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Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 - Pérou (Ratification: 1994)

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La commission prend note de la communication, reçue en mars 2017, par laquelle la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) a transmis le rapport régional comparatif de l’Organe de coordination des organisations indigènes du bassin de l’Amazone (COICAI). La commission prend note aussi des observations de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP), reçues en novembre 2015, et des commentaires présentés à ce sujet par le gouvernement en février 2017. La commission note également que, le 4 septembre 2015, la CGTP a adressé le rapport alternatif 2015 sur l’état d’observation de la convention, rapport préparé par sept organisations indigènes nationales, qui ont été appuyées par le Groupe de travail des peuples indigènes de l’Organe de coordination nationale des droits de l’homme.

Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT)

La commission prend note du rapport du comité tripartite chargé d’examiner la réclamation présentée par la Confédération syndicale internationale (CSI), la Confédération syndicale des travailleurs et travailleuses des Amériques (CSA) et la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP) en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT. Ce rapport a été approuvé par le Conseil d’administration en juin 2016.
Article 3 de la convention. Droits de l’homme et libertés fondamentales. Dans ses commentaires précédents, se référant aux faits survenus en 2009 dans la ville de Bagua, la commission a souligné la nécessité de prendre des mesures pour éviter le recours à la force ou à la coercition en violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples indigènes. La commission note que, dans la réclamation examinée en juin 2016, le comité tripartite a examiné les informations des organisations plaignantes sur le niveau élevé de conflictualité et la criminalisation de la protestation sociale, ainsi que les informations fournies par le gouvernement au sujet de différents événements. Le comité a déploré les décès et les actes de violence mentionnés dans la réclamation et, tout en notant que des enquêtes avaient été diligentées, il a prié le gouvernement de présenter à la commission des informations détaillées sur les avancées concrètes réalisées dans chacune des enquêtes portant sur les décès et les faits évoqués par les organisations plaignantes concernant les protestations sociales indigènes entre 2011 et 2014. Le comité a également déploré profondément les assassinats de quatre dirigeants de la communauté native Alto Tamaya – Saweto, qui ont eu lieu le 1er septembre 2014, et souligné que ces actes exigeaient que les autorités prennent des mesures sévères. La commission note aussi que le rapport alternatif 2015 dénonce les campagnes qui visent à relier les revendications et les protestations à des mouvements subversifs, et souligne que des préoccupations ont été exprimées en raison du recours abusif à la force.
A l’instar du comité tripartite, la commission déplore les décès et les actes de violence mentionnés dans la réclamation. La commission rappelle que le respect des droits collectifs des peuples indigènes reconnus dans les différentes parties de la convention constitue un élément essentiel pour créer un climat de confiance entre les autorités et les peuples indigènes et garantir la cohésion et la paix sociales par l’inclusion et le dialogue. La commission prie instamment le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables d’assassinat des quatre dirigeants de la communauté native Alto Tamaya – Saweto. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les avancées concrètes des enquêtes relatives aux décès et aux autres cas de violence mentionnés dans la réclamation qui sont menées pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables. De plus, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les peuples indigènes pourront exercer pleinement, en liberté et en sécurité, les droits consacrés par la convention, et pour s’assurer qu’aucune forme de force ou de coercition n’est utilisée en violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples indigènes.
Article 6. Processus de consultation. Dans ses commentaires précédents, la commission a considéré que l’adoption de la loi no 29785 sur le droit à la consultation préalable des peuples indigènes ou originels constituait un progrès dans la mise en place de mécanismes efficaces de consultation prenant en compte la conception des gouvernements et des peuples indigènes et tribaux quant aux procédures à suivre pour donner effet à la convention. Conformément à la loi, le vice-ministère de l’interculturalité a entre autres fonctions celle de définir, articuler et coordonner la politique publique de mise en œuvre du droit de consultation préalable. En vertu de l’article 9, les entités de l’Etat doivent identifier les propositions de mesures législatives ou administratives touchant directement les droits collectifs des peuples indigènes ou originels afin que, dans le cas où leurs droits collectifs seraient affectés directement, la consultation soit effectuée. L’article 3 du règlement de la loi dispose que l’entité publique responsable de prendre des mesures législatives ou administratives qui doivent faire l’objet de consultations sera l’entité promotrice. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur les consultations effectuées par les entités promotrices, en particulier sur consultation quant aux propositions de mesures législatives et administratives susceptibles d’affecter les droits collectifs des peuples indigènes.
