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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 162) sur l'amiante, 1986 - Canada (Ratification: 1988)

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La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement dans son dernier rapport en réponse aux commentaires qu’avait faits le Congrès du travail du Canada (CTC) en 2010, aux conclusions de la Commission de la Conférence en 2011 ainsi qu’aux commentaires du CTC et de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) joints au rapport 2011 du gouvernement.
Suivi donné aux conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 100e session, juin 2011)
La commission note que, à l’issue de sa discussion de ce cas, la Commission de l’application des normes de la Conférence avait souligné qu’il importe d’adopter les normes limites les plus rigoureuses pour la protection de la santé des travailleurs en ce qui concerne l’exposition à l’amiante et avait noté que la convention fait obligation aux gouvernements de se tenir au courant des progrès techniques et de l’évolution des connaissances scientifiques, ce qui est particulièrement pertinent pour un pays tel que le Canada qui est l’un des principaux producteurs d’amiante. Elle avait également demandé au gouvernement de continuer de fournir toutes les informations appropriées à la commission d’experts, pour examen, et notamment des statistiques sur les mesures de protection de la santé et sur les cas de maladies professionnelles provoquées par exposition à l’amiante, et elle avait invité le gouvernement à engager des consultations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs sur l’application des articles 3, paragraphe 3, 4 et 10, de la convention, en tenant compte en particulier de l’évolution des études scientifiques, des connaissances et des technologies depuis l’adoption de la convention, ainsi que des conclusions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de l’OIT et d’autres organisations réputées concernant les dangers de l’exposition à l’amiante.
Mesures législatives et autres mesures adoptées. La commission prend note de l’information fournie par le gouvernement concernant l’évolution de la législation en Colombie-Britannique et en Ontario. Selon ces informations, en Colombie-Britannique, le tableau B de la loi sur l’indemnisation des travailleurs a été modifié pour y intégrer des éléments favorables aux travailleurs: qui sont atteints d’un cancer primaire du poumon suite à une exposition à des poussières d’amiante en suspension dans l’air associée à un épaississement bilatéral diffus de la plèvre de plus de 2 mm; qui ont été exposés à des poussières d’amiante en suspension dans l’air durant une période de dix ans ou plus d’emploi dans l’une ou plusieurs des industries suivantes: les mines d’amiante, la production d’isolant ou de matériel filtrant, le bâtiment et les travaux publics (lorsqu’il y a manipulation de matériaux contenant de l’amiante), les travaux de plomberie ou les travaux électriques, les travaux de broyage de pulpe, la construction navale, la manipulation de cargaisons. Elle note également que le règlement 833 de l’Ontario sur le respect du contrôle de l’exposition aux agents biologiques ou chimiques en application de la loi sur la santé et la sécurité au travail a été modifié et fixe désormais une limite d’exposition à toutes les formes d’exposition professionnelle à l’amiante de 0,1 f/cm3 en stipulant que les pompiers et les enquêteurs après incendie doivent eux aussi bénéficier des limites d’exposition prescrites pour l’amiante.
Article 3, paragraphes 1 et 2. Mesures à prendre pour prévenir et contrôler les risques pour la santé dus à l’exposition professionnelle à l’amiante; révision périodique de la législation à la lumière des progrès techniques et du développement des connaissances scientifiques. Article 4. Consultations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives. Article 10. Remplacement de l’amiante et interdiction totale ou partielle de l’utilisation de l’amiante. La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement en ce qui concerne les mesures prises pour empêcher et contrôler les risques pour la santé découlant d’une exposition professionnelle à l’amiante en Alberta, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, à Terre Neuve, au Labrador, au Manitoba, en Ontario et en Saskatchewan.
La commission note également que le gouvernement déclare que, pour procéder à des examens et actualiser les lois et règlements relatifs à l’exposition professionnelle à l’amiante, les gouvernements provinciaux s’appuient sur les données scientifiques et les connaissances techniques disponibles, y compris les données les plus récentes fournies par la Conférence américaine des hygiénistes du travail gouvernementaux et par d’autres sources scientifiques qui peuvent être citées par les représentants des travailleurs et des employeurs et par les experts techniques participant à cet exercice, et que, dans toutes les juridictions canadiennes, les examens des lois et règlements relatifs à la santé et à la sécurité au travail sont entrepris en consultation avec les représentants des travailleurs et des employeurs, en pleine conformité avec l’article 4 de la convention. Le gouvernement se réfère à la révision fédérale actuelle de la partie X du règlement du Canada sur la santé et la sécurité au travail, qui porte sur les substances dangereuses, en indiquant que cette révision est effectuée par un groupe de travail tripartite comprenant des représentants du CTC. Le système fédéral d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT), créé en 1988, a été mis au point par un comité directeur tripartite dont les membres représentent le gouvernement fédéral, l’ensemble des gouvernements provinciaux et territoriaux, les employeurs et les travailleurs. Le Nouveau-Brunswick a mis sur pied un comité technique (intervenants) pour étudier les questions relatives à l’hygiène du travail, notamment les valeurs limites maximales pour l’amiante et le règlement sur un code de pratique du travail avec des matériaux contenant de l’amiante. La législation et la réglementation de la sécurité et de la santé au travail de la Nouvelle-Ecosse sont révisées périodiquement par le Conseil consultatif de la santé et de la sécurité au travail qui est constitué de représentants des employeurs et des travailleurs et dont le mandat consiste à conseiller le ministre. De même, la législation du Manitoba prescrit un réexamen de la législation tous les cinq ans par un conseil consultatif tripartite. Aux termes de la législation de la Saskatchewan, le Conseil pour la santé et la sécurité au travail révise la loi et le règlement au moins une fois tous les cinq ans, y compris la partie XXIII du règlement qui prescrit les conditions à respecter en matière d’utilisation, d’inspection, de manipulation et de rejet de l’amiante, et en matière de formation des salariés qui manipulent l’amiante.
