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Demande directe (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Espagne (Ratification: 1932)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Espagne (Ratification: 2017)

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Demande directe
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La commission prend note du rapport du gouvernement, des observations de l’Union générale des travailleurs (UGT) et de la Confédération syndicale de commissions ouvrières (CCOO), reçues respectivement les 22 et 31 août 2016, ainsi que de la réponse du gouvernement à ses observations reçue le 26 octobre 2016.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Traite des personnes. La commission a précédemment noté les mesures de prévention, de coordination et de répression prises pour combattre la traite des personnes et a encouragé le gouvernement à poursuivre sur cette voie en renforçant le volet de la lutte contre la traite à des fins d’exploitation au travail.
Cadre législatif. La commission note que le gouvernement fournit des informations détaillées sur les modifications législatives apportées à plusieurs textes, qui visent à renforcer et à adapter le cadre législatif de lutte contre la traite des personnes. Elle relève notamment:
  • – les modifications apportées à l’article 177 bis du Code pénal incriminant la traite des personnes afin d’inclure la traite ayant pour finalité que la victime commette une infraction au profit de la personne qui l’exploite et les mariages forcés, et de définir la «situation de nécessité ou de vulnérabilité» comme la situation dans laquelle une personne n’a d’alternative, réelle ou acceptable, que de se soumettre à l’abus;
  • – le nouvel article 127 bis du Code pénal qui facilite la confiscation des biens, avoirs et gains provenant de la traite des personnes, qu’elle soit pratiquée ou non dans le cadre d’une organisation criminelle; et la création d’un bureau chargé de récupérer et gérer ces avoirs et de les utiliser pour des activités de prévention et d’assistance aux victimes;
  • – la loi no 4/2015 établissant le statut de la victime d’un délit, qui crée les bureaux d’assistance aux victimes chargés de fournir des orientations et des informations aux victimes sur leurs droits et sur la possibilité d’accéder à un système public d’indemnisation; une protection particulière est prévue pour les victimes les plus vulnérables, parmi lesquelles les victimes de la traite.
Renforcement de la lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail. La commission note que le gouvernement indique que les travaux en vue de l’élaboration du plan intégral de lutte contre la traite des êtres humains aux fins de leur exploitation au travail se poursuivent et que des réunions ont été organisées avec des représentants de différents ministères ainsi que des organisations d’employeurs et de travailleurs. Il se réfère au rôle central joué par l’inspection du travail pour détecter de possibles cas de traite à des fins d’exploitation au travail, notamment dans le cadre de visites conjointes qu’elle mène avec les forces de l’ordre. Dans ce contexte, des formations spécifiques sur la traite à des fins d’exploitation au travail sont prodiguées au personnel des services d’inspection afin qu’il soit en mesure d’identifier les éléments constitutifs de ce délit et, le cas échéant, de transmettre au ministère public un rapport circonstancié sur les faits constatés et les personnes concernées. Le gouvernement transmet également des informations sur les formations dont ont bénéficié les forces de l’ordre (Direction générale de la police et garde civile). La commission note à cet égard que l’UGT regrette l’absence d’un plan spécifique de lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, compte tenu du nombre important de victimes identifiées ou présumées et demande une politique plus ambitieuse dans ce domaine, y compris en termes de protection des victimes.
Répression de la traite. S’agissant de l’application de l’article 177 bis du Code pénal, le gouvernement mentionne plus de 30 décisions de justice prononcées entre 2011 et 2015 en application de cette disposition. Il se réfère également à 15 procédures judiciaires en instance pour traite à des fins d’exploitation au travail qui concernent 111 victimes (en grande majorité des hommes) ainsi que celles en cours en 2015 pour traite à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution forcée. Le gouvernement précise que la lutte contre la traite des personnes constitue une priorité pour la Direction générale de la police et la garde civile qui mènent constamment des opérations aux frontières, dans les moyens de transport et dans les lieux où la présence de personnes victimes d’exploitation est suspectée. Ainsi, s’agissant de la traite à des fins d’exploitation au travail, la police a mené entre 2013 et 2015 plus de 700 interventions, à la suite desquelles plus de 1 100 personnes ont été détenues et 860 victimes libérées. En outre, dans le cadre du Plan policier contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, entre janvier 2015 et mars 2016, 258 opérations de police ont été menées, aboutissant à 805 détentions pour un nombre de victimes présumées de 16 000.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations et encourage le gouvernement à continuer de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la sensibilisation et la formation du personnel de l’inspection du travail, des forces de l’ordre et de la justice aux nouveaux outils que la loi met à leur disposition pour parvenir à une meilleure identification des cas de traite des personnes tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail, et de ce fait assurer la protection des victimes et la répression des auteurs. Elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les procédures judiciaires engagées sur la base de l’article 177 bis du Code pénal, la nature des sanctions imposées, le nombre de victimes ayant bénéficié d’une période de rétablissement et le nombre de celles ayant reçu une indemnisation. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’évaluation qui aura été faite de la politique menée en matière de lutte contre la traite des personnes et sur les obstacles rencontrés en particulier concernant la traite à des fins d’exploitation au travail.