La commission prend dûment note des informations fournies par le gouvernement sur les ateliers de formation à l’exercice du droit à la consultation et sur les outils juridiques permettant d’en exiger la mise en œuvre, qui ont été élaborés et réalisés avec les représentants d’organisations indigènes. Ainsi, en 2014, 61 ateliers de formation se sont tenus. Y ont participé quelque 3 634 personnes (67 pour cent étaient des dirigeants, hommes ou femmes, indigènes) dans les départements de Loreto, Ucayali et Junín. Le gouvernement indique aussi que le vice-ministère de l’interculturalité a apporté une assistance technique dans ce domaine à des entités publiques au sujet du bien-fondé de la consultation préalable. En ce qui concerne les processus de consultation réalisés, le gouvernement communique des informations détaillées sur les 22 processus qui ont été menés depuis l’entrée en vigueur de la loi no 29785 et qui portaient, entre autres, sur des contrats de prospection et d’exploitation (par exemple le renouvellement de la concession pétrolière dans le lot 192), le règlement de la loi forestière et de la faune sylvestre, la politique sectorielle de la santé interculturelle ou le plan national d’éducation interculturelle bilingue. Ont participé à ces processus des représentants des sept organisations à l’échelle nationale et, dans 20 de ces processus, des accords ont été conclus entre l’Etat et les peuples indigènes concernés.
La commission prend note des difficultés évoquées dans le rapport alternatif 2015 pour faire respecter effectivement le droit à la consultation, difficultés liées à la méconnaissance des questions indigènes de la part des fonctionnaires chargés du processus, ainsi qu’aux limites des organisations indigènes elles mêmes (manque de ressources financières et logistiques, manque de connaissances techniques dans les différents sujets). Il est signalé, dans le rapport alternatif, que le déséquilibre dans la relation Etat-peuples indigènes transforme les processus de consultation en de simples formalités administratives.
La commission encourage le gouvernement à continuer de mettre tout en œuvre pour effectuer des consultations sérieuses et approfondies avec les peuples indigènes chaque fois que sont prévues des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement. Elle prie le gouvernement de continuer à communiquer des informations actualisées à ce sujet. Prière également de continuer à prendre des mesures pour renforcer la formation des peuples indigènes ainsi que des fonctionnaires responsables et des autres acteurs en ce qui concerne les objectifs, les étapes et l’importance des processus de consultation, et d’indiquer toute mesure destinée à créer les moyens appropriés par lesquels les peuples peuvent participer pleinement aux processus de consultation.
Articles 6, 7 et 15. 1. Consultation avant d’entreprendre ou d’autoriser les concessions minières. La commission a prié le gouvernement de communiquer des exemples de projets soumis au ministère de l’Energie et des Mines qui ont requis la consultation préalable et la participation des peuples intéressés aux avantages que comportent ces activités. La commission note que, dans le cadre de la réclamation examinée en 2016 par le comité tripartite, les organisations plaignantes ont considéré que des concessions minières sont octroyées sans consulter les peuples intéressés et sans évaluer le territoire pour lequel la concession est octroyée. A ce sujet, le gouvernement indique que la concession minière est un titre d’habilitation qui donne le droit exclusif de prospection et d’exploitation de ressources minières dans une zone déterminée, mais qui n’autorise pas à entamer l’activité de prospection ou d’exploitation. La concession minière n’affecte donc pas directement les droits collectifs des peuples indigènes et, par conséquent, n’exige pas la réalisation d’une consultation préalable avant l’octroi de la concession. Le gouvernement ajoute que les situations dans lesquelles il convient d’effectuer la consultation préalable sont l’octroi de la concession d’avantages, l’autorisation pour entamer des activités de prospection dans des concessions minières et l’autorisation pour entamer des activités d’exploitation dans des concessions minières de minéraux métalliques ou non. A ce sujet, la commission prend note des indications du gouvernement dans son rapport selon lesquelles, entre 2014 et 2015, ont été soumises à la Direction générale des mines 95 demandes d’autorisation pour entamer des activités de prospection, 7 demandes de concession d’avantages et 26 demandes d’autorisation pour entamer des activités d’exploitation. L’autorité administrative a observé que les communautés rurales présentes ne réunissaient pas les critères permettant de les identifier comme des peuples indigènes, raison pour laquelle il n’y a pas eu de consultation préalable. La commission considère qu’il est important d’identifier les communautés indigènes sur les terres desquelles les concessions minières sont demandées, et de les associer, au plus tôt, aux processus de prise de décisions concernant l’octroi de concessions minières. La commission prie le gouvernement d’indiquer comment les procédures établies permettent d’identifier correctement les peuples indigènes dont les intérêts pourraient être affectés par les concessions minières. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les consultations effectuées avec des représentants des peuples indigènes intéressés avant de commencer ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources minières, pour déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples seraient menacés. En outre, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur le nombre de demandes faites auprès de la Direction générale des mines en vue d’obtenir l’autorisation de commencer l’exploration et/ou l’exploitation, le nombre de cas dans lesquels des consultations ont été menées avec les représentants des peuples indigènes intéressés, ainsi que des informations sur tout litige ayant découlé de ces processus.
