National Legislation on Labour and Social Rights
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Un représentant gouvernemental s’est félicité de l’opportunité d’informer la commission des révisions apportées au projet de loi sur les syndicats, entre le moment où il a été examiné par la commission d’experts et son adoption le 4 mai 2016. Le gouvernement est confiant que la loi sur les syndicats, qui a pour objectif de promouvoir une approche plus efficace et résolument axée sur la collaboration en vue de régler les conflits du travail, respecte les obligations internationales qui sont les siennes en matière de droits syndicaux. Le Conseil d’administration du BIT, le Comité gouvernemental de la Charte sociale européenne et la Cour européenne des droits de l’homme ont précédemment accepté l’approche législative du gouvernement, consistant à établir un juste équilibre entre les droits syndicaux et les intérêts légitimes de ceux qui sont concernés par les actions syndicales. Le gouvernement a maintenu cet équilibre dans les propositions qu’il a formulées en vue du respect de ses engagements en matière de réforme syndicale, lesquels ont reçu le soutien démocratique lors de la dernière élection générale. Par exemple, l’introduction de seuils appliqués aux votes révèle le fait que le droit de grève touche un vaste public, qui n’a pas son mot à dire dans le vote d’une grève. Compte tenu des conséquences néfastes étendues des grèves dans les services publics, la loi exige que les grèves dans «les services publics importants» reçoivent le soutien de 40 pour cent des votants, condition qui vient s’ajouter au taux de participation de 50 pour cent requis, afin de garantir la légitimité démocratique nécessaire et une nette majorité en faveur des grèves. Le seuil des 40 pour cent doit s’appliquer aux services extrêmement importants pour le public et l’utilisation initiale du terme «essentiel» n’a de lien avec aucune définition existante. Pour éviter toute confusion, on utilise désormais les termes «services publics importants». D’autres réformes de la loi comprennent notamment l’extension du préavis de grève de sept à quatorze jours, afin de prolonger le temps nécessaire requis pour préparer la grève. Cela étant dit, la durée de sept jours peut encore être négociée avec l’employeur. La loi prévoit aussi un mandat de six mois pour le vote d’une grève, mandat qui peut être étendu à neuf mois moyennant un accord, afin d’éviter que des grèves ne se tiennent alors que les mandats ont expiré. La loi requiert plus de clarté à propos des bulletins de vote sur les questions litigieuses, ainsi que sur le type d’actions de revendication collectives. Pour ce qui est des piquets de grève, après consultation au sein du Parlement, où des préoccupations ont été exprimées, le gouvernement n’a pas mené plus avant l’idée de publier des semaines à l’avance les plans de protestation. Au lieu d’introduire une nouvelle infraction pénale sur les piquets de grève, le gouvernement s’est attaché à moderniser le Recueil de directives pratiques relatif aux piquets de grève. Quant au vote électronique, il tient à s’assurer que ce vote autorise tous ceux qui ont le droit de voter à le faire; qu’il s’agit bien de votes secrets et sûrs; et que les risques d’intimidation ou de pratiques irrégulières sont réduits au minimum. A cette fin, la loi prévoit qu’une révision indépendante des votes par voie électronique soit effectuée dans les six mois qui suivent le vote. La loi sur les syndicats modernise la réglementation syndicale en ce qu’elle confie au responsable de la certification des pouvoirs actualisés, sur le modèle des autorités de même type. Elle instaure un prélèvement partiel de manière à partager avec les contribuables le coût que représente la réglementation des associations de syndicats et d’employeurs. Elle exige en outre que les employeurs du secteur public publient des informations sur le temps accordé aux représentants syndicaux pour effectuer leurs tâches, et que des retenues salariales pour les cotisations syndicales ne soient appliquées que lorsque le coût de ces actions n’est pas couvert par les finances publiques. Les mesures prescrites par la loi ont fait l’objet d’un vaste scrutin démocratique lors de l’examen du projet de loi, accompagné de trois consultations publiques de grande envergure avec les employeurs et des représentants du public. Le gouvernement étudie encore la réponse qu’il compte donner à la proposition consistant à lever l’interdiction d’employer des travailleurs intérimaires au cours d’une grève. Il fera part de sa position en temps voulu. Dans le cadre de consultations et d’un vaste examen des deux Chambres des communes, il a procédé à des révisions sur la base des idées qui ont été mises en avant. Par exemple, il a révisé des propositions consistant à faire passer de quatre à six mois la durée des mandats des scrutins de vote, et a autorisé leur extension à neuf mois, moyennant un accord. Il a aussi modifié sa proposition initiale qui consistait à interdire les cotisations syndicales dans le secteur public pour permettre aux syndicats d’accomplir leurs tâches sans que cela ne représente un coût pour les finances publiques. Une commission de la Chambre des lords a étudié scrupuleusement certains aspects spécifiques de fonds syndicaux destinés à des activités politiques. A la suite de cette enquête, la loi prescrit que le rejet par défaut ne s’applique qu’aux nouveaux membres syndicaux, ce qui a obtenu la faveur des partis politiques. En conclusion, le gouvernement est bien convaincu que les dispositions de la loi sur les syndicats sont raisonnables, proportionnelles et fondées sur une approche équilibrée, tout en étant conformes à ses obligations internationales. Elles n’ont pas pour but d’empêcher les grèves, mais plutôt de garantir qu’elles bénéficient d’un niveau de participation et de soutien raisonnable, au bénéfice de tous.
