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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2018, Publication : 107ème session CIT (2018)

Convention (n° 131) sur la fixation des salaires minima, 1970 - Bolivie (Etat plurinational de) (Ratification: 1977)

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Cas individuel
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 2018-BOL-C131-Fr

Un représentant gouvernemental a fait observer que l’essence de la convention est de protéger les travailleurs et que les doléances ont été exprimées par les employeurs. Ceux-ci instrumentalisent la convention en vue de remettre en question un modèle économique performant, parce qu’ils regrettent les politiques de privilège qui leur étaient favorables, et d’empêcher l’Etat de fixer des salaires dignes pour les travailleurs. Le gouvernement met en place des politiques économiques et sociales qui protègent des secteurs qui avaient toujours été exclus et mis à l’écart. Le dialogue, les consultations avec les différents secteurs et la recherche de consensus sont les méthodes employées, dans le respect de la législation nationale et du droit international. La convention a été adoptée pour compléter d’autres conventions relatives à la protection des travailleurs contre des rémunérations excessivement basses. Une politique d’augmentation progressive et systématique du salaire minimum est actuellement mise en œuvre, et les doléances des employeurs semblent viser la justice sociale. Le préambule de la convention réaffirme qu’il incombe à l’Etat de protéger les groupes de salariés, qui sont en situation défavorable face aux employeurs. La protection des travailleurs par l’Etat est un mandat constitutionnel que l’on n’abandonne pas en raison d’une interprétation erronée de la convention. L’objectif central de la convention est posé en son article premier, qui prévoit l’établissement d’un système de salaires minima protégeant tous les groupes de salariés. L’élément essentiel de la convention est la fixation du salaire minimum et non expressément le dialogue social, qui fait partie des outils permettant d’y parvenir. Il existe une convention expresse sur le dialogue social, dont l’application ne fait pas l’objet du présent examen et que le gouvernement n’a pas ratifiée. Le paragraphe 2 de l’article 4 de la convention mentionne les pleines consultations et l’établissement, l’application et la modification des méthodes de fixation et d’ajustement du salaire minimum, c’est-à-dire la façon de concevoir les règles fixant le processus de détermination du salaire minimum, et non sa détermination annuelle. Depuis 2006, la politique salariale du gouvernement vise à réduire les énormes écarts économiques et à favoriser les secteurs traditionnellement exclus, à savoir ceux qui gagnent le moins, au moyen d’une augmentation des salaires supérieure au taux de l’inflation, en préservant la durabilité des investissements publics et privés. C’est en tenant compte de ces principes que les hausses annuelles de salaires sont décidées. Dans ce cadre, le représentant gouvernemental a souligné que l’interprétation juridique de la convention doit être plus rigoureuse et ne pas perdre de vue qu’elle vise, dans l’esprit, à protéger le travailleur salarié contre le déséquilibre inhérent à sa position vis-à-vis des employeurs. La fixation des salaires minima s’inscrit dans le cadre institutionnel suivant: 1) l’article 49 de la Constitution dispose que la législation régira les relations de travail, y compris la fixation des salaires minima généraux et sectoriels, ainsi que des hausses de salaire; 2) l’article 52 de la loi générale sur le travail dispose que le gouvernement central déterminera la rémunération ou le salaire; et 3) l’article 8 du décret suprême no 28699 du 1er mai 2007 dispose que les employeurs et les travailleurs pourront librement décider des rémunérations, qui doivent être supérieures au salaire minimum national déterminé par le gouvernement. Par conséquent, le cadre institutionnel existe et se fonde sur la Constitution politique de l’Etat, norme qui a été établie à la suite de consultations avec les travailleurs et les employeurs et sur laquelle le peuple a été consulté, étant donné qu’elle est le fruit d’une Assemblée constituante et qu’elle a été adoptée par référendum.

Par le passé, en ce qui concerne les rapports entre organisations d’employeurs et organisations de travailleurs, des facteurs favorables aux employeurs ont annulé les dispositifs de négociation collective par secteur économique. Les travailleurs ont donc dû se tourner vers l’Etat pour faire valoir leurs demandes, y compris en matière de salaires. Depuis 2006, le gouvernement élabore des mesures qui permettent de relever les rémunérations beaucoup trop basses, dans le respect le plus complet de l’esprit de la convention, ainsi que des dispositifs de dialogue et de consultation avec les secteurs concernés, dans le cadre de la Constitution et de la législation en vigueur. Le gouvernement a multiplié par quatre le salaire minimum, qui était de 63 dollars des Etats-Unis (dollars E.-U.) en 2005 (l’un des plus bas de la région), et qui s’élève désormais à 295 dollars E.-U. Toutefois, malgré cette augmentation, il demeure inférieur au montant requis pour couvrir les besoins d’un travailleur et de sa famille Cette hausse a été établie en prenant en considération les critères énoncés à l’article 3 de la convention: a) les besoins des travailleurs et de leur famille, eu égard au niveau général des salaires dans le pays, au coût de la vie, aux prestations de sécurité sociale et aux niveaux de vie comparés d’autres groupes sociaux; b) les facteurs d’ordre économique, y compris les exigences du développement économique, la productivité et l’intérêt qu’il y a à atteindre et à maintenir un haut niveau d’emploi. La politique salariale établie par le gouvernement est proportionnelle à la croissance économique et à la production nationale. Grâce au modèle économique social, productif et communautaire, ces chiffres ont également quadruplé. Le produit intérieur brut (PIB) est passé de 9,568 millions de dollars en 2005 à plus de 37 milliards de dollars en 2017. Il ne s’agit donc pas de hausses arbitraires mais d’augmentations fondées sur une économie solide et prospère. De la même manière, les hausses de salaire ont été établies en tenant compte de la position des travailleurs et des employeurs, avec lesquels le gouvernement dialogue et qu’il consulte régulièrement, comme le montrent les nombreuses réunions du groupe de travail établi au plus haut niveau de l’Etat auxquelles participent des représentants de la Confédération des employeurs privés de Bolivie (CEPB). La Banque mondiale reconnaît que le pays est l’un des premiers de la région à réduire l’inégalité salariale. D’après le coefficient de Gini, l’écart entre les salaires a diminué de 0,53 pour cent à 0,44 pour cent au cours des dix dernières années. Grâce au modèle économique appliqué, l’extrême pauvreté a chuté de 38,2 pour cent à 17,9 pour cent entre 2005 et 2017. Plus de 3 millions de personnes sont sorties de la pauvreté, et la majeure partie de la population (58 pour cent) touche un revenu moyen qui lui permet de vivre bien. La politique salariale entraîne une plus grande demande intérieure, qui est très bénéfique également pour le secteur privé dont les gains ont quadruplé, passant de 8,663 milliards de bolivianos en 2006 à 27,766 milliards de bolivianos en 2017. Le modèle économique se fonde sur la nationalisation des ressources naturelles et l’industrialisation, le renforcement de la demande intérieure, la redistribution des richesses et d’importants investissements publics. Ces piliers garantissent la stabilité économique, la création d’emplois, la diminution du taux de chômage et une croissance constante de l’économie, résultats qui contribuent à faire reculer la pauvreté et les niveaux d’inégalité. Comme le montrent les chiffres, les employeurs privés bénéficient en grande partie de la stabilité économique, politique et sociale, ainsi que de la sécurité juridique accordées par le gouvernement depuis 2006, éléments qui leur permettent de réaliser des investissements et de lancer de nouveaux projets en ayant la certitude d’obtenir les meilleurs résultats possibles. Les employeurs doivent accorder sécurité et stabilité sociale aux travailleurs qui dépendent d’eux. Toutefois, certains provoquent à dessein la faillite de leur entreprise et l’abandonnent. Le représentant gouvernemental a regretté que les employeurs aient porté des accusations infondées et utilisé des arguments procéduraux pour limiter une augmentation juste et équitable du salaire minimum, conformément aux dispositions de la convention, et que ce cas ait été inclus dans la liste. On devrait au contraire encourager les gouvernements à améliorer le niveau de vie de leur population, dans le cadre de l’objectif de la convention et à la lumière des droits de l’homme.