S’agissant plus spécifiquement de l’application de l’article 10 b) de la convention, le gouvernement déclare que l’utilisation de produits manufacturés contenant de l’amiante dans le bâtiment et les travaux publics est très limitée et qu’elle est réglementée par la loi sur les produits dangereux; que le tableau I de cette loi et le Règlement sur les produits contenant de l’amiante interdisent généralement les produits contenant de l’amiante destinés à être appliqués par aspersion, et interdisent l’utilisation de produits contenant des fibres de crocidolite, et que des dispositions similaires sont également incluses dans la législation provinciale et territoriale, comme par exemple à l’article 37 du Règlement du Manitoba sur la santé et la sécurité au travail. Le gouvernement indique également: que l’Ontario encourage le remplacement des produits dangereux par des produits moins dangereux à chaque fois que cela est possible; que le Code de construction de la Nouvelle-Ecosse interdit l’utilisation de toute forme d’amiante susceptible d’entrer dans les systèmes de ventilation; et que l’article 41 du Règlement du Québec sur la santé et la sécurité au travail interdit l’utilisation de la crocidolite, de l’amosite et de tout produit contenant l’une ou l’autre de ces substances, sauf si leur remplacement n’est pas raisonnablement et pratiquement faisable.
La commission note que le CTC et la CSN considèrent que l’état actuel des informations scientifiques et techniques fait ressortir la nécessité d’une interdiction totale de l’amiante et que le gouvernement n’a pas tenu dûment compte de ces informations. Selon la CSN, si la convention n’interdit pas catégoriquement l’utilisation de l’amiante, cela tient simplement au fait qu’elle s’appuie sur les connaissances scientifiques de l’époque et que ces connaissances n’étaient pas aussi étendues en 1986 qu’elles le sont aujourd’hui. A l’appui de leur position en ce qui concerne les informations scientifiques et techniques actuelles, le CTC et la CSN se réfèrent tous deux aux conclusions de la Commission de la Conférence et aux différentes autorités citées. La CSN se réfère également à des travaux de recherche et à des études menées par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et au fait que l’INSPQ considère que, sur la base des connaissances actuelles, il n’y a pas de niveau minimum en dessous duquel les travailleurs exposés à l’amiante peuvent être protégés du cancer. La CSN indique également que, sur la base de deux études relatives à l’exposition à l’amiante au cours des périodes 1982-1996 et 1988-2003, l’INSPQ a conclu en 2005 que l’amiante chrysolite doit être considéré comme cancérigène et qu’une utilisation sûre de l’amiante est difficile, sinon impossible, dans des secteurs tels que le bâtiment et les travaux publics, la rénovation et la transformation de l’amiante. La CSN se réfère aussi à une déclaration publiée en 2009 par des médecins, des toxicologues, des hygiénistes du travail et des épidémiologistes, selon laquelle les preuves scientifiques que l’amiante chrysolite provoque des décès par cancer sont à présent irréfutables, et que cette conclusion est appuyée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). La CSN fait également référence à une étude de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST) du Québec sur les maladies professionnelles des travailleurs de plus de 45 ans au cours de la période 1999-2008, débouchant sur la conclusion selon laquelle le taux de décès a augmenté et les décès enregistrés ont été la plupart du temps liés à une exposition à l’amiante (sept décès sur dix). A l’appui de la position selon laquelle le gouvernement n’a pas tenu dûment compte des points de vue de l’OIT et de l’OMS, le CTC se réfère à une déclaration du gouvernement devant la Chambre des Communes du Canada, selon laquelle l’amiante chrysolite peut être utilisée de façon sûre dans un environnement contrôlé. La CSN affirme également que 11 rapports de recherche, au total, publiés par l’INSPQ depuis 2003 contredisent cette politique canadienne officielle selon laquelle l’amiante peut être utilisée de façon sûre.
