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Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Convention (n° 95) sur la protection du salaire, 1949 - Grèce (Ratification: 1955)

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  1. 2019

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Article 11 de la convention. Créances salariales bénéficiant d’un privilège dans les procédures de faillite. Faisant suite à ses précédents commentaires concernant le fonctionnement du Fonds de garantie des salaires, la commission prend note des explications du gouvernement quant au cadre légal qui en réglemente les activités, à savoir la loi no 1836/89 et le décret présidentiel no 1/1990, ainsi que les décrets présidentiels nos 151/1999 et 40/2007 qui ont pour but d’aligner la législation nationale sur les directives pertinentes de l’UE. Le gouvernement indique que le Fonds de garantie des salaires est géré par le Conseil de gestion de l’Organisation de l’emploi de la main-d’œuvre (OAED), qu’il est financé par des cotisations obligatoires des employeurs, actuellement fixées à 0,15 pour cent de la rémunération du travailleur, ainsi que par une subvention de l’Etat. Le fonds couvre principalement les créances pouvant aller jusqu’à trois mois d’impayés de salaire dus au titre d’un contrat d’emploi et au cours de la période de six mois précédant la publication du jugement du tribunal déclarant la faillite de l’employeur. Le rapport du gouvernement contient également des statistiques sur les dépenses et le nombre de bénéficiaires de ce fonds pour la période 2000-2010. Selon ces statistiques, en 2009, le fonds a payé un montant total de 1,44 million d’euros à 148 bénéficiaires et, en 2010, un montant total de 2,57 millions d’euros à 530 bénéficiaires. Notant qu’une institution de garantie des salaires constitue un complément utile de la protection des créances salariales au moyen d’un privilège, comme le prévoit cet article de la convention, la commission prie le gouvernement de fournir des informations supplémentaires, y compris des statistiques si elles sont disponibles, sur l’impact que la crise économique actuelle pourrait avoir sur le fonctionnement du fonds, en particulier en ce qui concerne sa viabilité financière, compte tenu du nombre croissant de faillites, et sur toutes mesures prises ou envisagées à cet égard, telles que le réajustement éventuel du niveau de cotisation des employeurs.
Article 12. Paiement régulier des salaires – Règlement rapide des salaires dus au moment de la cessation de la relation d’emploi. Dans son précédent commentaire, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur toutes difficultés rencontrées dans le paiement régulier des salaires, en indiquant le nombre de travailleurs concernés et les secteurs concernés, sur la base de l’information selon laquelle il pouvait exister des problèmes de non-paiement ou de paiement tardif des salaires à la suite de problèmes très étendus d’insolvabilité et de manque de liquidités. La commission note que le rapport du gouvernement est silencieux sur ce point. Elle observe cependant que, selon plusieurs sources, le pays connaît des difficultés croissantes en ce qui concerne le paiement régulier des salaires, et que des situations d’accumulation d’arriérés de salaires sont signalées dans plusieurs secteurs d’activité. La commission note par exemple que, selon le rapport d’activité de 2011 de l’inspection du travail (SEPE), publié en avril 2012, le non-paiement des salaires représente 68,8 pour cent de l’ensemble des infractions à la loi sur le travail décelées en 2011, et le non-paiement de la rémunération afférente au congé annuel payé 20,6 pour cent, ces chiffres étant en nette augmentation par rapport à 2010, année durant laquelle 50,5 pour cent de toutes les infractions concernaient des retards de paiement ou des cas de non-paiement de salaires, 14,8 pour cent des cas de non-paiement de la rémunération afférente aux congés payés et 5,6 pour cent des cas de non-paiement des primes de fin d’année. Le rapport de la SEPE indique également que, si l’on se réfère au nombre de dossiers ouverts et au montant des amendes imposées, la situation semble surtout concerner les secteurs du commerce de détail, des restaurants et des services de restauration, de la construction, de l’hôtellerie et de l’alimentation.