Les membres employeurs ont fait bon accueil aux informations transmises par le gouvernement. Certes, ce cas est examiné pour la première fois par la commission, mais il a fait l’objet de commentaires de la commission d’experts, laquelle a formulé des observations à ce sujet en 2013, 2014, 2017 et 2018. La commission d’experts a déjà demandé au gouvernement de prendre d’urgence des mesures pour garantir la pleine consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, ainsi que leur participation directe à la procédure de fixation du salaire minimum. La commission d’experts avait également noté avec préoccupation que la CEPB et l’Organisation internationale des employeurs (OIE) affirment que, depuis 2006, les organisations d’employeurs sont systématiquement exclues des consultations sur la fixation des salaires minima. Cette année, la commission d’experts rappelle à nouveau que la convention exige de consulter de manière approfondie les partenaires sociaux en vue de l’établissement, de l’application et de la modification des méthodes de fixation et que la participation active des organisations de travailleurs et d’employeurs est essentielle pour permettre une prise en considération optimale de tous les facteurs pertinents dans le contexte national. Il convient de déterminer si les recommandations de la commission d’experts ont été prises en compte. Le gouvernement est très loin de respecter la convention, en ce qui concerne tant la procédure que les critères de fixation des salaires. S’agissant du premier point, l’article 4 de la convention requiert de consulter les partenaires sociaux, conformément aux normes les plus élémentaires de l’OIT, le dialogue tripartite étant un pilier essentiel de la consultation. Les caractéristiques de ce dialogue sont la bonne foi des interlocuteurs et la recherche de consensus. Quand le consensus n’est pas possible, la personne chargée de prendre une décision doit prendre en compte à cette fin les sensibilités des personnes ayant participé au dialogue. La convention indique que la consultation doit être «pleine». Par conséquent, le gouvernement doit s’efforcer davantage de faciliter le dialogue et de l’approfondir. En déclarant que la CEPB «n’a pas demandé expressément» à participer aux décisions relatives à la fixation de salaires minima, le gouvernement ne tient pas compte de l’obligation qu’il a en tant que responsable d’une pleine consultation. Les employeurs ont demandé à participer au dialogue sur le salaire minimum, comme cela ressort des rapports de la commission d’experts. Les hauts fonctionnaires du gouvernement, par exemple le ministre de l’Economie et le ministre de la Présidence, ont récemment déclaré dans les médias locaux que le secteur des employeurs ne participera pas aux prises de décisions sur les salaires minima et que, depuis 2006, le gouvernement a essentiellement pour politique de fixer les hausses de salaire seulement avec le secteur des travailleurs. Le gouvernement confirme cette politique devant la commission et prétend procéder à une nouvelle lecture de la convention, selon laquelle la consultation des partenaires sociaux sur les modifications salariales ne serait plus valide. La commission ne peut accepter qu’un gouvernement méprise le dialogue social et elle doit répondre d’une manière aussi drastique lorsque les employeurs ne sont pas consultés.

En ce qui concerne l’inobservation des éléments à prendre en compte pour déterminer le niveau des salaires minima, la commission d’experts cite une déclaration du gouvernement dans laquelle il affirme que, pour fixer le salaire minimum, on prend en considération l’inflation, la productivité, le PIB, le PIB par habitant, l’indice des prix à la consommation, la croissance économique, le taux de chômage, les fluctuations du marché et le coût de la vie. Cette affirmation n’est pas exacte. La législation bolivienne compte deux références en matière de salaire. D’un côté, le salaire minimum national, qui s’applique à tous les travailleurs, sans différenciation selon le groupe de salariés, différenciation qui serait souhaitable pour des raisons économiques et juridiques, et qui est permise par la convention. De l’autre, le «salaire de base» qui s’applique à tous les travailleurs et qui ne peut pas être inférieur au salaire minimum national. Il est fixé en fonction du contrat de travail individuel ou collectif conclu par l’employeur et le travailleur. Toutefois, des décisions ministérielles sont prises chaque année qui obligent les parties à négocier des hausses du salaire de base dans un certain délai, sous peine d’amendes et de sanctions pour l’employeur. Entre 2006 et 2018, le salaire minimum national s’est accru de 312 pour cent et le «salaire de base» de 149 pour cent, ces deux chiffres étant très supérieurs au taux d’inflation cumulée pendant cette période. Le salaire minimum national est plus élevé que le PIB par travailleur, ce qui dénote la faible productivité par travailleur. Les membres employeurs ont demandé si l’indice de productivité, la viabilité des entreprises et la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité ont été pris en compte pour fixer le salaire minimum. La politique salariale du gouvernement explique la précarisation de l’emploi, la hausse du taux de chômage et l’augmentation des indicateurs d’informalité (près de 61 pour cent des travailleurs en emploi). S’est également accrue la proportion de travailleurs qui touchent un salaire inférieur au salaire minimum national, précisément en raison de l’augmentation de l’informalité. Dans le cas du secteur public, le nombre d’emplois protégés diminue et les emplois temporaires augmentent. Les membres employeurs ont néanmoins noté que le gouvernement applique les critères de la convention dans le secteur public, dans lequel il joue le rôle de l’employeur. Pour appliquer des hausses salariales, les entreprises publiques doivent analyser le résultat net et la disponibilité financière de chaque entreprise et démontrer la viabilité financière et l’existence nécessaire d’un profit opérationnel. En conclusion, les membres employeurs affirment que le gouvernement a délibérément omis de consulter l’organisation d’employeurs et de tenir compte des critères techniques qui devraient fonder la fixation des salaires minima.

