ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

Convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - Türkiye (Ratification: 1952)

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

La commission prend note des observations de l’Internationale de l’éducation (IE) et du Syndicat des travailleurs de l’enseignement et de la science de Turquie (EĞİTİM SEN), et de la réponse du gouvernement à cet égard, ainsi que des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) et du rapport de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK) qui leur est joint, reçus le 1er septembre 2017, concernant les questions examinées par la commission dans sa présente observation et la réponse du gouvernement en ce qui concerne ces questions. La commission prend note également des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) transmises par l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 31 août 2017, de la réponse du gouvernement à ces observations, ainsi que des observations de la TİSK, de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) et de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye Kamu-Sen) communiquées avec le rapport du gouvernement, et de la réponse du gouvernement auxdites observations. Elle prend note enfin de la réponse détaillée du gouvernement aux observations de 2015 de la CSI alléguant des violations de la convention dans la pratique.
Champ d’application de la convention. Dans ses précédentes observations, la commission avait prié le gouvernement d’indiquer la manière dont les organisations de travailleurs représentant le personnel pénitentiaire pouvaient participer à la négociation de conventions collectives couvrant leurs membres. La commission prend note de l’indication du gouvernement, selon laquelle les membres du personnel pénitentiaire, comme tous les autres fonctionnaires, sont couverts par les conventions collectives conclues dans la fonction publique, même si, en vertu de l’article 15 de la loi sur les syndicats de fonctionnaires et les conventions collectives (loi no 46 88), ils ne jouissent pas du droit d’association. Rappelant que tous les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat doivent jouir des droits reconnus par la convention, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la révision législative de l’article 15 de la loi no 46 88, pour garantir que les membres du personnel pénitentiaire peuvent être effectivement représentés par les organisations de leur choix dans les négociations qui les concernent.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. Dans le prolongement des recommandations de juin 2013 de la Commission de la Conférence sur l’application des normes, la commission avait prié le gouvernement d’établir un système permettant de collecter des données sur la discrimination antisyndicale, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. La commission note avec intérêt l’indication du gouvernement, selon laquelle, dans le cadre du projet «Amélioration du dialogue social dans la vie professionnelle», en cours de mise en œuvre avec l’appui technique du Bureau, il est prévu de mettre en place un tel système de données et de fournir un accès à l’information en vue d’assurer une protection contre la discrimination antisyndicale. La commission accueille favorablement également la réponse du gouvernement aux allégations de discrimination antisyndicale formulées par la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), dans la nomination des directeurs d’établissement d’enseignement, selon lesquelles, après que le Conseil d’Etat a décidé de surseoir à l’exécution de certaines dispositions du règlement applicable, de nouveaux règlements ont été adoptés pour régir ces nominations. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les progrès accomplis dans la mise en place du système de collecte de données sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public, et de communiquer le texte de la décision du Conseil d’Etat, ainsi que le dernier règlement relatif à l’affectation des administrateurs des établissements d’enseignement.
Articles 1, 2 et 3. Licenciements massifs dans le secteur public en vertu des décrets sur l’état d’urgence. La commission prend note des déclarations de l’EĞİTİM SEN et de la DİSK alléguant des licenciements antisyndicaux d’un grand nombre de leurs membres et permanents syndicaux en vertu des décrets d’urgence adoptés suite à la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, respectivement dans le secteur de l’éducation et dans les municipalités. La commission note en outre que les deux organisations susmentionnées considèrent que leurs membres ont été visés par les mesures de suspension et de licenciement en raison de leur appartenance à des syndicats affiliés à leurs confédérations (KESK et DİSK), et que l’EĞİTİM SEN allègue que les administrateurs de nombreux établissements publics ont porté de fausses accusations à l’encontre de leurs