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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2013, Publication : 102ème session CIT (2013)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Cambodge (Ratification: 1999)

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2013-Cambodia-C87-Fr

Un représentant gouvernemental, se référant aux cas de Chea Vichea, Hy Vuthy et Ros Sovannareth (Comité de la liberté syndicale, cas no 2318), a indiqué que le Premier ministre a récemment promulgué une ordonnance (lettre no 397 du 6 mars 2013) instituant un comité de coordination ayant pour mandat exclusif de coordonner les ministères chargés de répondre aux questions se rapportant au cas no 2318. En outre, le Premier ministre a promulgué une autre ordonnance (lettre no 1080 du 6 juin 2013) instituant un comité permanent auquel participeront tous les partenaires sociaux ainsi que 20 ministères différents et qui sera chargé de coordonner l’élaboration de la politique nationale de l’emploi et de répondre à toutes les questions soulevées par l’OIT. Ces deux ordonnances seront traduites et transmises à la commission d’experts en temps voulu. S’agissant des questions liées à la liberté syndicale, le gouvernement respecte les principes sur lesquels se fonde la convention, et la législation du travail cambodgienne donne pleinement effet à ses dispositions. Les organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs peuvent s’organiser et exercer leurs droits en toute liberté. On compte à ce jour 12 chambres syndicales, 76 fédérations syndicales et 2 765 syndicats d’entreprise, principalement dans les secteurs de l’habillement et de la chaussure qui regroupent quelque 460 entreprises. Par ailleurs, les organisations de travailleurs jouent un rôle crucial dans l’élaboration de la législation nationale et participent activement aux discussions sur les questions de travail. Dans les efforts qu’il déploie pour relever une série de défis dans le domaine des relations professionnelles et renforcer le dialogue social, le gouvernement a mis en place un comité tripartite en charge de la surveillance des grèves, un autre comité tripartite ayant compétence sur les contrats de travail, et un troisième chargé des salaires minima. Ces trois comités se composent de représentants des employeurs et des travailleurs librement élus par leurs organisations respectives.

En outre, une nouvelle loi sur les syndicats a été élaborée avec la participation active des partenaires sociaux et l’assistance technique du Bureau. Ce projet de loi est actuellement examiné par le Conseil des juristes du Conseil des ministres. Lorsqu’il disposera de la version finale du projet, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle le transmettra à la commission d’experts. En outre, le ministère de la Justice a été chargé de rédiger la loi sur les tribunaux du travail en consultation avec tous les partenaires sociaux, comme le veut la pratique établie. S’agissant de l’indépendance du système judiciaire et des obligations du gouvernement en matière de présentation de rapports sur les textes de loi récents, comme par exemple la loi anticorruption, un des comités récemment constitués mentionné ci-dessus sera chargé de répondre aux demandes de la commission d’experts, probablement après les élections générales de juillet 2013 et dès qu’il se sera familiarisé avec les procédures de l’OIT, en particulier avec le fonctionnement des organes de contrôle; l’assistance du Bureau ainsi qu’une formation ont été sollicitées à cet égard. Par ailleurs, le gouvernement a nommé à la mission diplomatique du Cambodge à Genève un attaché chargé des questions de travail qui facilitera la communication et le dialogue entre le Bureau et les instances concernées au Cambodge. Le représentant gouvernemental a déclaré que des progrès significatifs ont été réalisés au fil des ans mais que, le marché du travail changeant et les relations professionnelles se diversifiant, une législation et un dialogue social appropriés s’imposent pour continuer à répondre aux besoins des employeurs et des travailleurs.

