ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2016, Publication : 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Cambodge (Ratification: 1999)

Autre commentaire sur C087

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

 2016-Cambodia-C087-Fr

Un représentant gouvernemental a déclaré que le Cambodge respecte pleinement le droit de grève mais que les actes de violence commis pendant une grève sont interdits. Il a souligné que le droit de grève prévu par la convention est assujetti à la législation nationale. Conformément à l’article 37 de la Constitution, le droit de faire grève et de manifester sans violence doit être exercé dans le cadre de la loi. Lorsqu’ils exercent ce droit, les travailleurs doivent respecter la procédure applicable telle que définie dans la législation nationale. L’exercice du droit de grève ne doit pas troubler l’ordre public du pays. L’orateur a assuré qu’aucun travailleur n’a été détenu sans qu’un abus relevant du droit pénal n’ait été commis, par exemple endommager les biens publics ou privés ou attenter à l’intégrité physique d’autres personnes. Le nombre d’enregistrement de nouveaux syndicats s’accroît chaque année. En 2015, le ministère a enregistré 237 nouveaux syndicats d’entreprises. A ce jour, 16 confédérations syndicales, 100 fédérations syndicales, 3 434 syndicats à l’échelle de l’entreprise et 8 associations d’employeurs ont été enregistrés. Le ministère de l’Education, de la Jeunesse et des Sports organise des réunions annuelles, trimestrielles et mensuelles avec les représentants des enseignants. En 2014, 121 organisations non gouvernementales (ONG) et associations ont signé le protocole d’accord sur la collaboration avec le ministère. Il n’est pas interdit aux enseignants de participer à une grève ou à une manifestation à condition que l’exercice de cette liberté soit conforme à la procédure nationale, par exemple, l’obligation d’assurer un service minimum, ce qui est conforme aux principes des normes internationales du travail. Les enseignants et les fonctionnaires sont libres de former des associations de leur choix en vertu de la loi sur les associations et les ONG, qui vise à garantir la protection du droit et de la liberté des citoyens de constituer de telles associations et ONG pour protéger leurs intérêts dans le respect de la loi et l’intérêt public. Cette liberté est également garantie par l’article 36 de la loi sur le statut commun des fonctionnaires et par l’article 37 de la loi de 2007 sur l’éducation.

En ce qui concerne les assassinats de dirigeants syndicaux, l’orateur a indiqué que la commission interministérielle spéciale établie pour enquêter sur ces cas agit avec diligence et est résolue à faire traduire en justice les véritables auteurs de ces actes. Etant donné la nature essentielle de ce cas, il est nécessaire de consacrer le temps voulu à l’enquête afin qu’elle aboutisse à des conclusions justes et équitables. L’orateur a exprimé l’espoir que la commission et toutes les parties prenantes reconnaîtront l’engagement du gouvernement à cet égard.

L’orateur a déploré les incidents qui ont eu lieu au début de janvier 2014. Toutefois, il a précisé que ces incidents étaient une émeute dont les instigateurs étaient des politiciens qui ont utilisé le prétexte de la détermination du salaire minimum à des fins de propagande. Cette émeute ne relève pas de la grève telle que définie par les normes internationales du travail. Les manifestants ont bloqué les rues à minuit, jeté un cocktail Molotov et détruit des biens privés et publics. Le coût de ces dommages est estimé à environ 75 millions de dollars des Etats-Unis. Le gouvernement a dû agir pour rétablir la paix et la stabilité. L’orateur a déclaré qu’un rapport détaillé sur cette question serait soumis à la commission d’experts d’ici à septembre 2016.

Conformément aux dispositions de la loi de 2014 sur l’organisation des tribunaux, l’institution d’un tribunal du travail spécialisé est en cours et il sera opérationnel prochainement. Le gouvernement, avec l’assistance technique du BIT, élabore le projet de loi sur la procédure de travail du Tribunal du travail. La consultation tripartite sur ce projet aura lieu avant la fin de 2016. La nouvelle loi sur les syndicats vise à protéger les droits et les intérêts des travailleurs et des employeurs en garantissant le droit de négociation collective entre les travailleurs et les employeurs, en améliorant les relations professionnelles et en tenant compte de l’emploi et du développement national. L’élaboration de la loi a pris près de dix ans et, pendant cette période, de nombreuses consultations bipartites, tripartites, multilatérales et publiques ont été effectuées. L’examen en vue de la mise en œuvre de cette nouvelle loi figure à l’ordre du jour du gouvernement, dans le but de traiter les problèmes constatés pendant sa mise en œuvre. En conclusion, l’orateur a déclaré que son gouvernement est résolu à garantir la liberté d’association en veillant à l’application de l’ensemble de la législation, et a demandé à cet égard toute la collaboration des partenaires sociaux.

