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Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Fédération de Russie (Ratification: 1961)

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La commission prend note des observations de la Confédération du travail de Russie (KTR), reçues le 31 octobre 2017.
Article 1 de la convention. Définition de la discrimination. Législation. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que la loi fédérale no 162-FZ modifiait l’article 3 du Code du travail (interdiction de la discrimination fondée sur les motifs énumérés) en supprimant l’adjectif «politiques» après le mot «convictions» (croyances) et en ajoutant «appartenance à d’autres groupes sociaux» en tant que motif interdit de discrimination et demandé au gouvernement de préciser si le terme général «convictions» (croyances) visait également l’«opinion politique» visée à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention. La commission note que le rapport du gouvernement est silencieux sur ce point. En outre, elle note que l’article 3 du Code du travail interdit uniquement la discrimination directe tandis que les articles 64 et 132 interdisent la discrimination directe et indirecte en ce qui concerne la conclusion du contrat de travail et la fixation des salaires respectivement. A cet égard, la commission rappelle que la notion de discrimination indirecte est indispensable pour repérer les situations dans lesquelles certains traitements sont appliqués de la même façon à tous mais aboutissent à une discrimination envers un groupe particulier protégé par la convention. Cette forme de discrimination étant plus subtile et moins visible, il est d’autant plus impératif de disposer d’un cadre précis pour y remédier et de prendre des mesures volontaristes pour l’éliminer. La commission souligne qu’il est clair que l’intention de discriminer n’est pas une composante de la définition de la convention, qui couvre toutes les discriminations, quelle que soit l’intention de l’auteur d’un acte discriminatoire (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 744-747). Notant que, en l’absence d’informations sur l’impact des modifications de l’article 3 du Code du travail, la question de savoir si le terme «convictions» vise l’«opinion politique» n’est toujours pas claire, la commission prie à nouveau le gouvernement de préciser si le terme général «convictions» (croyances) vise également l’«opinion politique» mentionnée à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention. En outre, elle demande au gouvernement de fournir des informations spécifiques sur toutes mesures prises ou envisagées pour assurer une protection contre la discrimination directe et la discrimination indirecte. Dans l’éventualité où il ne pourrait communiquer des décisions administratives ou judiciaires pertinentes, elle lui demande d’envisager d’amender la législation afin que celle-ci prévoie une interdiction explicite de la discrimination indirecte et comprenne des dispositions en vue de l’éliminer. La commission prie le gouvernement de nouveau de communiquer des informations sur l’accès à des voies de recours efficaces et de renforcer ou établir des mécanismes de promotion, d’examen et de suivi de l’égalité de chances et de traitement dans l’emploi et la profession pour tous les groupes protégés par la convention.
Article 1, paragraphe 1 a). Discrimination fondée sur le sexe. Harcèlement sexuel. La commission rappelle ses précédents commentaires, dans lesquels elle notait que l’article 133 du Code pénal qui porte sur «le fait de contraindre une personne à procéder à des actes de nature sexuelle» ne couvre pas la totalité des comportements qui constituent des actes de harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession, en particulier la création d’un environnement de travail hostile. Notant que, une fois de plus, le rapport du gouvernement reste silencieux sur ce point, la commission rappelle que le droit pénal n’est pas suffisant pour résoudre efficacement la question du harcèlement sexuel dans l’emploi et dans la profession. Comme la commission le souligne au paragraphe 792 de son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, les poursuites pénales ne suffisent normalement pas pour éliminer le harcèlement sexuel en raison du caractère sensible de cette question, de la charge de la preuve qui est difficile à apporter, notamment s’il n’y a pas de témoins, et du fait que le droit pénal met généralement l’accent sur l’agression