Les membres travailleurs ont souligné que, déjà dans ses conclusions de 2007 et 2011, cette commission s’est référée aux assassinats de syndicalistes, au harcèlement, aux arrestations et disparitions de dirigeants syndicaux, à la question de l’efficacité et du manque d’indépendance de la justice et au climat d’impunité. Ces mêmes mots sont repris depuis 2003 par la commission d’experts dans les commentaires qu’elle formule au gouvernement. Dans sa dernière observation, elle souligne que les assassinats des syndicalistes Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy n’ont toujours pas été élucidés, ce qui pose une nouvelle fois la question du fonctionnement efficace et indépendant de la justice et du climat d’impunité. Bien que le gouvernement ait été prié de prendre des mesures concrètes à cet égard et, en particulier, d’adopter sans délai le projet de loi sur le statut des juges et des procureurs et la loi sur le fonctionnement des tribunaux et de les communiquer, à ce jour aucun progrès n’a été réalisé. S’agissant du harcèlement dont sont victimes les membres de l’Association cambodgienne des enseignants indépendants (CITA), celui-ci illustre le problème plus général des syndicats de la fonction publique qui ne sont pas couverts par le projet de loi sur les syndicats et sont considérés comme de simples associations. En outre, au Cambodge comme dans de nombreux pays, le recours aux contrats temporaires et la multiplication des contrats de courte durée porte directement ou indirectement atteinte à la possibilité des travailleurs de s’affilier à un syndicat, or tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, doivent avoir la possibilité de s’affilier au syndicat de leur choix. Les membres travailleurs ont souligné que tous ces problèmes sont encore plus accentués dans le secteur du textile qui constitue un secteur essentiel de l’économie cambodgienne, représentant 80 pour cent des exportations nationales. Bien que la main‑d’œuvre employée soit qualifiée, les rémunérations et les conditions de travail sont mauvaises et les travailleurs sont soumis à d’énormes pressions. Les entreprises qui imposent ces conditions sont des sous-traitants de grandes marques mondialement connues qui ne se soucient pas de ces pratiques. Or il existe un lien évident entre le respect de conditions de travail décentes et l’exercice de la liberté syndicale dans une entreprise. Le climat de violence et de corruption rend la tâche des syndicats difficile et ce sont les travailleurs qui en pâtissent. Un mouvement syndical libre et un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces est indispensable pour permettre aux partenaires sociaux de mener un dialogue efficace en vue de garantir des conditions de travail conformes aux normes de l’OIT. La détention de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une atteinte grave aux libertés publiques en général et aux droits syndicaux en particulier. Les intérêts économiques importants liés au secteur du textile seront d’autant mieux protégés que la liberté syndicale sera garantie.

Les membres employeurs ont noté que ce cas représente un défi pour cette commission car, malgré sept observations formulées par la commission d’experts depuis 2007, une mission de contacts directs en 2008, une double note de bas de page en 2010 et une discussion devant la Conférence en 2011, il n’y a guère eu de progrès. Une loi sur les manifestations pacifiques a été adoptée en 2009, mais elle ne semble pas être en conformité avec les dispositions de la convention. Des problèmes tels que le climat d’impunité, le contexte de violence dirigée contre les responsables syndicaux et le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire n’ont pas reçu de solution. Des travailleurs continuent de dénoncer des actes de violence et de harcèlement, il n’existe toujours pas de tribunaux du travail et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Cambodge a recommandé l’adoption de mesures favorisant l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il y a lieu de se féliciter de l’indication du gouvernement selon laquelle il a adopté une loi anticorruption et créé une unité de lutte contre la corruption, et le gouvernement devra donc fournir des informations sur la composition et le mandat de cette unité ainsi qu’une copie de la loi, afin de permettre à la commission d’experts d’évaluer ces nouvelles mesures. En outre, les membres employeurs ont prié instamment le gouvernement à communiquer dans son prochain rapport des informations sur les progrès réalisés en vue de la création de tribunaux du travail. Le gouvernement devra également prendre des mesures pour assurer d’urgence l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire et adopter sans délai le projet de loi sur le statut des juges et des procureurs, et le projet de loi sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux. Les membres employeurs ont exprimé le regret que le gouvernement reste muet à propos des observations relatives à des violations des droits syndicaux, notamment des allégations d’actes graves de violence et de harcèlement à l’encontre de syndicalistes et ils ont prié le gouvernement de faire connaître sa position sur la question. De même, ils ont instamment prié le gouvernement d’intensifier ses efforts, en pleine consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance du BIT, pour s’assurer que la version finale du projet de loi sur la liberté syndicale et les syndicats soit en pleine conformité avec la convention. Le gouvernement doit aller de l’avant et mettre à profit les mesures qu’il a prises pour réaliser des progrès tant en droit qu’en pratique.

