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Demande directe (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Türkiye (Ratification: 1998)

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La commission prend note des commentaires de la Confédération turque des associations d’employeurs (TÏSK) datés du 8 novembre 2011, ainsi que du rapport du gouvernement.
Article 2, paragraphe 2 b), de la convention. Travail exigé au titre des obligations civiques normales des citoyens. La commission invite le gouvernement à se reporter aux commentaires qu’elle formule dans le cadre de l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail de prisonniers pour des employeurs privés. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté qu’il ne semblait y avoir, dans la loi no 5275 de décembre 2004 sur l’exécution des peines et les mesures de sécurité et ses règlements d’application, aucune disposition prévoyant que l’emploi de prisonniers dans des entreprises du secteur privé est soumis au consentement formel écrit des intéressés. La commission avait cependant noté que, d’après la réglementation de 2005 sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires et la réglementation de 2006 sur l’administration des prisons et l’exécution des peines, les conditions de travail des prisonniers peuvent être considérées comme se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Cependant, elle avait constaté que, selon la législation en vigueur, le consentement formel, libre et éclairé des prisonniers à travailler pour des entreprises privées ne semble pas requis, et elle avait demandé au gouvernement d’indiquer comment il est assuré qu’un tel consentement est donné par l’intéressé, loin de toute menace d’une sanction quelconque, notamment de la perte de droits ou avantages.
La commission note que, d’après les informations communiquées par la TÏSK, les conditions de travail des détenus se rapprochent de celles de travailleurs libres, notamment en ce qui concerne le salaire minimum, les retenues de cotisations de sécurité sociale et la durée du travail.
La commission note que le gouvernement indique qu’il n’est pas possible d’employer des détenus sans leur consentement et, plus particulièrement, sans que l’intéressé n’en fasse la demande lui-même. Des évaluations menées de 2009 à 2011 ont fait ressortir que 1 000 détenus d’établissements fermés et 7 000 détenus d’établissements ouverts ont eu la possibilité de travailler dans des ateliers et des centres de travail. Le gouvernement déclare que l’article 96 de la réglementation de 2006 sur l’administration des établissement pénitentiaires et l’exécution des peines et l’article 20 de la réglementation de 2005 sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires prévoient que les détenus déclarés physiquement et mentalement aptes par le médecin d’établissement et qui sont disposés à travailler peuvent être employés dans des ateliers moyennant un salaire qui sera fixé en fonction des moyens de l’établissement. La commission note en outre que, aux termes de l’article 20 du règlement de 2005, les détenus peuvent être invités à travailler mais n’y sont pas obligés. Le gouvernement précise à ce égard que l’emploi de détenus résulte de la demande des intéressés. Le gouvernement indique en outre que la circulaire no 137/3 (du Conseil suprême des centres de travail) sur le fonctionnement des centres de travail détermine les conditions de travail des détenus, tant à l’intérieur de la prison que hors de celle-ci, et que cette circulaire prévoit qu’un contrat standard règle l’emploi de l’intéressé. La commission prie le gouvernement de communiquer avec son prochain rapport copie de la circulaire no 137/3 sur le fonctionnement des centres de travail, de même que des copies de contrats conclus entre des détenus et leurs employeurs conformément à ladite circulaire.
Article 2, paragraphe 2 d). Pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre dans les cas de force majeure. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, aux termes de l’article 18 de la Constitution turque, les termes «travail forcé» n’incluent pas les services exigés des citoyens dans les cas de force majeure, état qui peut être proclamé, en vertu de l’article 119 de la Constitution, dans diverses circonstances, dont celle de «crise économique grave». Elle avait également noté que, en vertu de la loi (no 2935 de 1983) sur l’état d’urgence, le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures à prendre en cas de crise économique grave, y compris dans le domaine du travail. La commission avait demandé en conséquence que l’application des dispositions en question soit strictement limitée à ce qu’autorise la convention, de manière à éviter que la réquisition de main-d’œuvre en cas de force majeure ne se transforme en une mobilisation de main-d’œuvre à des fins de développement économique.
