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Observation (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Fédération de Russie (Ratification: 1998)

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Article 1 a) de la convention. Peines comportant un travail obligatoire imposées en tant que sanction de l’expression d’opinions politiques ou idéologiques. La commission a précédemment noté l’adoption de la loi du 24 juillet 2007 portant modification de certains textes de loi en vue d’élargir la responsabilité des auteurs d’«activités extrémistes», telles que les actes basés sur la haine ou l’hostilité raciale, nationale ou religieuse. Elle a noté en particulier que, aux termes des articles 280, 282.1 et 282.2 du Code pénal, les actes suivants sont passibles de peines privatives de liberté (comportant un travail pénitentiaire obligatoire): incitation de la population à se livrer à des activités extrémistes (telles que définies à l’article 1 de la loi sur la lutte contre les activités extrémistes); création d’un groupe ou d’une organisation extrémiste; et participation aux activités des groupes ou organisations interdits suite à une décision de justice. A ce sujet, la commission a constaté que le Comité des droits de l’homme avait noté que de nombreuses informations démontraient que les lois relatives à l’extrémisme sont utilisées pour cibler des organisations et des personnes critiques à l’égard du gouvernement. Le Comité des droits de l’homme avait aussi exprimé son regret face au fait que la définition d’«activité extrémiste» dans la loi sur la lutte contre les activités extrémistes demeure vague, laissant place à l’arbitraire pour l’application de celle-ci, et que, en vertu de l’amendement apporté à la loi en 2006, certaines formes de diffamation concernant les fonctionnaires soient assimilées à des actes d’extrémisme (CCPR/C/RUS/CO/6, paragr. 25, 24 nov. 2009). En outre, la commission a noté que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels avait instamment prié le gouvernement de réviser les articles 280, 282.1 et 282.2 du Code pénal, aux termes desquels certains actes sont passibles de peines d’emprisonnement assorties de travail obligatoire (E/C.12/RUS/CO/5, paragr. 13, 1er juin 2011). Néanmoins, la commission a noté que le plénum de la Cour suprême avait adopté le 28 juin 2011 la décision no 11 sur la pratique judiciaire dans les affaires pénales concernant des infractions de nature extrémiste. Cette décision visait à fournir des orientations permettant de garantir l’uniformité de la procédure judiciaire pour les affaires relatives aux articles susmentionnés. La décision souligne que les tribunaux devraient, lorsqu’ils examinent de tels délits, tenir compte de la protection de l’intérêt public et des garanties consacrées par la Constitution concernant la liberté de conscience, de pensée, d’expression et du droit de rechercher, recevoir, transmettre, produire, disséminer des informations à travers des moyens légaux, ainsi que de l’exercice pacifique du droit de réunion, sans porter des armes. En outre, la décision considère que la critique des organisations politiques, des associations religieuses et idéologiques; des croyances politiques, idéologiques et religieuses; ou des pratiques nationales ou religieuses ne devraient pas être considérée comme des actes visant à inciter à la haine ou l’hostilité. La commission a demandé au gouvernement des informations sur l’impact de cette décision sur les cas ayant trait à l’extrémisme.
La commission note avec regret l’absence d’informations dans le rapport du gouvernement sur un éventuel impact de la décision no 11 de 2011 du plénum de la Cour suprême. Toutefois, la commission note que, selon le gouvernement, si la notion d’«activité extrémiste» était définie de manière énonciative, il serait impossible de l’appliquer efficacement au nombre illimité d’infractions qui peuvent se produire. Le gouvernement indique que, dans son action, le département qui lutte contre l’extrémisme donne la priorité à la prévention des crimes à caractère extrémiste afin de détecter et d’arrêter les manifestations les plus dangereuses et violentes d’extrémisme, et non à appliquer la législation sur l’extrémisme aux personnes qui expriment certaines opinions politiques ou vues opposées au système politique, social et économique établi. Quelque 656 infractions à caractère extrémiste ont été enregistrées en 2010, contre 622 en 2011 et 741 en 2012. Le gouvernement indique que l’expansion de ce type d’activité dans le pays est manifeste si l’on considère l’accroissement du nombre annuel d’infractions enregistrées. La plupart des personnes déclarées coupables d’une infraction au regard des articles 280, 282.1 et 282.2 du Code pénal n’ont pas fait l’objet de peines privatives de liberté. Sur les 32 condamnations prononcées au titre de l’article 280 (incitation publique à changer par la force le système constitutionnel), deux personnes ont été condamnées à des peines d’emprisonnement (comportant un travail pénitentiaire obligatoire), et deux ont été condamnées à des peines de travail correctif. Sur les 37 personnes jugées coupables au titre de l’article 282.2 (organisation d’une activité d’une communauté extrémiste), neuf ont été condamnées à des peines d’emprisonnement. Le gouvernement fournit des exemples de groupes considérés comme des groupes extrémistes et indique qu’il s’agit notamment de 20 groupes anarchistes et nationalistes radicaux et dangereux et de dirigeants et de militants d’organisations radicales. Il existe une liste d’organisations interdites qui comprend 19 organisations terroristes et 31 organisations extrémistes. Tout en prenant note des exemples fournis dans le rapport du gouvernement, la commission note l’absence d’informations complètes sur ces organisations interdites ou sur les affaires judiciaires les concernant, qui lui permettraient d’évaluer la portée et l’ampleur de l’application de ces dispositions dans la pratique.
En ce qui concerne les indications du gouvernement concernant la définition des termes «activités extrémistes», la commission souhaite souligner que, si les restrictions législatives sont formulées en termes si larges et généraux qu’elles peuvent permettre d’imposer des sanctions comportant du travail obligatoire pour punir l’expression pacifique de vues ou d’une opposition au système politique, social ou économique établi, ces sanctions ne sont pas conformes à la convention. La convention n’interdit pas de punir par des peines assorties d’une obligation de travailler des personnes qui utilisent la violence, incitent à la violence ou se livrent à des actes préparatoires visant à la violence. Néanmoins, la commission doit souligner que la protection prévue par la convention ne se limite pas aux activités tendant à l’expression d’opinions s’éloignant des principes établis. En effet, même lorsque ces activités tendent à des changements fondamentaux dans les institutions de l’Etat, celles-ci bénéficient de la protection prévue par la convention dès lors que les intéressés ne recourent ni n’appellent à la violence. La commission souhaiterait également souligner que, si la législation antiterroriste répond au besoin légitime d’assurer la protection de la population contre le recours à la violence, elle peut néanmoins être utilisée comme un instrument de coercition politique et un moyen de punir l’exercice pacifique de libertés publiques et droits civils tels que la liberté d’expression et le droit d’association. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour s’assurer qu’aucune peine privative de liberté, aux termes de laquelle un travail obligatoire peut être imposé, ne puisse être prononcée à l’encontre des personnes qui, sans avoir utilisé la violence ou incité à la violence, expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. A cet égard, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir, dans son prochain rapport, des informations sur l’application des lois relatives à l’«extrémisme» dans la pratique, notamment des informations sur les poursuites judiciaires engagées, les condamnations prononcées et les sanctions imposées, en vertu des articles 280, 282.1 et 282.2 du Code pénal et de la loi sur la lutte contre les activités extrémistes. La commission prie le gouvernement de communiquer copie des décisions de justice pertinentes ainsi que copie de la liste des organisations interdites dans la mesure où la participation à ces organisations peut être sanctionnée de peines d’emprisonnement comportant du travail obligatoire.
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