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Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Paraguay (Ratification: 1967)

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La commission prend note du rapport du gouvernement et de ses annexes ainsi que des observations formulées par la Confédération syndicale internationale (CSI) et par la Centrale nationale des travailleurs (CNT) en date du 31 août 2011, qui ont été transmises au gouvernement respectivement les 6 et 15 septembre 2011.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Servitude pour dettes des communautés indigènes du Chaco. Depuis de nombreuses années, les commentaires de la commission portent sur la situation de nombreux travailleurs indigènes dans les exploitations agricoles du Chaco paraguayen, qui sont victimes de servitude pour dettes. Sur la base de plusieurs observations communiquées par les organisations de travailleurs, de la discussion de ce cas par la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2008 et du rapport Servitude pour dettes et marginalisation dans le Chaco paraguayen – préparé dans le cadre de l’assistance technique apportée au Paraguay par le Programme d’action spécial de l’OIT pour combattre le travail forcé (SAP-FL) –, la commission a exprimé sa préoccupation face aux mécanismes qui conduisent à l’endettement des travailleurs indigènes qui se retrouvent piégés dans des situations relevant du travail forcé. Elle a également souligné que le fait que ces travailleurs ne disposent d’aucune terre accroît leur vulnérabilité.
Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que le gouvernement avait pris un certain nombre de mesures et notamment la création de la Commission des droits fondamentaux au travail et de la prévention du travail forcé (résolution no 230 du 27 mars 2009) qui a élaboré un plan d’action comprenant des activités de sensibilisation et une activité de formation des inspecteurs du travail; la mise en place d’un bureau de la Direction du travail dans la localité de Teniente Irala Fernandez (Chaco central); l’adoption avec l’assistance du BIT du Programme national pour le travail décent, dont l’éradication du travail forcé constitue un volet important. La commission a souligné que ces mesures constituaient un premier pas, mais qu’elles devaient être renforcées et aboutir à une action systématique, proportionnelle à la gravité du problème.
Dans son dernier rapport, le gouvernement se réfère aux activités de secours menées dans le cadre du Programme national pour les peuples indigènes (PRONAPI). Ce programme a également établi un questionnaire destiné à collecter des données sur les conditions de vie des communautés indigènes. Le gouvernement énumère un certain nombre d’activités de sensibilisation menées en 2009 et 2011 par la Commission des droits fondamentaux au travail et de la prévention du travail forcé ainsi que des activités de formation pour les inspecteurs du travail, les organisations de travailleurs et d’employeurs. Cette commission a institué en juillet 2011 une sous-commission dans la région du Chaco qui a notamment pour mandat de recevoir les plaintes concernant les violations des droits du travail, de promouvoir la diffusion des droits fondamentaux au travail et de préparer un plan d’action régional sur les droits fondamentaux et la prévention du travail forcé. La sous-commission s’est réunie deux fois en 2011. Le gouvernement indique également que, jusqu’en mai 2011, le ministère de la Justice et du Travail a effectué plus de 50 visites d’inspection dans les exploitations agricoles du Chaco et qu’aucune situation de travail forcé n’a été détectée. Des procès-verbaux ont été dressés et des amendes imposées pour violations de la législation du travail concernant l’enregistrement des travailleurs et le paiement des salaires.
La commission note les observations de la Centrale unitaire des travailleurs – Authentique (CUT-A) transmises par la CSI. La CUT-A, se basant sur des entretiens menés avec des représentants des organisations indigènes du Chaco, souligne que le problème du travail forcé dans les exploitations agricoles et usines du Chaco persiste, et que l’Etat n’a pas mis en œuvre des mesures efficaces pour éliminer ces pratiques. Le syndicat insiste sur la marginalisation des communautés indigènes qui sont oubliées par l’Etat; le système d’endettement permanent dans lequel les grandes entreprises agricoles maintiennent les travailleurs appartenant à ces communautés, les empêchant ainsi de chercher des alternatives; les discriminations dont sont victimes ces travailleurs qui reçoivent systématiquement des salaires inférieurs aux autres travailleurs et, dans de nombreux cas, ne parviennent pas à percevoir la moitié du salaire minimum; la corruption qui empêche les autorités publiques d’exercer correctement leurs fonctions – y compris de traiter des plaintes – et fait également obstacle à la restitution des terres ancestrales; et l’insuffisance des moyens dont dispose le ministère de la Justice et du Travail pour protéger les communautés indigènes.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle relève que les activités développées jusqu’à présent par la Commission des droits fondamentaux au travail et de la prévention du travail forcé relèvent principalement de la sensibilisation et que celles menées dans le cadre du PRONAPI ont trait à l’autosuffisance alimentaire. La commission encourage fermement le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue de lutter contre le travail forcé des travailleurs indigènes du Chaco. Elle espère que les mesures seront prises pour permettre à la sous-commission des droits fondamentaux et de la prévention du travail forcé dans la région du Chaco d’adopter un plan d’action régional qui permettra de renforcer l’action des différentes entités impliquées dans cette lutte, tant du point de vue de la prévention que de la répression et de la protection des victimes. Elle prie le gouvernement de s’assurer que ce plan réponde à la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les travailleurs indigènes de manière à les protéger contre les mécanismes d’endettement qui conduisent à la servitude pour dettes. La commission renvoie également le gouvernement aux commentaires qu’elle formule sous la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.