La commission note une fois de plus que le gouvernement indique que la Turquie a connu par le passé des crises économiques sans qu’une situation de force majeure n’ait été déclarée pour autant. Il ajoute que les cas de force majeure visés à l’article 119 de la Constitution se réfèrent à des situations où la vie du pays se trouve paralysée et que même une telle éventualité ne justifierait pas l’imposition d’un travail forcé, forme de travail que l’article 18 de la Constitution prohibe expressément.
Tout en prenant note des indications du gouvernement concernant l’application de ces dispositions dans la pratique, la commission rappelle que la notion de «crise économique grave» ne semble pas répondre strictement aux critères correspondant à l’exception de «cas de force majeure» prévue à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention (c’est-à-dire dans les cas de guerre, de sinistre ou de menace de sinistre). La commission exprime donc l’espoir que le gouvernement prendra les mesures propres à limiter l’imposition d’un travail ou service obligatoire dans les cas de force majeure au sens strict prévu par la convention, conformément à la pratique actuelle. En attendant l’adoption de telles mesures, la commission demande que le gouvernement continue de fournir des informations sur l’application de la loi no 2935 de 1983 sur l’état d’urgence et de l’article 119 de la Constitution dans la pratique.
Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. La commission avait noté précédemment que les articles 12 et 13 de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises prévoient des «travaux obligatoires pour les villageois», l’inexécution de cette obligation exposant à des sanctions. Elle avait souligné que certains des travaux énumérés à l’article 13 comme étant «obligatoires pour les villageois» (construction et réparation de routes menant du village au centre de gouvernement ou aux villages voisins; construction de ponts sur de telles routes, etc.) ne répondent visiblement pas aux critères de «menus travaux» ni à ceux de «services à la collectivité» et, au surplus, qu’aucune disposition ne prévoit de consultation sur le bien-fondé de tels travaux ou services. La commission avait toutefois noté que, selon les indications du gouvernement, les articles 12 et 13 de la loi sur les affaires de village n’étaient plus appliqués dans la pratique et qu’une modification de la loi était à l’étude. Elle avait noté en outre que, en vertu de l’article 18 de la Constitution turque, l’expression «travail forcé» n’inclut pas le travail physique ou intellectuel correspondant à une obligation civique nécessaire pour répondre aux besoins du pays. Notant que, selon les indications données par le gouvernement, les obligations civiques incluent la coopération avec la collectivité, la commission avait demandé des informations sur la nature des travaux physiques ou intellectuels pouvant ainsi être imposés à des fins de coopération avec la collectivité.
La commission note que le gouvernement déclare que l’obligation civique de «coopération avec la collectivité» est celle qui découle des obligations codifiées aux articles 13, 14, 15 et 44 de la loi sur les affaires de village de 1924. Le gouvernement déclare également que la tâche de l’administration d’un village a radicalement changé depuis l’adoption de cette loi en 1924 et qu’un projet de nouvelle loi sur les affaires de village, prenant en considération les avis des parties concernées, a été élaboré.
La commission rappelle à cet égard que, pour être exclus du champ d’application de la convention, les menus travaux doivent satisfaire à certains critères: i) il doit s’agir de «menus travaux», c’est-à-dire essentiellement de travaux d’entretien et, exceptionnellement, de travaux relatifs à la construction de certains bâtiments destinés à améliorer les conditions sociales de la population du village elle-même; ii) il doit s’agir de travaux «de village» effectués «dans l’intérêt direct de la collectivité» et non pas de travaux destinés à une communauté plus large; iii) les membres de la collectivité (c’est-à-dire ceux qui doivent effectuer les travaux) ou leurs «représentants directs» (par exemple le conseil du village) doivent avoir «le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux» (étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 281). Par conséquent, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le projet de future loi sur les affaires de village n’autorise que des menus travaux de village conçus dans l’intérêt direct de la collectivité au terme de consultations auprès de celle-ci, conformément à l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention. Elle prie le gouvernement de communiquer le texte de la future loi sur les affaires de village lorsque celle-ci aura été adoptée.
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