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Demande directe (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - République-Unie de Tanzanie (Ratification: 1962)

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La commission note que le pays participe à un programme d’assistance technique du BIT, à savoir un projet financé sur le Compte de programmes spéciaux (ci-après projet SPA). Elle relève à cet égard que deux ateliers tripartites ont eu lieu à Dar es-Salaam et à Zanzibar, en septembre 2012, dont l’objet était de lever les obstacles à la mise en œuvre des conventions relatives au travail forcé. Deux ateliers de suivi se sont en outre tenus en mai 2013. La commission relève avec intérêt que, dans le cadre du projet SPA, les représentants des ministères compétents et ceux des organisations d’employeurs et de travailleurs ont élaboré un plan d’action assorti de délais qui doit permettre de remédier aux difficultés rencontrées dans l’application des conventions relatives au travail forcé.

I. Tanzanie continentale

Article 1 a) de la convention. Peines assorties de l’obligation de travailler sanctionnant l’expression d’opinions politiques. 1. Médias. La commission avait précédemment noté que, en vertu de l’article 25 de la loi de 1976 sur la presse, le Président peut, s’il le juge conforme à l’intérêt public et nécessaire à la protection de la paix et de l’ordre publics, interdire la parution d’un journal, quelles que soient l’impression, la publication, la vente ou la distribution de ce journal devenant alors passible d’une peine d’emprisonnement (assortie de l’obligation de travailler, en application de la partie XI de la loi pénitentiaire de 1977). Le gouvernement indique toutefois qu’un projet de loi sur les médias, destiné à remplacer la loi de 1976 sur les journaux, a été élaboré et soumis aux parties prenantes.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle des mesures sont prises pour soumettre le projet de loi sur les médias à l’examen du Parlement. Elle relève également que, selon le Journal officiel, l’article 25 de la loi sur la presse a été appliqué à différentes reprises, en 2012 et 2013, pour faire cesser la parution de certains journaux. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger ou modifier la loi sur la presse. A cet égard, elle le prie en outre instamment de prendre les mesures nécessaires pour garantir que le projet de loi sur les médias ne contiendra pas de dispositions aux termes desquelles les personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques pourraient être passibles de peines de prison aux termes desquelles un travail pourrait leur être imposé. Elle exprime l’espoir que ce projet de loi sera prochainement adopté et prie le gouvernement de communiquer copie de la loi, une fois celle-ci promulguée.
2. Réunions, assemblées et organisations. i) Loi sur les organisations non gouvernementales. La commission avait noté précédemment que l’article 11 de la loi de 2002 sur les organisations non gouvernementales (ONG) prévoit que toutes ces organisations doivent soumettre une demande d’enregistrement auprès du service compétent, demande qui, en vertu de l’article 13, paragraphe 3, peut être acceptée ou rejetée. L’article 14, paragraphe 1, indique que l’enregistrement d’une ONG peut être refusé si, entre autres motifs, les activités de l’organisation en question ne servent pas l’intérêt public ou si le Conseil national des ONG a émis une recommandation défavorable à son encontre. L’article 35 punit d’une amende n’excédant pas 500 000 shillings tanzaniens (TZS) (soit environ 310 dollars E. U.) ou d’une peine de prison (assortie de l’obligation de travailler) d’un an au maximum ou de ces deux peines le fait, entre autres infractions, d’animer une ONG non autorisée. La commission avait noté également que le Comité des droits de l’homme, dans ses observations finales datées du 6 août 2009, avait exprimé sa préoccupation face aux obstacles qui entraveraient les activités des organisations de la société civile et leur aptitude à fonctionner de manière indépendante, ainsi que face aux peines sévères infligées à ceux qui animent une organisation non enregistrée (CCPR/C/TZA/CO/4, paragr. 23).
La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, à ce jour, aucune condamnation n’a été prononcée en application de l’article 35 de la loi de 2002 sur les ONG. La commission relève, dans le rapport de mission sur l’atelier tripartite tenu en septembre 2012 dans le cadre du projet SPA, que, dernièrement, certaines dispositions de ladite loi, relatives à l’enregistrement des ONG, ont été jugées inconstitutionnelles par la Haute Cour. Se référant au paragraphe 302 de l’étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales concernant les droits au travail, la commission rappelle que, parmi les activités qui, en vertu de l’article 1 a) de la convention, ne doivent pas faire l’objet d’une sanction comportant du travail forcé ou obligatoire, figurent celles qui s’exercent dans le cadre de la liberté d’exprimer des opinions politiques ou idéologiques ainsi que des droits d’association et de réunion, par lesquels les citoyens cherchent à faire connaître et accepter leurs opinions. La commission prie par conséquent le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les dispositions susmentionnées de la loi sur les ONG ne sont pas appliquées de telle manière que des peines de prison, assorties de l’obligation de travailler, puissent être imposées à des personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou idéologiques. Elle prie également le gouvernement de communiquer, avec son prochain rapport, une copie de la décision rendue par la Haute Cour au sujet de la constitutionnalité de cette loi.