Le membre travailleur du Cambodge a tout d’abord évoqué l’utilisation des contrats de courte durée ou à durée déterminée (FDCs) et déclaré que près de 60 pour cent des employeurs recourent à des sous-traitants et aux contrats de courte durée pour éviter la création de syndicats dans leurs entreprises, sapant de la sorte le droit des travailleurs à la liberté syndicale et à la négociation collective. En outre, les travailleurs sous contrat de courte de durée ont souvent des conditions de travail moins favorables, avec notamment des salaires inférieurs et des prestations sociales limitées. S’agissant de l’assassinat de dirigeants syndicaux, les auteurs des meurtres de Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy, en 2004, n’ont toujours pas été identifiés. A l’occasion d’un autre incident, le gouverneur Chhouk Bandith, qui avait tiré sur trois travailleuses grévistes et les avait grièvement blessées en février 2012, n’a pas été poursuivi du fait des réticences des autorités judiciaires à mener une enquête sérieuse. Des mesures efficaces s’imposent donc pour que des enquêtes soient menées au sujet de ces meurtres, que les coupables soient poursuivis en justice avec toute la rigueur de la loi et que justice soit faite. L’orateur s’est également référé aux violences et menaces dirigées contre des dirigeants et militants syndicaux, dans la mesure où il arrive régulièrement que des individus soient engagés pour agresser des dirigeants et des membres de syndicats indépendants. En 2013, des dirigeants de la Coalition syndicale démocratique des travailleurs cambodgiens de l’habillement (CCAWDU) ont été victimes de ce genre d’agression. Par ailleurs, le nombre des dirigeants syndicaux licenciés est passé de 40 en 2010 à 45 en 2011 et 116 en 2012. La question de l’enregistrement des syndicats constitue un autre sujet de préoccupation dans la mesure où tous les syndicats qui veulent s’enregistrer auprès du ministère du Travail doivent d’abord en aviser l’entreprise, tandis que le ministère du Travail tarde souvent à délivrer le certificat d’enregistrement, empêchant ainsi le syndicat de fonctionner normalement. D’autre part, des partis politiques et des employeurs cherchent parfois à créer des syndicats qui ne sauraient être considérés comme indépendants, ce qui constitue une claire violation de l’article 3 de la convention. S’agissant du projet de loi sur les syndicats, des améliorations s’imposent du fait que le projet ne couvre pas les travailleurs du secteur public (fonctionnaires, enseignants, policiers, travailleurs du transport aérien et maritime, juges) ni les travailleurs domestiques. L’orateur a aussi soulevé la question de l’insuffisance de la réglementation en matière de santé et de sécurité, notamment en ce qui concerne la question de la ventilation insuffisante et des conditions de travail dangereuses qui se soldent souvent par des accidents tragiques et des pertes de vies humaines.