La commission note qu’un certain nombre de visites d’inspection ont déjà été accomplies dans la région du Chaco et qu’aucune d’entre elles n’a constaté de situation relevant du travail forcé. La commission observe cependant que, dans leurs observations, tant la CSI que la CNT et la CUT-A confirment la persistance du travail forcé dans la région du Chaco. La commission insiste sur la nécessité de renforcer l’inspection du travail, et notamment le bureau de la Direction du travail dans la localité de Teniente Irala Fernandez, ainsi que la Sous-commission des droits fondamentaux dans la région du Chaco qui a notamment pour mandat de recevoir les plaintes concernant les violations des droits du travail. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que ces entités disposent des ressources matérielles et du personnel adéquates et ont accès à des formations appropriées, afin d’identifier les victimes et leur permettre de faire valoir leurs droits; traiter de manière efficace les plaintes reçues et réaliser les enquêtes pertinentes; et pour se déplacer de manière rapide et efficace dans les zones à risque.
Article 25. Application de sanctions efficaces. La commission souligne que l’application effective de sanctions en cas de violation de la législation du travail est un élément essentiel de la lutte contre le travail forcé, dans la mesure où le travail forcé se caractérise par la réunion de plusieurs infractions à la législation du travail, qui doivent être sanctionnées en tant que telles. En outre, prises dans leur ensemble, ces violations du droit du travail concourent à la réalisation de situations relevant du travail forcé, qui doivent elles-mêmes être criminalisées et sanctionnées pénalement.
a) Sanctions administratives. La commission prie une nouvelle fois le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre de cas dans lesquels les services d’inspection ont constaté la violation des articles 47, 176 et 231 du Code du travail relatifs à la protection du salaire, y compris en ce qui concerne le respect du salaire minimum et le fonctionnement des économats. Prière de fournir des informations sur les amendes infligées aux employeurs et sur les indemnisations accordées aux travailleurs. La commission renvoie à cet égard aux commentaires formulés sur l’application de la convention (nº 95) sur la protection du salaire, 1949.
b) Sanctions pénales. Se référant à ses précédents commentaires, la commission note que le gouvernement indique dans son rapport qu’aucune plainte n’a été déposée pour travail forcé. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 25 de la convention des sanctions pénales doivent être imposées et strictement appliquées aux personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour sensibiliser le ministère public à la problématique de la servitude pour dettes et pour renforcer sa coopération avec l’inspection du travail à cet égard. La commission prie également le gouvernement d’indiquer les dispositions de la législation pénale qui peuvent être utilisées pour initier des poursuites judiciaires à l’encontre des personnes qui imposent du travail forcé et, le cas échéant, de s’assurer que la législation nationale contient des dispositions suffisamment précises pour que les autorités compétentes puissent poursuivre pénalement et sanctionner les auteurs de ces pratiques.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail imposé aux prisonniers en détention préventive. Depuis de nombreuses années, la commission souligne la nécessité de modifier la loi pénitentiaire (loi no 210 de 1970) aux termes de laquelle les personnes soumises à des mesures de sûreté dans un établissement pénitentiaire ont également l’obligation de travailler en prison (article 39 lu conjointement avec l’article 10 de la loi). La commission a rappelé à cet égard qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention seuls les détenus qui ont fait l’objet d’une condamnation judicaire peuvent être soumis à l’obligation de travailler. La commission observe que, par le passé, le gouvernement a indiqué que les dispositions de la loi pénitentiaire seraient modifiées ou abrogées d’abord dans le cadre de l’adoption d’un Code pénitentiaire puis du nouveau Code de procédure pénale. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement ne fournit aucune information sur l’état d’avancement de l’adoption d’un nouveau code de procédure pénale. Il communique copie du règlement interne de l’unité pénitentiaire Esperanza qui ne reçoit que des personnes condamnées. Dans la mesure où cette question fait l’objet des commentaires de la commission depuis de nombreuses années, la commission veut croire que le gouvernement ne manquera pas de prendre les mesures nécessaires pour mettre la législation nationale en conformité avec la convention, en s’assurant que les prisonniers en attente de jugement ou les personnes détenues sans avoir été jugées ne sont pas soumis à l’obligation de travailler en prison. La commission insiste d’autant plus sur la nécessité de modifier la loi pénitentiaire de 1970 que, d’après les informations disponibles sur le site Internet du ministère du Travail et de la Justice, sur 6 146 personnes privées de liberté, seulement 1 772 ont fait l’objet d’une décision de justice.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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