La commission comprend que l’aggravation de la crise économique et sociale dans le pays pèse lourdement sur le climat des affaires et que, dans ces circonstances, on ne peut que s’attendre à une persistance des problèmes de non-paiement des salaires, si ce n’est à leur accentuation. La commission note par exemple que, selon des travaux de recherche menés par l’Institut des petites entreprises (GSEBEE) et publiés en janvier 2011, 84,2 pour cent des entreprises ont indiqué que leur situation financière avait empiré au cours du dernier semestre et 68 pour cent prévoyaient une nouvelle détérioration au cours du semestre suivant. Les mêmes travaux de recherche indiquent que 215 000 petites entreprises (25,9 pour cent) risquaient de fermer, ce qui induirait une perte totale de 320 000 emplois. Selon un autre rapport publié en septembre 2011 par l’Institut du commerce et des services (INEMY), 25 pour cent de toutes les entreprises commerciales enregistrées avaient cessé leurs activités dès le mois d’août 2011, contre 15 pour cent à l’été 2010.
La commission se déclare profondément préoccupée par la nette intensification des infractions à la législation du travail concernant le paiement régulier des salaires, et elle demande instamment au gouvernement de continuer à adopter des mesures actives pour empêcher une extension plus importante encore des problèmes de non-paiement ou de retard dans le paiement des salaires, telles que le renforcement des contrôles et des sanctions imposées, ainsi que l’utilisation de mesures incitatives appropriées. A cet égard, elle le prie de fournir des informations détaillées sur l’efficacité du système d’application de la législation et de contrôle de son respect, suite à la réforme de l’inspection du travail intervenue en 2009.
De plus, la commission rappelle que, dans sa précédente observation, elle avait soulevé la question des réductions considérables de salaires dans le secteur public décidées dans le cadre des mesures d’austérité visant à réduire le déficit public et qu’elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations complètes sur toutes nouvelles mesures anticrise ayant un impact sur les salaires, y compris les consultations qu’il est nécessaire de mener auprès des organisations d’employeurs et de travailleurs concernées. Tout en notant que le rapport du gouvernement ne contient pas de nouvelle information sur ce point, la commission croit comprendre que des mesures budgétaires supplémentaires ont été adoptées en novembre 2012 dans le cadre du Protocole d’accord sur la stratégie budgétaire à moyen terme 2013-2016 (mémorandum III), y compris de nouvelles réductions de salaires allant jusqu’à 35 pour cent du salaire mensuel des travailleurs qui appartiennent à des régimes salariaux spéciaux, tels que les juges, les diplomates, les médecins, les enseignants, les membres des forces armées et de la police et le personnel des aéroports et, y compris aussi, la suppression des primes saisonnières pour les salariés de l’Etat et des pouvoirs publics locaux. Les nouvelles mesures font partie des récentes coupes budgétaires considérées comme nécessaires pour que le pays reçoive la prochaine tranche d’aide financière de ses créditeurs internationaux.
La commission croit comprendre que les séries successives de mesures drastiques d’austérité sont décidées en fonction des orientations générales de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI) qui conseillent le gouvernement, depuis mai 2010, sur la planification d’un large éventail de réformes devant permettre d’améliorer la compétitivité de l’économie nationale et de moderniser l’administration publique. Elle croit également comprendre que la plupart de ces mesures visent à réduire un déficit public qui atteint un niveau inquiétant. La commission reste cependant gravement préoccupée par l’effet cumulatif que ces mesures ont sur les revenus et le niveau de vie des travailleurs ainsi que sur le respect des normes du travail relatives à la protection du salaire. Comme la commission l’avait déjà indiqué dans sa précédente observation, aucune disposition de la convention no 95 ne traite des réductions de salaires en tant que telles. Toutefois, lorsque, par leur nature et leur ampleur, ces réductions ont des conséquences dramatiques pour une part importante des travailleurs au point de vider pratiquement de son sens l’application de la plupart des dispositions de la convention, la commission se sent tenue de considérer la situation sous l’angle de la «protection des salaires» dans un sens plus large.