La membre employeuse du Cambodge a déclaré que droit à liberté syndicale et droit d’organisation sont des pratiques extrêmement bien suivies au Cambodge, et elle a rejeté comme étant totalement erronée la référence, dans le rapport de la commission d’experts, à un «climat persistant de violence et d’intimidation envers les syndicats». La liberté syndicale est inscrite dans l’article 36 de la Constitution et dans les articles 266 à 278 du chapitre 11 de la loi sur le travail. En outre, la loi sur le travail n’exige pas un nombre minimum de membres pour pouvoir créer un syndicat, ce qui veut dire qu’une entreprise peut avoir plus d’un syndicat, parfois il en existe jusque dix. En référence aux discussions que cette commission a eues en 2011, il y a lieu de noter que, malgré un contexte économique difficile, la situation continue de progresser et le gouvernement agit sur plusieurs fronts prioritaires allant de la révision de la loi sur le travail à l’augmentation du nombre des grèves, en passant par la mise en place de centres d’arbitrage commercial, l’élargissement des programmes de sécurité sociale, la diversification de la stratégie économique, la priorité donnée à la politique de l’emploi et la promotion des activités de la nouvelle unité de lutte contre la corruption. Les syndicats sont non seulement libres mais aussi en nombre croissant au Cambodge où on comptait 2 765 syndicats et 76 fédérations syndicales enregistrés en 2012, soit des progressions de 60 et 90 pour cent, respectivement, par rapport à 2011. S’agissant des statistiques sur les grèves dans le secteur de l’habillement, leur nombre a progressé de 255 pour cent en 2012 par rapport à 2011, tandis que, entre les mois de janvier et mars 2013, le nombre de grèves a progressé de 25 pour cent par rapport à la période correspondante de 2012. Du point de vue d’un employeur, le véritable défi vient de la multiplicité de syndicats et du caractère violent des manifestations, autant de signes d’un contexte de relations professionnelles balbutiant et d’un mouvement syndical jeune qui doit encore arriver à maturité, se consolider et gagner en cohésion. S’agissant de l’obligation du gouvernement de faire rapport, elle s’est félicitée de la constitution d’un nouveau groupe de travail interministériel regroupant les ministères concernés, ce qui facilitera grandement la collecte et la communication des informations en temps voulu. L’assistance du BIT en vue du renforcement des capacités du groupe susmentionné devrait permettre aux institutions représentées au sein de ce groupe de mieux s’acquitter de leurs responsabilités. S’agissant des allégations concernant les FDCs, les questions relatives aux contrats d’emploi ont été sorties de leur contexte dans le but de susciter un débat sur la liberté syndicale. Tant les employeurs que les syndicats conviennent de la nécessité d’examiner l’évolution du contexte économique et la problématique des FDCs sans pour autant donner à la question des proportions exagérées et décrier les conditions dans lesquelles les entreprises investissent au Cambodge. Concernant l’adoption prochaine du projet de loi sur les syndicats, cette législation a été initiée et élaborée dans le cadre d’un véritable processus tripartite et, par conséquent, ne saurait constituer une violation grave de la convention dont il faille délibérer au sein de cette commission. En invoquant le projet de loi sur les syndicats pour suggérer une absence de liberté syndicale au Cambodge, on court le risque de saper cette démarche législative authentiquement tripartite et novatrice. S’agissant des décès de syndicalistes, l’oratrice a reconnu qu’il s’agit d’une question grave et a espéré que l’enquête et la justice suivront normalement leur cours. Consciente de l’importance des enjeux futurs, elle a exprimé l’espoir que le BIT continuera d’apporter son soutien aux partenaires sociaux cambodgiens qui feront tout pour continuer de renforcer les systèmes de relations professionnelles et leurs mécanismes.

Une observatrice représentant l’Internationale de l’éducation (IE) a exprimé son accord avec la commission d’experts qui, dans ses commentaires antérieurs, a considéré que le projet de loi portant réglementation des syndicats n’est conforme ni à la convention no 87 ni à la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Cette commission a conclu en 2011 que le gouvernement devait intensifier ses efforts, en concertation pleine et entière avec les partenaires sociaux et avec l’assistance du BIT, et il est déplorable de constater que la dernière version du projet de loi sur les syndicats n’est pas finalisée. Alors que le projet de loi qui a été communiqué en 2011 répondait à certaines préoccupations soulevées par la commission d’experts dans son observation, il est difficile de savoir quelles modifications ont été apportées depuis lors. L’exclusion persistante de fonctionnaires, dont des enseignants, du champ d’application du projet de loi sur les syndicats demeure une question cruciale. Le gouvernement a de nouveau refusé l’enregistrement de la Confédération cambodgienne des syndicats (CCU) en tant que confédération syndicale au motif que la plupart de ses membres sont des enseignants, ce qui montre que le gouvernement ne respecte pas la convention. Les syndicats du secteur public sont toujours privés de droits syndicaux et leurs activités sont réglementées par la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales, ce qui est aussi problématique. Malgré l’assistance technique du BIT, le gouvernement n’a pas fait preuve de la volonté nécessaire pour faire progresser les choses. Le gouvernement doit réexaminer le projet de loi sur les syndicats, veiller à ce qu’il soit conforme aux normes internationales du travail, notamment en ce qui concerne la protection des fonctionnaires, et l’adopter immédiatement.