Les membres employeurs ont noté que la commission a examiné ce cas à six reprises, la dernière en 2014, que la commission d’experts a fait des observations à cet égard chaque année depuis 2007, et que le cas a déjà été examiné par le Comité de la liberté syndicale. Le cas démontre la nécessité d’étudier le moyen dont la commission reçoit et traite les informations. Jusqu’à une date récente, il était centré sur une liste de questions, et non sur des violations de la convention ou des signes de progrès ou non, de la part du gouvernement. Le rapport de la commission d’experts, ayant noté les informations divergentes fournies par les organisations de travailleurs et le gouvernement sur un certain nombre de points, a rappelé combien il est nécessaire d’instaurer un climat qui soit exempt de violence, de pression ou de menaces à l’exercice de la liberté syndicale. En raison de ces divergences, la commission a des difficultés à rendre des conclusions concrètes et, à moins qu’elle ne parvienne à démontrer que les informations fournies répondent aux obligations du Cambodge au titre de de la convention, elle n’a d’autre choix que de continuer à demander plus d’informations, ce qu’il serait préférable d’éviter. La citation, par la commission d’experts, des conclusions du Comité de la liberté syndicale sur les procès qui ont été réalisés à la suite du meurtre d’un syndicaliste il y a quelque temps, montre combien il est nécessaire de se concentrer sur la conformité avec les conventions et la responsabilisation dans leur application. Les membres employeurs, tout en insistant sur le fait qu’ils ne tolèrent pas la moindre violence envers les travailleurs, les syndicats ou les employeurs, se posent la question de savoir en quoi les préoccupations du Comité de la liberté syndicale à propos de la procédure pénale appliquée à une personne reconnue coupable du meurtre d’un syndicaliste doivent être examinées par la commission dans le cadre des questions relatives à la liberté syndicale.

Quant aux questions relatives à la liberté syndicale qui ont fait l’objet de précédentes recommandations, la commission a été précédemment informée que le gouvernement a mis en place trois commissions visant à mener des enquêtes sur un certain nombre d’actes de violence commis lors des grèves de 2014 qui portaient, notamment, sur les salaires minimaux. Les membres employeurs ont pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle il présentera les conclusions de ces commissions, qui ne sont pas encore connues, d’ici à la fin de 2016. Ils notent également que des progrès ont été accomplis dans le règlement des problèmes exprimés au sujet des ressources fragmentées et dispersées de la procédure judiciaire, notamment dans le cadre de la mise à disposition d’arbitres ayant reçu la formation appropriée. Le gouvernement a offert des formations aux arbitres et a instauré des unités de travail spécialisées dans les différents niveaux du système judiciaire, de façon à offrir la spécialisation et l’expérience nécessaires pour permettre une résolution rapide et efficace des problèmes liés au travail. Il convient de noter cependant que ce travail est en cours. La nouvelle loi sur les syndicats trouve son origine dans les plaintes exprimées concernant le mauvais traitement et le harcèlement subis par les syndicalistes et les restrictions évidentes rencontrées lors de la constitution de nouveaux syndicats, dans le contexte caractérisé par une nette augmentation de nouveaux syndicats ces dernières années dans le pays. Ces deux questions doivent clairement être réglées. La loi sur les syndicats porte en grande partie sur les sujets ayant fait l’objet de préoccupations et pour lesquels le gouvernement est prié de mettre pleinement en œuvre la loi, et ce dans les meilleurs délais, avant d’en fournir copie à la commission d’experts. A moins que l’on puisse réellement prouver la non-conformité de la loi avec la convention, auquel cas la question devrait être soumise au gouvernement pour qu’il y réponde, les membres employeurs estiment que la commission devrait considérer cette question comme étant résolue.

Préoccupés par les restrictions que le gouvernement a cherché à instaurer à propos de la nomination de nouveaux représentants syndicaux, en particulier la condition de savoir lire et écrire qui semble constituer une forme d’autorisation préalable contraire à l’article 2 de la convention, les membres employeurs prient instamment le gouvernement d’examiner la question, ainsi que toute autre éventuelle anomalie, avant de chercher à donner effet à la loi. Notant que la commission d’experts a demandé des informations sur tout progrès portant sur la rédaction des principes directeurs à appliquer sur le fonctionnement du Tribunal du travail et de la Chambre du travail, les membres employeurs ont proposé que le gouvernement présente un rapport succinct qui permette d’entreprendre toute éventuelle enquête pouvant s’imposer dans la mise en pratique des différents aspects couverts dans le cadre de ces principes. En ce qui concerne l’avancement du Cambodge sur le chemin de la démocratie, les mesures que le pays a récemment prises sont très importantes. Il s’agit de l’instauration d’un service judiciaire spécialisé et de la loi sur les syndicats, qui permettent de considérer que le cas du Cambodge est en progrès, même s’il n’est pas reconnu en tant que tel. Le BIT a récemment mené des consultations dans le pays au sujet des tribunaux du travail et des institutions connexes, et un processus de consultation avec les partenaires sociaux a débuté. Selon les membres employeurs, un délai raisonnable devrait être accordé au Cambodge avant qu’il ne soit prié de fournir un rapport détaillé sur les progrès qui ont été accomplis concernant les recommandations de la commission, ce qui n’exclut pas que des questions soient posées à propos de la violation des principes de la liberté syndicale. Ils recommandent que le gouvernement soit appelé à fournir des informations actualisées brèves sur les points suivants: i) ses activités concernant les trois commissions d’enquête, dont il a promis de rendre compte en décembre 2016; ii) la mise en place de la juridiction du travail, avec les ressources et la formation qui l’accompagnent, tout en prenant note des travaux actifs qui ont été réalisés et de l’assistance offerte par le BIT à cet égard; et iii) l’application de la nouvelle loi sur le travail, en tenant compte des remarques de la commission à ce sujet.