membres et permanents syndicaux ayant entraîné leur licenciement et leur suspension, dans le but d’affaiblir leur syndicat au profit de syndicats dits «partisans». Ainsi, 1 959 membres de la DİSK Genel-İş auraient été démis de leurs fonctions dans les municipalités par décret ou par décision des administrateurs nommés en remplacement des maires déchus, et 1 564 membres de l’EĞİTİM SEN, dont 3 membres de son conseil d’administration et 169 membres de conseils d’administration locaux, auraient été démis de leurs fonctions depuis la proclamation de l’état d’urgence. Ces deux organisations font observer que les personnes concernées n’ont eu droit à aucune possibilité de recours contre ces décisions. La commission note également que la DİSK indique que les tribunaux administratifs et le tribunal constitutionnel se sont déclarés incompétents pour examiner les cas de licenciement décidés sur la base des décrets d’urgence, et que, bien qu’une «Commission d’examen des pratiques de l’état d’urgence» ait été établie, le groupe spécial de travail qu’elle a constitué pour connaître de ces cas, compte tenu de leur grand nombre, manque de ressources suffisantes. La commission prend note des réponses du gouvernement aux observations de la DİSK et de l’EĞİTİM SEN indiquant que, à la suite de la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, l’état d’urgence a été déclaré, conformément à la Constitution, afin d’éliminer la menace contre l’ordre démocratique, et des décrets sur l’état d’urgence ont été pris pour démettre de leurs fonctions dans les institutions d’Etat les membres des organisations liées ou affiliées à l’Organisation terroriste Fethullahiste/Structure d’Etat parallèle (FETO/PSS). Le gouvernement renvoie en particulier à l’article 4 du décret-loi no 667, qui dispose que tous les fonctionnaires considérés comme ayant une affiliation, une appartenance ou un lien avec des organisations et des groupes terroristes désignés par le Conseil national de sécurité comme participant à des activités contre la sécurité nationale doivent être démis de leurs fonctions publiques au titre de sanctions judiciaires ou disciplinaires, cette mesure de nature extraordinaire revêtant un caractère définitif visant à mettre fin à l’existence d’organisations terroristes et autres structures considérées comme agissant contre la sécurité nationale. Le gouvernement indique cependant qu’une commission chargée d’examiner les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence a été créée pour étudier et évaluer, entre autres, les réclamations des personnes licenciées ou démises de leurs fonctions ainsi que des syndicats, fédérations et confédérations dissous directement en application des décrets sur l’état d’urgence. Le mandat de la commission est de deux ans, et il peut être prolongé d’un an. La commission se compose de sept membres et est habilitée à obtenir tous les documents et informations nécessaires auprès des institutions concernées, sous réserve du respect du secret de l’enquête et des secrets d’Etat. Elle prend ses décisions à la majorité des voix. Les réclamations doivent lui être adressées dans un délai de soixante jours à partir d’une date fixée par le gouvernement en ce qui concerne les licenciements ordonnés en vertu des décrets antérieurs, et dans un délai de soixante jours à partir de la date d’entrée en vigueur des décrets de renvois adoptés ultérieurement. Des recours en annulation contre ses décisions peuvent être introduits auprès des tribunaux administratifs d’Ankara, et les décisions à leur sujet seront prises par le Conseil supérieur de la magistrature du Parquet. Le gouvernement indique en outre que les membres de l’appareil judiciaire démis de leurs fonctions par décision des hautes juridictions ont le droit de saisir le Conseil d’Etat.
La commission souhaite souligner que la protection contre la discrimination antisyndicale telle que conférée par la convention ainsi que par d’autres conventions fondamentales, ainsi que les instruments relatifs aux droits de l’homme, demeure acquise aux travailleurs en toutes circonstances politiques. Toutefois, dans des situations d’une gravité extrême, certaines garanties peuvent être temporairement suspendues à condition que toute mesure affectant l’application de la convention soit limitée dans son champ et sa durée à ce qui est strictement nécessaire pour faire face à la situation en question. A cet égard, la commission note avec une profonde préoccupation que les licenciements effectués en vertu des décrets d’urgence se sont produits sans que soit garanti aux travailleurs concernés le droit de se défendre et qu’ils équivalent de surcroît à une déchéance du droit d’accès à la fonction publique pour les syndicalistes et les dirigeants syndicaux qui en sont affectés. Tout en prenant dûment note de la gravité du contexte consécutif à la tentative de coup d’Etat, la commission considère qu’en raison de l’absence de toute garantie d’audition