Le membre travailleur de l’Indonésie a souligné que l’augmentation significative du recours aux FDCs, notamment dans l’industrie du vêtement, a créé une insécurité importante de l’emploi, a nui aux relations professionnelles, a contribué à faire augmenter le nombre de grèves dans les entreprises depuis 2005 et porté atteinte à la puissance des syndicats en place. Généralement, ces contrats sont d’une durée de moins de trois mois, et les travailleurs craignent que leur contrat ne soit pas renouvelé s’ils participent à des activités syndicales ou deviennent membres d’un syndicat. La stratégie du gouvernement pour être concurrentiel sur les marchés mondiaux, consistant à recourir à des travailleurs sous FDCs et à des types d’emploi extrêmement précaires, ne conduira qu’à fragiliser l’économie et le climat politique. Beaucoup d’industries de l’habillement ne fonctionnent désormais qu’avec des travailleurs sous FDCs à court terme sans cesse renouvelés, en violation de la législation du travail, notamment de l’article 67 de la loi de 1997 sur le travail, qui limite à deux ans la durée des contrats individuels. Dans sa décision, le Conseil d’arbitrage a considéré que cette législation limite les renouvellements de contrat à une période maximum de deux ans, mais les usines de ce secteur ne tiennent pas compte de cette décision. Dans la pratique, le recours généralisé aux FDCs au détriment des contrats à durée indéterminée (UDCs) porte atteinte à la liberté syndicale et la négociation collective. La durée des contrats à court terme n’offre pas de temps suffisant pour former un syndicat, ni de déterminer ni de mettre en place des dirigeants syndicaux, ce qui a de graves répercussions sur l’efficacité de la direction des syndicats et sur leur capacité à réaliser des changements sur le lieu de travail. En outre, la législation du travail impose aux dirigeants syndicaux d’avoir une année d’expérience dans l’entreprise – période qu’il est difficile de cumuler avec des FDCs. La plupart des usines du secteur de l’habillement ont transformé les UDCs en FDCs, au moyen de différentes tactiques, notamment en fermant l’usine pour la rouvrir immédiatement sous un autre nom et en «réembauchant» les travailleurs sous FDCs.

La membre travailleuse de la Suède, s’exprimant au nom des membres travailleurs d’autres syndicats nordiques, a déclaré que la discrimination antisyndicale au Cambodge demeure un problème grave et que les travailleurs qui sont licenciés en raison de leurs activités syndicales disposent rarement de voies de recours efficaces. A ce jour, le Conseil d’arbitrage demeure le seul mécanisme chargé de régler les conflits du travail en l’absence d’un tribunal du travail. Le Conseil examine les différends de manière transparente et objective mais ses décisions ne sont pas contraignantes alors que son existence même est menacée en raison d’un financement insuffisant. Il est courant que des employeurs qui se rendent coupables de discrimination antisyndicale ignorent tout simplement les décisions du Conseil, et cela en toute impunité. Par conséquent, les syndicats cambodgiens et les travailleurs doivent disposer de voies de recours efficaces pour lutter contre la discrimination antisyndicale. Bien que fondées, les décisions du Conseil d’arbitrage ont été systématiquement ignorées, et les travailleurs n’ont d’autre option que de recourir à la justice, avec ses procédures judiciaires longues et coûteuses, ou de descendre dans la rue pour défendre leurs droits.

Le membre travailleur des Philippines a déclaré que la liberté syndicale ne peut réellement s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces, quelles qu’elles soient, contre les membres et les dirigeants syndicaux, ce qui n’est pas le cas au Cambodge. L’orateur a présenté en détail deux affaires qui démontrent les pratiques d’intimidation et de harcèlement et la violence auxquelles les travailleurs sont confrontés au Cambodge. Dans la première affaire, le 20 février 2012, le gouverneur Chhouk Bandith, a tiré sur un groupe de grévistes, les blessant grièvement. Il a été inculpé, en avril 2012, pour «blessures involontaires», malgré les témoignages accablants de plus de deux douzaines de témoins confirmant clairement l’acte intentionnel. L’affaire a été rouverte, mais les victimes – des syndicats et les organisations de défense des droits de l’homme – sont très sceptiques quant à la perspective d’une enquête impartiale. La deuxième affaire concerne deux personnes, Born Samnang et Sok Sam Oeun, qui ont été condamnées en 2005 pour l’assassinat du dirigeant syndical Chea Vichea, alors président du Syndicat libre des travailleurs (FTU). Bien que des préoccupations aient été exprimées face aux irrégularités de procédure et à l’absence de preuves et que la Cour suprême ait demandé de rejuger l’affaire, la Cour d’appel a confirmé la décision initiale. Les autorités cambodgiennes doivent mener une enquête approfondie, indépendante et impartiale sur ces deux cas. Depuis la mort de Chea Vichea, deux autres militants de la FTU ont été assassinés à Phnom Penh, allongeant ainsi la longue liste des attaques injustifiables commises contre les libertés publiques et les droits syndicaux.