Les membres travailleurs ont regretté que, en dépit des appels réitérés de l’OIT, du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, des syndicats, de grandes enseignes mondiales de l’habillement et d’organisations de la société civile, le gouvernement ait décidé d’adopter une loi profondément régressive qui viole la convention à bien des égards. S’ajoutant à celle concernant les organisations non gouvernementales, extrêmement restrictive et susceptible d’être appliquée aux syndicats du secteur informel qui ne sont pas reconnus au titre de la législation du travail, cette nouvelle loi manifeste une hostilité croissante envers les syndicats et la société civile. Les violations de la liberté syndicale sont nombreuses et restent impunies. En mai 2016, dans une déclaration commune, trois rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont indiqué: «Nous sommes […] préoccupés par les actions entreprises par les autorités cambodgiennes en vue de dissuader la tenue de manifestations pacifiques ou de les disperser, et d’arrêter quiconque proteste contre ce qui est vu comme une persécution croissante de la société civile par le gouvernement et contre les restrictions injustifiées des libertés fondamentales dans le pays.» De profondes réformes sont donc nécessaires.

Les membres travailleurs ont rappelé que les syndicats n’ont été consultés qu’une fois pendant le long processus de rédaction de la loi sur les syndicats – sans que leur avis n’ait été pris en considération. Ils ont rappelé également les critiques qui soulignaient qu’elle serait utilisée pour étouffer le mouvement syndical indépendant du pays, alors même que celui-ci se mobilise pour obtenir une revalorisation salariale et des améliorations des conditions de travail. L’OIT a attiré l’attention du gouvernement à plusieurs reprises sur «plusieurs préoccupations et lacunes» et le bureau du Rapporteur spécial des Nations Unies pour le Cambodge a pointé du doigt plusieurs dispositions, dont certaines violent la propre Constitution du pays. Les membres travailleurs ont mentionné: i) l’article 3 qui exclut diverses catégories de travailleurs du champ d’application de la loi, y compris les fonctionnaires, les enseignants, les travailleurs informels et les travailleurs domestiques; ii) l’article 14 qui interdit aux syndicats de conclure des accords juridiques avant d’être enregistrés; iii) l’article 17 qui exige des syndicats qu’ils fournissent un niveau excessif d’information au gouvernement au sujet de leurs finances et de leurs activités, sous peine de voir leur enregistrement annulé; iv) l’article 20 qui impose aux dirigeants syndicaux des critères illégaux d’âge et de niveau d’alphabétisation, et les soumet à des contrôles radicaux d’antécédents criminels susceptibles de disqualifier des personnes ayant eu des activités syndicales légitimes; et v) l’article 29 relatif aux requêtes en dissolution d’un syndicat sans préciser clairement qui peut déposer de telles requêtes. Quant aux sanctions encourues par les employeurs en vertu de la loi, elles sont bien trop faibles pour être dissuasives. Ils ont appelé le gouvernement à corriger la situation afin que la loi soit conforme aux conventions de l’OIT.

Au sujet des violences perpétrées à l’encontre de manifestants en janvier 2014, qui ont fait cinq morts, des dizaines de blessés graves et ont entraîné des arrestations sans fondement, les membres travailleurs ont déploré l’absence de sanctions et ont demandé une enquête indépendante et crédible sur ces événements. Ils ont soutenu la demande que la commission d’experts a adressée au gouvernement de rendre publics les résultats et conclusions des enquêtes. Citant des exemples concrets, ils ont indiqué que la criminalisation de l’activité syndicale dissuade les syndicats d’organiser des actions librement. En ce qui concerne le recours illicite aux contrats à durée déterminée, qui est commun dans certains secteurs, ils ont souligné que le Comité de la liberté syndicale a rappelé que «les contrats à durée déterminée ne doivent pas être utilisés de manière délibérément antisyndicale et que, dans certaines circonstances, l’embauche de travailleurs par le biais de contrats à durée déterminée renouvelés pendant plusieurs années peut constituer un obstacle à l’exercice des droits syndicaux». Or ce type de contrats est utilisé précisément à cette fin dans le secteur de l’habillement. Malgré le rappel à la loi du Conseil d’arbitrage, celle-ci n’est pas appliquée et le gouvernement a tenté à maintes reprises de déstabiliser ce conseil.

Les membres travailleurs ont détaillé un exemple de violation de la liberté syndicale dans une société de transport qui illustre selon eux l’absence grave de droits au Cambodge: deux dirigeants syndicaux ont été arrêtés pour avoir entrepris une manifestation pacifique demandant la reconnaissance d’un syndicat et le respect de sentences arbitrales, des poursuites pénales étant même engagées contre des dirigeants syndicaux qui n’étaient pas sur les lieux, et les dirigeants de l’entreprise refusant de mettre en œuvre les décisions du Conseil d’arbitrage. Ce comportement doit cesser, et le gouvernement est instamment appelé à mettre un terme à la répression et à respecter la liberté syndicale.