sexuelle ou les «actes immoraux» et non sur l’ensemble des comportements constituant le harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession. La commission considère également que la législation qui n’offre aux victimes de harcèlement sexuel comme seule possibilité d’obtenir réparation que la possibilité de démissionner, tout en gardant le droit à une compensation, ne leur accorde pas une protection suffisante, puisque, dans les faits, elle sanctionne les victimes et pourrait les dissuader de chercher à obtenir réparation. La commission rappelle en outre son observation générale de 2002 dans laquelle elle souligne l’importance de prendre des mesures efficaces pour prévenir et empêcher à la fois le harcèlement qui s’apparente à un chantage (quid pro quo), tout comportement à connotation sexuelle s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement ou tout autre comportement fondé sur le sexe, ayant pour effet de porter atteinte à la dignité de femmes et d’hommes, qui n’est pas bienvenu, est déraisonnable et offense la personne; le rejet d’une telle conduite par une personne, ou sa soumission à cette conduite, qui est utilisé de manière explicite ou implicite comme base d’une décision qui affecte son travail; et le harcèlement sexuel dû à un environnement de travail hostile (conduite qui a pour effet de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour une personne). Par conséquent, rappelant que le harcèlement sexuel amoindrit l’égalité dans l’emploi et la profession en mettant en cause l’intégrité, la dignité et le bien-être des travailleurs, et afin d’assurer une protection effective des travailleurs contre le harcèlement sexuel, la commission prie de nouveau le gouvernement de prendre des mesures pour inclure, dans le droit civil ou le droit du travail, une définition claire et une interdiction du harcèlement sexuel qui s’apparente à un chantage (quid pro quo) et du harcèlement dû à un environnement de travail hostile dans l’emploi et la profession. Elle lui demande également, de nouveau, de prendre des mesures pratiques pour prévenir le harcèlement sexuel et l’éliminer dans l’emploi et dans la profession et pour sensibiliser les employeurs, les travailleurs et leurs organisations à cette question. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis dans ce sens.
Interdiction de la discrimination dans les annonces de vacance de poste. La commission rappelle l’adoption de la loi fédérale no 162-FZ du 2 juillet 2013, portant modification de la loi fédérale no 1032-I sur l’emploi et d’autres actes législatifs, qui modifie l’article 25 afin que celui-ci interdise expressément les annonces de vacance de poste comportant des restrictions ou établissant des préférences fondées sur le sexe, la race, la couleur, la nationalité, la langue, l’origine, la propriété, la famille, le statut social et le statut au regard de l’emploi, l’âge, le lieu de résidence, l’attitude envers la religion, les convictions, l’appartenance ou la non-appartenance à des associations bénévoles ou des groupes sociaux, ainsi que tout autre facteur non lié aux qualifications des travailleurs, sauf dans les cas où ces restrictions ou préférences sont établies par des lois spécifiques. Le Code des infractions administratives a été également modifié en conséquence, de manière à donner une définition de la discrimination et prévoir des amendes en cas d’avis de vacance de poste discriminatoires. La commission note les observations de la KTR, qui allèguent que, malgré l’adoption de la loi fédérale no 162-FZ du 2 juillet 2013, des annonces de vacance de poste contenant des motifs de sélection discriminatoires continuent à être publiées et que, dans la pratique, de nombreux employeurs et bureaux de recrutement qui ont cessé de publier des annonces de vacance de poste discriminatoires continuent à appliquer des motifs de discrimination lors du recrutement dans la pratique. Notant que le gouvernement n’a pas fourni d’informations ni de commentaires à ce sujet, la commission prie le gouvernement de communiquer sa réponse aux observations de la KTR. En outre, la commission prie de nouveau le gouvernement de préciser quelles sont les dispositions juridiques auxquelles se réfère l’article 25 de la loi sur l’emploi telle que modifiée et de communiquer des décisions administratives ou judiciaires pertinentes afin d’expliquer quels sont les cas dans lesquels l’interdiction de la discrimination dans le recrutement ne s’applique pas et quels sont les motifs concernés.
