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Demande directe (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Türkiye (Ratification: 1998)

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Article 2, paragraphe 2 a), de la convention. Service militaire obligatoire. La commission note que, dans le rapport qu’il a soumis au titre de l’application de la convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, le gouvernement indique que, au titre de l’article 10 de la loi no 1111 sur le service militaire, telle que modifiée par la loi no 3358, si le nombre de conscrits est supérieur à celui fixé par le bureau du chef de l’état-major des armées, les conscrits assignés au personnel de réserve sont considérés comme ayant effectué leur service militaire s’ils effectuent un paiement ou s’ils travaillent dans une institution ou organisation publique, après leur formation militaire de base. Le gouvernement indique également que cette disposition n’a pas été appliquée depuis 1991 en raison du manque de ressources humaines par rapport aux besoins des forces armées.
La commission rappelle au gouvernement que le service militaire obligatoire est exclu du champ d’application de la convention pour autant que les travaux réalisés dans ce cadre revêtent un caractère purement militaire, et que cette condition vise expressément à prévenir l’appel de conscrits pour des travaux publics et qu’elle a son corollaire à l’article 1  b) de la convention no 105, qui interdit l’utilisation du travail forcé obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main d’œuvre à des fins de développement économique (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 274). La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger l’article 10 de la loi no 1111 qui permet d’affecter les conscrits assignés au personnel de réserve à des travaux pour des organismes et institutions publics afin de mettre la législation nationale en conformité avec la convention et la pratique indiquée, ainsi que de fournir des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail de prisonniers pour des entités privées. La commission a précédemment noté que l’article 20 de la réglementation de 2005 sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires prévoit qu’il peut être demandé aux détenus de travailler, mais que ces derniers ne sont pas obligés de le faire. Elle a également noté que, sur la base de cette réglementation et de la réglementation de 2006 sur l’administration des établissements pénitentiaires et l’exécution des peines, les conditions de travail des prisonniers peuvent être considérées comme se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Elle a néanmoins observé que la législation en vigueur ne requérait apparemment pas le consentement formel libre et éclairé des prisonniers à travailler pour des entreprises privées. En réponse, le gouvernement a indiqué qu’il n’était pas possible d’employer des prisonniers sans leur consentement ou sans que les intéressés en aient fait eux-mêmes la demande. Il a indiqué que la circulaire no 137/3 sur le fonctionnement des centres de travail (publiée par le Conseil suprême des ateliers de travail) détermine les conditions de travail des prisonniers, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la prison, et qu’elle contient un contrat standard réglementant l’emploi d’un prisonnier.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que les prisonniers qui souhaitent travailler doivent soumettre une demande écrite indiquant leur consentement formel. De plus, le Conseil suprême des ateliers de travail dans les prisons a mis un terme au travail des prisonniers sur les lieux de travail privés à l’extérieur des ateliers pénitentiaires par sa décision no 2011/17 de 2014. Le gouvernement indique également que, en ce qui concerne le travail des prisonniers dans le cadre de la formation professionnelle et de la réadaptation assurées par des entreprises privées au sein des ateliers de travail dans les prisons, le protocole standard annexé à la circulaire no 137/3 est signé par les entreprises privées et les ateliers de travail dans les prisons. Les parties concernées n’ont aucunement le droit d’en modifier les dispositions, le département des ateliers de travail dans les prisons du ministère de la Justice étant en charge du contrôle à cet égard. La commission rappelle qu’en l’absence de contrat de travail et qu’en dehors du champ d’application de la législation du travail il semble difficile, voire impossible, de reproduire exactement les conditions d’une relation de travail libre, en particulier en milieu pénitentiaire (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 279). La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour exiger que les prisonniers donnent leur consentement formel, libre et éclairé avant de travailler dans le cadre de la formation professionnelle et de la réadaptation assurées par des entreprises privées, ce consentement devant être attesté par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Elle le prie également de fournir des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
Article 2, paragraphe 2 d). Pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre dans les cas de force majeure. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, aux termes de l’article 18 de la Constitution, l’expression «travail forcé» n’incluait pas les services exigés des citoyens lors de l’état d’urgence, qui peut être proclamé, en vertu de l’article 119 de la Constitution, dans diverses circonstances, dont celles de «crise économique grave». Elle a également noté que, en vertu de la loi no 2935 de 1983 sur l’état d’urgence, le Conseil des ministres peut déterminer, par décret, des obligations et des mesures à prendre en cas de crise économique grave, y compris dans le domaine du travail. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement indiquait que la Turquie avait connu par le passé des crises économiques sans que l’état d’urgence soit proclamé. Le gouvernement a également indiqué que les situations d’état d’urgence visées à l’article 119 de la Constitution se référaient à des situations paralysant la vie du pays et que, même dans ce cas, l’imposition du travail forcé ne se justifiait pas puisque l’article 18 de la Constitution le prohibe expressément.