et de défense des personnes sanctionnées et de la déchéance du droit d’accès dans la fonction publique, les décrets susvisés ne permettent manifestement pas d’assurer que les licenciements des membres et permanents des syndicats concernés n’ont pas été décidés en raison de leur appartenance syndicale et qu’ils ne constituent pas des actes de discrimination antisyndicale au sens de la convention. La commission note que le gouvernement a créé une commission spéciale compétente pour examiner les licenciements directement fondés sur les décrets d’urgence qui devra traiter tous les cas en deux voire trois années, période pendant laquelle les syndicalistes renvoyés demeureront privés de leur emploi et du droit d’accès à la fonction publique. La commission note avec préoccupation cette situation, ainsi que les allégations selon lesquelles, profitant de l’absence de moyens procéduraux pour contester les licenciements en vertu des décrets d’urgence, certains administrateurs auraient porté de fausses accusations contre les syndicalistes afin de provoquer leur licenciement et de favoriser d’autres syndicats. La commission tient à souligner que de telles pratiques, si elles sont prouvées, constitueraient des actes d’ingérence en violation de l’article 2 de la convention et ne sauraient être justifiées par l’invocation de l’état d’urgence. Tout en prenant dûment note du fait que la Turquie se trouvait dans une situation de crise nationale grave à la suite de la tentative de coup d’Etat, la commission, compte tenu de ce qui précède, prie instamment le gouvernement de veiller à ce que la commission spéciale créée pour examiner les licenciements soit accessible à tous les syndicalistes licenciés qui demandent cet examen, et qu’elle soit dotée des capacités, des ressources et du temps nécessaires pour mener à bien le processus de réexamen dans les meilleurs délais, de manière impartiale et rapide. La commission prie en outre le gouvernement de veiller à ce que les syndicalistes licenciés ne supportent pas seuls la charge de prouver que leur licenciement était de nature antisyndicale, en exigeant des employeurs ou des autorités compétentes qu’ils prouvent que la décision de les licencier était fondée sur d’autres motifs graves. S’il est établi que le licenciement de syndicalistes a été fondé sur des motifs antisyndicaux, la commission s’attend fermement à ce que ces syndicalistes soient réintégrés à leur poste avec le paiement des salaires échus, avec maintien des droits acquis. Compte tenu du renouvellement de l’état d’urgence pour la cinquième fois le 16 octobre 2017, la commission prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que, dans ce contexte, aucun travailleur ne sera licencié en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales. Elle le prie également instamment de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et remédier à tout abus éventuel de l’état d’urgence à des fins d’ingérence dans les activités et le fonctionnement des syndicats, et de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur ce sujet.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Négociation intersectorielle. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement d’examiner l’impact de l’article 34 de la loi sur les syndicats et les conventions collectives (no 6356) qui dispose qu’une convention collective peut s’appliquer à un ou plusieurs lieux de travail de la même branche d’activité, et de considérer la modification de cet article de manière à garantir qu’il ne restreint pas la possibilité des parties de conclure des accords intersectoriels régionaux ou nationaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement, selon laquelle le système actuel de négociation collective à plusieurs niveaux qui permet la conclusion de conventions collectives aux niveaux du lieu de travail, de l’entreprise et du groupe, ainsi que d’accords cadres au niveau de la branche, est l’aboutissement d’un système de relations du travail édifié de longue date en Turquie, et il ne semble pas que les partenaires sociaux éprouvent le besoin de le modifier. La commission prend note également des observations de la TİSK à cet égard, indiquant que, au cours des phases d’élaboration et d’adoption de la loi no 6356, les partenaires sociaux sont parvenus à un consensus sur le maintien du système en place depuis près de trente ans, et que la légalité des accords intersectoriels n’est pas limitée dans la législation turque, comme le montre le fait que les principales dispositions des conventions collectives concernant les entreprises publiques ont été fixées pendant des années par un protocole cadre conclu au niveau intersectoriel. Prenant dûment note des informations fournies par le gouvernement et la TİSK, la commission prie le gouvernement d’indiquer si des négociations intersectorielles au moyen d’accords régionaux et nationaux sont possibles dans le secteur privé en vertu du cadre juridique actuel.
