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Demande directe (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Irlande (Ratification: 1931)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Irlande (Ratification: 2019)

Autre commentaire sur C029

Observation
  1. 1995

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La commission prend note des observations de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), reçues le 4 septembre 2018.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25, de la convention. 1. Vulnérabilité des travailleurs migrants du secteur de la pêche aux pratiques de travail forcé et de traite. La commission note que, dans ses observations, l’ITF met en avant des cas de pêcheurs migrants exposés à la traite, ainsi que des pratiques et situations abusives qui équivalent à l’imposition de travail forcé depuis la mise en place du régime applicable aux travailleurs migrants atypiques pour les membres d’équipage qui n’appartiennent pas à l’Espace économique européen (EEE) (régime AWS). L’ITF allègue que ce régime a pour caractéristique principale de lier les titulaires d’un permis de travail à un employeur particulier. Une fois le permis de travail accordé, celui-ci n’est valide que s’il est entériné par un employeur particulier. Bien qu’il existe une disposition autorisant le changement d’employeur, le processus et les conditions d’un tel changement sont très difficiles à mettre en pratique. D’après l’ITF, cette situation crée une relation de dépendance du pêcheur vis-à-vis de l’employeur, ainsi qu’un environnement qui ouvre la voie à la traite et au travail forcé et qui empêche les pêcheurs de mettre un terme à leur relation d’emploi en cas de pratiques abusives. La commission note également que, d’après l’ITF, des pêcheurs migrants ont signalé que leur journée de travail était manifestement d’une durée excessive et qu’elle ne laissait que peu de place au repos, et qu’ils étaient rémunérés en deçà du salaire minimum, menacés de licenciement et victimes de violences physiques. A cet égard, l’ITF mentionne le rapport du Centre pour la défense des droits des migrants en Irlande (MRCI), publié en 2017, d’après lequel plus de 65 pour cent des pêcheurs migrants en Irlande travaillaient plus de 100 heures par semaine pour une rémunération moyenne inférieure à 3 euros de l’heure. Dans ce rapport, il était également indiqué qu’un travailleur migrant sur quatre avait subi des violences physiques et/ou verbales.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement répond que le régime AWS se caractérise principalement par la conclusion d’un contrat de travail écrit d’une durée de douze mois entre l’employeur et l’employé, contrat validé par un avoué attaché à un cabinet. Les employeurs/armateurs doivent respecter les dispositions prévues par la législation de l’Union européenne et la législation nationale, notamment en ce qui concerne les conditions d’emploi, le salaire minimum national et la durée du travail. De plus, une copie de ce contrat doit être déposée auprès du Dépôt central pour les bateaux de pêche en mer. Au moins 50 pour cent des membres de l’équipage doivent être ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, ce qui garantit aux non-ressortissants de l’EEE d’avoir une référence sur le lieu de travail qui les aide à préserver leurs droits. Quiconque est employé au titre du régime AWS peut changer d’employeur pour autant que le nouvel employeur soit également inscrit dans ce régime. Le gouvernement affirme aussi que ce régime n’est en place que depuis deux ans et demi et que, depuis son entrée en vigueur, beaucoup a été fait pour mettre en place le cadre nécessaire visant à offrir à ces pêcheurs un emploi valable et une structure complète de contrôle et d’application de la loi. Mettre un terme à ce régime priverait ces travailleurs vulnérables d’un processus de règlement des problèmes en matière d’emploi et d’immigration et d’un moyen de garantir la protection de leurs droits en matière d’emploi.
La commission prend note avec intérêt des informations récentes du gouvernement d’après lesquelles, suite à une récente médiation entre plusieurs services de l’Etat et l’ITF au sujet du régime AWS dans plusieurs unités de la flotte des navires de pêche, un accord a été conclu et signé par toutes les parties. Cet accord prévoit notamment: i) l’obligation de fournir un contrat de travail aux pêcheurs non ressortissants de l’EEE dans leur langue et en anglais; ii) la possibilité pour les pêcheurs non ressortissants de l’EEE de changer d’emploi sans le consentement de l’employeur précédent ou actuel; iii) l’obligation faite au Département de la justice et de l’égalité de suivre le cas des pêcheurs qui ont quitté leur emploi, pour quelque motif que ce soit, avant la fin de leur contrat de douze mois. Un courrier doit être adressé aux pêcheurs pour leur demander des informations, dans les vingt-huit jours qui suivent le début de leur nouveau contrat de travail.