Les membres travailleurs ont indiqué que, en 2017, le décret suprême no 3161 du 1er mai 2017 a porté augmentation du salaire minimum national, compte tenu d’un ensemble de recommandations de la Centrale ouvrière bolivienne (COB) et conformément aux informations reçues, à des facteurs socio-économiques tels que l’inflation, la productivité, le PIB, le PIB par habitant, l’indice des prix à la consommation, la croissance économique, le taux de chômage, les fluctuations du marché et le coût de la vie. Aujourd’hui, le salaire minimum s’élève à 2 060 bolivianos, soit une hausse de 335 pour cent par rapport à 2006. La fixation du salaire minimum est importante à plus d’un titre. Premièrement, les salaires sont une source essentielle de revenus pour les ménages et pèsent donc fortement sur le niveau de vie de la population. Deuxièmement, ils représentent une source d’épanouissement personnel. Troisièmement, lorsque l’Etat fixe le salaire minimum, il garantit au travailleur qu’il pourra couvrir les besoins fondamentaux pour vivre. Le Préambule de la Constitution de l’OIT proclame qu’il est urgent d’améliorer les conditions de travail, dont la garantie d’un salaire assurant des conditions d’existence convenables. Le salaire minimum permet aux travailleurs et à leur famille de mener une vie digne, compte tenu de leur niveau de développement économique. S’il est vrai que les facteurs économiques peuvent conditionner les augmentations du salaire minimum, il ne faut pas oublier que le salaire minimum a un rôle essentiel pour éviter les effets des contingences économiques sur les travailleurs et les ménages les plus vulnérables et aux revenus les plus modestes. La recommandation (nº 135) sur la fixation des salaires minima, 1970, dispose que «la fixation des salaires minima devrait constituer l’un des éléments de toute politique destinée à lutter contre la pauvreté et à satisfaire les besoins de tous les travailleurs et de leur famille». Le salaire minimum a essentiellement pour objectif d’assurer aux salariés la protection sociale nécessaire en ce qui concerne les niveaux minima de salaire admissibles.

Toutefois, et comme l’a indiqué la commission d’experts dans ses observations, la convention exige de consulter pleinement les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs intéressées au sujet de l’établissement, de l’application et de la modification des méthodes permettant de fixer et d’ajuster de temps à autre les salaires minima (article 4, paragraphe 2). De plus, la participation active de ces organisations est essentielle pour permettre une prise en considération optimale de tous les facteurs pertinents dans le contexte national. En conséquence, la commission d’experts a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures, sans délai, en consultation avec les partenaires sociaux, afin d’assurer leur participation pleine et effective aux méthodes employées pour fixer et ajuster le salaire minimum. Le salaire minimum est l’une des institutions les plus importantes. Il est fixé par le gouvernement, en concertation avec les travailleurs et les employeurs. Dans un souci d’ordre public, le salaire doit couvrir les besoins essentiels que sont l’alimentation, le logement, l’éducation, la sécurité sociale, les loisirs et les congés. Il doit également servir de point de départ aux salaires de base dans les conventions collectives. La fixation des salaires minima contribue également à mettre en place une série de règles identiques pour tout le monde. Les membres travailleurs ont salué le fait que le gouvernement a souhaité instaurer des politiques salariales durables, s’inscrivant dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, lorsqu’il a fixé le salaire minimum. La hausse des salaires et l’inégalité salariale y occupent une place prépondérante. L’augmentation des salaires et les possibilités de travail décent sont essentielles à l’élimination de la pauvreté et à la réduction des inégalités dans le pays. Les membres travailleurs ont dit tenir au dialogue social et à la consultation des partenaires sociaux avant toute fixation du salaire minimum. Le dialogue social doit être institutionnalisé, c’est-à-dire qu’il doit pouvoir s’appuyer sur des structures tripartites permanentes d’examen des politiques publiques et sur un programme visant à répondre aux problèmes qui touchent la société. Toutefois, pour ce faire, chacun doit faire preuve de bonne foi, participer et assumer ses responsabilités. En définitive, l’institutionnalisation du dialogue social doit servir à: 1) donner lieu à un développement durable et inclusif afin d’améliorer la qualité de vie et les conditions sociales; 2) faire davantage bénéficier les travailleurs de la redistribution des richesses afin d’éliminer les inégalités actuelles; 3) promouvoir le travail décent et des niveaux de salaire qui permettent une vie digne, dans le respect de la liberté syndicale et d’une négociation collective renforcée; et 4) réduire l’écart entre la pauvreté extrême et la concentration des richesses, afin de permettre l’inclusion sociale. Sans salaires suffisants ni protection au travail adéquate, il ne peut y avoir de société inclusive et la paix sociale est mise en péril.