Conditions à remplir pour devenir agent négociateur. La commission note que l’article 41(1) de la loi no 6356 prescrit dans un premier temps la condition suivante pour devenir agent de négociation collective: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent des travailleurs engagés dans une branche d’activité donnée, plus de 50 pour cent des travailleurs employés sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs de l’entreprise couverts par la convention collective. La commission note que le Comité de la liberté syndicale lui a renvoyé les aspects législatifs du cas no 3021 (voir 382e rapport, juin 2017, paragr. 140 à 145) concernant l’impact de l’application de la loi no 6356 sur le mouvement syndical et sur l’ensemble du mécanisme national de négociation collective. La commission note que le gouvernement rappelle que le seuil de 3 pour cent a été abaissé à 1 pour cent par la loi no 6552 du 10 septembre 2014 et que l’article additionnel 1 à la loi no 6356, qui disposait que le seuil de 1 pour cent de membres devait être porté à 3 pour cent pour les syndicats qui n’appartiennent pas à des confédérations membres du Conseil économique et social, a été abrogé par le Tribunal constitutionnel. Par conséquent, le seuil de 1 pour cent est applicable à l’ensemble des syndicats. En outre, la commission accueille favorablement l’indication du gouvernement selon laquelle la loi no 6745 a reconduit les dérogations prévues par la loi no 6645 pour trois catégories de syndicats préalablement autorisés, portant dispense du seuil de la branche et que dix syndicats bénéficient de ces changements jusqu’au 6 septembre 2018. D’après les statistiques fournies dans le rapport du gouvernement, le taux de syndicalisation dans le secteur privé était de 11,96 pour cent en janvier 2016, 11,50 pour cent en juillet 2016, 12,18 pour cent en janvier 2017 et 11,95 pour cent en juillet 2017. La couverture des conventions collectives est passée de 10,81 pour cent en 2014 à 9,21 pour cent en 2015. Rappelant les préoccupations exprimées par plusieurs organisations de travailleurs au sujet du maintien du double seuil et notant que l’exemption accordée aux syndicats préalablement autorisés est provisoire, la commission prie le gouvernement de continuer à examiner l’impact du maintien du seuil de branche sur le mouvement syndical et l’ensemble du dispositif national de négociation collective, en pleine concertation avec les partenaires sociaux, et, au cas où il serait confirmé que le maintien du seuil de 1 pour cent a un impact négatif sur la couverture du dispositif national de négociation collective, de prendre les mesures nécessaires pour réviser la législation de manière à supprimer ce seuil.
Dans ses commentaires de 2013, la commission avait pris note de l’article 42(3) de la loi no 6356 qui dispose que, lorsqu’il s’avère qu’aucun syndicat ne répond aux conditions d’habilitation à la négociation collective, ce fait est notifié à toute partie ayant fait une demande d’attribution de telles compétences; et de l’article 45(1), qui dispose qu’une convention collective conclue sans un document d’autorisation est nulle et non avenue. La commission avait rappelé à cet égard que, lorsque aucun syndicat ne satisfait au seuil fixé, le droit de négocier collectivement devrait être reconnu à tous les syndicats, du moins au nom de leurs propres membres. La commission prend note de l’observation de la TÜRK-İŞ selon laquelle le seuil de représentativité de 50 pour cent est difficile à atteindre sur les lieux de travail alors que les systèmes de flexibilité au travail sont de plus en plus répandus, et que la législation les soutient. Elle prend également note de l’observation de la TÜRK-İŞ selon laquelle, dans les cas où aucun des syndicats organisant les travailleurs dans la même entreprise ne représente 40 pour cent de ceux-ci, ou bien encore dans les cas exceptionnels où deux syndicats atteignent le même seuil, aucun syndicat ne sera considéré comme compétent en qualité d’agent de négociation collective. La commission rappelle encore une fois que, en vertu d’un système de désignation d’un agent négociateur exclusif, si aucun syndicat ne représente le pourcentage requis de travailleurs pour être déclaré agent négociateur exclusif, tous les syndicats de l’unité, conjointement ou séparément, devraient pouvoir participer à la négociation collective, de moins au nom de leurs propres membres. De même, la commission considère que, lorsque plus d’un syndicat atteint le seuil de l’entreprise, ces syndicats devraient pouvoir participer à une négociation collective volontaire, du moins au nom de leurs propres membres. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation, en consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations à cet égard.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur l’utilisation des articles 46(2), 47(2), 49(1), 51(1), 60(1) et (4), 61(3) et 63(3), qui prévoient diverses situations dans lesquelles le certificat de compétence pour négocier peut être retiré par les autorités et de continuer à réexaminer leur application avec les partenaires sociaux concernés en vue de leur éventuelle modification, en favorisant la négociation collective là où les parties le souhaitent. La commission prend note des observations de la TİSK selon lesquelles, dans la pratique, ces dispositions n’ont pas d’effet négatif sur la procédure de négociation collective car les syndicats sont très prudents en ce qui concerne les règles de procédure. La commission note en outre que le gouvernement réitère dans son rapport que ces dispositions visent à garantir, accélérer et raccourcir la procédure de négociation. Prenant dûment note des informations fournies, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur le dialogue relatif à l’application de ces dispositions avec les partenaires sociaux concernés et sur leur utilisation éventuelle.