La commission note que le gouvernement indique que l’article 10(1) de la loi no 2935 de 1983, qui porte sur les «mesures et obligations relatives au travail», n’implique pas le travail obligatoire. Elle note également que, en vertu de l’article 8(1) de la loi sur l’état d’urgence, en cas d’état d’urgence déclaré en raison d’une catastrophe naturelle ou d’une maladie épidémique dangereuse, tous les citoyens âgés de 18 à 60 ans qui résident dans la région où l’état d’urgence est déclaré sont obligés d’exécuter les tâches qui leurs sont imposées. La commission rappelle que l’exception des «situations d’urgence» ne s’applique que dans des situations restreintes mettant en danger ou risquant de mettre en danger la vie ou les conditions normales d’existence de l’ensemble ou d’une partie de la population, comme indiqué à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission prie donc le gouvernement de préciser ce que l’expression «mesures et obligations relatives au travail» de l’article 10(1) de la loi no 2935 de 1983 sur l’état d’urgence implique, et de continuer à fournir des informations sur l’application de la loi sur l’état d’urgence et de l’article 119 de la Constitution, dans la pratique.
Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. La commission a précédemment noté que les articles 12 et 13 de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises prévoient des «travaux obligatoires pour les villageois» et que l’inexécution de cette obligation doit être sanctionnée. Elle a noté que certains travaux énumérés à l’article 13 comme étant «obligatoires pour les villageois» (construction et réparation de routes menant du village au centre de gouvernement ou aux villages voisins, construction de ponts sur ces routes, etc.) ne semblaient pas répondre aux critères de «menus travaux» ni à ceux de «services à la collectivité» et qu’aucune disposition ne prévoyait de consultation sur ces travaux ou services. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement déclarait que l’administration d’un village avait considérablement changé depuis l’adoption de cette loi en 1924.
La commission note que le gouvernement indique que la loi no 442 est obsolète et que de nombreuses dispositions ne s’appliquent pas. De plus, les types de travaux énumérés à l’article 13 de cette loi sont désormais effectués par les administrations provinciales spéciales, qui sont les unités de l’administration locale, ainsi que par l’administration centrale. La commission rappelle que les menus travaux de village peuvent être exclus du champ d’application de la convention uniquement s’il s’agit de «menus travaux» et s’ils sont exécutés dans l’intérêt direct de la collectivité, en consultation avec celle-ci, en vertu de l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la loi de 1924 afin de la mettre en conformité avec la convention et de fournir des informations sur l’application dans la pratique de son article 13 par les administrations provinciales spéciales et l’administration centrale.
Article 25. Sanctions pénales en cas d’imposition de travail forcé ou obligatoire. La commission a précédemment demandé des informations sur l’application, dans la pratique, de l’article 117(2) du Code pénal (interdiction d’employer, sans les rémunérer, en les rémunérant insuffisamment ou en les soumettant à des conditions de travail ou de vie inhumaines, des personnes sans abri, démunies ou dépendantes). A cet égard, la commission a noté que, d’après le rapport du gouvernement, 26 affaires avaient été ouvertes, sur la base de l’article 117(2), en 2011, et 141, en 2012. Le gouvernement a indiqué que, dans les 34 verdicts rendus en 2011, aucune condamnation n’avait été prononcée, et que, dans les 45 verdicts rendus en 2012, 8 condamnations avaient été prononcées.
La commission note que le gouvernement indique que 12 condamnations ont été prononcées sur les 35 décisions de justice rendues en 2015, 9 sur 32 en 2014 et 6 sur 43 en 2013, en application de l’article 117(2). Le gouvernement indique également que 19 infractions ont été enregistrées en 2015, contre 42 en 2014 et 55 en 2013. Relevant la diminution importante du nombre d’infractions enregistrées depuis 2012, ainsi que l’augmentation du nombre de condamnations prononcées, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application, dans la pratique, de l’article 117(2) du Code pénal, y compris des informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les sanctions spécifiques appliquées en la matière.
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