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Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Convention (n° 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952 - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Ratification: 1954)

Autre commentaire sur C102

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Parties III, IV, V, VII et X de la convention. Prestations qui doivent être prises en compte. La commission rappelle que le système de protection sociale au Royaume-Uni comprend des prestations de sécurité sociale basées sur les cotisations et des prestations de sécurité sociale basées sur le revenu, ainsi que différents crédits d’impôts et une série de prestations d’assistance sociale en fonction des ressources, qui offrent une protection supplémentaire contre la pauvreté. Les prestations basées sur les cotisations sont payables à un taux uniforme à quiconque a acquitté le montant requis de cotisations de l’assurance nationale. Les prestations basées sur le revenu remplacent ou complètent les prestations basées sur les cotisations et sont disponibles pour toutes les personnes qui remplissent le critère d’admissibilité, eu égard à leur revenu. La sécurité du revenu en cas de maladie est assurée grâce à une combinaison de mesures comprenant les dispositions relatives à la responsabilité de l’employeur, les prestations contributives de l’assurance sociale et les prestations non contributives en fonction du revenu, lesquelles conjointement semblent offrir un niveau de protection comparable à celui garanti par la convention. Selon le gouvernement, l’obligation de fournir la couverture des indemnités de maladie est remplie grâce à une combinaison des indemnités de maladie (SSP) versées par les employeurs à leurs travailleurs, et de l’allocation d’emploi et de soutien (ESA) basée sur les cotisations qui est disponible aux salariés et aux travailleurs indépendants qui ne sont pas couverts par les SSP ou dont les droits en matière de SSP sont arrivés à expiration à l’issue de la durée maximum de vingt-huit semaines. Les SSP peuvent être considérées comme la principale prestation couvrant la majorité des personnes protégées au cours de la période totale de paiement des indemnités de maladie, comme prescrit par l’article 18, paragraphe 1, de la convention/du Code. L’allocation d’emploi et de soutien joue un rôle supplémentaire en protégeant les personnes qui ne sont pas couvertes par les SSP. Le gouvernement estime que ces prestations, considérées conjointement, assurent le niveau requis de sécurité du revenu pour la durée définie par la Partie III de la convention/du Code. En ce qui concerne le rôle des prestations soumises à des conditions de revenu en cas de maladie, elles sont actuellement remplacées par le Crédit universel (UC), qui «est une prestation générale contre la pauvreté disponible à tous ceux qui présentent le risque de tomber dans la pauvreté. Il est payable aux personnes qui ne travaillent pas ainsi qu’à celles qui travaillent mais dont le revenu est faible. Le Royaume-Uni le considère comme une prestation “de l’assistance sociale” plutôt que comme une prestation “de la sécurité sociale” […] Compte tenu du fait que le Crédit universel est une forme d’assistance sociale, il ne relève pas du champ d’application du Code». De ce fait, le gouvernement estime que l’obligation du Royaume-Uni qui découle des Parties acceptées de la convention/du Code continuera à être remplie dans un futur proche sur la base des seules prestations de la sécurité sociale basées sur les cotisations de l’assurance nationale.