Le membre employeur de l’Etat plurinational de Bolivie a souligné que, ces dernières années, les employeurs boliviens ont présenté des doléances auprès de l’OIT pour non-respect systématique de la convention de la part du gouvernement depuis 2006, s’agissant de l’obligation de consulter pleinement les organisations d’employeurs. La politique du gouvernement en matière de salaire a eu des effets économiques négatifs sur diverses entreprises qui ne bénéficient ni d’un mécanisme efficace de contrôle de la légalité ni de la sécurité juridique nécessaire pour peser sur la conduite du gouvernement. L’examen du cas par la commission donne l’espoir que, dans une instance internationale, le gouvernement sera ramené à la raison et incité à inclure tous les acteurs à la fixation des salaires minima. La convention exige, dans ses articles 1 et 4, de prendre des dispositions pour consulter pleinement les organisations représentatives de travailleurs et également d’employeurs pour établir un système de salaires minima et, le cas échéant, les groupes de salariés auxquels s’applique ce dernier. Dans son article 3, la convention définit en outre les éléments à prendre en considération pour déterminer le niveau des salaires minima. S’agissant de la pleine consultation, en dépit des doléances et des observations que la CEPB a présentées à plusieurs reprises ces dernières années, le gouvernement n’a procédé à aucun changement. Il a maintenu sa politique consistant à faire abstraction totale de la participation et de la consultation des organisations patronales. Le gouvernement s’est contenté de tenir des réunions exclusivement avec les organisations de travailleurs sous la direction de la COB. A aucun moment le gouvernement ne s’est soucié de l’avis, et encore moins de l’approbation, de la CEPB, laquelle en a été réduite à prendre connaissance des décisions arrêtées dans la presse nationale et dans les bulletins officiels publiés périodiquement. De plus, les représentants du gouvernement, de manière répétée, déclarent publiquement leur opposition catégorique à la participation du secteur privé à tout type de discussion sur la fixation du salaire. Entre autres déclarations publiques de ministres d’Etat dans les médias sociaux, le ministre de la Présidence a indiqué que la fixation des salaires ne se fait qu’avec les travailleurs, précisant à cet égard qu’il fait partie d’un gouvernement de travailleurs et non du monde des affaires.

L’orateur a également indiqué que, depuis 2006, non seulement les entreprises ne peuvent pas participer à la fixation des salaires, mais qu’est privilégié en outre un mode inéquitable de participation. En effet, la COB est l’unique instance à laquelle il est fait appel pour valider les mesures relatives aux salaires. Définir la fixation du salaire minimum et ses augmentations uniquement avec les représentants des travailleurs trahit entièrement l’esprit du dialogue social et le principe du tripartisme que promeut l’OIT en matière de détermination des politiques du travail. L’orateur a rappelé qu’il faut également mener à bien des consultations sur les éléments à prendre en compte pour fixer le niveau du salaire minimum. Cette consultation valide le dialogue social en tant que méthode suffisante et légitime pour définir le système de fixation du salaire minimum. Le gouvernement a appliqué des hausses disproportionnées et sans lien avec la réalité économique. Entre 2006 et 2018, l’augmentation du salaire minimum national a atteint un pourcentage cumulé de 312 pour cent comme résultat global des augmentations accordées chaque année. Ces augmentations dépassent de loin le taux d’inflation annuel et ne prennent pas en compte d’autres facteurs économiques tels que les exigences du développement économique, les niveaux de productivité, la hausse du nombre d’emplois décents et de meilleure qualité, la nécessité d’atteindre et de maintenir un niveau d’emploi élevé, la garantie d’emplois décents et la viabilité des entreprises. Par ailleurs, le gouvernement, en déterminant l’augmentation des salaires, ne tient pas compte de la progression des emplois informels sur le marché du travail. L’orateur a indiqué par ailleurs que les employeurs sont tenus de négocier des conventions et de les présenter au ministère du Travail dans les délais impartis sous peine de se voir infliger des amendes ou des sanctions économiques. Certains dirigeants syndicaux profitent de cette situation pour exiger des employeurs des augmentations plus importantes en contrepartie de la signature d’accords. Enfin, l’orateur a demandé à la commission de se prononcer sur les doléances présentées, et instamment prié le gouvernement de respecter toutes les dispositions de la convention afin de garantir et d’accroître les offres de travail décent dans le pays.

Le membre travailleur de l’Etat plurinational de Bolivie a déclaré que les travailleurs s’emploient à faire appliquer la convention depuis sa ratification. Les récentes hausses de salaire s’expliquent notamment par le gel des salaires minima, qui a débuté à partir des années quatre-vingt et que l’on attribue en partie à l’adoption de mesures ayant conduit à la privatisation de diverses entreprises publiques, dont certaines entreprises de l’industrie minière et cimenteries. Ce gel des salaires a pris fin en 2005, ce qui signifie que les travailleurs ont souffert pendant de nombreuses années. Concernant l’application de la convention, l’article 10 du statut de la CEPB dispose que «[la Confédération] ne pourra pas représenter juridiquement ses organisations affiliées, que ce soit lors de la négociation ou de la résolution de conflits entre des travailleurs et des entreprises individuelles, et, partant, qu’elle n’a pas la personnalité juridique nécessaire pour être saisie de déclarations ou de notifications ni pour accepter des demandes ou des revendications de quelque secteur que ce soit qui impliquent les entités qui la composent ou qui sont adressées par l’intermédiaire de la Confédération». Par ailleurs, pendant plusieurs années, les travailleurs ont été empêchés de participer au dialogue social au même titre que le gouvernement et les employeurs. Ce n’est que récemment que des progrès ont été réalisés à cet égard, étant donné que les travailleurs peuvent désormais participer au contrôle d’entreprises publiques relevant de secteurs stratégiques. Toutefois, dans certaines entreprises privées, un nombre important de travailleurs (plus de 400) ont vu leur activité professionnelle perturbée. En effet, ils ont été contraints de prendre des congés collectifs ou ont été licenciés au motif que les entreprises étaient en déficit, qu’elles ne pouvaient pas garantir le versement du salaire minimum, ou qu’elles ne pouvaient pas accorder de hausse des salaires. Il est suggéré d’adopter une législation qui favoriserait la création d’entreprises sociales, pour donner la possibilité aux travailleurs de s’occuper de la gestion de certaines entreprises déclarées en déficit. Par exemple, dans l’industrie minière, il existe actuellement des entreprises qui sont gérées par leurs propres travailleurs et qui jouissent d’une autonomie technique, économique et financière. Dans ces entreprises, les hausses de salaire sont liées aux gains générés: en l’absence de bénéfices, il n’y a pas de hausse de salaire. Pour cette raison, les travailleurs considèrent que la stabilité du travail et la pérennité des centres de travail sont cruciales.