En outre, la commission note que le régime AWS a été lancé en 2016 pour faciliter l’emploi de non-ressortissants de l’EEE. En vertu de ce cadre réglementaire, un non-ressortissant de l’EEE doit signer un contrat de travail de courte durée (douze mois) prévoyant les droits normaux en ce qui concerne le congé annuel, le congé de maternité et les bulletins de salaire. Les lois de 1994 sur les conditions d’emploi (informations), telles que mises à jour en octobre 2015, disposent que les employés titulaires d’un contrat à durée déterminée doivent être informés par écrit de la date d’échéance de leur contrat. En vertu de l’article 6 des lois sur le préavis minimum et les conditions d’emploi de 1973 à 2001, tant les employeurs que les employés sont en droit d’exiger un préavis de fin de contrat d’au moins une semaine. Ces lois ne portent nullement atteinte aux droits d’un employeur ou d’un employé de résilier un contrat de travail en prévenant à l’avance, en cas de faute commise par l’autre partie (art. 8).
De plus, la commission note que le régime AWS établit un cadre réglementaire à l’emploi de travailleurs migrants dans le secteur de la pêche en Irlande et qu’il permet notamment au travailleur de mettre un terme à sa relation d’emploi, dans le nouveau régime AWS qui n’impose pas d’obtenir le consentement de l’employeur précédent ou actuel. Tout en prenant note des mesures positives prises sur le sujet à l’examen, la commission prie le gouvernement de fournir davantage d’informations sur l’application, dans la pratique, du régime AWS, notamment sur le nombre de pêcheurs migrants qui ont changé d’employeur et dont le permis de travail a été transféré à un nouvel employeur.
2. Détection des victimes et assistance aux victimes. La commission note que l’ITF allègue que 15 pêcheurs titulaires de permis de travail en Irlande ont été détectés par le Bureau des services de protection de la Garda comme victimes potentielles de traite. Six autres pêcheurs, qui n’avaient pas de permis, ont été également officiellement détectés comme des victimes potentielles de traite. A cet égard, le gouvernement indique que la police nationale (An Garda Síochána) enquête sur ces allégations et sur d’autres griefs formulés par l’ITF. Lorsque les enquêtes sur les allégations portées par les pêcheurs seront terminées, un dossier sera envoyé au directeur des poursuites publiques qui, à son tour, évaluera s’il y a matière à engager des poursuites pour les manquements allégués.
L’ITF affirme également que les services de l’Etat ne savent guère repérer les victimes de travail forcé et de traite, que celles-ci ne bénéficient pas de suffisamment d’assistance, qu’elles ne reçoivent pas assez d’informations et n’ont pas accès à des conseils juridiques, et qu’elles ont peur des représailles, le régime AWS liant leur permis de travail à un employeur. En outre, le système de réparation proposé par la Commission des relations professionnelles (WRC) est totalement inadapté parce qu’il est conçu pour les personnes qui occupent un emploi régulier et qui résident en Irlande. L’examen d’un cas peut prendre plusieurs mois, ce qui encourage les employeurs qui manquent à leurs obligations à «profiter du système». A ce jour, aucun employeur n’a réellement collaboré avec la WRC.
La commission note que le gouvernement indique qu’il a mené plusieurs campagnes de sensibilisation dans le secteur de la pêche, notamment: i) en distribuant une brochure de la WRC sur le régime AWS et les droits des travailleurs des bateaux de pêche en matière d’emploi; ii) en publiant, par l’intermédiaire de la WRC, la législation relative à l’emploi en arabe, en mandarin, en hindi et en tagalog, principales langues des membres d’équipage non ressortissants de l’EEE; iii) en créant une ligne d’assistance téléphonique de la WRC pour les armateurs et équipages de bateaux de pêche (numéro de téléphone: 1890 80 80 90).