La commission prend dûment note de ces déclarations importantes. Elle note en particulier que le Royaume-Uni souhaite appliquer la Partie III de la convention/du Code sur la base d’une combinaison des SSP et de l’ESA (contributive) à l’exclusion des prestations soumises à des conditions de revenu telles que l’ESA liée au revenu, et le Crédit universel. Par ailleurs, le gouvernement insiste sur le fait que les prestations non contributives liées au revenu ne doivent pas être prises en compte aux fins de toutes les Parties acceptées de la convention/du Code. La commission fait observer qu’une Partie contractante est libre de déclarer à l’égard de quelles prestations fournies par le système national de sécurité sociale elle accepte les obligations découlant de chaque Partie de la convention/du Code couverte par sa ratification. Tout en respectant le choix susmentionné du gouvernement, la commission ne peut que partiellement souscrire à sa déclaration selon laquelle les prestations de l’assistance sociale ne relèvent pas du champ d’application de la convention/du Code. En effet, la convention/le Code ne s’appliquent pas à l’assistance sociale accordée par les autorités locales et laissée à leur appréciation selon ce qu’elles estiment nécessaire; ils s’appliquent pleinement aux prestations non contributives de l’assistance sociale en fonction des ressources, fournies de droit à tous les résidents. C’est pour évaluer si le taux de telles prestations est suffisant que l’article 67 a été intégré dans le Code et la convention no 102. Le document préparatoire sur la convention no 102 indique clairement que l’article 67 «s’applique aux systèmes d’assistance sociale en vertu desquels la prestation peut être réduite d’une partie du revenu ou des ressources du bénéficiaire pendant l’éventualité. Des garanties sont évidemment nécessaires si l’on veut que l’assistance sociale soit admise aux fins de l’application […] Un Membre qui désirerait se conformer aux dispositions de l’instrument sur la base d’un système d’assistance sociale devrait en conséquence prouver que la prestation maximum qui sera payable à une famille n’ayant pas de ressources suffisantes est réellement une prestation de subsistance assez élevée pour permettre à la famille de vivre dans des conditions acceptables.» (Rapport V b), Conférence internationale du Travail, 35e session, Genève, 1952, p. 124.)
Partie III (Indemnités de maladie), article 16 (Calcul du niveau de la prestation). La commission note que le calcul du taux de remplacement des SSP et de l’ESA (contributive) pour le bénéficiaire type (un homme ayant une femme et deux enfants) inclut le crédit d’impôt pour enfant de 117,50 livres pour deux enfants. Le crédit d’impôt pour enfant est une forme de soutien sous condition de ressources accordé aux familles à faible revenu avec enfants, qui travaillent ou non et qui vivent au Royaume-Uni. Selon le gouvernement, les prestations en fonction des ressources ne sont pas une forme de sécurité sociale et ne relèvent pas du champ d’application de la convention/du Code. Dans cette logique, le crédit d’impôt pour enfant, en tant que prestation en fonction des ressources, ne doit pas être inclus dans le calcul du taux de remplacement des SSP ou de l’ESA. Calculé à nouveau sans le crédit d’impôt pour enfant, le taux de remplacement des SSP pour les semaines 1 à 28 se situe à 30,25 pour cent du salaire de référence du manœuvre ordinaire, et celui de l’ESA (contributive) de la semaine 1 à la semaine 13 à 26,50 pour cent et, à partir de la 14e semaine, à 33,62 pour cent. La commission constate que ces taux se situent bien en dessous du taux minimum de 45 pour cent garanti par la convention/le Code et conclut que les prestations de la sécurité sociale en cas de maladie, telles qu’elles sont appréhendées et conçues par le gouvernement, ne permettent pas au Royaume-Uni de remplir ses obligations découlant de la Partie III de la convention/du Code en ce qui concerne le niveau de la prestation.
Partie IV (Prestations de chômage), article 22 (Calcul du niveau de la prestation). La commission note que le calcul du niveau de remplacement de l’allocation de demandeur d’emploi basée sur les cotisations (JSA) pour le bénéficiaire type (un homme ayant une femme et deux enfants) comprend le crédit d’impôt pour enfant de 117,50 livres pour deux enfants, et renvoie le gouvernement à ses commentaires sous l’article 16 ci-dessus. Calculé à nouveau sans le crédit d’impôt pour enfant, le taux de remplacement de la réclamation conjointe de la JSA se situe à 36,75 pour cent du salaire de référence du manœuvre ordinaire, ce qui est bien en dessous du taux minimum de 45 pour cent garanti par la convention. Le Royaume-Uni ne remplit pas de ce fait ses obligations découlant de la Partie IV de la convention en ce qui concerne le niveau de la prestation de chômage.
Partie X (Prestations de survivants), article 62 (Calcul du niveau des prestations). La commission note, selon les données fournies dans le rapport sur l’application de la convention no 102, que le taux hebdomadaire de la prestation de veuve, conjointement avec la prestation pour enfant mais sans le crédit d’impôt pour enfant, fournira un taux de remplacement de 36,18 pour cent, ce qui est inférieur au niveau minimum de 40 pour cent garanti par la convention. Tout en se référant à ses commentaires au titre de l’article 16 ci-dessus, la commission conclut que le Royaume-Uni ne remplit pas ses obligations découlant de la Partie X de la convention en ce qui concerne le niveau garanti des prestations de survivants.