Articles 1 et 5. Discrimination fondée sur le sexe. Mesures spéciales de protection. Depuis 2002, la commission demande au gouvernement de réviser l’article 253 du Code du travail (interdiction d’employer des femmes dans des conditions pénibles, nocives ou dangereuses) et la résolution no 162 du 25 février 2000 qui exclut les femmes de 456 professions et 38 secteurs d’activité. Elle rappelle que le Code du travail (art. 99, 113, 259, 298, etc.) contient des dispositions spécifiques concernant les femmes ayant des enfants de moins de 3 ans (ou de 1 an et demi), en particulier en ce qui concerne les horaires de travail (heures supplémentaires, travail de nuit, travail posté, etc.). Le gouvernement a indiqué en 2014 qu’il a décidé de modifier la résolution no 162 et que des travaux étaient en cours pour mettre en place un système général de gestion des risques professionnels, en collaboration avec les partenaires sociaux, pour chaque lieu de travail. La commission note les observations de la KTR selon lesquelles la Cour suprême, suite à la recommandation du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, a déclaré, en 2017, que le cas d’une femme à laquelle un emploi d’officier de marine avait été refusé devrait être réexaminé au niveau du district. La KTR observe cependant que le problème n’est toujours pas résolu, puisque la liste des professions et des secteurs interdits est toujours en vigueur. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle il envisagera la possibilité de modifier l’article 298 du Code du travail afin de permettre aux femmes ayant des enfants de moins de 3 ans de faire du travail posté, sous réserve de leur consentement écrit. Toutefois, la commission note avec préoccupation que le gouvernement répète qu’il ne pense pas que les autres dispositions susmentionnées soient discriminatoires, dans la mesure où elles ne font que traduire le souci particulier que porte l’Etat aux personnes ayant besoin d’une protection sociale et juridique plus grande. Enfin, la commission prend note des observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies selon lesquelles un débat est en cours dans l’Etat partie quant à la révision de la liste contenue dans la résolution no 162 du 25 février 2000 (E/C.12/RUS/CO/6, 16 octobre 2017, paragr. 28). A cet égard, la commission rappelle qu’une évolution majeure s’est produite au fil du temps, puisque l’on est passé d’une approche purement protectrice en matière d’emploi des femmes à une stratégie qui tend à assurer une réelle égalité entre hommes et femmes et à éliminer toutes les lois et toutes les pratiques discriminatoires. La commission rappelle que, dans son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales (paragr. 838 à 840), elle insiste sur la distinction à faire entre, d’une part, des mesures de protection de la maternité (au sens strict) qui relèvent à ce titre de l’article 5 de la convention et, d’autre part, celles qui reposent sur des représentations stéréotypées de leurs capacités et de leur rôle social, qui sont contraires aux principes de l’égalité de chances et de traitement. Les dispositions relatives à la protection des personnes travaillant dans des conditions dangereuses ou difficiles devraient servir à protéger la santé et la sécurité au travail des hommes comme des femmes, tout en tenant compte des différences entre les sexes pour ce qui est de certains risques spécifiques sur leur santé. En outre, afin d’empêcher toute mesure de protection discriminatoire applicable à l’emploi des femmes, il peut s’avérer nécessaire d’examiner quelles autres mesures (par exemple une protection améliorée de la santé, pour les hommes comme pour les femmes, des moyens de transport et une sécurité suffisants, ainsi que des services sociaux) sont nécessaires pour garantir que les femmes ont accès aux mêmes types d’emploi que les hommes. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates afin de réviser la résolution no 162 ainsi que le Code du travail, en particulier l’article 253, de manière à garantir que les restrictions s’appliquant aux femmes sont strictement limitées à la protection de la maternité (au sens strict) et aux conditions spéciales prévues pour les femmes enceintes et les mères allaitantes et qu’elles ne portent pas atteinte à l’accès des femmes à l’emploi et à leur rémunération en raison de stéréotypes de genre. La commission demande au gouvernement de fournir des informations complètes sur tous progrès réalisés à cet égard, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs.