Les membres travailleurs ont fait valoir que le projet de loi sur les syndicats a été présenté par le gouvernement en juillet 2015 pour restreindre fortement le droit des travailleurs à engager une action collective, y compris les piquets de grève et les grèves. Une proposition d’amendement aux règlements de 2003 sur les agences de recrutement visant à autoriser le recours à des travailleurs temporaires en tant que briseurs de grève n’a fait qu’empirer la situation. En outre, le gouvernement est autorisé à s’ingérer dans les conventions collectives à caractère volontaire concernant les moyens dont disposent les syndicats – y compris le temps disponible pour s’occuper des questions concernant la santé et la sécurité, la représentation des membres, la consultation sur le chômage et les négociations sur le salaire et les conditions d’emploi. La loi octroie en outre à l’agent chargé de la certification des pouvoirs beaucoup plus étendus pour mener des enquêtes extrêmement inquisitrices sur les activités des syndicats à la demande des employeurs et autres groupes. Le gouvernement n’a pas réussi à donner un quelconque argument valable pour les réformes introduites. La législation en place réglemente déjà fortement l’action collective et un tel durcissement n’est pas nécessaire. Les réformes, qui font abstraction des obligations internationales au titre de la convention et autres instruments, ne feront que compromettre les relations entre les partenaires sociaux au lieu de les améliorer. La commission d’experts, après avoir examiné les projets de loi, a fait plusieurs observations concernant les nouvelles conditions en matière de scrutin pour mener une action revendicatrice dans certains secteurs, les restrictions aux pratiques de scrutin de grève et le recours à des travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes. D’autres questions ont été adressées au gouvernement par le biais d’une demande directe, lequel doit fournir des informations supplémentaires. Concernant les seuils en matière de scrutin, le projet de loi propose un quorum de participation plus élevé pour une action revendicatrice légale. Dans tous les secteurs, une telle action n’est légale que si 50 pour cent des personnes habilitées à voter participent au scrutin, et si la majorité des votants y sont favorables. S’agissant de six secteurs considérés comme des «services publics importants» – à savoir: services de santé, éducation, services de lutte contre les incendies, services des transports, le démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs et du combustible usé, et la sécurité des frontières – un total de 40 pour cent des voix de l’ensemble des travailleurs est nécessaire. Ainsi, dans le cas d’une participation de 50 pour cent, 80 pour cent des votants devront être en faveur de l’action proposée. La commission d’experts a recommandé instamment au gouvernement de veiller à ce que les secteurs de l’éducation et des transports ne soient pas concernés par les nouvelles conditions de quorum dans la mesure où ce ne sont pas des services publics essentiels au sens strict du terme. En ce qui concerne les modes de scrutin, les syndicats doivent suivre des règles complexes en matière de préavis et organiser un vote par correspondance pour s’assurer du soutien à l’action proposée. Il leur est interdit d’utiliser tout autre moyen, par exemple le vote de la grève sur le lieu de travail ou par voie électronique. Le gouvernement a choisi des moyens permettant de supprimer les grèves plutôt que d’augmenter le taux de participation au vote d’une grève, pour autant qu’il fût préoccupé par le fait que les grèves n’étaient pas suffisamment soutenues par les travailleurs syndiqués. Après que la Chambre des lords eut voté, à une large majorité, des amendements imposant au gouvernement de faire réaliser un examen indépendant de l’utilisation du vote électronique et de publier une stratégie sur la mise en place du vote électronique, le gouvernement a déposé des amendements garantissant qu’il n’aurait pas l’obligation d’agir suite à cet examen. La mesure dans laquelle les partenaires sociaux participeront au processus d’examen demeure floue.
Le recours à des travailleurs intérimaires pour remplacer les travailleurs grévistes est interdit depuis 1973 et rien ne justifie la levée de cette interdiction ni maintenant ni à l’avenir. Autoriser la levée de cette interdiction ne servirait qu’à affaiblir les grèves et, en fin de compte, à empêcher les travailleurs d’exercer leur droit de se mettre en grève. Quant aux autres propositions, elles ne feraient qu’aggraver les relations du travail en rendant la résolution de conflits beaucoup plus difficile entre les parties concernées. Cela ferait naître de la rancœur parmi les travailleurs, rancœur qui perdurerait longtemps après la résolution du conflit, et mettrait en outre les travailleurs intérimaires dans une position difficile, voire intenable. Il convient de rappeler que de nombreuses agences d’emploi, y compris celles affiliées à la Confédération internationale des agences d’emploi privées (CIETT), ont convenu, avec les syndicats, de ne pas faire appel aux travailleurs intérimaires pour briser une grève, laissant ainsi de la place à des agences moins professionnelles et moins responsables qui fourniraient des briseurs de grève. Même les entreprises concernées seraient perdantes car les intérimaires ne seront pas formés; ils seront frustrés et beaucoup moins productifs. Dans certaines professions, le manque de formation adaptée entraînera probablement des risques pour la santé. L’OIT condamne sans ambiguïté l’utilisation de travailleurs remplaçants et condamne des pays tels que les Etats-Unis, le Chili et le Zimbabwe pour avoir autorisé le recrutement de travailleurs remplaçants. Le Comité de la liberté syndicale a, en particulier, indiqué que «l’embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel au sens strict du terme constitue une violation grave de la liberté syndicale». Le gouvernement n’a pas encore dit s’il mettrait en place de nouvelles réglementations levant l’interdiction du recours à des travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes. Le projet de loi sur les syndicats prévoit également plusieurs restrictions aux piquets de grève, la possibilité de limiter les moyens dont disposent les syndicats, même lorsque des accords auraient été trouvés à l’issue de négociations volontaires entre les employeurs et les syndicats, et le renforcement des pouvoirs de l’agent chargé de la certification. La commission d’experts n’a pas fait figurer ces points dans une observation mais dans une demande directe dans laquelle elle demande un complément d’information. Dans ces domaines, des concessions importantes ont été faites au cours du processus législatif. Les diverses propositions, dans leur ensemble, constituent une attaque sans précédent contre le droit de mener une action revendicatrice. Elles représentent une violation flagrante des obligations du gouvernement au regard du droit international du travail, et de la jurisprudence des organes de contrôle de l’OIT depuis plusieurs décennies. En effet, en février 2015, le groupe gouvernemental, dont le gouvernement du Royaume-Uni, a formulé une déclaration unanime dans laquelle il reconnaît que «le droit de grève est lié à la liberté syndicale, qui est un principe fondamental et un droit fondamental au travail de l’OIT. Il reconnaît expressément que, sans protection de ce droit de grève, la liberté syndicale et, en particulier, le droit d’organiser des activités pour promouvoir et protéger les intérêts des travailleurs ne peuvent être pleinement garantis». Bien évidemment, le droit n’est pas absolu, et personne ne l’a jamais prétendu. Pour autant, le projet de loi sur les syndicats touche à l’essence même de ce droit, rendant difficile, pour ne pas dire impossible, de l’exercer légalement.
Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations qu’il a fournies et a pris note avec intérêt du processus de consultation concernant l’élaboration du projet de loi sur les syndicats. La commission d’experts a formulé, à 12 reprises depuis 1995, des observations sur l’application de cette convention fondamentale au Royaume-Uni. Son observation de 2013 a porté sur le droit des syndicats d’élaborer leurs règlements administratifs et de formuler leurs programmes d’action sans intervention de la part des autorités, en particulier lorsqu’ils ont l’intention d’exclure des individus au motif qu’ils appartiennent à un parti politique extrémiste dont les principes et les politiques déplaisent aux syndicats. La commission d’experts a également relevé qu’il est nécessaire d’assurer pleinement la protection du droit des travailleurs de recourir à l’action revendicative légitime et elle a notamment soulevé la question de la protection par rapport à la responsabilité civile. Cette observation n’a pas été discutée par la présente commission. La commission d’experts a pris note, dans sa dernière observation, du projet de loi sur les syndicats, qui a été déposé en juillet 2015, et des préoccupations exprimées par le Congrès des syndicats (TUC) en ce qui concerne les propositions législatives du gouvernement. Deux préoccupations essentielles en découlent pour les membres employeurs. Premièrement, tout indique que, lorsque la commission d’experts a formulé son observation, elle s’est appuyée sur un avant-projet de loi sur les syndicats qui faisait encore l’objet d’un dialogue social, un processus démocratique de discussion, de débat et d’examen. Ses commentaires sont donc prématurés et ils ne reflètent pas la situation actuelle, étant donné que l’avant-projet de loi a été révisé. Le fondement et la qualité de l’observation ne sont pas clairs et doivent être explicités. Deuxièmement, l’observation contient un certain nombre de commentaires sur des questions comme la mise en place de piquets de grève, les conditions en matière de scrutin de grève et de quorum, le recours à d’autres travailleurs pour remplacer les grévistes, soit des questions qui ont toutes trait à la réglementation des grèves. La position des membres employeurs selon laquelle la convention n’inclut pas le droit de grève est bien connue et il n’est pas nécessaire de la répéter. Il suffit de dire qu’il n’y a pas de consensus dans la présente commission sur cette question. Etant donné que les membres travailleurs se sont référés à la déclaration faite par le groupe gouvernemental en février 2015, mais pour ne citer que le paragraphe 4, il est utile de rappeler que le groupe gouvernemental a également indiqué, dans le paragraphe suivant de la même déclaration, «que le droit de grève, même s’il fait partie des principes et droit fondamentaux au travail de l’OIT, n’est pas un droit absolu», que sa «portée et les conditions de son exercice sont réglementées au niveau national» et que le «document présenté par le Bureau décrit les règlements complexes que les Etats ont adoptés pour encadrer ce droit». Les membres employeurs ont déclaré avoir entendu les explications que le gouvernement a fournies sur la complexité des difficultés qui se posent et sur l’équilibre qu’il convient de trouver entre droits concurrents au moment de considérer ces questions, et ils se sont réjouis à l’idée de poursuivre cette discussion.
La membre travailleuse du Royaume-Uni a souligné que la loi sur les syndicats imposait des restrictions importantes aux activités syndicales. La loi sur les syndicats confère des pouvoirs accrus à l’autorité d’enregistrement, lui permettant d’enquêter sur les activités des syndicats et d’avoir accès à leurs données confidentielles, y compris les noms et les adresses des syndicalistes. Du reste, la loi sur les syndicats entrave la liberté des organisations syndicales de décider de l’utilisation de leurs fonds et autorise le gouvernement à réduire la capacité des syndicats du secteur public de représenter leurs membres. Il est demandé aux syndicats de désigner des responsables de piquets de grève dont les coordonnées doivent être transmises à la police. Ces modifications exposent les organisations syndicales à un risque accru de recours juridiques et à de sanctions financières punitives. Des responsables politiques de tous les grands partis se sont publiquement opposés à la loi sur les syndicats, et des organisations à but non lucratif ont mis en garde contre une loi qui rend le droit de grève illusoire. Les gouvernements décentralisés écossais et gallois se sont tous les deux publiquement prononcés contre le projet. Concernant les seuils de vote élevés, la loi sur les syndicats prévoit une nouvelle prescription de 50 pour cent de participation. Le gouvernement estime que, en application de cette nouvelle règle, 45 pour cent des scrutins menés ces cinq dernières années n’auraient pas été valables. Le Chartered Institute of Personnel and Development (CIPD), l’institution principale au Royaume-Uni en matière de ressources humaines, a estimé que ces seuils étaient «dépassés» et a fait remarquer que ces vingt dernières années, le nombre d’actions de grève menées lors de journées de travail a diminué de 90 pour cent. Pour certains services du secteur public qualifiés de «services publics importants», le gouvernement exige en outre que les syndicats obtiennent l’appui de 40 pour cent de tous les travailleurs autorisés à voter. Prises ensemble, ces deux conditions électorales impliquent une exigence de soutien de 80 pour cent lorsqu’un quorum de participation de 50 pour cent a été atteint. Cette loi permettra des restrictions de la liberté syndicale bien plus larges que celles autorisées par les normes de l’OIT. Elle aura un impact disproportionné sur les femmes puisque l’on estime que 73 pour cent des travailleurs de ces «services publics importants» sont des femmes. Le secrétaire d’Etat n’a pas justifié l’inclusion de l’éducation et des transports dans la liste des «services publics importants» par des raisons de sécurité publique, mais en invoquant les désagréments causés par les arrêts de travail dans ces domaines. Le ministre a également déclaré que les seuils instaurés permettent de s’assurer que des actions de grève ne sont menées que si elles obtiennent un «niveau raisonnable» de soutien. L’exigence d’une adhésion de 80 pour cent est considérée comme raisonnable dans aucun autre domaine et encore moins lorsqu’il s’agit d’exceptions à des droits démocratiques fondamentaux. Le processus pour mener des actions revendicatives était déjà long et fortement réglementé. La loi sur les syndicats ajoute non seulement des conditions de procédure complexes, y compris le doublement des préavis de grève et l’ajout de nombreuses informations complémentaires sur le bulletin de vote, mais elle établit également qu’un scrutin pour une action expire au bout de six mois, impliquant qu’il doit être répété si le différend n’est toujours pas résolu. Il convient par ailleurs de simplifier la procédure de vote par correspondance et de la moderniser pour permettre le vote électronique. Le gouvernement a également l’intention d’affaiblir toute future action en autorisant le remplacement des travailleurs grévistes par des travailleurs intérimaires. Ce remplacement des grévistes n’est pas souhaité par les agences d’emploi, car il va à l’encontre de l’esprit de la directive de l’Union européenne relative au travail intérimaire (2008/104/EC) et est contraire au Code de conduite européen pour ce secteur. Par ailleurs, cela constitue également une grave violation de la liberté syndicale et pourrait exacerber les différends entre employeurs et salariés. La membre travailleuse a conclu en soulignant que la loi sur les syndicats constitue une ingérence grave dans les droits des travailleurs du Royaume-Uni protégés par la convention et a demandé à la commission qu’elle exige l’abrogation de la loi et la tenue d’une discussion avec les partenaires sociaux sur la façon d’établir un cadre juridique approprié pour relever les défis du XXIe siècle.