Niveau des prestations basées sur les cotisations et des prestations liées aux revenus inférieur au seuil de pauvreté. Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a souligné à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie que, à la différence de l’ESA et de la JSA basées sur le revenu, l’ESA et la JSA basées sur les cotisations se situent en dessous du niveau minimum prescrit par la convention/le Code et n’atteignent même pas le seuil le plus bas du risque de pauvreté d’EUROSTAT de 40 pour cent du revenu équivalent médian au Royaume-Uni et dans l’Union européenne dans son ensemble. Dans sa dernière réponse, le gouvernement indique que a) «les taux de l’ESA et de la JSA contributives sont identiques respectivement aux taux de l’ESA et de la JSA basées sur le revenu»; b) «le gouvernement estime qu’il maintient un filet de sécurité solide en matière de prévoyance sociale qui est approprié et qui réalise un équilibre entre les exigences d’un système viable de prévoyance sociale et la nécessité de veiller à ce que le travail rapporte toujours mieux»; c) «la commission note que les taux principaux de l’allocation de demandeurs d’emploi et de l’allocation d’emploi et de soutien fournissent aux personnes qui ne travaillent pas un niveau de vie élémentaire qui n’est pas susceptible de les dissuader d’accepter un emploi ou de reprendre le travail lorsque l’occasion se présente ou que leur santé le leur permet». En ce qui concerne ces déclarations, il convient tout d’abord de noter que le gouvernement ne conteste pas le fait que le niveau des prestations en question soit insuffisant eu égard à la norme internationale établie par le Code et la convention no 102 et au seuil de risque de pauvreté établi par EUROSTAT. Il estime plutôt que ce niveau insuffisant est «approprié» par rapport à la norme interne de prévoyance sociale, et n’exprime en conséquence aucune intention de se conformer à l’obligation du Royaume-Uni de maintenir les prestations de la sécurité sociale tout au moins au niveau minimum garanti par ces instruments internationaux. En évaluant la position du gouvernement d’un point de vue juridique, la commission se doit de rappeler aux Parties contractantes certaines règles de conduite de base qui incombent aux Parties contractantes concernant leurs obligations internationales librement assumées conformément au Code et aux conventions de l’OIT. En effet, la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 dispose en particulier que «tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi» (art. 26: Pacta sunt servanda), et que «une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité» (art. 27: Droit interne et respect des traités). En ce qui concerne les dispositions internes visant à inciter les travailleurs malades ou au chômage à reprendre le travail le plus rapidement possible, invoquées par le gouvernement pour justifier le fait qu’il ne garantisse pas les prestations minimums prescrites par le Code et la convention no 102, la commission estime que la politique visant à garder le niveau de vie élémentaire des personnes qui reçoivent des prestations et qui ne travaillent pas en dessous du seuil de pauvreté absolu a pour effet d’utiliser la sécurité sociale comme un moyen de coercition économique à l’emploi. Bien que de telles politiques fussent en effet courantes dans l’Europe du XIXe siècle, la communauté internationale estime qu’au XXIe siècle «la sécurité élémentaire de revenu devrait permettre de vivre dignement» et d’assurer «une protection visant à prévenir ou à réduire la pauvreté», comme il a été récemment déclaré dans la recommandation (nº 202) sur les socles de protection sociale, 2012. La politique visant à maintenir les taux des SSP, de l’ESA, de la JSA et des prestations de veuve, ainsi que des prestations basées sur les cotisations et des prestations basées sur le revenu en dessous du seuil de pauvreté est en contradiction directe avec les objectifs du Code visant notamment à «harmoniser les charges sociales des pays membres» et à «favoriser leur progrès social», affirmés dans son préambule. Dans des situations dans lesquelles les systèmes nationaux de prévoyance sociale sont conçus en contradiction avec les prescriptions du Code, le Comité des ministres rappelle aux Parties contractantes, comme il l’avait déjà fait dans la Résolution CM/ResCSS(2016)21 sur l’application du Code par le Royaume-Uni, que les normes européennes communes en matière