La commission rappelle que la nature particulière du travail des pêcheurs migrants, en partie due à leur isolement en mer, exige que des mesures de prévention soient prises pour faciliter la détection des victimes de traite qui travaillent dans des conditions de travail forcé. Tout en prenant bonne note des différentes mesures de sensibilisation adoptées par le gouvernement, la commission le prie de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour veiller à ce que, dans le cadre du régime AWS, les victimes ou victimes potentielles de traite aux fins d’exploitation par le travail dans le secteur de la pêche soient rapidement détectées et orientées vers des services de protection adaptés. Elle le prie également de fournir des informations sur le nombre de personnes bénéficiant de ces services.
3. Mesures d’application de la loi et sanctions efficaces. Dans ses allégations, l’ITF souligne l’absence de tout organisme ou service chargé de contrôler l’application du régime AWS. D’après l’ITF, même si les inspections à bord des bateaux de pêche ont révélé de nombreux manquements au régime et si les informations y relatives ont été communiquées aux autorités compétentes, aucune mesure n’a jamais été prise.
L’ITF allègue que de multiples failles sont apparues en matière de poursuites contre les auteurs d’infraction. Seules trois procédures de poursuites ont été engagées en 2017 alors que 117 enquêtes avaient été menées sur des cas de traite présumés. En ce qui concerne le travail forcé, trois personnes ont fait l’objet de poursuites en 2017. Le gouvernement n’a notamment pas renforcé ses dispositifs d’application de la loi, en particulier les mesures visant à appliquer la législation antitraite aux personnes qui ciblent les pêcheurs migrants ni veillé à ce que des sanctions suffisamment efficaces soient appliquées aux individus qui soumettent ces travailleurs à des conditions de travail forcé.
Dans sa réponse, le gouvernement affirme qu’entre avril 2016 et juillet 2018 des inspecteurs de la WRC ont effectué 310 inspections portuaires de bateaux de pêche de poisson à chair blanche. Quelque 169 des 186 bateaux de pêche de poisson à chair blanche relevant du régime AWS ont été inspectés au cours de cette période. A l’heure actuelle, 172 bateaux sont soumis à ce régime. Onze inspecteurs de la WRC et un responsable régional ont suivi une formation de trois jours consacrée à la sécurité et à la survie en mer, formation dispensée par la direction des pêcheries irlandaises en mer, afin d’être en mesure d’effectuer des inspections dans les pêcheries. A ce jour, la WRC a repéré 210 contraventions sur les 169 bateaux inspectés, ventilées comme suit: 29 pour cent concernant les registres, 20 pour cent les congés, les jours fériés et les dimanches, 15 pour cent les travailleurs illégaux et 12 pour cent la non-délivrance de bulletins de salaire. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les conclusions des inspections menées par la Commission des relations professionnelles (WRC), en indiquant le nombre et la nature des violations détectées et des sanctions imposées.
4. Traite des personnes. La commission note que le gouvernement a adopté un cadre juridique et institutionnel de lutte contre la traite des personnes, dont: i) la loi de 2013 portant modification de la loi pénale en matière de traite des êtres humains qui élargit le champ d’application de la définition de l’«exploitation» afin d’inclure le fait de contraindre une personne à commettre des activités criminelles et qui a aligné la définition du «travail forcé» sur celle contenue dans la convention no 29; ii) le fait que quiconque s’est rendu coupable d’une infraction de travail forcé ou de traite des personnes encourt au maximum une peine de prison à vie; iii) la création de l’unité de lutte contre la traite des êtres humains (AHTU) au sein du Département de la justice et de l’égalité qui joue un rôle de chef de file sur tous les sujets concernant la traite des êtres humains en Irlande et qui travaille en étroite collaboration avec d’autres services du gouvernement irlandais, dont le Bureau national des services de protection de la Garda (police), la Direction des services de santé, le Bureau du directeur des poursuites publiques, la Commission d’aide juridictionnelle et le Service irlandais pour la naturalisation et l’immigration; iv) l’adoption du deuxième plan d’action national contre la traite (2016-2019). La commission se félicite de ces mesures et prie le gouvernement de fournir des informations sur les initiatives prises pour mettre en œuvre le plan d’action national de 2016 contre la traite et les résultats obtenus. Prière également d’indiquer si ce plan d’action a été reconduit et de donner des informations, le cas échéant.
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