Le membre employeur du Cambodge a déclaré qu’il se félicitait que la loi sur les syndicats, qui est conforme avec les normes internationales du travail, ait été adoptée après de larges consultations tripartites officielles. La procédure pour l’établissement d’un tribunal du travail spécialisé, qui a été menée avec l’appui du BIT et à l’issue d’une consultation tripartite, prendra du temps, et il a demandé que le temps nécessaire soit accordé pour poursuivre ce processus. L’orateur a mis l’accent sur les problèmes que rencontre le mouvement syndical au Cambodge pour permettre l’existence de relations professionnelles saines et respectueuses, notamment: i) l’existence d’un mouvement syndical fragmenté et non représentatif, qui est source de luttes internes et de comportements illégaux entre les syndicats (ce qui provoque de nombreux conflits au sein des entreprises notamment parce que les syndicats ne représentent pas les travailleurs, mais poursuivent des objectifs personnels); ii) l’ingérence extérieure de syndicats dans des entreprises qu’ils ne représentent pas (en particulier l’ingérence liée à l’externalisation qui s’accompagne souvent d’actes d’intimidation et d’ingérence perturbant le lieu de travail, de l’exploitation et de menaces contre les travailleurs); iii) des syndicats minoritaires tirant parti de la loi pour obtenir des avantages personnels, et ce parce qu’ils ne représentent pas les intérêts des travailleurs; et iv) l’incapacité de recourir aux accords de négociation collective de manière efficace et d’en tirer parti pour les travailleurs, les employeurs et l’industrie. Se référant aux commentaires de la commission d’experts en 2015, il a déclaré qu’il revient également aux syndicats de veiller à ce que la liberté syndicale s’exerce dans un climat exempt de violence, de pression ou de menace de quelque nature que ce soit. Les syndicats doivent exercer leurs droits dans le cadre de la législation du pays et doivent répondre de leurs actes s’ils sortent de la légalité. Les négociations de 2014 sur le salaire minimum ont donné lieu à des manifestations à caractère politique qui sont devenues violentes. Les employeurs sont contre tout acte de violence, de quelque nature que ce soit, et les personnes qui se sont rendues coupables de crimes doivent rendre des comptes, qu’il s’agisse d’un employeur ou d’un travailleur. La protection de la liberté syndicale pour les fonctionnaires et les enseignants est prévue aux termes de l’article 36 de la loi sur le statut commun des fonctionnaires et de l’article 37 de la loi sur l’éducation. Il espère que le gouvernement continuera à faire rapport à la commission sur les progrès réalisés et l’invite à le faire par le biais du comité interministériel chargé de faire rapport sur les questions intéressant l’OIT.

Le membre travailleur du Cambodge a rappelé que le Cambodge a ratifié 13 conventions de l’OIT et que la convention no 87 l’avait été en 1999. Même si de nombreuses lois garantissant les droits syndicaux sont en vigueur, leur application pose toujours des difficultés. Les syndicats indépendants continuent de rencontrer de gros problèmes, dont des assassinats, des arrestations, de la discrimination syndicale et de l’ingérence dans leurs activités. Il a rappelé le meurtre, en 2004, de trois dirigeants syndicaux, Chea Vichea, Ros Sovanareth et Hy Vuthy. Depuis lors, des assassinats avaient toujours lieu: cinq travailleurs ont été tués en 2013. Il a également mentionné différents incidents au cours desquels des dirigeants syndicaux ont été blessés, poursuivis, emprisonnés ou licenciés sans avoir été indemnisés ou réintégrés. Il est rare que les dirigeants et les membres syndicaux indépendants obtiennent véritablement justice dans les cas de discrimination. La loi sur l’organisation des tribunaux a été adoptée en 2014 sans consultation des syndicats et une loi sur la procédure de travail du Tribunal du travail est en cours de rédaction; le gouvernement est encouragé à initier des consultations avec les syndicats sur ce projet de loi. A propos des licenciements injustes de syndicalistes, 80 pour cent des travailleurs disposent de contrats de courte durée, ce qui permet aux employeurs de les licencier facilement lorsqu’ils adhèrent à des organisations syndicales indépendantes. Les travailleuses sont aussi facilement renvoyées lorsqu’elles tombent enceintes. L’orateur a également rappelé que, dans certains cas, des partis politiques et des entreprises interviennent dans les activités des syndicats qui ne peuvent dès lors plus être considérés comme indépendants et autonomes, en violation du deuxième paragraphe de l’article 3 de la convention. Du reste, la loi sur les syndicats, adoptée en mai 2016, est toujours très restrictive pour les organisations syndicales: le quorum requis pour le vote d’une grève est de 50 pour cent plus un du total des membres. Les syndicats doivent également envoyer des rapports financiers au ministère du Travail. De la même façon, les parties concernées ont le droit de vérifier les comptes des syndicats et de les dissoudre. Il est instamment demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour: i) veiller à ce que les syndicats soient exempts de toute menace de meurtre, de violence et d’ingérence; ii) garantir que des enquêtes justes, indépendantes et transparentes sont diligentées sur les assassinats précédents, que leurs auteurs sont sanctionnés et les victimes indemnisées en application de la loi; iii) s’assurer de l’abandon des poursuites contre les dirigeants des 6 centrales syndicales nationales; iv) empêcher les employeurs de poursuivre des syndicats indépendants; v) cesser d’intervenir dans les activités des organisations syndicales et protéger les syndicats contre l’ingérence des employeurs; vi) travailler en collaboration avec des organisations syndicales pour modifier la loi sur les syndicats dans le respect des normes internationales du travail; vii) prévoir que la durée des contrats à durée déterminée ne soit pas inférieure à deux ans pour éviter la discrimination des syndicalistes et des travailleuses enceintes; et viii) veiller à la composition tripartite du nouveau Tribunal du travail, à son indépendance, à son professionnalisme, à son efficacité, à ce que le consensus prévale dans ses décisions et à ce que son accès soit rapide et gratuit. Il convient que le BIT assiste le gouvernement en envoyant une mission tripartite pour traiter ces questions.

