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Observation (CEACR) - adoptée 2014, publiée 104ème session CIT (2015)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Cameroun (Ratification: 1962)

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Article 1 a) de la convention. Imposition de peines de prison comportant l’obligation de travailler en tant que sanction de l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses précédents commentaires, la commission a demandé au gouvernement de s’assurer que les dispositions de la législation nationale rappelées infra ne sont pas utilisées comme fondement pour condamner à des peines d’emprisonnement (et de ce fait à du travail pénitentiaire obligatoire) les personnes qui expriment une opinion politique ou manifestent une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans la mesure où les personnes condamnées à une peine de prison sont astreintes au travail (article 24 du Code pénal et article 49 du décret no 92-052 portant régime pénitentiaire), les dispositions de la législation nationale qui prévoient des peines de prison pour sanctionner des activités à travers lesquelles les personnes expriment des opinions politiques peuvent avoir une incidence sur l’application de la convention. Tel est le cas des dispositions suivantes:
  • -l’article 113 du Code pénal qui punit d’un emprisonnement de trois mois à trois ans celui qui émet ou propage des nouvelles mensongères lorsque ces nouvelles sont susceptibles de nuire aux autorités publiques ou à la cohésion nationale;
  • -l’article 154, alinéa 2, du Code pénal qui punit d’un emprisonnement de trois mois à trois ans celui qui, par des paroles ou des écrits au public, incite à la révolte contre le gouvernement et les institutions de la République;
  • -l’article 157, alinéa 1 a), du Code pénal qui punit d’un emprisonnement de trois mois à quatre ans celui qui, par quelque moyen que ce soit, incite à résister à l’application des lois, règlements ou ordres légitimes de l’autorité publique;
  • -l’article 33, alinéas 1 et 3, de la loi no 90-53 portant sur la liberté d’association qui prévoit une peine d’emprisonnement de trois mois à un an pour les administrateurs ou fondateurs d’une association qui serait maintenue ou reconstituée illégalement après jugement ou décision de dissolution et pour les personnes qui ont favorisé la réunion des membres de l’association dissoute en leur conservant l’usage du local dont elles disposent. L’article 4 précise que sont nulles et de nul effet les associations fondées sur une cause ou en vue d’un objet contraire à la Constitution, ainsi que celles qui auraient pour but de porter atteinte notamment à la sécurité, à l’intégrité territoriale, à l’unité nationale, à l’intégration nationale et à la forme républicaine de l’Etat. En outre, l’article 14 prévoit que la dissolution d’une association ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires qui peuvent éventuellement être engagées contre les responsables de cette association.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique qu’il respecte le principe de la liberté d’association et d’expression, comme en témoigne le nombre élevé d’associations, de journaux et de médias agréés. Le gouvernement ajoute qu’il ne dispose pas de données concernant les journalistes détenus pour avoir diffusé de fausses nouvelles et astreints à un travail obligatoire. La commission relève que, dans le rapport du ministère de la Justice sur l’Etat des droits de l’homme au Cameroun en 2012, une section est consacrée aux poursuites judiciaires contre les journalistes. Il ressort de ces informations qu’un abondant contentieux existe devant les juridictions pénales concernant les journalistes qui sont poursuivis pour diffamation ou propagation de fausses nouvelles. La commission relève également que, dans ses observations finales relatives au troisième rapport périodique de la République du Cameroun, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine s’est déclarée «grandement préoccupée par le maintien dans l’arsenal juridique camerounais de dispositions portant répression du délit de presse» et a recommandé au gouvernement d’«amender les dispositions du Code pénal en vue de la dépénalisation des délits de presse» (15e session, mars 2014).
La commission prend note de ces informations avec préoccupation et rappelle que, si une personne peut, de quelque manière que ce soit, être astreinte au travail pénitentiaire parce qu’elle a exprimé certaines opinions politiques ou s’est opposée à l’ordre politique, social ou économique établi, cette situation relève du champ d’application de la convention. Par conséquent, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement procédera à l’examen des dispositions législatives précitées du Code pénal et de la loi no 90-53 portant sur la liberté d’association, à la lumière des explications fournies sur l’étendue de la protection garantie par la convention, de telle sorte qu’aucune peine de prison qui, au Cameroun, est assortie de l’obligation de travailler, ne puisse être imposée aux personnes qui expriment une opinion politique ou s’opposent à l’ordre politique, économique et social établi de manière pacifique. Dans cette attente, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute décision de justice qui aurait été prononcée sur la base des dispositions précitées du Code pénal et de la loi portant sur la liberté d’association.
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