ii) Loi de 1982 sur l’administration locale (autorités de district). La commission avait précédemment noté que le paragraphe 56 de la première annexe à la loi de 1982 sur l’administration locale (autorités de district) contenait, conformément à l’article 118, paragraphe 4, de cette même loi, des dispositions interdisant, réglementant ou restreignant les réunions et autres rassemblements, et avait demandé des informations au sujet de l’application de cette loi en pratique.
La commission note que le gouvernement indique, s’agissant de l’application de l’article 118, paragraphe 4, de la loi sur l’administration locale (autorités de district), que le conseil de district peut exercer, à sa discrétion, l’une quelconque des fonctions visées dans la première annexe à la loi, à des fins générales en rapport avec le développement économique, le progrès social, la préservation de l’environnement ou le bien-être de la population. Les conseils de district reçoivent par ailleurs l’appui du gouvernement central dans l’exercice de ces fonctions. Se référant aux explications ci-dessus concernant l’article 1 a) de la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations au sujet de toute mesure adoptée en application du paragraphe 56 de la première annexe à la loi sur l’administration locale (autorités de district), qui dispose que les conseils de district peuvent interdire, réglementer ou restreindre les réunions, processions et autres rassemblements.
Article 1 b) et c). Sanctions comportant l’obligation de travailler imposées pour non-exécution d’un travail d’utilité sociale. Dans ses précédents commentaires, la commission s’est référée à l’article 176, paragraphe 9, du Code pénal, en vertu duquel toute personne occupant légalement un emploi, quel qu’il soit, qui se livre, pendant ses heures de travail et sans excuse valable, à des activités qui ne sont pas d’ordre professionnel, est passible d’une peine d’emprisonnement (assortie de l’obligation de travailler). La commission avait noté que les dispositions permettant de sanctionner des personnes présentées comme oisives ou indisciplinées, au seul motif qu’elles ne se consacrent pas à un travail socialement utile, sont incompatibles tant avec la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, qu’avec l’article 1 b) de la présente convention. De plus, l’article 176, paragraphe 9, du Code pénal visant principalement les personnes occupant légalement un emploi, qui s’absentent de leur travail, la commission avait rappelé que l’article 1 c) de la convention interdit le recours au travail forcé ou obligatoire en tant que mesure de discipline du travail.
La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les commentaires qu’elle formule sur ce sujet ont été transmis aux autorités compétentes. La commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger ou modifier l’article 176, paragraphe 9, du Code pénal et de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
Article 1 c). Sanctions comportant l’obligation de travailler en tant que mesure de discipline du travail. Dans ses précédents commentaires, la commission s’était référée aux dispositions en vertu desquelles tout salarié relevant d’une autorité donnée, qui cause un préjudice pécuniaire à son employeur ou qui endommage la propriété de celui-ci par un acte délibéré, par omission, par négligence ou par faute, ou encore parce qu’il a omis de prendre les précautions nécessaires ou de s’acquitter raisonnablement de ses obligations, est passible d’une peine d’emprisonnement de deux ans au maximum, assortie de l’obligation de travailler (art. 11 de la première annexe à la loi de 1984 sur la lutte contre la criminalité économique et le crime organisé («infractions économiques»), lu conjointement avec l’article 59, paragr. 2, de cette loi).
La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les commentaires qu’elle a formulés sur ce sujet ont été transmis aux autorités compétentes. Rappelant que l’imposition de peines d’emprisonnement qui impliquent un travail obligatoire pour sanctionner un manquement à la discipline du travail ne sont pas compatibles avec la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger ou modifier l’article 11 de la première annexe à la loi de 1984 sur la lutte contre la criminalité économique et le crime organisé, et de fournir des informations à cet égard dans son prochain rapport.