La membre gouvernementale des Pays-Bas, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, et déclarant que l’Albanie, l’Islande, la Norvège et la République de Moldova se rallient à la déclaration, a indiqué qu’ils attachaient une grande importance aux droits de l’homme, notamment à la liberté syndicale, et étaient conscients du rôle majeur que joue l’OIT dans l’élaboration, la promotion et le contrôle de l’application des normes internationales du travail. Le gouvernement est instamment prié de faire en sorte que les droits syndicaux soient pleinement respectés et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation ou de risque. A cet égard, ils espèrent que la commission d’enquête spéciale, établie en juin 2015 pour élucider une affaire criminelle concernant le meurtre de trois personnes, Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy, tiendra les organisations nationales d’employeurs et de travailleurs informées de manière régulière des résultats obtenus dans ce dossier. Notant la récente adoption de la loi sur les syndicats, ils comptent que le gouvernement l’applique de façon équitable et impartiale, et demandent au BIT de veiller à ce que l’ensemble de ses dispositions soient conformes à la convention. Encourageant le gouvernement à inclure les fonctionnaires, les enseignants et les travailleurs nationaux dans le champ d’application de la nouvelle loi, ils invitent instamment le gouvernement à: i) fournir les informations requises par la commission d’experts sur les mesures prises ou envisagées pour que les droits de ces groupes soient pleinement garantis au titre de la convention; ii) se prévaloir de l’assistance technique du BIT; et iii) s’acquitter de ses obligations de faire rapport.

Le membre gouvernemental de la Thaïlande, s’exprimant au nom des Etats membres de l’ASEAN, a pris note avec satisfaction des informations fournies et des progrès réalisés par le gouvernement. Tout en le félicitant pour l’adoption d’une loi sur les syndicats, l’orateur a encouragé le gouvernement à la mettre effectivement en pratique. Il a également félicité le gouvernement de l’engagement qu’il a pris de mettre en place des tribunaux du travail dans un futur proche et de développer une loi sur le salaire minimum, conformément aux normes internationales du travail. Mettant l’accent sur l’engagement du gouvernement à renforcer le dialogue social dans le pays, il a prié instamment la commission de prendre en considération les progrès significatifs réalisés.

La membre gouvernementale des Etats-Unis s’est dite préoccupée par les restrictions qui continuent de peser sur le droit à la liberté syndicale et par l’absence de protection des droits des travailleurs au Cambodge. Elle s’est référée aux allégations figurant dans les observations récentes de la commission d’experts en ce qui concerne les entraves permanentes à l’enregistrement de nouveaux syndicats indépendants, et les intimidations chroniques dont font l’objet les enseignants qui adhèrent à des syndicats. La véritable liberté syndicale ne peut être exercée que dans un environnement exempt de toute violence, de toute pression et de toute menace. Tout en prenant note des informations que le gouvernement a fournies sur les travaux des trois commissions (la Commission sur l’évaluation des dégâts, la Commission chargée d’enquêter sur la violence sur la route Veng Sreng et la Commission d’étude sur les salaires minima des travailleurs du secteur de l’habillement et de la chaussure) qui ont été créées au lendemain de graves épisodes de violence, de décès et d’arrestations de travailleurs en 2014, l’oratrice s’est dite toujours préoccupée par les allégations d’arrestations et de détentions chroniques de travailleurs participant à des manifestations. Elle a fait écho à la demande de la commission d’experts en vue d’obtenir des informations supplémentaires sur les conclusions et les recommandations des trois commissions et a prié instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir la violence antisyndicale, notamment en menant des enquêtes approfondies dans les meilleurs délais et en traduisant les responsables en justice. Depuis 2008, l’OIT s’est associée au gouvernement et à ses partenaires sociaux pour élaborer une loi sur les syndicats. Malgré de nombreuses consultations et les révisions recommandées au fil des ans, le gouvernement a adopté une loi sur les syndicats en 2016 qui semble loin d’être conforme aux normes internationales du travail. Les principaux points de préoccupation sont les suivants: i) le fait que certaines catégories de travailleurs sont privés du droit d’adhérer à des syndicats; ii) les seuils élevés qui sont fixés pour les scrutins de grève; iii) l’excès et la lourdeur des exigences en matière d’audit et l’opacité des dispositions concernant les parties pertinentes qui peuvent demander un audit des activités syndicales; iv) la capacité des tribunaux à intervenir dans la dissolution de syndicats qui devrait plutôt être déterminée par les statuts et règlements administratifs du syndicat; et v) l’absence de sanctions suffisamment dissuasives en cas de non-conformité. La membre gouvernementale a prié instamment le gouvernement de soumettre un exemplaire de la loi sur les syndicats à l’examen de la commission d’experts en 2016, et de prendre immédiatement des mesures avec l’assistance technique du BIT et en pleine consultation avec les partenaires sociaux, afin de remédier aux problèmes de non-conformité avec la convention.

Le membre travailleur de l’Australie a rappelé que, en vertu de l’article 36 de la Constitution, les citoyens khmers ont le droit de constituer des syndicats et de s’affilier à des syndicats. Même si cela peut être considéré comme un point de départ honnête à une garantie en droit de la liberté syndicale, la réalité montre que, ces dernières années, le droit d’association et d’organisation des travailleurs est attaqué de manière continue sur plusieurs fronts, parfois mortellement. L’inégalité de l’application du droit pénal est l’un des indicateurs de la dégradation de la situation. Il y a eu des attaques violentes et des dirigeants syndicaux ont même été assassinés. Toutefois, dans la plupart des cas, ces actes sont restés impunis. Pourtant, le gouvernement a recouru à plusieurs reprises et avec empressement au droit pénal contre les travailleurs et les dirigeants syndicaux. Pas moins de six dirigeants de centrales syndicales nationales ont été inculpés pour violences volontaires et dégradations après la grève de 2014. Le président du Congrès cambodgien du travail est actuellement sous contrôle judiciaire, ce qui l’empêche de participer aux manifestations ou de s’approcher des travailleurs dans certaines zones, de mener des grèves ou des manifestations ou de déménager. Cent quatre-vingt-dix-huit affaires pénales concernant des travailleurs et des syndicats, essentiellement dans le textile et l’habillement, sont également en suspens. D’après une analyse de la nouvelle loi sur les syndicats menée par le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme au Cambodge, il existe plusieurs domaines clés dans lesquels l’application du droit pénal a des conséquences directes sur la capacité des personnes à constituer des syndicats et à s’y affilier. Il s’agit notamment: i) de l’obligation selon laquelle les dirigeants syndicaux doivent déclarer qu’ils n’ont jamais été condamnés pour une infraction pénale; et ii) de la capacité du nouveau Tribunal du travail de dissoudre un syndicat dans son ensemble lorsque des membres de ce dernier ont été convaincus d’infraction ou même de faute grave. Toute action politique visant à incriminer la syndicalisation et à recourir au droit pénal en tant qu’instrument de répression de l’organisation syndicale ne fera que nuire à la réputation internationale du Cambodge. Le gouvernement est instamment prié de rejeter cette approche.