Le membre employeur du Royaume-Uni a rappelé que, depuis l’adoption de la loi sur les syndicats en 1871, les syndicats ont existé longtemps avant la création de l’OIT et que le Royaume-Uni a ratifié sans difficulté la convention en 1949. Avant son adoption, le projet de loi sur les syndicats a fait l’objet d’un engagement tripartite particulièrement important, et le Parlement l’a discuté en détail. A la suite de l’élection du Parti conservateur, le nouveau gouvernement a annoncé un ensemble de mesures de réforme, comme il l’avait promis pendant la campagne électorale, qui comprend le projet de loi sur les syndicats et trois documents de consultation sur le recours aux travailleurs intérimaires, sur le quorum de travailleurs requis pour organiser une grève et sur les piquets de grève visant à intimider. A la suite de consultations, la Confédération de l’industrie britannique (CBI), qui est la principale organisation d’employeurs du Royaume-Uni, et le TUC, organisation qui réunit 52 syndicats, ont pu exprimer oralement leurs points de vue. Ensuite, le projet de loi a été examiné par la Chambre des Lords où tous les principaux partis politiques sont représentés et où siègent, entre autres, 16 anciens dirigeants syndicaux et 70 anciens syndicalistes. Par la suite, le gouvernement a pris en considération les résultats des consultations et a amendé le projet de loi pour: supprimer la disposition qui étendait aux travailleurs intérimaires le quorum de 40 pour cent nécessaire pour organiser une grève; appliquer ce seuil de 40 pour cent aux travailleurs syndiqués du secteur privé qui accomplissent des fonctions relevant d’un service public important; et exiger la tenue d’un scrutin en appliquant la règle du quorum de 40 pour cent lorsque la majorité de travailleurs qui y participent accomplissent des fonctions relevant d’un service public important. Le gouvernement a également conclu que la définition de l’OIT des services essentiels n’est pas définitive et a confirmé les six secteurs publics importants qui avaient été identifiés. Le processus législatif a suivi son cours et, plus tard, la CBI a fourni un document écrit, le rapport de la Chambre des Lords a été publié et plusieurs amendements qui avaient été proposés ont été adoptés. Le 4 mai 2016, le projet de loi a reçu la sanction royale et est devenu la loi de 2016 sur les syndicats. Le gouvernement doit encore élaborer les textes d’application pour certaines parties, y compris en ce qui concerne le recours aux travailleurs intérimaires, et doit réaliser des consultations sur d’autres parties de la loi. Par conséquent, l’examen parlementaire et public va se poursuivre et il semble peu probable que ce processus soit rapide. L’orateur a soutenu le consensus auquel sont parvenus les partenaires sociaux, tel qu’exprimé dans la Déclaration conjointe du groupe des travailleurs et du groupe des employeurs de février 2015. Aux termes de cette Déclaration, «les mandants de l’Organisation internationale du Travail reconnaissent aux travailleurs et aux employeurs le droit de mener des actions revendicatives pour défendre leurs intérêts professionnels légitimes». Il n’y a pas eu de consensus pour déclarer que la convention prévoit le droit de grève et ses modalités. Selon la position consensuelle du groupe gouvernemental adoptée en février 2015, «le droit de grève, même s’il fait partie des principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT, n’est pas un droit absolu. Sa portée et les conditions de son exercice sont réglementées au niveau national». La situation est problématique à plusieurs égards en ce qui concerne la convention, et la question du droit de grève n’a pas encore été tranchée, tant du point de vue juridique que politique. Il a été tenu compte des difficultés récentes, et des leçons ont été tirées des graves incidents survenus en 2012 et 2014. Dans son discours d’ouverture de la présente session de la Conférence, le Directeur général a souligné ce qui suit: «Dans ces conditions, assumer les responsabilités qui incombent à chacun d’entre nous pour permettre à l’OIT de s’acquitter de son mandat pour la justice sociale, implique que nous adaptions nos actions, nos comportements et nos décisions de manière que les opportunités indéniables du changement transformateur au travail puissent se concrétiser. C’est ainsi que toutes et tous – et non plus seulement quelques-uns – nous pourrons nous tourner vers l’avenir avec confiance, et non plus dans la crainte, et en ne visant pas simplement la promotion individuelle, mais en faisant véritablement œuvre commune.» Le Directeur général a également rappelé le rôle essentiel que joue la Commission de la Conférence pour trouver le moyen d’aller de l’avant malgré les divergences sous-jacentes d’opinions et a souligné l’importance d’un système normatif solide, pertinent et faisant autorité en vue d’une OIT efficace et influente. L’orateur a fait part de sa volonté de participer de manière constructive afin d’aider l’OIT à résoudre de manière durable et harmonieuse ces divergences. Une instance plus restreinte pourrait permettre de construire la compréhension nécessaire pour trouver des solutions. En conclusion, l’orateur a exprimé l’espoir que les conclusions sur ce cas suivront les orientations du Directeur général et respecteront le consensus tripartite.
