailleurs de l’industrie légère (SITIL), ainsi que la confiscation de matériel et de l’aide humanitaire envoyés de l’étranger au CUTC.

Questions d’ordre législatif

Dans ses précédentes observations, la commission a pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle le processus de révision du Code du travail se poursuivait. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique à nouveau que le nouveau Code du travail est en cours d’élaboration, et qu’il n’a pas été transmis au Bureau parce que le processus de consultation n’était pas achevé. La commission espère que la révision du Code du travail sera achevée dans un avenir proche, et qu’il sera tenu compte des commentaires sur l’application de la convention qu’elle formule depuis de nombreuses années et qu’elle examine ci-après. La commission rappelle au gouvernement qu’il peut bénéficier de l’assistance technique du Bureau, et le prie de transmettre copie du projet de Code du travail mentionné.
Articles 2, 5 et 6 de la convention. Monopole syndical. Depuis de nombreuses années, la commission indique qu’il faut supprimer la mention de la Centrale des travailleurs de Cuba (CTC) figurant dans les articles 15 et 16 du Code du travail de 1985. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que: 1) la législation en vigueur et la pratique quotidienne dans tous les centres de travail garantissent le plein exercice de l’activité syndicale et du droit syndical; 2) la représentativité des travailleurs est exercée à différents niveaux et instances de décision par les syndicats nationaux de branche et par la centrale syndicale qui, comme l’ont décidé les travailleurs eux-mêmes, a été instituée lors de leur congrès et constitue l’expression de la volonté d’unité du mouvement syndical cubain; 3) l’existence d’une centrale syndicale unitaire n’a pas été imposée par le gouvernement et ne découle d’aucune disposition, sinon de la volonté souveraine des travailleurs cubains; 4) la lutte pour l’unité du mouvement syndical a une tradition bien ancrée et de longue date. La Confédération des travailleurs de Cuba a été créée en 1939 par la libre décision des travailleurs de l’époque. Une année plus tard, elle est devenue la CTC qui existe toujours. L’unité du mouvement ouvrier a joué un rôle décisif dans le succès de sa lutte et de ses revendications, et dans la défense de l’exercice du pouvoir qu’il continue d’assurer; et 5) l’application pratique de la convention est garantie par des dispositions juridiques qui établissent que «tous les travailleurs, manuels et intellectuels, ont le droit, sans autorisation préalable, de s’associer volontairement et de constituer des organisations syndicales». Ces droits sont garantis dans la pratique par l’existence de 18 syndicats nationaux de branche dotés de structures municipales et provinciales qui réunissent près de 110 000 sections syndicales ou syndicats de base. Il y a dans chaque centre de travail, une ou plusieurs sections syndicales. Leurs dirigeants sont élus par les travailleurs. La commission note que le gouvernement ajoute que ni le Code du travail en vigueur ni la législation complémentaire n’établissent de restriction à la création de syndicats, et que tous les travailleurs cubains ont le droit de constituer des organisations syndicales sans autorisation préalable, et de s’y affilier librement. La commission prend note de ces informations, mais insiste à nouveau sur le fait que le pluralisme syndical doit rester possible dans tous les cas, et que la loi ne devrait pas institutionnaliser un monopole de fait en mentionnant une centrale syndicale spécifique. Même dans le cas où une unification du mouvement syndical a, à un moment donné, les préférences de tous les travailleurs, ceux-ci doivent toujours pouvoir conserver le libre choix de créer, s’ils le souhaitent, des syndicats en dehors de la structure établie et de s’affilier à l’organisation de leur choix (voir l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 96). Dans ces conditions, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que tous les travailleurs, sans distinction, puissent constituer des organisations de leur choix et s’y affilier. La commission prie aussi le gouvernement de prendre des mesures pour modifier les articles du Code du travail mentionnés, et de fournir des informations, dans son prochain rapport, sur toute mesure prise à cet égard.
Article 3. La commission rappelle que, depuis plusieurs années, elle mentionne la nécessité de modifier l’article 61 du décret-loi no 67 de 1983, qui confère à la CTC le monopole de la représentation des travailleurs du pays auprès des instances gouvernementales. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle il évalue actuellement les normes juridiques sur l’organisation des fonctions des organes supérieurs du gouvernement. La commission exprime le ferme espoir que, dans le cadre de l’évaluation des normes mentionnées, le gouvernement modifiera l’article 61 du décret-loi no 67 de 1983 dans un avenir proche afin de garantir le pluralisme syndical, par exemple, en remplaçant la mention faite de la CTC par l’expression «la ou les organisations les plus représentatives».

Droit de grève

Depuis des années, la commission souligne que le droit de grève n’est pas reconnu par la législation, et que l’exercice de ce droit est interdit en pratique. Elle a prié le gouvernement de prendre des mesures pour s’assurer que nul ne fasse l’objet de discrimination ou ne soit lésé en matière d’emploi pour avoir exercé ce droit pacifiquement, et de la tenir informée à cet égard. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle: 1) la législation cubaine n’interdit pas le droit de grève, pas plus qu’elle ne prévoit de sanctions pour l’exercice de ce droit, et les organisations syndicales ont pour prérogative de décider de leur action à ce sujet; 2) si les travailleurs cubains décidaient de faire grève, rien ne pourrait les en empêcher; 3) dans la pratique des relations professionnelles à Cuba, il existe des mécanismes efficaces permettant aux travailleurs d’exercer leurs droits, et les travailleurs les utilisent systématiquement grâce aux formes multiples de participation effective et grâce à l’exercice d’un pouvoir réel de décision dans les affaires qui les intéressent, ce qui ne peut pas être considéré comme une restriction ou une interdiction du droit de grève; et 4) dans les différentes formes institutionnalisées de participation des travailleurs et de leurs représentants au règlement des différends et à la prise de décision, les représentants syndicaux ont d’amples capacités et un mandat étendu. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement et l’invite à nouveau, afin de garantir la sécurité juridique des travailleurs qui décident de faire grève, d’envisager, dans le cadre de la réforme législative en cours dont le gouvernement fait mention (modification du Code du travail), d’adopter des dispositions reconnaissant expressément le droit de grève, ainsi que les principes fondamentaux mentionnés par la commission.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2012.]
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