Le membre travailleur de la République de Corée a rappelé que le Comité de la liberté syndicale a indiqué dans son rapport adopté en mars 2016 que les contrats à durée déterminée ne devraient pas être utilisés délibérément à des fins antisyndicales et pouvaient être un obstacle à l’exercice des droits syndicaux. Beaucoup de manufactures de prêt-à-porter se sont constituées toute une main-d’œuvre en recourant au renouvellement répété de contrats de courte durée. Cela va à l’encontre de la loi sur le travail, mais cela est largement utilisé dans la pratique et ce phénomène s’accroît. Les implications juridiques de l’emploi dans le cadre de contrats de courte durée sont nombreuses, entre autres moins de droits et de prestations pour les travailleurs, des licenciements plus faciles et des préavis de licenciement plus courts, des difficultés pour démontrer des actes de représailles antisyndicales, moins d’indemnités à la fin du contrat et un accès restreint aux prestations de congé maternité. L’utilisation des contrats de courte durée crée plus d’instabilité pour les travailleurs qui, à juste titre, craignent que leur contrat ne soit pas renouvelé s’ils n’obéissent pas à l’employeur ou s’ils adhèrent à un syndicat. De plus, dans une situation où la plupart des contrats sont des contrats de courte durée, il est difficile de trouver des dirigeants syndicaux puisqu’ils ne pourront pas assurer un mandat de deux ans. L’expérience professionnelle d’une année requise par la législation du travail pour les dirigeants syndicaux peut être difficile à acquérir dans le cadre des contrats de courte durée. Un protocole d’accord dans le secteur du prêt-à-porter a été conclu en 2012 entre l’Association des fabricants de vêtements du Cambodge (GMAC) et plusieurs syndicats. Ce protocole dispose qu’un accord doit être obtenu sur cette question. Néanmoins, aucune négociation n’a été entamée sur cette question. Par conséquent, tout en approuvant la recommandation du Comité de la liberté syndicale, l’orateur demande instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures appropriées pour promouvoir ces négociations afin de parvenir à un accord sur le recours aux contrats de courte durée et de veiller à ce que les travailleurs du secteur du prêt-à-porter puissent exercer librement leurs droits syndicaux.

Le membre gouvernemental du Canada a vivement encouragé tous les Etats membres à respecter les termes de la convention, et il a rappelé que c’est aux gouvernements qu’il incombe de faire en sorte que la liberté syndicale s’exerce dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces quelles qu’elles soient. Bien que des mesures positives aient été prises dans l’ensemble, la démarche doit se poursuivre et des informations doivent être communiquées, comme l’a souligné la commission d’experts. Les préoccupations que suscite la loi sur les syndicats portent principalement sur l’insuffisance de la protection du droit de tous les travailleurs et employeurs de constituer librement des organisations de leur choix et du droit qu’ont ces organisations d’organiser leur administration interne sans ingérence. A cet égard, le gouvernement devrait reprendre les discussions dans le cadre du dialogue social et devant l’assemblée nationale, afin de réviser la loi. L’orateur s’est également dit déçu par l’aspect restrictif pour la société civile de la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales, du fait que son application à des professions qui ne sont pas couvertes par la loi sur les syndicats pourrait constituer une violation de la convention. Enfin, dans l’attente des conclusions et recommandations des commissions cambodgiennes instituées à la suite des événements et violences de 2014, il a insisté sur l’urgente nécessité d’assurer l’efficacité du système judiciaire en tant que rempart contre l’impunité et que moyen de protection efficace des droits des travailleurs pendant les conflits du travail.

Le membre travailleur des Philippines a exprimé son soutien aux travailleurs au Cambodge en ce qui concerne les pratiques antisyndicales discriminatoires qui sont très répandues. Des membres et des dirigeants de fédérations et de syndicats qui sont indépendants et critiques à l’égard des employeurs sont de plus en plus la cible de harcèlement, de discrimination et de licenciements antisyndicaux. Depuis la fin de 2013, 867 membres de la Confédération cambodgienne du travail (CLC) ont été licenciés en raison de leur appartenance à un syndicat et de leurs activités syndicales et 67 seulement d’entre eux ont été réintégrés dans leur emploi. Le rejet par les employeurs de la sentence arbitrale sur la réintégration de travailleurs ainsi que l’absence de volonté du gouvernement de faire appliquer ces sentences portent gravement atteinte aux syndicats librement choisis par les travailleurs. L’orateur a donné l’exemple de la grève de protestation de novembre 2014 à l’aéroport de Siem Reap. Elle a duré dix jours et, pendant cette période, des travailleurs ont été engagés pour remplacer les grévistes. Sept dirigeants syndicaux ont été licenciés au motif d’avoir organisé la grève. La direction de l’aéroport a demandé au vice-président du syndicat de ne plus présenter de plaintes contre l’entreprise, et lui a offert de le réintégrer dans son emploi en échange de sa coopération. Au lieu de veiller à ce que les travailleurs licenciés abusivement soient réintégrés, le ministère du Travail a demandé à l’employeur de verser une indemnisation monétaire aux dirigeants syndicaux qui avaient été licenciés, lesquels à ce jour n’ont pas été réintégrés et sont sans emploi.