Règlement des conflits du travail. En ce qui concerne la médiation, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le pouvoir de l’autorité compétente de nommer un médiateur au cas où les parties ne parviendraient pas à s’entendre sur cette nomination vise à empêcher les parties d’interrompre la procédure de négociation collective en faisant obstruction à la nomination d’un médiateur, et qu’il n’y a aucune demande de la part des partenaires sociaux de modifier ou d’abroger le système de médiation. La commission prend dûment note de cette information.
Articles 4 et 6. Négociation collective dans le secteur public. Portée matérielle de la négociation collective. La commission prend note des observations de la Türkiye Kamu-Sen sur la négociation collective dans la fonction publique en vertu de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, de la réponse du gouvernement à ces observations ainsi que des observations de 2015 de la KESK relatives au même sujet. La commission note que la Türkiye Kamu-Sen et la KESK soulignent que l’article 28 de la loi no 4688 restreint le champ d’application des conventions collectives aux seuls «droits sociaux et financiers», excluant ainsi des questions telles que le temps de travail, les promotions et les carrières ainsi que les sanctions disciplinaires. La commission note que le gouvernement indique à cet égard que les modifications de 2012 apportées à l’article 28 l’ont été pour donner à la négociation collective un rôle nettement plus large dans la détermination des droits économiques et sociaux des fonctionnaires. Le gouvernement ajoute cependant que, lorsque les parties à la négociation conviennent de la nécessité d’un changement législatif, il est nécessaire qu’il soit opéré ainsi, car le statut des fonctionnaires est réglementé par la loi. La commission rappelle que les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat devraient jouir des garanties de la convention et, par conséquent, être en mesure de négocier collectivement leurs conditions d’emploi, et que les mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre le champ des questions négociables sont souvent incompatibles avec la convention. La commission souhaite en outre rappeler, toutefois, que la convention est compatible avec les systèmes qui exigent l’approbation parlementaire de certaines conditions de travail ou clauses financières des conventions collectives concernant le secteur public, tant que les autorités respectent l’accord conclu. Gardant à l’esprit la compatibilité avec la convention des modalités de négociation particulières dans le secteur public, telles que mentionnées ci-dessus, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour lever les restrictions concernant les questions soumises à négociation collective, de manière à ce que les questions incluses dans les conditions d’emploi ne soient pas exclues du champ de la négociation collective dans la fonction publique.
S’agissant du cadre juridique défini par la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, et de son application, la commission prend note des observations de la KESK et de la Türkiye Kamu-Sen dans lesquelles est décrit un système de négociation collective complètement centralisé. Elle note que, en application de l’article 29 de la loi no 4688, la Délégation des employeurs publics (PED) et la Délégation des syndicats de fonctionnaires (PSUD) sont les parties aux conventions collectives conclues dans la fonction publique. Les propositions pour la partie générale de la convention collective sont préparées par les membres de la Confédération de la PSUD, et les propositions pour les conventions collectives dans chaque branche de service sont faites par le représentant syndical de la branche concernée membre de la PSUD. La commission prend note de l’observation de la Türkiye Kamu-Sen à cet égard, indiquant que bon nombre des propositions des syndicats agréés de la branche sont acceptées en tant que propositions relatives à la partie générale de la convention, ce qui signifie qu’elles devraient être présentées par une confédération conformément aux dispositions de l’article 29. Selon la Türkiye Kamu-Sen, ce dispositif prive les syndicats de branche de la capacité d’exercer directement leur droit de faire des propositions.
La commission note en outre que les négociations sur les questions générales et spécifiques aux branches ont lieu simultanément et en un seul processus pendant un mois. A cet égard, elle prend note de l’observation de la Türkiye Kamu-Sen selon laquelle le fait que les questions spécifiques aux branches sont évaluées dans le cadre du même processus que les questions concernant tous les fonctionnaires, et ce durant une très courte période, met la négociation collective sous pression. Elle prend note également de l’observation de la KESK selon laquelle les conventions générales et les conventions spécifiques aux branches devraient être conclues séparément. La commission prend note de la réponse du gouvernement à l’observation de la Türkiye Kamu-Sen, selon laquelle les propositions de négociation pour les différentes branches sont discutées au sein de comités techniques créés séparément pour chaque branche, ces comités travaillant de façon indépendante les uns des autres, et la conclusion d’une convention dans une branche ne signifie pas que les autres branches soient dans l’obligation de conclure également une convention. La commission note en outre que, en vertu de l’article 29, à la fin du processus de négociation, une seule et unique convention collective comprenant une partie générale et des sections spécifiques aux branches est signée par le président de la PED (le ministre du Travail) au nom de l’administration publique. Le président de la PSUD (représentant la confédération qui compte la majorité des membres de la fonction publique, actuellement la MEMUR-SEN) signe au nom des fonctionnaires la partie générale, et les représentants syndicaux concernés signent les parties propres aux branches. En cas d’échec des négociations, les autorités qui peuvent saisir le Conseil d’arbitrage des fonctionnaires sont les mêmes que celles qui ont le droit de signer la convention collective. Les décisions du Conseil d’arbitrage sont définitives et ont le même effet et la même force obligatoire que la convention collective. La commission note que la Türkiye Kamu-Sen et la KESK s’opposent toutes deux au fait que, bien que les trois confédérations comptant le plus de membres participent à la négociation collective, seul le représentant de la confédération majoritaire a le droit de signer cette convention et de saisir le Conseil d’arbitrage. La commission note en outre l’observation de la KESK selon laquelle la majorité des membres du Conseil d’arbitrage des fonctionnaires est désignée par les employeurs et par le Conseil des ministres, ce qui suscite des doutes quant à l’indépendance de cet organe.