Le représentant gouvernemental a remercié les membres employeurs et travailleurs pour leurs commentaires reflétant les efforts déployés par le gouvernement pour mettre en œuvre les dispositions de la législation cambodgienne conformément à la convention. Afin de promouvoir la liberté syndicale, le gouvernement a donné à tous les travailleurs la possibilité de s’organiser et d’exercer leurs droits librement. A ce jour, il existe 12 chambres syndicales, 76 fédérations syndicales et 2 765 syndicats au niveau de l’entreprise au Cambodge. Pour la seule année 2012, 74 conventions collectives ont été enregistrées auprès du ministère du Travail et de la Formation professionnelle. Les syndicats ont joué un rôle crucial dans l’élaboration de la législation nationale et dans diverses discussions sur des questions en matière de travail. Des représentants syndicaux ont été inclus dans une commission mise en place le 6 juin 2013, qui s’est vu confier le mandat de procéder à la coordination et à l’élaboration de la politique de l’emploi du Cambodge et de répondre aux questions soulevées par l’OIT. Le représentant gouvernemental a exprimé des regrets au sujet de certains commentaires qui ne reflètent pas correctement la situation au Cambodge et ne reconnaissent pas les efforts déployés pour poursuivre la mise en œuvre effective des dispositions de la loi cambodgienne du travail, conformément à la convention. Le gouvernement continue de répondre aux besoins des employeurs et des travailleurs et à l’évolution de l’environnement industriel. En dépit des progrès significatifs accomplis pendant des années, le gouvernement est conscient de la nécessité de continuer à élaborer des lois et des réglementations nationales et de renforcer les fondations déjà solides du dialogue social.

Les membres travailleurs ont déclaré qu’afin de remédier aux manquements qui ont été soulignés en matière de liberté syndicale et de protection du droit syndical le gouvernement doit, sans délai: i) adopter, avant la fin de l’année 2013, une loi sur les syndicats conforme à la convention et couvrant tous les travailleurs des secteurs privé et public, quel que soit leur type de contrat (permanent, temporaire, temps partiel ou temps plein), en consultation avec les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs et avec l’assistance technique du BIT si nécessaire; ii) faire en sorte que les responsables d’actes de violence contre les syndicalistes et les travailleurs soient poursuivis et sanctionnés par la justice rapidement et de manière transparente; iii) convoquer un comité tripartite s’engageant à trouver un accord sur les contrats temporaires dans un délai de six mois; et iv) assurer le financement continu du Conseil d’arbitrage et lui octroyer le pouvoir d’adopter des décisions contraignantes.

Les membres employeurs ont exprimé leur souhait de voir les commentaires qu’ils avaient faits à l’ouverture de ce cas sur les lacunes dans l’action du gouvernement reflétés dans les conclusions de cette commission. On peut résumer ce cas à quatre points importants qui appellent une action immédiate de la part du gouvernement: le silence du gouvernement à l’égard de la situation de la liberté syndicale; l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire; l’adoption de la loi anticorruption avec son plan stratégique quinquennal ainsi que la création d’une unité anticorruption; et l’implication des partenaires sociaux. Les membres employeurs ont encouragé le gouvernement à adopter une loi traitant de la question de la liberté d’association des syndicats et à veiller à ce que la violence contre les travailleurs ne soit pas permise. Ils ont exhorté le gouvernement à garantir l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire, en mettant notamment l’accent sur les mesures de renforcement des capacités et l’établissement de garanties contre la corruption. A cet égard, les membres employeurs ont également exhorté le gouvernement à adopter sans délai le projet de loi sur le statut des juges et des procureurs et la loi sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux, et à prendre des mesures afin d’assurer leur pleine application. Ils ont demandé au gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés, particulièrement en ce qui concerne les mesures prises pour mettre en place des tribunaux du travail. En outre, ils ont encouragé le gouvernement à fournir des informations sur le mandat de l’institution anticorruption et ses activités, y compris une copie de la loi, du plan stratégique et tout autre document pertinent. Les membres employeurs ont indiqué qu’ils étaient encouragés par certaines des mesures prises, par exemple la consultation des partenaires sociaux par le gouvernement sur le projet de loi sur les syndicats. Toutefois, il est important que le gouvernement continue d’impliquer les partenaires sociaux dans les efforts qu’il déploie pour assurer le respect de la convention en droit et en pratique. Les membres employeurs ont exprimé l’espoir qu’ils seraient en mesure de constater des progrès pour chacun des quatre points susmentionnés.