2. Réglementation des activités minières et hydroélectriques. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que l’Organisme d’évaluation et de contrôle environnemental (OEFA) a pour fonction de prendre des mesures correctives et préventives pour atténuer et réduire les risques environnementaux que comportent les opérations et les installations des projets d’investissement. La commission a prié le gouvernement d’indiquer comment ce nouveau régime de contrôle environnemental a contribué à protéger et à préserver l’environnement des territoires où habitent les peuples intéressés.
Dans son rapport, le gouvernement se réfère aux mesures prises pour renforcer la participation des citoyens aux actions de contrôle environnemental de l’OEFA, ainsi que la fonction de supervision et de contrôle de cet organisme. La commission note que le gouvernement ne communique pas d’informations concrètes sur les activités menées par l’OEFA. Il n’en fournit pas non plus sur les cas de pollution environnementale et d’absence de consultations préalables au sujet d’activités de prospection et d’exploitation de ressources naturelles dans les territoires indigènes mentionnés dans le rapport alternatif 2013, activités sur lesquelles la commission avait demandé des informations. La commission note à cet égard que tant le rapport alternatif 2015 que les observations de 2017 de la CGTP font état de l’adoption des Paquetazos Ambientales, qui sont un ensemble de dispositifs normatifs pour assouplir les normes environnementales de protection des droits des peuples indigènes et de l’environnement. Il est considéré, dans ces communications, que tout un ensemble de décrets et de lois ont été adoptés pour faciliter l’accès à des terres en vue de projets d’investissements publics ou privés qui sont susceptibles d’affecter les droits des peuples indigènes. La commission prie le gouvernement de transmettre ses commentaires à ce sujet et de préciser comment la coopération des peuples intéressés à l’élaboration d’études d’impact environnemental est assurée (articles 7 et 15).
3. Législation sur la consultation, la participation et la coopération. La commission a observé précédemment que les normes fiscales ou budgétaires ne font pas l’objet de consultations (art. 5 k) du règlement de la loi sur le droit à la consultation préalable). La commission a également noté que le règlement n’oblige pas non plus à soumettre à consultation ni les décisions des pouvoirs publics, à caractère extraordinaire ou provisoire, qui visent à faire face aux situations d’urgence entraînées par des catastrophes naturelles ou technologiques (art. 5 l) du règlement), ni les mesures administratives considérées comme complémentaires (douzième disposition complémentaire, provisoire et finale du règlement). Par ailleurs, la législation en vigueur a laissé en suspens la réglementation des mécanismes de participation, notamment de la participation aux bénéfices (cinquième et dixième dispositions complémentaires, provisoires et finales du règlement) qu’exige la convention. A ce sujet, la commission note que le rapport alternatif 2015 demande l’abrogation des exceptions prévues dans le règlement.
La commission prie le gouvernement, en consultation avec les peuples indigènes et les autres parties intéressées, de prendre les mesures législatives correspondantes et de réexaminer en conséquence le cadre législatif en vigueur, étant donné qu’il n’est pas donné plein effet aux dispositions relatives à la participation et à la coopération des peuples indigènes de l’article 6, paragraphe 1 b) et c), de l’article 7 et de la Partie II (Terres) de la convention.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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