II. Zanzibar

Article 1 a). 1. Peines imposées pour actes séditieux. La commission avait précédemment noté que l’article 41 du décret pénal (no 6 de 2004) punissait les actes séditieux (art. 41(a)(i)) d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de sept ans, peine aux termes de laquelle un travail obligatoire peut être imposé. La commission avait pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’application de cet article était limitée par les dispositions constitutionnelles sur la liberté d’expression, lesquelles prévalent toujours en cas de conflit entre la Constitution et le décret pénal. Notant l’absence d’information sur ce point dans le rapport du gouvernement, la commission le prie de fournir des informations sur l’application de l’article 41 du décret pénal dans la pratique afin qu’elle puisse déterminer si celle-ci est compatible avec la convention.
2. Ordonnance restrictive à l’encontre des personnes qui ont un comportement dangereux pour la paix, l’ordre public, la bonne gestion des affaires publiques ou la moralité publique. Dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note de l’article 41(b) du décret sur le bannissement (chap. 41), concernant les ordonnances restrictives à l’encontre des personnes qui ont un comportement dangereux pour la paix, l’ordre public, la bonne gestion des affaires publiques ou la moralité publique. Elle avait noté que le gouvernement affirmait que ce décret n’était plus appliqué.
La commission relève, dans le rapport de mission de l’atelier tripartite organisé en septembre 2012 à Zanzibar dans le cadre du projet SPA, que la modification du décret sur le bannissement est prévue dans le plan d’action assorti de délais élaboré par les participants. La commission note également la déclaration du gouvernement selon laquelle ce décret n’est plus appliqué et est tombé en désuétude. Le gouvernement indique que des mesures sont prises actuellement en vue de son abrogation. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue d’abroger le décret sur le bannissement et de mettre sa législation en conformité avec la convention et avec la pratique indiquée.
3. Dispositions pénales concernant les associations illégales. La commission avait noté précédemment que, en vertu de l’article 3 de la loi no 6 de 1995 sur les associations, une association est dite illégale lorsqu’elle est déclarée comme telle par le ministre ou lorsqu’il s’agit d’une association non enregistrée qui existe depuis plus de six mois et qui n’a pas déposé de demande d’enregistrement, qui n’a pas été autorisée à s’enregistrer ou dont la demande d’enregistrement a été rejetée. L’article 5 de cette même loi prévoit en outre que le ministre peut, lorsqu’il considère que cette mesure est essentielle pour préserver l’ordre public, déclarer, par voie d’arrêté, qu’une association est illégale s’il considère qu’elle sert des fins préjudiciables ou incompatibles avec le maintien de la paix, de l’ordre public et de la bonne gestion des affaires publiques. Aux termes de l’article 6, toute personne qui dirige ou participe à la direction d’une association illégale se rend passible d’une amende de 200 000 shillings tanzaniens ou d’une peine de prison (comportant du travail obligatoire) de six mois ou des deux peines.
La commission note que le gouvernement indique qu’aucune peine de prison n’a été prononcée en application de l’article 6 de la loi sur les associations. Elle relève en outre, dans le rapport de mission concernant l’atelier tripartite de suivi qui s’est tenu en mai 2013 à Zanzibar, que la modification de la loi sur les associations est prévue dans le plan d’action assorti de délais élaboré par les mandants en septembre 2012. Plus récemment, le gouvernement a fait savoir, lors de l’atelier de mai 2013, qu’un amendement avait été élaboré et porté à la connaissance des ONG, lesquelles ont formulé à son sujet des observations qui ont été communiquées au ministère de la Justice. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts afin de modifier la loi sur les associations. Dans l’attente d’une telle modification, la commission le prie de continuer à communiquer des informations au sujet de l’application, dans la pratique, de l’article 6 de cette loi, et en particulier des peines d’emprisonnement imposées.
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