Le membre gouvernemental de la Fédération de Russie a exprimé sa préoccupation au sujet de l’adoption d’une série de mesures visant à réformer les lois du travail qui pourraient avoir une incidence négative sur le droit des travailleurs à la liberté syndicale, droit garanti par la convention. Les mesures qui pourraient porter atteinte aux droits fondamentaux du travail doivent faire l’objet de discussions avec les partenaires sociaux et, lorsque nécessaire, l’OIT devrait être consultée afin d’évaluer si de telles mesures sont conformes aux normes internationales du travail.
Le membre employeur des Etats-Unis a souligné qu’il était prématuré pour la commission de discuter ce cas. Aux termes de la Constitution de l’OIT, la commission est chargée de contrôler si un Etat Membre applique sa législation nationale d’une manière conforme aux conventions qu’il a ratifiées. Dans ce cas, la législation qui a été examinée est un projet de loi qui n’a jamais été mis en œuvre. Lorsque la commission d’experts a formulé son commentaire, il s’agissait d’un projet de loi qui n’avait pas encore été soumis à l’une ou l’autre chambre du Parlement. Plutôt que de se pencher sur un projet de loi, la Commission de la Conférence ferait mieux de consacrer son temps si précieux à examiner des cas plus importants qui n’ont pas été inclus dans la liste. Il est peu probable que des gouvernements permettent à la commission d’experts de s’ingérer dans leurs processus législatifs internes. Pour conclure, l’orateur a contesté la décision de la commission d’experts de formuler une observation sur un projet de loi, en particulier sur un sujet aussi controversé que celui du droit de mener des actions revendicatives.
Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande, s’exprimant également au nom des membres travailleurs de l’Australie, du Canada, de Fidji, des Tonga et des Etats-Unis, a abordé la question du mode de scrutin pour les actions collectives en vigueur au Royaume-Uni. Un mandat de grève doit être sollicité par bulletin secret envoyé par la poste, et son prix semble atteindre les 200 000 livres sterling par scrutin, somme qui est supportée par le syndicat. La loi sur les syndicats a considérablement augmenté la fréquence imposée pour la tenue de scrutins. De plus, de nouveaux seuils minima ont été imposés tandis qu’a été ajoutée la possibilité pour les employeurs de demander une mesure d’injonction pour faire cesser une action de grève ou de faire appel à des travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes. Les lois relatives aux actions collectives sont largement considérées comme étant parmi les plus restrictives d’Europe, le Royaume-Uni faisant figure de cas extrême même parmi les pays anglophones (c’est-à-dire l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis). La commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale ont clairement indiqué que les règles de procédure susceptibles d’édulcorer sensiblement le droit de grève pourraient constituer une violation de la convention. Au paragraphe 170 de l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, la commission d’experts déclare que, s’agissant du mandat donné par les adhérents en matière d’action collective, «… le mode de scrutin, le quorum et la majorité requis ne doivent pas être tels que l’exercice du droit de grève devienne en pratique très difficile, voire impossible». De même, au paragraphe 547 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale de 2006, le Comité de la liberté syndicale indique que «les conditions posées par la législation pour qu’une grève soit considérée comme un acte licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu’elles constituent une limitation importante aux possibilités d’action des organisations syndicales.» Rappelant que les membres de la Chambre des Lords ont demandé une étude indépendante sur l’utilisation du vote électronique dans les scrutins de grève et que le gouvernement n’a toujours pas donné suite à cette demande, l’orateur a appelé le gouvernement à collaborer avec les partenaires sociaux pour permettre dès que possible le vote électronique et le vote sur le lieu de travail.
Le membre employeur de l’Argentine a réaffirmé la position des employeurs concernant le droit de grève et la convention. Chaque Etat dispose du droit légitime de légiférer sur le droit de grève en vue de permettre son exercice. Cependant, dans le cas du Royaume-Uni, la commission d’experts met en cause un projet de loi, adapté depuis, qui réglemente certains aspects du droit de grève, comme les questions relatives au scrutin, les restrictions aux pratiques des piquets de grève, le remplacement des travailleurs grévistes, etc. La commission d’experts examine des questions qui ne relèvent pas de sa compétence. Chaque Etat réglemente l’exercice du droit de grève qui n’est pas un droit absolu. Ce faisant, l’Etat doit également veiller à ce que l’exercice de ce droit soit compatible avec d’autres droits, comme par exemple le droit de propriété de l’employeur, la libre circulation et, fondamentalement, le droit des travailleurs qui veulent travailler, parfois plus nombreux que ceux qui veulent adopter des mesures par la force, et qui sont empêchés de le faire à cause des piquets de grève. L’orateur a conclu en indiquant qu’il n’est pas non plus possible de soutenir qu’il revient à l’employeur de financer les entités syndicales ou les piquets de grève.
Un observateur représentant la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) s’est exprimé sur les articles 2 et 3 de la loi sur les syndicats, à savoir sur les nouvelles dispositions qui imposent un quorum de participation de 50 pour cent lors du vote d’une grève et l’appui de 40 pour cent de tous les travailleurs dans les «services publics importants». L’argument du rôle essentiel des transports dans l’économie sert de prétexte à la défense de la liberté de circulation des personnes et des marchandises aux dépends des droits des travailleurs du secteur des transports. Des mesures visant à réprimer les grèves dans le secteur des transports ont été prises dans le monde entier ces dernières années. Même si la loi sur les syndicats n’interdit pas purement et simplement les grèves dans ce secteur, exiger en outre un appui de 40 pour cent privera dans les faits les ouvriers du transport et tous les autres travailleurs des «services publics importants» de leur droit de grève car ils ne seront protégés par aucune garantie compensatoire. Cet impact négatif sera aggravé par les mécanismes juridiques existants dont disposent les employeurs pour obtenir des injonctions de mettre fin à toute action. Exiger cet appui dans les services publics importants implique que l’action revendicative n’est légale que si la moitié des syndiqués plus un participent au scrutin et que 80 pour cent des suffrages exprimés y sont favorables. La demande du TUC concernant le vote électronique doit être considérée à la lumière du contexte international. En Allemagne, où certains syndicats fixent volontairement des seuils en matière de scrutin dans leur règlement, le scrutin se déroule sur le lieu de travail et non par correspondance, permettant une plus grande participation. En Australie, où un système de scrutin très prescriptif est en place, il est possible d’autoriser un vote sur le lieu de travail et un vote électronique. La commission d’experts a clairement indiqué dans ses commentaires que ce nouveau seuil contreviendrait à l’article 3 de la convention. Les organes de contrôle de l’OIT ont considéré que le droit de grève ne peut être restreint dans le service public que pour des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou pour ceux qui exercent des services essentiels au sens strict du terme. Les professions du secteur des transports énumérées par le gouvernement, à savoir les services de bus locaux, les services ferroviaires de transport de passagers, les services de sécurité aérienne et les services de sécurité portuaire, ne peuvent pas être considérées comme relevant des services essentiels. Le droit de grève est un droit de l’homme protégé par la convention et constitutif du droit international coutumier. Pour finir, l’observateur a instamment prié le gouvernement d’accéder à la demande de la commission d’experts d’abandonner la condition plus sévère d’obtenir l’appui de 40 pour cent de tous les travailleurs dans les services d’éducation et des transports.
Le membre employeur de la France a déclaré que ce cas mérite l’attention de la commission. La commission d’experts, sur la base des observations du TUC, prie le gouvernement de réexaminer, conjointement avec les partenaires sociaux, le projet de loi en vue de sa modification. Or, depuis qu’il a été examiné, ce projet de loi a déjà subi de nombreux amendements. Cette commission a donc pour tâche difficile d’examiner un texte en évolution dans le cadre d’un processus normatif national. La convention encadre les règles portant sur l’exercice de la liberté syndicale et la protection du droit syndical en prévoyant deux limitations pour les autorités publiques. Aux termes de ces limitations, prévues aux articles 3, paragraphe 2, et 8, paragraphe 2, les autorités doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter la liberté des organisations de travailleurs et d’employeurs de s’organiser librement, et la législation nationale ne doit pas porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte à la liberté de créer des organisations de travailleurs et d’employeurs. Le projet de loi examiné ne vise aucune de ces limitations. Toutes les modalités auxquelles se réfère la commission d’experts n’intéressent pas cette commission puisque, comme il convient de le rappeler, les gouvernements sont les seuls compétents pour élaborer le régime des cas de suspension du contrat de travail en cas de conflit. En conclusion, il y a lieu de constater que la commission d’experts ne démontre pas qu’il y a violation de la convention, laquelle a seulement vocation à garantir la liberté de créer des organisations de travailleurs et d’employeurs.
La membre travailleuse de l’Italie a souligné que, outre les mesures contenues dans la loi sur les syndicats, le gouvernement a proposé d’autoriser le recrutement de travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes. Cette proposition enfreint la liberté d’expression des travailleurs et leurs droits d’organisation et de protestation. Cette proposition aura aussi des effets préjudiciables importants sur les agences de recrutement qui ont exprimé leur désaccord quant au remplacement des grévistes par des travailleurs intérimaires. En outre, cette proposition va aggraver les tensions entre les employeurs et les travailleurs et conduire les salariés à rechercher de nouvelles possibilités d’emploi, avec pour conséquences une baisse de la productivité et une augmentation des coûts liés au recrutement et à la formation. Le Comité de la liberté syndicale a estimé que l’embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel constitue une violation grave de la liberté syndicale. En 2015, le gouvernement de l’Italie et les syndicats ont fait une déclaration commune appelant à réaffirmer le droit de grève au sein de toutes les instances nationales et internationales liées à la protection des droits fondamentaux des personnes et des travailleurs. La déclaration est libellée comme suit: «[l]e Traité de Lisbonne reconnaît ce droit comme étant l’un des droits fondamentaux de l’Union européenne et définit une sorte de notion européenne commune de ce droit, en sus de la notion nationale, selon laquelle ce droit est un droit universel. La commission d’experts de l’OIT, qui est chargée d’analyser les rapports nationaux et de relever les infractions à la convention no 87 que tous les Etats membres de l’Union européenne ont signée, a œuvré dans le même sens. Ladite convention, ainsi que les sept autres conventions fondamentales, contribue à définir le niveau minimum de protection nécessaire à la garantie des droits reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.» Face à la criminalisation des grèves par le régime fasciste italien, le droit de grève a été reconnu comme un droit fondamental protégé par la Constitution italienne. Le droit de grève, en donnant la possibilité aux syndicats d’exercer des pressions économiques, garantit aussi la liberté syndicale. Pour terminer, l’oratrice a appelé le gouvernement à réexaminer sa proposition d’autoriser le recrutement de travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes et à entamer un dialogue avec les partenaires sociaux.
Le membre employeur du Danemark a indiqué que les modalités des actions collectives doivent prendre en compte différents éléments du marché du travail national. Les obligations relatives aux actions collectives ont été clairement décrites dans la déclaration du groupe gouvernemental de février 2015 qui doit servir de base au travail de la commission d’experts et de la Commission de la Conférence. Selon cette déclaration, la portée et les modalités d’exercice des actions collectives doivent être réglementées au niveau national. Il est par conséquent préoccupant de constater que les commentaires de la commission d’experts concernent presque exclusivement les modalités des actions collectives prévues dans un projet de loi. Soulignant que la commission d’experts a outrepassé son mandat, le membre employeur s’est abstenu de formuler d’autres observations au sujet de ces commentaires.
Le membre travailleur de l’Allemagne s’est déclaré très préoccupé par la situation de la liberté syndicale des travailleurs britanniques. Les atteintes à ces droits rappellent une période très sombre de l’histoire britannique dans le domaine de la politique sociale – l’ère Thatcher, pendant laquelle l’ensemble des droits des travailleurs ont été fortement limités. Les relations professionnelles ne sont encore pas remises de cette politique. Si la disposition concernant l’autorisation expresse de recourir à des travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes a été supprimée du projet de loi sous l’effet de fortes pressions, le fait de briser les grèves en ayant recours à des travailleurs intérimaires demeure une question importante pour le gouvernement. Toutefois, l’autorisation de recourir à des briseurs de grève a des conséquences qui ont une grande portée: d’une part, elle compromet ou rend impossible l’exercice du droit de grève des syndicats et, d’autre part, lorsqu’elle est associée à l’exigence d’un préavis de grève au moins deux semaines à l’avance, les entreprises disposent de temps pour engager des travailleurs intérimaires et rendre toute grève inutile. En outre, les travailleurs intérimaires sont en général mal rémunérés et subissent des conditions de travail déplorables. L’équilibre des pouvoirs sera ainsi modifié en faveur de l’employeur, et les travailleurs perdront tout pouvoir de négociation. Par conséquent, cela serait non seulement contraire à la convention no 87, mais aussi à la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Lors du processus de consultation relatif au projet de loi, des critiques ont été exprimées non seulement par des syndicats, mais également par des groupes de réflexion, des cabinets d’avocats et des agences de recrutement. Il a également été constaté que les employeurs britanniques disposent déjà de nombreux moyens pour remplacer les grévistes. En conclusion, l’orateur a indiqué que les mesures visant à casser les grèves doivent être interdites, comme cela a été fait avec succès au Royaume-Uni en 2003.