Le membre travailleur du Japon s’est déclaré préoccupé que l’article 29 de la loi sur les syndicats garantisse le droit à «des parties concernées» ou à 50 pour cent de l’ensemble des membres d’un syndicat de prendre l’initiative de demander une dissolution du syndicat devant le Tribunal du travail. Dans l’intérêt des relations professionnelles, la dissolution d’un syndicat ne doit être décidée qu’en dernier ressort, et après avoir épuisé les autres possibilités moins préjudiciables pour l’organisation dans son ensemble. Qui plus est, la dissolution d’un syndicat doit se faire conformément aux règlements intérieurs et statuts du syndicat. Les dispositions de la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales concernant l’enregistrement obligatoire de toutes les associations nationales et internationales; le pouvoir discrétionnaire absolu du ministère de l’Intérieur en matière d’enregistrement, et la condition de «neutralité politique» applicable à toutes les associations et organisations, constituent une violation du droit à la liberté syndicale. Il a prié instamment le gouvernement de consulter les syndicats et d’envisager la révision de ces lois pour qu’elles soient pleinement conformes à la convention.

Le représentant gouvernemental a remercié ses collègues de l’ASEAN, en particulier la Thaïlande, pour leur soutien et leurs encouragements en vue d’améliorer la liberté syndicale au Cambodge. Il a pris acte de tous les commentaires constructifs des représentants d’employeurs et de travailleurs de ces pays, ainsi que des autres délégués gouvernementaux qui pourront précieusement contribuer à la réalisation du programme ambitieux de construction d’un avenir fondé sur le travail décent. Le gouvernement a activement travaillé à l’élaboration d’un cadre juridique solide en adoptant des lois et des règlements. La loi sur les syndicats a été récemment adoptée et ses instruments d’application sont en cours d’élaboration. Quant à la loi sur les procédures de travail du Tribunal du travail, elle est en cours de rédaction. Le gouvernement collabore étroitement avec le programme Better Work de l’OIT intitulé Better Factories Cambodia en vue d’améliorer et de renforcer l’inspection du travail pour garantir de meilleures conditions de travail. Il est indispensable que toutes les parties concernées participent et collaborent pour continuer d’améliorer l’application effective des normes internationales du travail et des lois et règlements du pays. Tout en réitérant son engagement à entièrement satisfaire aux obligations de présenter des rapports, il a assuré qu’un rapport détaillé sera soumis à la commission d’experts d’ici septembre 2016.

Les membres travailleurs ont indiqué que les membres de la commission ne pouvaient qu’encourager le gouvernement à faire de rapides progrès sur la voie de la liberté syndicale. Cependant, ils ont entendu de la part de plusieurs délégués, et notamment du membre travailleur du Cambodge, une description de la situation qui demeure très sérieuse. Ils ont rappelé qu’à propos des assassinats de Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy, le Comité de la liberté syndicale avait dû avoir recours à l’utilisation exceptionnelle du paragraphe 69 de ses procédures pour l’examen des plaintes en violation de la liberté syndicale pour inviter le gouvernement à le rencontrer afin de lui remettre des informations manquantes. Le gouvernement a accepté cette invitation à communiquer des informations en mai 2015. Relevant que cela faisait plus d’un an, ils ont insisté sur l’importance de fournir les réponses aux requêtes qui avaient été formulées. La question de l’impunité demeure un problème crucial.

Depuis 2006, le Cambodge est soumis à un contrôle permanent de la commission pour ce qui est de l’application de cette convention, de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et de ses manquements en matière de présentation de rapports. Chaque année, les questions restent les mêmes: actes de violence antisyndicale qui restent impunis (y compris des assassinats); licenciements antisyndicaux; harcèlement et intimidation par des agents de l’Etat; interdiction du droit à la liberté d’expression et de réunion; et cadre juridique non conforme à la convention. Les contrats de courte durée, objet de l’observation de la commission d’experts en 2015 et des conclusions du Comité de la liberté syndicale en 2016, sont régulièrement utilisés pour frustrer les syndicats. Ces problèmes sont aggravés par un appareil judiciaire politisé qui ne garantit pas la justice. Les membres travailleurs se sont à nouveau dits préoccupés par le fait que, malgré l’intervention de l’OIT, de l’ONU, des syndicats internationaux et des marques mondiales de l’habillement, le gouvernement a encore raté une occasion d’adopter une loi conforme à la convention, et qu’il a préféré adopter une loi contenant de nombreuses dispositions contraires à la convention. Lorsque les travailleurs ont pacifiquement manifesté après l’adoption de la loi, ils ont été la cible d’attaques et d’agressions.