Contrôle de l’application de la législation. La commission avait préalablement accueilli favorablement les efforts accrus déployés par l’inspection du travail pour renforcer la surveillance et le contrôle du respect de la législation du travail en ce qui concerne la protection des femmes (femmes enceintes, femmes ayant de jeunes enfants et femmes de zones rurales) et des personnes qui ont des responsabilités familiales. Rappelant cependant que les plaintes pour discrimination ne sont traitées que par les tribunaux et non par l’inspection du travail, elle notait également que les informations concernant les plaintes pour discrimination ou liées à la discrimination dans l’emploi et la profession déposées devant les tribunaux étaient insuffisantes. Elle demandait donc au gouvernement de fournir des informations sur le nombre et la nature des affaires en matière de discrimination.
La commission note les allégations de la KTR selon lesquelles l’interdiction de la discrimination contenue dans la législation est inefficace en raison du fait que l’inspection du travail n’est pas autorisée à prendre quelque mesure que ce soit contre l’employeur et que le fait de déposer une plainte auprès d’un tribunal n’entraîne pas une protection ni un rétablissement effectif du droit des travailleurs. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’inspection du travail fournit conseil et assistance aux travailleurs qui s’adressent aux tribunaux pour des questions de discrimination. Elle accueille favorablement l’adoption de la loi fédérale no 272 FZ qui modifie certains textes législatifs afin d’accroître la responsabilité des employeurs en cas de violation de la loi. La commission accueille favorablement l’indication du gouvernement selon laquelle la loi fédérale no 272-FZ modifie l’article 29 du Code de procédure civile afin de permettre aux citoyens d’intenter des poursuites en vue du rétablissement de leurs droits du travail auprès du tribunal le plus proche du lieu de résidence du plaignant. Toutefois, elle note avec regret que le gouvernement ne donne toujours pas d’information sur le nombre et les résultats des affaires portées devant les tribunaux, de sorte qu’il est difficile de mesurer si le mécanisme actuel de plaintes est accessible dans la pratique et s’il permet aux travailleurs de faire réellement valoir leurs droits à la non-discrimination et à l’égalité en application du Code du travail. La commission rappelle que l’absence ou le faible nombre de cas de discrimination ou de plaintes pourraient être dus à une absence de cadre juridique approprié, à une méconnaissance des droits, à un manque de confiance dans les voies de recours offertes, à l’inexistence de telles voies de recours ou à la difficulté d’y accéder dans la pratique ou encore à la crainte de représailles. L’absence de plaintes ou de cas peut également signifier que le système de recensement des infractions n’est pas suffisamment développé. Elle souligne que le traitement judiciaire des plaintes individuelles déposées auprès de différentes juridictions, y compris l’octroi de réparations appropriées et l’imposition de sanctions, reste une constante en ce qui concerne le contrôle de l’application des dispositions relatives à la non-discrimination et à l’égalité de rémunération. Les tribunaux ont un rôle important à jouer en créant une jurisprudence qui contribue à développer le principe de la convention et en offrant des possibilités de réparation, notamment en ordonnant le versement d’une indemnisation ou la réintégration dans l’emploi (voir étude d’ensemble de 2012, paragr. 870 et 883). Par conséquent, la commission prie instamment de nouveau le gouvernement de fournir des informations sur le nombre et la nature des affaires de discrimination dans tous les aspects de l’emploi et de la profession portées devant les tribunaux en application du Code du travail et sur l’issue de ces affaires, ainsi que sur l’impact de la limitation des droits de recours aux seuls tribunaux. Elle lui demande également de prendre des mesures afin de renforcer ou mettre en place des mécanismes pour analyser et superviser l’égalité de chances et de traitement (ou la non-discrimination) de tous les groupes protégés par la convention, et de fournir des informations à cet égard. Le gouvernement est en outre prié de fournir des informations sur toute mesure prise pour: i) sensibiliser le public à la législation pertinente en matière de non-discrimination, renforcer la capacité des autorités compétentes, y compris les juges, les inspecteurs du travail et autres agents publics, à identifier et à traiter les cas de discrimination; et ii) promouvoir la compréhension de la législation pertinente par le public, notamment par des campagnes médiatiques ou des formations destinées aux partenaires sociaux.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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