Le membre gouvernemental du Paraguay, s’exprimant au nom du groupe des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a remercié le gouvernement pour les informations fournies. La convention a été adoptée dans le souci de compléter la protection offerte aux salariés contre des salaires excessivement bas. L’orateur a aussi salué les mesures que le gouvernement a prises pour tenir compte des positions des partenaires sociaux lors de la fixation du salaire minimum. Conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030, une croissance économique soutenue, inclusive et durable est essentielle à la prospérité, et ne sera possible que si la richesse est partagée et si l’on s’attaque aux inégalités de revenus. C’est pourquoi le gouvernement a pour tâche essentielle de garantir la stabilité sociale des travailleurs. L’orateur a également accueilli avec satisfaction les informations selon lesquelles l’augmentation réelle du salaire minimum a permis de faire reculer les inégalités salariales. Le gouvernement est invité à poursuivre ses efforts en vue de renforcer ses mécanismes de consultation des partenaires sociaux.

Le membre employeur de l’Uruguay a fait observer que le gouvernement ne se conforme pas de manière claire et systématique à la convention. Le gouvernement établit des salaires minima après négociation avec les travailleurs, sans consulter les organisations d’employeurs les plus représentatives. Au-delà de toute divergence de vues quant aux hausses de salaires minima et aux méthodologies utilisées pour les établir, l’OIT doit rester vigilante dans les cas où les partenaires sociaux ne peuvent pas exprimer leur opinion. Il s’agit là d’une situation grave dans laquelle le BIT peut déployer toutes ses possibilités d’assistance par l’intermédiaire des bureaux régionaux afin de parvenir à un équilibre raisonnable dans les relations de travail. Les politiques qui ne respectent pas les principes fondamentaux au travail donnent lieu à des abus que l’on ne peut tolérer, quel que soit le secteur. Le BIT dispose de tous les outils nécessaires pour collaborer avec le gouvernement au renforcement d’un système de relations de travail plus harmonieux, dans lequel le secteur privé peut être entendu. Il est essentiel d’éviter la violation des principes fondamentaux régissant le monde du travail.

Le membre travailleur de l’Uruguay a rappelé que la naissance de l’OIT est venue de l’idée selon laquelle, dans une telle institution, l’égalité de tous peut devenir une réalité. Dans ce contexte, le salaire minimum garantit que les plus faibles perçoivent un salaire qui ne peut être inférieur à un salaire de base. Au nom du mouvement syndical de son pays, l’orateur a offert coopération et assistance au gouvernement et au mouvement syndical bolivien.

Le membre gouvernemental de la République bolivarienne du Venezuela a souscrit à la déclaration faite au nom du GRULAC. L’objectif du gouvernement est de protéger les travailleurs contre des rémunérations excessivement basses afin d’éliminer la pauvreté et pour qu’ils puissent subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, tout en tenant compte des facteurs économiques. Conformément à la convention, la fixation des salaires minima doit se faire en consultation avec les partenaires sociaux. Bien que non contraignantes, ces consultations contribuent à la paix sociale et aident le gouvernement à prendre la décision qui convient, comme indiqué dans les commentaires de la commission d’experts. Pour fixer le salaire minimum et ses hausses, le gouvernement tient compte de facteurs socio-économiques tels que l’inflation, la productivité, le PIB, la croissance économique, les fluctuations du marché et le coût de la vie. L’orateur a invité le gouvernement à renforcer ses mécanismes de consultation avec les partenaires sociaux, ce qui contribuera à maintenir la paix sociale, assortie de hausses de salaire qui profiteront aux travailleurs et au monde du travail.

Le membre travailleur d’El Salvador a indiqué que, dans tous les pays du monde, les lois imposent aux gouvernants d’adopter des politiques salariales qui tiennent compte des besoins de la population et des facteurs d’ordre macroéconomique. Il convient donc, pour ce faire, de trouver l’équilibre entre les revendications salariales des travailleurs et leur famille et l’avis de certains employeurs qui rejettent les augmentations du salaire minimum au motif que les entreprises ne peuvent pas les supporter. L’expression «salaire minimum» couvre le minimum nécessaire pour manger, s’habiller et ne plus être ni pauvre ni marginalisé. L’orateur a demandé comment une société dans laquelle le travailleur est condamné à se contenter du minimum que le système lui accorde peut être qualifiée de décente. Des syndicats doivent être constitués afin que les employeurs et les gouvernements puissent répondre aux revendications salariales en tenant compte du coût de la vie. La décision du gouvernement d’augmenter le salaire minimum a reposé sur les éléments techniques que reflètent l’économie, la croissance économique, les propositions des syndicats et, donc, la dynamique du dialogue social. L’examen du tableau des salaires minima en Amérique latine montre que plusieurs pays dont l’économie est moins prospère que celle de la Bolivie offrent de meilleures conditions salariales, par exemple le Guatemala, le Honduras, El Salvador, le Costa Rica et le Panama, dont l’action des gouvernements doit être saluée et reconnue. L’économie de l’Etat plurinational de Bolivie fait peut-être preuve d’un dynamisme positif pour ce qui concerne la consommation et la demande de produits et de services. Cependant, beaucoup reste encore à faire pour ce qui est des salaires et du travail décents.

La représentante gouvernementale de l’Egypte a remercié le gouvernement pour les informations qu’il a fournies sur les mesures prises pour donner effet à la convention. Elle a salué les efforts déployés par le gouvernement pour augmenter les salaires, combler les retards économiques, réduire les inégalités économiques, garantir la viabilité des investissements, stimuler les investissements dans le secteur public et augmenter les ressources de manière équitable. Le gouvernement est invité à ne ménager aucun effort et à dialoguer avec les partenaires sociaux.

La membre gouvernementale de l’Equateur s’est associée à la déclaration du GRULAC et a remercié le gouvernement pour les informations qu’il a fournies. La matérialisation d’une croissance économique soutenue, inclusive et durable, du plein emploi productif et d’un travail décent pour tous suppose une forte volonté et la participation des différents acteurs sociaux et du gouvernement. Un dialogue social tripartite constructif permet de parvenir à des consensus fondés sur le respect de l’être humain. L’oratrice a souligné les efforts que le gouvernement a réalisés en vue de parvenir à une convergence de vues avec les partenaires sociaux au sujet de la définition du salaire minimum. De même, elle a accueilli avec grande satisfaction les progrès réalisés en matière de réduction des inégalités salariales grâce à l’augmentation réelle du salaire minimum. Enfin, le gouvernement est invité à poursuivre ses efforts en vue de renforcer ses mécanismes de consultation des partenaires sociaux.

Le représentant gouvernemental de l’Inde a remercié le gouvernement pour son engagement en faveur de ses obligations internationales, ainsi que pour les informations qu’il a fournies sur les mesures positives prises pour réduire les écarts de salaire et les niveaux de pauvreté, ainsi que pour élever le niveau de vie. La participation des partenaires sociaux concernés, en particulier de ceux qui représentent les plus vulnérables, contribue à la réalisation de l’objectif de la convention.

La membre gouvernementale de Cuba, souscrivant à la déclaration faite au nom du GRULAC, a estimé que la Commission de la Conférence doit tenir compte, lors de l’analyse du présent cas, des informations fournies par le gouvernement au sujet de l’application de la convention. Au cours des dernières années, le gouvernement a augmenté le salaire minimum de manière proportionnelle à la croissance de l’économie et à la production du pays, dans le cadre d’un processus qui tient compte de la position des partenaires sociaux et qui respecte le cadre institutionnel établi par la loi. L’oratrice a également fait l’éloge du gouvernement qui est l’un des premiers de la région à être parvenu à réduire les inégalités salariales et d’autre nature, favorisant ainsi la réalisation de la justice sociale. Le gouvernement respecte non seulement les éléments de procédure, mais également les objectifs de la convention que sont l’amélioration du niveau de vie des travailleurs et de la population.

Le membre employeur du Honduras a fait observer que le gouvernement a fixé des hausses du salaire minimum sans dialogue social ni consultation des employeurs. En l’absence de réponse à la demande de la CEPB de participer à la consultation, les ministres d’Etat affirment que, en tant que représentants d’un gouvernement de travailleurs, ils ne doivent travailler qu’avec ceux-ci. Le secteur privé ignore si les critères énoncés à l’article 3 de la convention sont pris en compte dans les négociations du gouvernement avec la COB, à savoir les facteurs économiques de productivité, aux fins de détermination de la hausse des salaires. L’orateur souligne également que non seulement le secteur privé se voit imposer les hausses de salaire, mais il est également tenu de signer des conventions salariales dans des délais précis avec les syndicats, sous peine d’amendes et de sanctions. L’exclusion de la participation des employeurs à la fixation des salaires minima contrevient aux dispositions de la convention et aux principes du dialogue social et du tripartisme, qui sont la pierre angulaire de l’OIT. La commission devra instamment prier le gouvernement de respecter la convention et de permettre aux employeurs de participer à la consultation.

Le membre gouvernemental de l’Uruguay a relevé avec un intérêt particulier les spécificités propres à l’application de la convention dans la région, dans laquelle il estime que, souvent, les organisations syndicales ne disposent ni de la formation ni des capacités ou du niveau nécessaires pour élaborer des méthodes de fixation de salaires minima. Ainsi, il attire l’attention sur les bonnes pratiques récentes de son pays en matière de dialogue social, de tripartisme, de consultation et de négociation collective. Le gouvernement de l’Uruguay est disposé à établir un plan de coopération avec le gouvernement bolivien pour renforcer et développer les méthodes existantes dans le pays. L’orateur a invité le gouvernement à poursuivre l’action qu’il mène pour renforcer le dialogue social et le tripartisme.

Le membre gouvernemental de l’Algérie a exprimé son soutien au gouvernement qui confirme son engagement pour la mise en œuvre de la convention par l’adoption de mesures visant à: 1) valoriser les salaires minima et réduire les inégalités de salaires pour répondre aux besoins des travailleurs et de leurs familles; 2) fixer des salaires minima en consultation avec les représentants des employeurs et des travailleurs; 3) encourager le dialogue et les consultations, ainsi que le contrôle du respect des taux de salaires minima fixés. Le gouvernement est engagé dans un processus de réformes économiques et aborde un certain nombre de priorités en matière de justice sociale et de droits fondamentaux. La fixation des salaires proportionnelle à la croissance économique et à la production est conforme aux dispositions de la convention. Les mesures prises par le gouvernement ont pour objectif la cohésion sociale, la réduction du chômage et la croissance inclusive. La commission est invitée à prendre en considération les réponses détaillées du gouvernement.

Un observateur, représentant l’Organisation internationale des employeurs (OIE), a souligné l’importance du cas à l’examen. Le gouvernement montre peu de respect à l’égard du secteur privé et des créateurs d’emplois décents. Il ne s’agit pas seulement d’une violation de l’obligation de consultation aux fins de fixation du salaire minimum, conformément à la convention, ou de l’obligation découlant d’une disposition technique d’une convention. Il s’agit d’un manquement grave de respect des principes fondamentaux qui ont inspiré la création de l’OIT. Les propos tenus en public par de hauts responsables dénote un mépris inacceptable envers les organisations d’employeurs. Cette attitude préoccupante s’inscrit dangereusement dans la dynamique de harcèlement à l’encontre du secteur privé et porte atteinte à la liberté d’entreprise et à l’emploi décent. L’orateur a demandé que ces éléments soient pris en compte lors de la rédaction des conclusions portant sur ce cas.

Le membre gouvernemental du Bangladesh a remercié le gouvernement pour les informations fournies et salué les mesures que celui-ci a prises pour protéger et défendre les droits des travailleurs, notamment l’augmentation des salaires minima depuis 2005. Le gouvernement prend en considération le contexte socio-économique ainsi que la position des partenaires sociaux. Etant donné que le gouvernement respecte l’objectif et les procédures fixés par la convention, il convient de clore le cas.

Le membre gouvernemental de l’Iraq a rappelé que la convention dispose que les salaires minima doivent être fixés en consultation avec les partenaires sociaux. Si une telle disposition peut être difficile à appliquer dans la pratique, en l’espèce, le gouvernement semble avoir tenu compte des réserves exprimées par les employeurs.