A plusieurs reprises, les grandes marques internationales ont exprimé, avec les travailleurs, leur préoccupation face à l’environnement préjudiciable dans le pays pour les travailleurs. Le pays peut et doit immédiatement changer de cap et instaurer un environnement juridique propice au plein exercice du droit à la liberté syndicale, qui doit également être garanti dans la pratique. Les membres travailleurs ont demandé au gouvernement: i) de mettre la loi sur les syndicats entièrement en conformité avec les dispositions de la convention, en coopération avec les partenaires sociaux et avec à nouveau l’assistance technique du BIT; ii) de veiller à ce que les enseignants et les fonctionnaires, ainsi que les travailleurs de l’économie informelle, qui ne sont pas couverts par la législation relative aux syndicats, puissent pleinement exercer les droits consacrés par la convention; iii) de mener des enquêtes complètes dans les meilleurs délais sur l’assassinat des syndicalistes mentionnés dans le rapport de la commission d’experts et d’engager des poursuites à l’encontre des auteurs et des instigateurs de ces actes; iv) de veiller à ce que la commission interministérielle spéciale tienne régulièrement les organisations nationales d’employeurs et de travailleurs informées de l’avancée de ses enquêtes en vue de promouvoir le dialogue social, et de mettre un terme à l’impunité dont jouissent les auteurs d’actes de violence à l’encontre de syndicalistes; v) de mener une enquête indépendante sur les épisodes de violence commis à l’encontre de syndicalistes les 3 et 4 janvier 2014, y compris sur les blessures et les décès occasionnés, et d’engager des poursuites à l’encontre des auteurs et des instigateurs de ces crimes; vi) de veiller à ce que les travailleurs soient en mesure de participer librement à des manifestations publiques pacifiques; vii) d’abandonner les poursuites pénales engagées contre des dirigeants syndicaux en raison de leur participation à des manifestations pacifiques; et viii) de veiller à l’application des décisions du conseil d’arbitrage en matière de contrats de courte durée, en limitant leur cumul à une durée de deux ans. Au vu de l’absence de progrès réalisés depuis le dernier examen du présent cas par la commission, et compte tenu que la commission a examiné le présent cas à plusieurs reprises ces dernières années, les membres travailleurs ont instamment prié le gouvernement d’accepter une mission tripartite de haut niveau en 2016.

Les membres employeurs ont rappelé l’historique de ce cas, les préoccupations des travailleurs concernant l’absence de progrès sur certaines questions soulevées et les changements instaurés par le gouvernement. Le gouvernement a fourni d’autre part des informations sur les initiatives entreprises, incluant: i) l’introduction et la mise en œuvre en cours de la refonte des tribunaux du travail et des chambres du travail; ii) l’introduction de formations et de ressources nécessaires aux tribunaux du travail et aux chambres du travail; et iii) l’adoption de la loi sur les syndicats et l’engagement pris en vue de sa mise en œuvre effective. Les membres employeurs ont fait écho à l’appel des travailleurs à mettre en place de manière efficace et rapide ces initiatives mais considèrent que des progrès considérables ont déjà été réalisés et qu’il faut donner au Cambodge la latitude nécessaire pour prouver qu’il peut mener ces initiatives à une conclusion rapide et efficace, à savoir l’achèvement des enquêtes des trois commissions sur les meurtres de 2014 qui doivent être conclues cette année; la finalisation des directives et de la manière dont elles seraient rendues opérationnelles; ainsi que la mise en œuvre effective de la loi sur les syndicats par le biais d’une approche favorisant l’équilibre entre les droits des travailleurs et ceux des employeurs. Les membres employeurs ont exprimé l’avis que le pays doit bénéficier d’une marge de manœuvre, mais ont pressé le gouvernement de fournir le plus vite possible à la commission un rapport concernant les actions entreprises afin de mettre pleinement en œuvre les initiatives entreprises.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les questions soulevées par la commission d’experts.

La commission a noté la proposition du gouvernement d’établir de nouveaux tribunaux du travail, ainsi que la persistance de questions concernant la liberté syndicale pour les organisations de travailleurs.

Tenant compte de la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié instamment le gouvernement:

  • - de veiller à ce que la liberté syndicale puisse être exercée dans un climat exempt d’intimidation et sans violence contre les travailleurs, les syndicats ou les employeurs, et d’agir en conséquence;
  • - de s’assurer que la loi sur les syndicats soit pleinement conforme aux dispositions de la convention no 87, et d’engager le dialogue social, avec l’assistance technique du BIT;
  • - de s’assurer que les enseignants et les fonctionnaires soient protégés en droit et dans la pratique conformément à la convention no 87;
  • - de diligenter des enquêtes exhaustives et rapides concernant les meurtres et les violences à l’égard des dirigeants syndicaux et traduire en justice les auteurs et les instigateurs de ces crimes;
  • - de s’assurer que la Commission interministérielle spéciale tienne les organisations d’employeurs et de travailleurs informées de manière régulière sur les progrès de ses enquêtes; et
  • - de présenter un rapport à la commission d’experts avant sa réunion de novembre 2016 en fournissant des informations à jour sur ses activités concernant les trois comités d’investigation déjà établies, sur la mise en place, la dotation en ressources et la formation de la juridiction du travail, ainsi que sur la mise en œuvre de la nouvelle loi sur les syndicats.

Le gouvernement devrait accepter une mission de contacts directs avant la prochaine session de la Conférence internationale du Travail pour évaluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces conclusions.

Le représentant gouvernemental a indiqué que, s’agissant de l’invitation de la commission d’accepter une mission de contacts directs, il sera nécessaire de consulter d’abord les instances gouvernementales compétentes. Son gouvernement prendra contact avec le BIT en temps utile.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer