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Observation (CEACR) - adoptée 2014, publiée 104ème session CIT (2015)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Australie (Ratification: 1932)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Australie (Ratification: 2022)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Privatisation des prisons et travail pénitentiaire. Travail des prisonniers au profit d’entreprises privées. Dans les commentaires qu’elle formule depuis de nombreuses années, la commission a souligné que la privatisation du travail pénitentiaire va au-delà des conditions expressément prévues à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention qui exclut le travail pénitentiaire obligatoire du champ d’application de la convention. Elle a rappelé que tout travail ou service exigé d’une personne comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire n’est compatible avec la convention que si deux conditions sont satisfaites, à savoir que ledit travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ladite personne ne soit pas concédée ou mise à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Ces deux conditions s’appliquent de façon cumulative, c’est-à-dire que le fait qu’un détenu reste en permanence sous la surveillance et le contrôle d’une autorité publique ne dispense pas en soi le gouvernement de remplir la deuxième condition, à savoir que ledit détenu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Si l’une des deux conditions n’est pas observée, la situation ne relève pas de l’exception prévue par la convention, et par conséquent le travail exigé des détenus dans ces circonstances est interdit par l’article 1, paragraphe 1, de la convention. Toutefois, la commission a considéré que, lorsque les garanties nécessaires existent pour s’assurer que les détenus concernés acceptent volontairement un travail en donnant formellement leur consentement libre et éclairé et sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, comme l’exige l’article 2, paragraphe 1, de la convention, ce travail ne relèverait pas du champ d’application de cet instrument.
A cet égard, la commission a précédemment noté que des prisons privées existaient à Victoria, en Nouvelle-Galles du Sud, au Queensland, en Australie-Méridionale et en Australie-Occidentale alors qu’il n’en existait pas en Tasmanie, dans le Territoire du Nord et dans le Territoire de la capitale australienne. Elle a également noté que le gouvernement avait réitéré son point de vue selon lequel sa loi et sa pratique sont conformes à la convention, puisque les prisonniers détenus dans des établissements pénitentiaires à gestion privée restent sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques, comme exigé à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, et puisque le secteur privé n’a pas le droit de déterminer lui-même les conditions de travail des détenus, ces conditions étant fixées par les pouvoirs publics. Le gouvernement considérait donc que les prisonniers ne sont pas «concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées», puisque leur «garde légale» demeure confiée aux autorités publiques jusqu’à leur libération. Le gouvernement a également indiqué qu’aucun Etat australien n’envisage actuellement de modifier sa législation et sa pratique.
La commission a cependant noté un certain nombre de tendances positives dans l’application pratique de la législation en vigueur dans certains Etats australiens. Ainsi, en Nouvelle-Galles du Sud, s’agissant du caractère volontaire du travail, l’emploi de prisonniers dans les établissements pénitentiaires revêt un caractère volontaire. Le gouvernement a indiqué que, pour garantir l’obtention du consentement «éclairé» des prisonniers à un travail pour des compagnies privées, les mesures suivantes sont appliquées dans les établissements pénitentiaires gérés par le secteur privé (Junee et Parklea): un détenu souhaitant exercer un travail doit remplir un formulaire, le signer et le soumettre au directeur de l’industrie; s’il estime qu’il a été contraint de travailler, le détenu peut porter la question à l’attention de son superviseur immédiat ou du Comité de valorisation des détenus, ou bien encore présenter une plainte officielle au directeur général de l’établissement pénitentiaire ou au bureau du médiateur. Le gouvernement a également déclaré que les établissements pénitentiaires à gestion privée de Nouvelle-Galles du Sud ont pour obligation de respecter la présente convention.
S’agissant de l’Australie-Méridionale, la commission a noté que, en application de l’article 29(1) de la loi de 1982 sur les services pénitentiaires, le travail pénitentiaire est obligatoire, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire. Elle a pris note également de l’indication du gouvernement selon laquelle les détenus à la prison de Mt Gambier (la seule prison à gestion privée de l’Australie-Méridionale) présentent une demande écrite pour participer aux programmes de travail. Le gouvernement a aussi indiqué que les détenus du Centre de prélibération d’Adélaïde sont autorisés à présenter leur candidature à un emploi extérieur dans des entreprises privées, et que tout travail exécuté à l’extérieur par des détenus est volontaire.
S’agissant du Queensland, la commission a noté que le travail pénitentiaire est obligatoire en application de l’article 66 de la loi de 2006 sur les services pénitentiaires. Elle a pris note également du fait que le gouvernement a réitéré que les détenus ne sont pas obligés de participer à un programme de travail agréé. Selon le gouvernement, bien qu’aucun consentement formel des détenus ne soit requis, le programme de travail est une initiative volontaire qui permet aux détenus d’exécuter des projets de travail utiles grâce auxquels ils développent leurs compétences pratiques, ce qui facilite ensuite leur réinsertion sociale. Le gouvernement a aussi indiqué que le refus d’un détenu de participer à un programme de travail n’entraîne aucune conséquence.
En ce qui concerne l’Australie-Occidentale, la commission a noté que le travail pénitentiaire est obligatoire en vertu de l’article 95(4) de la loi sur les prisons. Elle a également pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle cette disposition n’était pas appliquée, les détenus n’étant pas contraints de participer à des programmes de travail, même dans les établissements pénitentiaires à gestion privée. Dans son rapport de 2011, le gouvernement a indiqué qu’il existe actuellement six camps de travail pour les détenus dans la région de l’Australie-Occidentale, dont le but est la réinsertion des détenus. Selon le gouvernement, ce placement en camp de travail est volontaire et a lieu après soumission d’une demande écrite par l’intéressé.
Dans son dernier rapport, le gouvernement déclare qu’en Australie-Occidentale les détenus ne sont pas engagés dans une relation d’emploi avec les prisons ou le Département des services pénitentiaires. Cela a été confirmé par la Commission des relations du travail de l’Australie-Occidentale, dans l’affaire Ireland contre Commissaire des services pénitentiaires (2009, WAIRC 00123), dans laquelle la commission a considéré que la relation entre un prisonnier et l’Etat, dans le cadre de la loi sur les prisons et ses textes d’application, n’a pas le caractère d’une relation entre employé et employeur.
La commission note cependant que, dans la même décision, la Commission des relations du travail déclare que «la possibilité de choisir [d’exercer un travail pénitentiaire] est supprimée lorsque le requérant devient un condamné. Il pourrait alors être contraint de travailler. (…) L’utilisation du terme “pourrait” [dans la règle 43(1) du règlement sur les prisons] donne à un directeur le pouvoir discrétionnaire de contraindre un condamné à travailler. Lorsqu’une telle instruction est donnée à l’intéressé, ce dernier ne peut la refuser. Cela est confirmé à l’article 69 de la loi sur les prisons, qui définit comme infraction pénitentiaire le fait de ne pas dûment exercer le travail qui a été assigné.» (2009, WAIRC 00123, paragr. 62). De même, dans sa décision sur la même affaire, la cour d’appel des relations du travail a souligné: «en tant que condamné (…), le requérant n’a pas exercé volontairement le travail pénitentiaire. L’article 95 de la loi sur les prisons et la règle 43 du règlement sur les prisons ont pour effet que le requérant était contraint de travailler. En étant affecté à un travail pénitentiaire, le requérant était tenu de travailler, et ce de la façon dont un gardien de prison lui ordonnait de le faire.» (2009, WASCA 162).
Dans ce contexte, la commission considère que l’absence de relation formelle d’emploi n’exclut pas la nécessité de s’assurer que le consentement des détenus est formellement exigé. A cet égard, la commission souligne une fois de plus que le travail de détenus pour des entreprises privées ne peut être considéré comme compatible avec l’interdiction explicite prévue par la convention que lorsque les garanties nécessaires existent pour s’assurer que le prisonnier concerné accepte volontairement un travail sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, comme l’exige l’article 2, paragraphe 1, de la convention. La commission a estimé que, dans ce contexte de captivité, il est nécessaire d’obtenir des prisonniers un consentement formel au travail pour des entreprises privées dans les prisons gérées par l’Etat ou dans des prisons à gestion privée, et que ce consentement doit être donné par écrit. De plus, dans la mesure où ce consentement formel est obtenu dans un contexte de privation de liberté et sans véritable alternative, certains facteurs sont nécessaires pour authentifier et confirmer l’expression d’un consentement libre et éclairé. La commission rappelle que l’indicateur le plus fiable du consentement au travail réside dans le fait que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, ce qui comprend l’octroi d’une rémunération (avec retenues et cessions éventuelles), la sécurité sociale et la sécurité et santé au travail.
Compte tenu des considérations qui précèdent, la commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront prises, tant en droit que dans la pratique, en Australie-Occidentale et dans les autres juridictions où ce consentement pourrait ne pas être exigé, pour s’assurer qu’un consentement formel, libre et éclairé est exigé des prisonniers pour tout travail dans des établissements pénitentiaires à gestion privée, ainsi que pour tout travail des prisonniers au profit de compagnies privées, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des locaux de la prison, de manière à ce que ce consentement soit exempt de toute menace d’une peine quelconque au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la convention, telle que la perte de privilèges ou une évaluation défavorable du comportement prise en compte en vue de la réduction de la peine. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les détenus qui, à Victoria, travaillent pour des établissements à gestion publique et des établissements à gestion privée ont les mêmes droits et prérogatives, et que dans les deux cas leur consentement doit être obtenu pour l’exercice d’un travail. La commission prie le gouvernement d’indiquer comment le consentement éclairé des détenus pour travailler pour des entreprises privées est obtenu dans la pratique, quelles mesures sont prises pour s’assurer que ce consentement est donné librement et formellement et à quels moyens de recours le détenu peut avoir accès s’il est allégué que son consentement n’a pas été librement donné.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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