2. Exploitation des travailleurs migrants en situation de vulnérabilité relevant du travail forcé. La commission a précédemment demandé au gouvernement de continuer à prendre des mesures pour renforcer la protection des travailleurs migrants qui, sans être victimes de traite des personnes, se trouvent dans une situation de vulnérabilité aux termes de laquelle un travail forcé pourrait leur être imposé. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement sur la collaboration existant entre l’inspection du travail et les forces de l’ordre dans le cadre du Plan de lutte contre l’emploi irrégulier et la fraude à la sécurité sociale et des actions menées à cette fin. Elle note à cet égard que, si l’UGT indique que l’objectif premier du plan n’est pas la détection de cas de traite ou d’exploitation au travail, mais de déceler les fraudes à la sécurité sociale, le gouvernement considère quant à lui que ce plan constitue l’une des mesures ayant une incidence sur la lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail. C’est pour cela que, selon le gouvernement, il existe une collaboration entre les services de l’inspection du travail et les forces de sécurité qui sont les autorités compétentes pour poursuivre ces délits. L’UGT fait également état d’une lacune dans la protection des travailleurs migrants en situation irrégulière qui sont victimes de travail forcé ou d’exploitation au travail. En effet, contrairement aux victimes présumées de traite, ces derniers ne peuvent bénéficier d’une autorisation de résidence temporaire qu’à l’issue de la décision finale de justice qui reconnaît leur statut de victime, ce qui a pour conséquence que certains peuvent être expulsés avant la fin de la procédure, parce qu’ils sont en situation irrégulière. La commission prie donc le gouvernement de continuer de sensibiliser et former les autorités compétentes à l’identification de situations d’exploitation au travail qui relèveraient du travail forcé et, lorsque ces situations sont constatées, de s’assurer que les victimes présumées sont adéquatement protégées et peuvent faire valoir leurs droits. Prière de fournir des informations précises sur les violations constatées aux articles 311, paragraphe 1, et 312, paragraphe 2, du Code pénal (imposition de conditions de travail portant atteinte ou violant les droits des travailleurs en recourant à la tromperie ou en profitant de l’état de nécessité du travailleur), sur les procédures judiciaires engagées et sur les sanctions prononcées.
3. Obligation de réaliser des travaux de collaboration sociale pour les bénéficiaires de prestations de chômage. La commission note que, dans ses observations, la CCOO considère que la législation qui prévoit l’obligation pour les personnes bénéficiant de prestations de chômage d’accepter des travaux de collaboration sociale est contraire à la convention. La CCOO explique que, pour bénéficier des prestations de chômage, la personne doit avoir cotisé pendant une certaine période et, pour maintenir ce droit, le chômeur doit respecter les obligations suivantes: être à la recherche active d’un emploi; participer à des programmes d’emploi ou de formation; accepter toute offre de placement adéquat; et accepter de réaliser des travaux de collaboration sociale. L’entité gestionnaire des prestations de chômage peut donc exiger des bénéficiaires de prestations de chômage qu’ils réalisent temporairement des travaux de collaboration sociale. La CCOO précise que, pendant qu’ils exécutent ces travaux, les chômeurs ne sont pas protégés par le droit individuel et collectif du travail, notamment en termes de salaire et de sécurité sociale, et ils ne sont plus en mesure de rechercher un emploi. Enfin, le refus de réaliser ces travaux entraîne la suspension du versement des prestations de chômage pendant trois mois. La CCOO considère que le chômeur ne peut pas exprimer librement son consentement à la réalisation de ces travaux dans la mesure où un refus entraîne la perte d’une prestation économique pour lui-même et sa famille. La CCOO souligne en outre que les travaux de collaboration sociale ne peuvent pas être considérés comme un «emploi convenable ou adéquat», puisqu’ils sont à la marge du droit.
Dans sa réponse, le gouvernement indique que les travaux de collaboration sociale sont réglementés par le décret no 1809/1986 tel qu’amendé. La réalisation de ces travaux n’implique pas l’existence d’une relation de travail entre le chômeur et l’entité qui l’accueille. Elle vise à favoriser l’insertion des chômeurs à travers la réalisation d’activités d’utilité sociale en maintenant leurs aptitudes physiques et professionnelles. La réalisation de ces travaux est exigée quand il n’est pas possible d’incorporer le bénéficiaire des prestations dans le marché du travail, à travers un mécanisme qui bénéficie indirectement au travailleur en maintenant le lien avec la vie professionnelle tout en étant utile à la société. Il convient de tenir compte du fait que, en particulier pour les chômeurs de longue durée, après avoir participé à des travaux de collaboration sociale, le niveau d’employabilité du chômeur augmente. Le gouvernement précise que, si la législation n’était pas appliquée correctement, il existe des mécanismes correcteurs, tant administratifs que judiciaires, permettant de rectifier la situation.
La commission rappelle qu’elle a déjà considéré que, dans les régimes où le versement des prestations de chômage est soumis à la condition que le bénéficiaire ait travaillé ou cotisé à un régime d’assurance chômage pendant une période minimale et où la période pendant laquelle les prestations sont versées est liée à la durée de la période d’activité, le fait d’exiger en outre du bénéficiaire l’accomplissement de travaux qui ne constituent pas un emploi convenable peut avoir une incidence sur l’application de la convention (voir étude d’ensemble intitulée Eradiquer le travail forcé, 2007, paragr. 129-131 et 205). Par conséquent, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que le refus d’accepter les travaux de collaboration sociale n’entraîne pas la suspension du droit aux prestations de chômage, en particulier pour les personnes qui viennent de perdre leur emploi et doivent disposer d’une période raisonnable pour rechercher et choisir librement un emploi convenable. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement des travaux de collaboration sociale dans la pratique, y compris sur le nombre de chômeurs à qui des travaux de collaboration sociale ont été imposés, le nombre de ceux ayant refusé et les raisons invoquées pour un tel refus et le nombre de ceux ayant perdu leurs prestations de chômage pour avoir refusé de réaliser ces travaux.
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