Dans le même ordre d’idées, le salaire minimum national a récemment été réduit de 22 pour cent, cette réduction atteignant même 32 pour cent pour les travailleurs de moins de 25 ans. Les statistiques disponibles montrent que la pression permanente à la baisse qui s’exerce sur les salaires pourrait avoir pour conséquence de faire tomber un quart de la population sous le seuil de pauvreté. Selon le rapport annuel 2012 sur l’économie et l’emploi en Grèce, publié en août 2012 par l’Institut du travail de la Confédération générale grecque du travail (GSEE), le pouvoir d’achat du salaire moyen est retombé à son niveau de 2003 et celui du salaire minimum à celui de la deuxième moitié des années soixante-dix. Compte tenu de ces développements, la Commission nationale grecque pour les droits humains, en sa qualité d’organe consultatif du gouvernement pour les questions de protection des droits humains, a publié en décembre 2011 une recommandation dans laquelle elle se déclare profondément préoccupée, entre autres, par les réductions considérables en cours qui touchent même les salaires les plus faibles et les pensions.
Dans ces circonstances, tout en reconnaissant que le pays est confronté à des problèmes cruciaux, la commission rappelle la responsabilité qu’a le gouvernement de renforcer – et non d’affaiblir – les normes du travail liées à la protection des salaires, en particulier en temps de crise, c’est-à-dire lorsque le besoin de justice sociale et de sécurité du revenu se fait le plus sentir. Comme indiqué dans les conclusions du Comité européen des droits sociaux dans une récente affaire (réclamation no 65/2011 présentée par la Fédération générale des employés des compagnies publiques d’électricité et la Confédération des syndicats des fonctionnaires publics, décision du 23 mai 2012), «la crise économique ne doit pas se traduire par une baisse de la protection des droits reconnus par la Charte [sociale européenne]» et «si la crise peut légitimement conduire (…) à des réaménagements des dispositifs normatifs et des pratiques en vigueur en vue de limiter certains coûts pour les budgets publics ou d’alléger les contraintes pesant sur les entreprises, ces réaménagements ne sauraient se traduire par une précarisation excessive des bénéficiaires de droits reconnus par la Charte».
La commission attire également l’attention sur l’importance d’un dialogue ouvert et permanent avec les partenaires sociaux. Comme elle l’avait noté au paragraphe 374 de son étude d’ensemble de 2003 sur la protection des salaires, «le dialogue social est le seul moyen de répartir la charge des réformes de l’économie tout en préservant la paix sociale», et «des solutions négociées ont beaucoup plus de chances de succès lorsque la seule base solide permettant de poursuivre des changements structuraux particulièrement pénibles est le consensus social». La commission souhaite se référer, à cet égard, aux conclusions adoptées par le Comité de la liberté syndicale suite à une plainte déposée par plusieurs centrales syndicales contre le gouvernement de la Grèce (cas no 2820), qui ont été approuvées par le Conseil d’administration en novembre 2012 et selon lesquelles le gouvernement devrait promouvoir un dialogue social permanent et approfondi parce qu’il est essentiel, pour accompagner les efforts en vue de la paix sociale dans le pays, que des consultations aient lieu de toute urgence avec les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées afin de réexaminer les mesures d’austérité en vue de discuter de leur impact et de convenir de garanties adéquates pour protéger le niveau de vie des travailleurs (365e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 989-990). La commission prie par conséquent instamment le gouvernement de consulter pleinement les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs avant l’adoption de toute nouvelle mesure d’austérité et de faire tout son possible pour éviter de nouvelles atteintes aux droits des travailleurs en ce qui concerne la protection des salaires, dans le secteur public comme dans le secteur privé, et pour s’efforcer de rétablir le pouvoir d’achat des salaires qui a été considérablement réduit. La commission prie le gouvernement de fournir un rapport complet sur toutes les mesures liées aux salaires adoptées ces trois dernières années, la portée de toutes consultations tripartites tenues avant leur adoption et l’impact social de ces mesures.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2013.]
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