Le membre employeur de la Turquie, soulignant que le cas ne repose que sur les observations de la commission d’experts, a fait valoir que les questions qui entourent les modalités du droit de grève ne relèvent pas du champ d’application de la convention. Des conflits, tels que celui qui a eu lieu en 2012 et durant les années qui ont suivi, ont été réglés grâce aux efforts considérables déployés par les mandants tripartites. La commission d’experts doit tenir compte de l’accord auquel les mandants sont parvenus, même si celui-ci n’est pas définitif. Les questions soulevées par la commission d’experts, telles que les services essentiels, les scrutins de grève, les piquets de grève, concernent des restrictions très controversées apportées au droit de grève, qui ne trouvent pas de fondement juridique dans la convention et sont susceptibles d’engendrer de nouveaux conflits au sein du système de l’OIT. Qui plus est, les commentaires de la commission d’experts dans ce cas ont trait pour l’essentiel à un projet de loi qui n’a pas encore été mis en œuvre. Cette approche va à l’encontre de la raison d’être de la Commission de la Conférence et de sa mission fondamentale qui est de contrôler l’application effective des conventions et non d’examiner les projets de lois.
Le membre travailleur du Zimbabwe a exprimé sa vive préoccupation à propos des récents changements législatifs en matière de liberté syndicale au Royaume-Uni et il s’est dit choqué de voir que le gouvernement a commencé à adopter les mêmes stratégies que le gouvernement du Zimbabwe. Certaines dispositions de la loi sur les syndicats sont très semblables aux dispositions de la législation zimbabwéenne qui ont contribué aux violences de masse et à l’effondrement économique du pays. En 2008, le Conseil d’administration a décidé à une écrasante majorité l’institution d’une commission d’enquête chargée d’examiner la situation au Zimbabwe. La commission d’enquête a constaté que la liste des services essentiels (comprenant les services d’incendie et de santé ainsi que les transports) prive de manière excessive les travailleurs de leur droit de grève. Le Royaume-Uni a créé de nouveaux obstacles pour les travailleurs des services publics essentiels (dont la santé, l’enseignement, les pompiers, les transports et le nucléaire) dans l’exercice du droit de grève en imposant un seuil minimum de 40 pour cent de tous les travailleurs habilités à voter dans un scrutin de grève. En outre, la durée du préavis d’une action revendicative a été portée de sept à quatorze jours, comme c’est le cas au Zimbabwe, ce qui sape considérablement le droit des travailleurs de recourir à une telle action. En fait, la commission d’enquête a constaté que la procédure de dépôt du préavis de grève pose problème et a confirmé explicitement que le droit de grève est un corollaire indissociable du droit syndical protégé par la convention. Alors même que des dispositions similaires à celles récemment adoptées au Royaume Uni sont appliquées au Zimbabwe depuis un certain temps, cela n’a pas eu pour effet de créer des emplois ni conduit à la sécurité économique. Au contraire, le Zimbabwe a un des taux de chômage les plus élevés au monde. En conclusion, l’orateur s’est déclaré fermement convaincu que la promotion des droits fondamentaux et, avant tout, de la liberté syndicale, est la seule façon de créer des emplois décents et de partager la prospérité.
Le représentant gouvernemental a réaffirmé que l’approche suivie au cours du processus législatif d’adoption de la loi sur les syndicats visait à parvenir à un équilibre raisonnable, proportionné et prudent entre, d’une part, les droits des syndicats et de leurs membres et, d’autre part, les intérêts légitimes des autres personnes affectées par leur action. Les mesures prévues dans la loi ont fait l’objet d’un examen démocratique approfondi. En outre, il y a eu trois consultations publiques sur les sujets suivants: la portée du scrutin prévoyant la nécessité d’un appui de 40 pour cent pour organiser la grève dans les services publics importants; la question de savoir si le cadre juridique des piquets de grève devait être renforcé; et une proposition visant à abroger l’interdiction de recourir à des travailleurs intérimaires pendant des grèves (mesure qui n’était pas prévue dans la loi sur les syndicats). Le gouvernement a entendu les vues exprimées sur des mesures spécifiques pendant les consultations et pendant leur examen approfondi par les deux chambres du Parlement et a procédé à des révisions en tenant compte de tous les éléments présentés. Par exemple, le gouvernement a examiné des propositions concernant la durée des scrutins relatifs aux mandats de grève. Il a également modifié les propositions visant à interdire les cotisations retenues à la source (check-off) dans le secteur public. De fait, de manière exceptionnelle, un comité indépendant distinct a été institué pendant le processus d’adoption de la législation au Parlement pour examiner les propositions concernant le mécanisme de cotisation aux fonds politiques des syndicats. Le gouvernement a accepté la grande majorité des recommandations de ce comité, et l’exigence de choisir un fonds politique syndical ne s’applique désormais qu’aux nouveaux adhérents d’un syndicat. L’ensemble des partis politiques à fait bon accueil à cette mesure. Concernant les nouvelles facultés de l’autorité d’enregistrement, cette entité est indépendante du gouvernement et les syndicats peuvent contester ses décisions. En ce qui concerne le vote électronique, le gouvernement doit évaluer certaines questions et il fournira des informations à cet égard en temps voulu. Enfin, la loi sur les syndicats n’a reçu la sanction royale que le 4 mai 2016 et des dispositions essentielles n’ont pas encore été mises en œuvre, par exemple au moyen de textes d’application. Notant la grande diversité de vues des mandants de l’OIT concernant la question des actions collectives, le gouvernement reste persuadé que la loi sur les syndicats offre un juste équilibre entre, d’une part, les droits des syndicats et de leurs membres et, d’autre part, leurs responsabilités vis-à-vis du reste de la société au profit de tous et qu’il respecte pleinement ses obligations internationales.