Le membre employeur du Mexique s’est dit préoccupé par la déclaration du gouvernement dans laquelle celui-ci reconnaît la violation de la convention, qu’il a ratifiée et dont les dispositions sont contraignantes, et indique qu’il n’a pas consulté pleinement les organisations les plus représentatives et qu’il n’a pas l’intention de le faire dans un proche avenir. Pour justifier sa conduite, le gouvernement fait valoir que la loi l’autorise à déterminer unilatéralement le niveau des salaires minima. Il est alarmant de constater que cela est non seulement contraire à l’obligation découlant de la convention, mais aussi aux principes fondamentaux de l’OIT, dont le dialogue social et la consultation pleine et entière, qui constituent la base des relations entre employeurs, travailleurs et gouvernements, dans le domaine des relations de travail. Par ailleurs, il est rassurant d’entendre les membres travailleurs confirmer l’importance de l’institutionnalisation de la consultation à laquelle se réfère la convention. De même, le dialogue social est un aspect essentiel des relations de travail, étant donné qu’il permet d’élaborer des accords et d’éviter la polarisation des secteurs. L’importance du dialogue social est reconnue dans la Déclaration de l’OIT de 2008 sur la justice sociale pour une mondialisation équitable, qui en fait l’un des quatre objectifs stratégiques. Nul gouvernement ne peut être autorisé à s’abstenir consciemment et délibérément de consulter les organisations qu’il a l’obligation de consulter, simplement parce qu’il agit dans l’intérêt de l’une des parties à la relation de travail. En conséquence, il faut défendre une question d’ordre et de légalité puisque l’on ne peut négocier les principes.

Le représentant gouvernemental a redit que l’essence de la convention vise à instaurer des conditions d’égalité et à éliminer la pauvreté et que le gouvernement tient compte de ces éléments fondamentaux. Les doléances exprimées sont infondées étant donné que le gouvernement consulte en permanence l’ensemble des acteurs économiques en vue d’élaborer des politiques économiques, y compris en matière de salaire, consultations qui permettent aux employeurs privés de bénéficier d’espaces de dialogue au plus haut niveau, parfois en présence du Président. La fixation du salaire minimum sert de mécanisme de redistribution des richesses qui oblige les employeurs à partager les gains. Pour la première fois dans l’histoire, leurs gains ont quadruplé. La politique salariale a permis de sortir des millions de Boliviens de l’extrême pauvreté. Le gouvernement conservera les mécanismes de fixation du salaire minimum prévus par la loi. Le représentant gouvernemental a estimé qu’il est erroné et infondé de dénoncer une politique de destruction du secteur privé alors qu’il existe des mécanismes permanents de consultation au plus haut niveau avec les employeurs privés. Les employeurs sont systématiquement consultés sur différents aspects économiques nationaux. De plus, des accords ont été signés avec le gouvernement afin de préserver la stabilité économique, d’augmenter la production et de maintenir l’emploi. En ce qui concerne la négociation salariale, l’orateur a mentionné les informations communiquées à la commission d’experts. Tant les employeurs privés que les travailleurs font connaître leurs propositions en matière de salaire minimum. Par exemple, en 2017, la CEPB, en concertation avec les ministres de l’Economie et de la Planification, a proposé le gel du salaire minimum et l’augmentation du salaire de base de 3 pour cent. La COB a, quant à elle, proposé une augmentation de 10 pour cent du salaire de base et de 15 pour cent du salaire minimum national. Compte tenu des positions des deux partenaires, ainsi que de paramètres techniques et économiques, le gouvernement a décidé une augmentation de 3 pour cent du salaire minimum national et une augmentation de 5,5 pour cent du salaire de base. Le représentant gouvernemental a déclaré que la hausse des salaires ne mettait pas en péril les entreprises privées. Le gouvernement veille à la stabilité économique et juridique, comme le montre l’augmentation du nombre d’entreprises privées, passées d’environ 65 000 en 2005 à 295 000 en 2017, avec une augmentation de 4 pour cent entre 2016 et 2017. Le nombre de salariés a plus que triplé. On compte plus de 1,8 million de salariés à l’heure actuelle, contre guère plus de 500 000 en 2005. L’amélioration de la sécurité sociale et l’augmentation d’emplois décents, reconnus par le secteur privé, sont également le reflet de cette situation. La Déclaration de Philadelphie de l’OIT établit le principe fondamental selon lequel la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous. D’où l’obligation de favoriser l’élévation du niveau de vie. Tout en respectant et en attachant de l’importance à la contribution du secteur privé à l’économie, le gouvernement continuera d’appliquer avec fermeté sa décision de réduire la pauvreté et de parvenir à l’égalité économique, politique et sociale pour la majorité des Boliviens. L’orateur a réitéré le manque de fondement de la plainte et redit qu’elle ne visait qu’à remettre en question la politique de justice sociale et de redistribution des richesses à laquelle le gouvernement n’entend pas renoncer.

Les membres travailleurs ont remercié le gouvernement pour les informations fournies et réaffirmé que le dialogue social est le meilleur moyen d’assurer un développement équitable. Il permet aux gouvernements et aux partenaires sociaux d’élaborer une stratégie commune destinée à promouvoir le travail décent et, de ce fait, l’inclusion et la justice sociale. Le dialogue social revêt une importance déterminante dans la formulation de politiques visant à répondre aux besoins nationaux. Comme l’a mentionné la commission d’experts dans ses précédentes observations, le système de salaires minima prévu dans la convention est censé être une mesure de protection sociale pour sortir de la pauvreté, en garantissant des niveaux de revenus dignes, en particulier pour les travailleurs non qualifiés et peu rémunérés. Il vise à protéger les travailleurs contre des salaires excessivement bas. Comme dit au sein de la commission, une rémunération salariale minimum contribue à garantir que tous les travailleurs bénéficient d’une répartition juste des fruits du progrès et qu’un salaire minimum vital est versé à tous ceux qui occupent un emploi et ont besoin de ce type de protection. La recommandation no 135, qui mentionne spécialement les pays en voie de développement, indique dans son préambule l’intérêt que présente l’adoption de critères permettant aux systèmes de salaires minima d’être un instrument efficace de protection sociale aux fins de promotion de politiques de développement économique et social. Les salaires minima doivent également faire partie intégrante des politiques destinées à sortir de la pauvreté et à réduire les inégalités, y compris les écarts salariaux entre hommes et femmes. C’est pourquoi les membres travailleurs sont favorables aux politiques salariales appliquées par le gouvernement qui visent à préserver la valeur réelle de la rémunération des travailleurs qui ont les revenus les plus bas, à assurer une redistribution juste, à réduire les inégalités excessives de salaires et de revenus, et à renforcer la consommation en tant que pilier fondamental d’une économie durable. Dans le processus de fixation du salaire minimum, remis en cause par les employeurs boliviens, il a été tenu compte de facteurs économiques concernant ce secteur, tels que la productivité, le PIB, la croissance économique et les fluctuations du marché. Toutefois, il appartient au gouvernement d’appliquer la convention. Il est donc demandé au gouvernement de donner pleinement effet à la convention, en utilisant des méthodes quantitatives objectives de fixation du salaire minimum qui garantissent la participation active des organisations les plus représentatives d’employeurs et de travailleurs. L’exigence de mettre en pratique des procédures qui garantissent la consultation effective des représentants des employeurs et des travailleurs fait partie intégrante de l’ensemble du système normatif de l’OIT, dont l’élément central est la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, que l’Etat bolivien a également ratifiée. Pour conclure, les membres travailleurs ont instamment prié le gouvernement de garantir la participation pleine et effective des partenaires sociaux au processus de fixation et d’ajustement du salaire minimum.