Conclusions

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental ainsi que de la discussion qui a suivi.

La commission a noté que les questions graves concernant ce cas portent sur le climat d’impunité qui prévaut dans le pays et sur des procédures judiciaires viciées dans les procès impliquant les auteurs présumés du meurtre de trois dirigeants syndicaux, ainsi que la nécessité d’assurer l’indépendance et l’efficacité du pouvoir judiciaire. D’autres questions concernent un certain nombre de divergences déjà anciennes entre la législation et la pratique, et la convention.

La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental, indiquant la mise en place d’un Comité de coordination chargé de coordonner les activités de tous les ministères concernés pour traiter les questions relatives au meurtre de dirigeants syndicaux, ainsi que d’un Comité permanent sur la politique de l’emploi chargé aussi de traiter les questions soulevées par l’OIT. Le représentant gouvernemental a fait également état de l’élaboration d’un projet de loi sur les syndicats avec l’assistance technique du BIT, ainsi que de l’intention d’élaborer une loi sur les tribunaux du travail.

La commission a déploré le fait que, malgré le renvoi du cas concernant Chea Vichea devant la Cour pour un nouveau procès, il n’y ait pas eu d’investigations complètes, indépendantes et impartiales concernant ce meurtre, les personnes précédemment inculpées ayant été renvoyées en prison sans qu’aucune nouvelle preuve n’ait été fournie. La commission a également pris note avec préoccupation des allégations de violence, de menaces et d’intimidation continuelles à l’égard de dirigeants et de membres syndicaux. Rappelant que la liberté syndicale des travailleurs et des employeurs ne peut être exercée que dans un climat exempt de violence, de pression ou de menaces de toutes sortes, la commission a instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à l’impunité concernant les actes de violence à l’encontre de syndicalistes, et a demandé une fois encore l’ouverture d’enquêtes indépendantes afin de veiller à ce que les auteurs et les instigateurs de ces crimes odieux soient traduits en justice.

La commission a pris note des préoccupations exprimées par la commission d’experts à propos du système judiciaire. Elle a rappelé ses précédentes recommandations dans lesquelles elle avait prié instamment le gouvernement d’adopter sans délai la loi proposée sur le statut des juges et des procureurs, ainsi que la loi sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux, et d’en assurer l’application complète, et a exprimé l’espoir que le gouvernement serait en mesure de faire état de progrès réalisés à cet égard.

La commission a en outre observé que le processus de réforme législatif est toujours en cours et a demandé une fois encore au gouvernement de redoubler d’efforts, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance du BIT, pour veiller à ce que la loi sur les syndicats soit adoptée avant la fin de l’année 2013 afin de mieux garantir les droits accordés par la convention. Elle a demandé au gouvernement de prendre d’autres mesures pour garantir les droits syndicaux des travailleurs du secteur public et des travailleurs de tout type de contrat. Elle a notamment prié le gouvernement de communiquer à la commission d’experts les textes sur la loi contre la corruption et son plan stratégique, et a exprimé l’espoir que les ressources nécessaires seraient accordées pour leur mise en œuvre efficace. Des ressources adéquates devraient aussi être allouées pour le bon fonctionnement d’une justice indépendante. La commission a aussi demandé au gouvernement de transmettre à la commission d’experts tous les textes de projets de loi dont il est question, de manière à lui permettre de formuler des commentaires sur leur conformité avec la convention, et a exprimé l’espoir qu’elle pourrait constater des progrès concrets à cet égard dans un proche avenir.

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