Les membres travailleurs ont souligné que la discussion a démontré la détermination du gouvernement à adopter la législation. La loi sur les syndicats, qui n’a bénéficié de l’appui ni de la population ni des représentants élus de tous les partis, mettra le Royaume-Uni largement à la marge des systèmes de relations professionnelles existant en Europe. En outre, la loi va à l’encontre des observations et des conclusions solidement établies des organes de contrôle de l’OIT, qui bénéficient depuis des décennies d’un soutien tripartite. Le Royaume-Uni semble se rapprocher davantage des pays identifiés par les organes de contrôle de l’OIT comme des pays qui ne respectent pas la liberté syndicale. Avec la loi sur les syndicats, les travailleurs devront faire face à des restrictions plus fortes pour défendre des services décents, la sécurité au travail, leurs emplois ou leurs salaires. La législation semble répondre pleinement à des considérations idéologiques, sans tenir compte de ses conséquences sociales et économiques. De plus, les questions soulevées ne concernent pas uniquement le droit de grève. La loi accorde aussi à l’autorité d’enregistrement des pouvoirs largement étendus, l’autorisant à prendre part à des enquêtes très intrusives dans les activités des syndicats et à obtenir des registres de sa propre initiative, même en l’absence d’une plainte d’un membre syndical. L’autorité d’enregistrement aura ainsi une vision globale de l’organisation interne du syndicat, accès aux registres syndicaux confidentiels, y compris à la correspondance entre les syndicats et leurs membres, et accès aux registres d’adhésion, en particulier aux noms et adresses des membres. L’autorité d’enregistrement pourra aussi mener une enquête sur tous ces types d’informations au sein des organisations d’employeurs, voire même des entreprises – sous réserve qu’elles soient parties à une convention collective. Il s’agit d’un cas très grave qui, au même titre que de nombreux autres cas examinés, mérite d’être inclus dans la liste. Le gouvernement cherche tout simplement à éliminer par la loi le droit fondamental de liberté syndicale. De plus, ce cas a été inclus dans la liste en accord avec les membres employeurs. Pour conclure, le gouvernement devrait être instamment prié de prendre les mesures suivantes: 1) abroger immédiatement la loi sur les syndicats, et organiser une consultation complète et un dialogue avec les partenaires sociaux sur toute élaboration de la législation relative aux relations professionnelles; 2) modifier les textes d’application afin qu’ils soient pleinement conformes à la convention, en veillant en particulier à: i) retirer la proposition qui consiste à supprimer l’interdiction d’avoir recours aux travailleurs intérimaires durant les grèves; et ii) retirer toute référence aux secteurs des transports et de l’éducation dans les projets de règlements qui fixent un seuil de 40 pour cent pour les scrutins de grève; 3) en consultation avec les partenaires sociaux, élaborer et introduire une législation qui permette l’utilisation d’autres formes de scrutins que les votes par correspondance, notamment les bulletins électroniques et les bulletins sur le lieu de travail; 4) avec les partenaires sociaux, revoir les nouvelles restrictions relatives aux piquets de grève, aux libertés politiques des syndicats et au contrôle général intensifié des syndicats à travers les pouvoirs accrus accordés à l’autorité d’enregistrement, afin d’en assurer la conformité avec la convention; 5) s’abstenir de toute ingérence dans les conventions collectives qui ont été volontairement acceptées entre les employeurs et les syndicats; 6) s’abstenir de toute ingérence dans les activités syndicales et l’organisation interne des syndicats; et 7) présenter un rapport détaillé sur les progrès accomplis pour la commission d’experts.
Les membres employeurs ont accueilli favorablement la détermination affichée par le gouvernement à poursuivre son engagement et ses échanges constructifs avec les organisations d’employeurs et de travailleurs. Ils ont également salué les informations relatives à la consultation et au dialogue dans le cadre du processus de rédaction et à la proposition d’incorporer une clause d’adhésion pour le versement, par les membres des syndicats, de cotisations à des fonds politiques. Le gouvernement a aussi fait référence à la complexité des questions soulevées et à la nécessité de maintenir un équilibre entre des droits concurrents. Reconnaissant l’attitude positive du gouvernement, les membres employeurs ont demandé que soient fournies de plus amples informations sur le statut actuel de: 1) la proposition de supprimer les cotisations retenues à la source (check-off) de toutes les organisations du secteur public; 2) la proposition d’incorporer une clause d’adhésion avec une validité de temps limitée pour les cotisations des membres des syndicats aux fonds politiques; et 3) la proposition d’accroître les pouvoirs de l’autorité d’enregistrement, y compris des informations sur la façon dont cela pourrait limiter la capacité des organisations d’employeurs et de travailleurs à organiser leur programme conformément à leurs propres statuts. Enfin, il n’y a pas de consensus au sein de la commission au sujet des liens entre la convention et le droit de grève. De l’avis du groupe des employeurs, la question du droit de grève peut être réglementée au niveau national, comme l’a indiqué le groupe gouvernemental dans sa déclaration de février 2015. Par conséquent, il ne devrait pas être demandé au gouvernement de retirer la loi ni d’amender la réglementation régissant le droit de grève. Il convient de refléter cette position, qui diverge de l’avis exprimé par la commission d’experts, dans le compte rendu des travaux de la Commission de la Conférence.
Conclusions
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les points soulevés par la commission d’experts.
La commission a pris note de l’indication fournie par le gouvernement suivant laquelle une législation d’application est toujours en discussion et elle a noté avec intérêt les commentaires du gouvernement relatifs à l’engagement des partenaires sociaux dans le processus en cours.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié le gouvernement de:
Le représentant gouvernemental a remercié la commission pour son examen minutieux et complet. Le gouvernement prend bonne note des conclusions et s’engage à faire rapport en conséquence.