de sécurité sociale ne peuvent être efficaces que dans la mesure où elles sont respectées et réalisées par chacun des Etats membres. Vu que, malgré ces rappels, le gouvernement semble rester sourd aux objectifs européens et internationaux courants de la protection sociale, le Comité des ministres doit souligner que, conformément aux articles 66, 67 et 70, paragraphe 3, du Code, le gouvernement doit assumer une responsabilité générale en ce qui concerne le service desdites prestations à un niveau qui doit être suffisant pour assurer à la famille du bénéficiaire des conditions saines et convenables, qui ne soient pas inférieures au niveau calculé conformément aux prescriptions de l’article 66. Dans le but d’appliquer ces dispositions de bonne foi, la convention/le Code exigent que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires, en menant notamment des études et des calculs actuariels concernant les modifications des prestations, les cotisations de l’assurance, ou les impôts alloués à la couverture des éventualités en question. Malheureusement, aucune mesure de ce genre n’est mentionnée dans le rapport qui se contente d’indiquer que la part des dépenses relatives aux prestations contributives dans le produit intérieur brut est restée globalement stable au cours des dernières années, passant de 4,8 pour cent en 2008-09 à 5,2 pour cent en 2016-17, et qu’elle atteindra, selon les prévisions, 4,9 pour cent en 2020-21. Compte tenu du fait que, au vu des ressources allouées, les niveaux des prestations susmentionnées ont été considérés par la résolution CM/ResCSS(2016)21 comme manifestement insuffisants au sens de l’article 66 du Code européen de sécurité sociale ainsi qu’au sens de l’article 12, paragraphe 1, de la Charte sociale européenne, la commission demande au gouvernement de mener une étude actuarielle sur le coût, en termes de part du PIB, qu’impliquerait le relèvement du niveau des prestations contributives jusqu’au niveau minimum garanti par le Code et d’évaluer la capacité de l’économie nationale à les maintenir au-dessus du seuil de pauvreté. En ce qui concerne la création de ressources supplémentaires qui peuvent être nécessaires à cet effet, la commission attire l’attention sur l’estimation 2010 de l’Institut national pour la recherche économique et sociale, mentionnée dans le rapport du gouvernement, selon laquelle si la durée moyenne de la vie active était prolongée d’une année effective, ce qui représente l’objectif du relèvement de 65 à 66 ans à l’horizon 2020 de l’âge d’admission à la pension d’Etat, le PIB pourrait augmenter d’environ 1 pour cent.
Dans ce contexte, la commission a également examiné la demande du gouvernement de prendre en considération le fait que les prestations basées sur les cotisations ne représentent qu’une partie du système global de prévoyance sociale, lequel comprend aussi une combinaison de prestations liées au revenu et de prestations d’assistance sociale, telles que les prestations de logement et les crédits d’impôt, et que le gouvernement prend des mesures supplémentaires en vue d’inciter et d’aider les gens à reprendre un travail. Celles-ci comprennent notamment l’introduction du salaire vital national qui relève le niveau minimum de rémunération horaire des travailleurs de 25 ans et plus; l’accroissement du niveau minimum non imposable par l’impôt sur le revenu, permettant ainsi aux travailleurs de mieux profiter de leurs gains; et les réformes en matière de garde d’enfants avec notamment le doublement du nombre, qui passe de 15 à 30, d’heures de garde d’enfants gratuites disponibles pour les parents d’enfants de 3 et 4 ans qui travaillent et l’introduction d’un régime d’aide financière à la garde d’enfants (tax-free childcare). La commission, qui aurait souhaité que les prestations de l’assistance sociale et les autres mesures susmentionnées soient prises en compte pour évaluer le niveau global de la protection assurée par le système national de sécurité sociale, regrette de souligner que, suite à la position fermement exprimée par le gouvernement, ces mesures «ne relèvent pas du champ d’application du Code, vu qu’elles ne constituent pas une forme de sécurité sociale». Néanmoins, la commission est prête à élargir le champ d’application des protections sociales à prendre en compte aux fins du Code et de la convention no 102, si le gouvernement voulait reconsidérer sa position.
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