En réponse à ces arguments, le gouvernement se réfère aux informations très détaillées qu’il a fournies dans son rapport actuel et dans ses rapports précédents, montrant que les gouvernements de toutes les provinces ont adopté et appliqué des lois et des réglementations prescrivant l’adoption de mesures en matière de prévention et de contrôle, ainsi que de protection des travailleurs contre les risques pour la santé dus à une exposition professionnelle à l’amiante. En réponse aux commentaires de la CSN sur la situation dans la province du Québec, le gouvernement déclare qu’il ressort des données les plus récentes fournies par la Société canadienne de sûreté industrielle que 90 décès provoqués par une exposition à l’amiante (mésothéliomes et cancers dus à l’amiante) ont été enregistrés en 2010 et que, dans 94 pour cent de ces cas, l’exposition avait débuté avant 1980. Sur les 20 travailleurs qui étaient décédés d’un cancer, 14 avaient été exposés de façon cumulative pendant vingt ans et 18 avaient été exposés à l’amiante avant 1980; pour les deux derniers cas, l’exposition avait commencé en 1982 et 1983, respectivement. Le gouvernement souligne que tous ces cas sont antérieurs à la prise de conscience des dangers liés à l’exposition à l’amiante, qui a ensuite conduit à l’élaboration de programmes nationaux de contrôle et de surveillance de l’exposition à l’amiante, y compris au Québec, et aussi, au niveau international, à l’élaboration et l’adoption de cette convention en 1986. Le gouvernement soutient également que la législation pertinente du Québec, notamment l’article 3.23.3 de la loi sur la sécurité dans le bâtiment et les travaux publics (c. S-2.1, r.6) et l’article 41 du Règlement sur la santé et la sécurité au travail, est pleinement conforme aux dispositions de la convention, dans la mesure où elle stipule que l’utilisation de crocidolite, d’amosite ou de tout produit contenant l’une de ces substances est interdite à moins que leur remplacement ne soit raisonnable et praticable. Le gouvernement souligne également que, selon l’article 12 du Règlement sur la santé et la sécurité au travail, l’employeur a le devoir de s’assurer que le niveau d’exposition à l’amiante soit le moindre possible, et ce même lorsque les valeurs limites sont appliquées.
Dans leurs commentaires, le CTC et la CSN déclarent tous deux que le Canada devrait suivre la recommandation de la Commission de la Conférence d’engager des consultations avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs sur un réexamen de la législation nationale relative à l’exposition à l’amiante et que, dans ce contexte, il conviendrait de tenir compte de l’évolution des études scientifiques, des connaissances et de la technologie depuis l’adoption de la convention. Ils affirment également que dans ce contexte, il faudrait tenir compte aussi des conclusions de l’OMS, du CIRC, du Programme international sur la sécurité chimique, de l’OIT et du Programme des Nations Unies pour le développement qui devraient conduire à une interdiction de l’utilisation de l’amiante et à la mise en œuvre d’un programme de transition, notamment pour recycler les travailleurs de cette industrie. Le CTC ajoute que ces consultations devraient être incluses dans la révision périodique de la législation telle qu’elle est prescrite à l’article 3, paragraphe 2, de la convention.
S’agissant des consultations tripartites tenues en application de l’article 4 de la convention, le gouvernement affirme qu’il est très attaché à la consultation tripartite et à l’implication des partenaires sociaux dans tous les aspects de la santé et de la sécurité au travail. Il souligne qu’étant donné que l’article 4 dispose que «l’autorité compétente» doit consulter les organisations les plus représentatives d’employeurs et de travailleurs intéressées sur les mesures à prendre pour donner effet aux dispositions de cette convention, dans toutes les juridictions du Canada, les révisions de la législation sur la sécurité et la santé au travail sont effectuées avec des représentants des travailleurs et des employeurs. Le gouvernement indique également que, dans la province du Québec, le gouvernement a récemment bénéficié d’un échange de vues avec les parties prenantes concernées, y compris les autorités locales, dans le contexte de la réouverture de la mine d’amiante Jeffery, et que la plupart des syndicats, dont le plus grand de ceux-ci au Québec est affilié au CTC, ont appuyé la réouverture de la mine tout en réitérant leur attachement à une utilisation sûre de l’amiante chrysolite.
Compte tenu des commentaires du CTC et de la CSN, et de la réponse du gouvernement, et étant donné que le Canada est l’un des principaux producteurs d’amiante et qu’il est censé adopter les normes limites les plus rigoureuses pour la protection de la santé des travailleurs exposés à l’amiante, la commission prie le gouvernement de fournir des informations supplémentaires au sujet des consultations tenues avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives en application de l’article 4 de la convention sur les mesures prises pour donner effet à la convention, en particulier en ce qui concerne les dispositions des articles 3, paragraphe 2, et 10, en tenant compte de l’évolution des études scientifiques, des connaissances et de la technologie depuis l’adoption de la convention, ainsi que des conclusions de l’OMS, de l’OIT et d’autres organisations réputées concernant les dangers de l’exposition à l’amiante.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2012.]
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