Les membres employeurs ont accueilli avec satisfaction les interventions des membres de la commission et souligné la convergence de vues exprimées par le groupe des travailleurs, le groupe des employeurs et de nombreux gouvernements à propos de l’importance du dialogue social et de la consultation des partenaires sociaux en matière de salaires minima. Tous s’entendent sur le fait que la bonne foi de toutes les parties doit prévaloir dans un tel dialogue. L’amélioration des revenus et du niveau de vie des travailleurs est non seulement une préoccupation que partagent travailleurs et employeurs, mais également un élément stratégique en vue d’éliminer la pauvreté. Cet objectif commun ne peut être atteint sans tenir compte des nécessités des uns et des possibilités des autres et, bien entendu, des circonstances économiques du pays. Ignorer les points de vue des deux parties constitue une perte nette pour la société dans son ensemble, et ne tenir compte que d’une seule position constitue une discrimination grave et relève d’une attitude partiale inacceptable. L’intention d’améliorer les revenus des travailleurs est vaine si elle fait grossir le secteur informel. En effet, on aurait amélioré le revenu d’un petit nombre de personnes et poussé un nombre bien plus élevé d’individus vers le secteur informel, leur faisant perdre ainsi leurs revenus et leurs garanties sociales et du travail. Par ailleurs, pour répondre à l’intervention du membre travailleur de l’Etat plurinational de Bolivie relative à l’interdiction figurant dans les statuts de la CEPB, il convient de préciser que cette interdiction concerne l’intervention de la CEPB en cas de conflits individuels du travail impliquant un de ses membres. De plus, les membres employeurs ont souligné que le cas à l’examen préoccupe également les travailleurs et les gouvernements qui défendent la mise en place de méthodes démocratiques pour décider de la destinée de leur nation. Il remet en cause le dialogue social, qui est l’un des principes fondamentaux de l’OIT. A l’heure actuelle, les employeurs boliviens sont réduits au silence par le gouvernement qui a indiqué son intention de ne pas respecter la convention qu’il a ratifiée. A l’avenir, les travailleurs ou les employeurs de n’importe quel autre pays pourraient connaître le même sort. La commission ne devrait pas laisser passer une telle situation, car cela pourrait affaiblir la crédibilité du mécanisme de contrôle de l’OIT. Les membres employeurs ont redit leur préoccupation face à la déclaration du gouvernement qui n’a laissé aucun doute quant au fait qu’il maintiendrait sa position, en violation de la convention. Il est indispensable que le gouvernement, animé d’une volonté légitime de consulter pleinement les partenaires sociaux, revoie les méthodes de fixation des salaires. Pour les raisons exprimées ci-dessus, les membres employeurs ont demandé que les conclusions concernant le cas à l’examen reflètent la gravité de la situation. La commission est invitée à prier instamment le gouvernement: 1) de consulter pleinement les partenaires sociaux au moment de fixer les salaires minima et d’informer la commission d’experts de la tenue de ces consultations, avant sa session de 2018; et 2) d’accepter une mission de contacts directs, ainsi que l’assistance technique du BIT. Enfin, insistant sur la gravité du cas, les membres employeurs ont demandé que les conclusions figurent dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.

La commission a noté avec préoccupation la situation de dysfonctionnement du dialogue social et l’actuelle absence de conformité avec les dispositions de la convention.

La commission a rappelé l’importance de la pleine consultation des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs intéressées, ainsi que les éléments à prendre en considération pour déterminer le niveau des salaires minima tels qu’énoncés à l’article 3 de la convention.

Prenant en considération les informations fournies par le gouvernement et la discussion qui a suivi, la commission a instamment prié le gouvernement de prendre sans délai les mesures suivantes:

  • consulter pleinement et de bonne foi les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives au sujet de la fixation des salaires minima;
  • prendre en considération, pour déterminer le niveau du salaire minimum, les besoins des travailleurs et de leurs familles et les facteurs d’ordre économique, conformément à l’article 3 de la convention;
  • se prévaloir de l’assistance technique du BIT pour garantir sans tarder le respect de la convention, en droit et dans la pratique;
  • accepter une mission de contacts directs de l’OIT.
  • La commission a recommandé au gouvernement d’adresser à la commission d’experts des informations détaillées sur l’avancée de la mise en œuvre de ces recommandations, avant le 1er septembre 2018.

    Le représentant gouvernemental a remercié la commission pour son travail. Il a pris note des conclusions avec préoccupation parce qu’elles sont sans commune mesure avec les autres et qu’elles ne reflètent pas la discussion. Elles n’indiquent pas quelles dispositions de la convention ne sont pas respectées. Elles affirment le dysfonctionnement du dialogue social sans donner plus de précisions. Par ailleurs, l’article 3 de la convention est mis en œuvre par le truchement du mécanisme institutionnel de fixation des salaires qui découle non seulement de la loi et d’accords, mais également de la Constitution politique de l’Etat, norme qui est le fruit du travail d’une Assemblée constituante et qui a été approuvée par référendum. Ces informations, données par le gouvernement, n’ont pas non plus été prises en compte. La commission doit adopter des conclusions techniques et tenir compte des arguments présentés par le gouvernement. Il est regrettable qu’une convention qui vise à protéger les droits des travailleurs ait été instrumentalisée. Preuve en est le fait que les conclusions ne renvoient pas aux chiffres présentés par le gouvernement. L’orateur a indiqué que le gouvernement va procéder à l’analyse des conclusions et étudier comment les mettre en œuvre.

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