La commission considère que, lorsque les organes paritaires au sein desquels des conventions collectives doivent être conclues sont institués et que les conditions imposées par la loi pour la participation à ces organes sont de nature à empêcher un syndicat qui serait le plus représentatif de sa branche d’activité d’être associé aux travaux desdits organes, les principes de la convention sont compromis. A cet égard, la commission note que, même si les syndicats les plus représentatifs dans la branche sont représentés à la PSUD et prennent part à la négociation au sein de comités techniques propres à chaque branche, leur rôle dans la PSUD est restreint en ce sens qu’ils n’ont pas le droit de faire des propositions de convention collective, en particulier lorsque leurs revendications sont qualifiées de générales ou se rapportent à plus d’une branche de service. La commission prie le gouvernement de veiller à ce que la loi no 4688 et sa mise en œuvre permettent aux syndicats les plus représentatifs de chaque branche de faire des propositions de convention collective, y compris sur les questions susceptibles de concerner plus d’une branche, en ce qui concerne les fonctionnaires non commis à l’administration de l’Etat.
La commission prend note en outre de l’observation de la KESK selon laquelle, dans le secteur des services de l’administration locale, des négociations entre l’employeur direct (l’administration locale) et les syndicats représentant les fonctionnaires étaient tenues longtemps avant les modifications de 2012, et ces négociations avaient abouti à la conclusion de nombreuses conventions collectives dont bénéficiaient des dizaines de milliers de travailleurs, alors que, du fait de l’application de l’article 32 de la loi no 4688, les conventions dites «de compensation aux fins de l’équilibre social» ne sont plus considérées comme des conventions collectives. La commission prend note de l’indication du gouvernement à cet égard, selon laquelle, en vertu de la loi no 4688, la procédure de conclusion d’une convention collective pour une branche de service de l’administration locale est la même pour les autres branches, et une convention collective pour cette branche devrait être conclue entre la PED et le syndicat majoritaire dans la branche. La commission prend note en particulier de l’observation du gouvernement selon laquelle, si les accords de compensation aux fins de l’équilibre social sont considérés comme des «conventions collectives», cela signifierait que deux conventions collectives seraient conclues pour les mêmes fonctionnaires et pour la même période, ce qui est impossible. La commission note que si, dans la pratique, une négociation directe entre l’employeur et les syndicats de travailleurs existait auparavant dans la branche de l’administration locale, le gouvernement considère que la loi modifiée no 4688 exclut la poursuite de cette pratique. Rappelant que, depuis plusieurs années, elle a prié le gouvernement de veiller à ce que l’employeur direct participe à de véritables négociations avec les syndicats représentant les fonctionnaires non commis à l’administration de l’Etat, la commission prie le gouvernement d’indiquer si toutes les questions ayant déjà fait l’objet d’une négociation entre l’administration locale et les organisations représentant les travailleurs peuvent encore être réglées au moyen du système de négociation centralisée instauré par la législation modifiée, et d’indiquer si et comment les organisations représentant les employés des administrations locales sont en mesure de prendre part aux négociations dans le cadre du nouveau système.
La commission prie en outre le gouvernement de répondre aux observations de la KESK concernant l’indépendance du Conseil d’arbitrage des fonctionnaires, compte tenu du fait que la majorité de ses membres sont désignés par les employeurs et le Conseil des ministres.
La commission prie enfin le gouvernement de fournir d’urgence les informations demandées en relation aux licenciements massifs dans le secteur public examinés ci-dessus.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer