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Observation (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 - Colombie (Ratification: 1991)

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La commission prend note des observations conjointes de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et l’Association nationale des employeurs de Colombie (ANDI) reçues le 31 août 2018, qui saluent les efforts déployés par le gouvernement pour mettre en œuvre la convention. De même, elle prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) reçues le 2 septembre 2019.
La commission prend également note des observations de l’Union ouvrière de l’industrie pétrolière (USO) reçues le 1er septembre 2017, des observations conjointes de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Fédération colombienne des travailleurs de l’enseignement (FECODE) et l’Association des enseignants de Cundinamarca (ADEC) reçues le 30 mai 2018, des observations conjointes de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) et de la CUT reçues le 1er septembre 2018. Elle prend également note de la réponse du gouvernement aux observations conjointes de la CTC et de la CUT et aux observations de l’ANDI et de l’OIE, reçue le 23 novembre 2018, ainsi que de la réponse du gouvernement aux observations conjointes de la CUT, la FECODE et l’ADEC, reçue le 20 mai 2019.
La commission prend également note des observations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) reçues le 23 mars 2017, qui incluent le rapport de la Coordination des organisations indigènes du bassin de l’Amazone (COICA), qui ont trait à l’application de la convention dans plusieurs pays.
Articles 2, 3 et 33 de la convention. Rétablissement de la paix. Droits de l’homme. Réparations. La commission prend note de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable signé entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires colombiennes le 24 novembre 2016 et de son plan-cadre d’application. La commission salue l’inclusion dans cet accord d’un chapitre sur la question ethnique prévoyant que l’interprétation et la mise en œuvre de l’accord tiendront compte des principes de participation et de consultation des peuples indigènes et le respect de l’identité et l’intégrité culturelle de ces peuples et de leurs droits sur les terres qu’ils occupent. La commission note que le plan-cadre d’application de l’accord énonce des objectifs et prévoit des indicateurs spécifiques en ce qui concerne les peuples indigènes, la population afro-colombienne, raizal, palenquero et rom, qui ont été déterminés par concertation entre le gouvernement et l’Instance spéciale de haut niveau pour les peuples ethniques. Au nombre de ces objectifs figurent la vérification du statut des terres (saneamiento) et la protection des territoires collectifs, la participation des peuples intéressés à la réforme rurale intégrale et la promotion de la participation des femmes indigènes, roms et d’ascendance africaine à la prise de décisions.
La commission note que l’Unité de la prise en charge et de l’indemnisation intégrale des victimes est l’entité qui est chargée d’enregistrer les victimes, individuelles ou collectives, et de mettre en œuvre les mesures d’assistance, de prise en charge et d’indemnisation. Il existe en son sein une Direction des questions ethniques, qui est chargée de la prise en charge et de l’indemnisation intégrale en ce qui concerne les membres de communautés indigènes, du peuple rom et des communautés noires, afro-colombiennes, raizales et palenqueras. Le gouvernement indique que toute personne appartenant à l’une de ces communautés ou son mandataire autorisé peut s’adresser à une antenne du ministère public pour porter plainte pour violation de ses droits dans le cadre du conflit armé, après quoi l’unité examine ces plaintes et statue sur leur inclusion dans le registre des victimes. Le gouvernement ajoute que les plans d’indemnisation collective comprennent les étapes suivantes: identification, enregistrement, recensement, caractérisation des préjudices, élaboration d’un plan d’indemnisation, mise en œuvre et suivi. D’après les informations provenant de l’Unité de la prise en charge et de l’indemnisation intégrale, le nombre des victimes ethniques collectives s’établissait à 390 en février 2018; et, en octobre 2019, on dénombrait 227 686 victimes individuelles appartenant à des peuples indigènes, 792 540 appartenant à la communauté afro-colombienne, 19 317 appartenant au peuple rom, 10 048 appartenant au peuple raizal et 2 731 appartenant au peuple palenquero. La commission note que le gouvernement indique que la Commission de suivi de l’application des décrets-lois nos 4633, 4634 et 4635 de 2011 portant mesure d’indemnisation intégrale et de rétablissement des droits fonciers des victimes collectives appartenant à des peuples indigènes, au peuple rom ou gitan et aux communautés noires, afro-colombiennes, raizales et palenqueras, respectivement, a exprimé, dans les cinq rapports qu’elle a présentés au Congrès, son inquiétude devant le retard considérable que prennent les indemnisations collectives des groupes ethniques. A cet égard, la commission observe que, dans leurs observations conjointes, la CUT et la CTC évoquent elles aussi des carences dans le fonctionnement du mécanisme d’indemnisation collective des communautés indigènes.
Dans ses commentaires précédents, la commission a pris note des plans de sauvegarde ethnique de peuples indigènes dont l’existence, tant sur le plan physique que culturel, était menacée par le conflit armé, plans qui avaient été ordonnés par la Cour constitutionnelle de Colombie dans sa décision no 004 de 2009. La commission a demandé au gouvernement de fournir des informations sur l’exécution des plans de sauvegarde ethnique et leur impact. Le gouvernement indique à ce sujet que l’on dénombrait, en 2017, 39 plans de sauvegarde ethnique, dont 78 pour cent avaient passé la phase d’autodiagnostic en concertation avec les peuples intéressés, 62 pour cent avaient passé la phase de concertation et 46 pour cent se trouvaient en cours de mise en œuvre.
La commission note que, dans son rapport sur la situation des droits de l’homme en Colombie de 2019, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme exprime sa préoccupation devant le nombre élevé de meurtres de défenseurs des droits de l’homme appartenant à des peuples indigènes ou afro-colombiens, meurtres commis principalement dans les départements d’Antioquia, Cauca et Norte de Santander (A/HRC/40/3/Add.3, 4 février 2019, paragr. 15 à 17). La commission constate également que, le rapport du Procureur général de la nation de 2018 intitulé «Violence systématique contre les défenseurs des droits sur les terres en Colombie» analyse la dynamique de la violence contre ces personnes et le lien de cette violence avec la lutte pour la défense des droits se rapportant aux terres. Selon ce rapport, entre janvier 2016 et mars 2017, on a dénombré 156 meurtres de leaders sociaux et de défenseurs des droits de l’homme, dont au moins un quart appartenait à des communautés indigènes. La commission note que, dans ses observations, l’USO mentionne de manière générale les menaces de mort et faits de violence dont sont victimes les communautés indigènes (Chidima Tolo et Pescadito) de la zone nord du département du Chocó, en raison de la présence et des activités de groupes armés sur leurs terres. L’USO évoque également les limitations posées à leur droit de se déplacer à l’intérieur de leur territoire et hors de celui-ci et à la présence de mines antipersonnel et autres dispositifs explosifs.
La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour rétablir la paix, qui pourront contribuer à mettre un terme à la violence, à l’inclusion des membres des peuples couverts par la convention dans le développement économique et social du pays, et à la pleine jouissance de leurs droits de l’homme et à l’exercice de leurs droits collectifs. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des enquêtes soient menées, que les responsabilités soient identifiées et que les auteurs matériels et intellectuels des meurtres de défenseurs des droits indigènes et des faits de violence soient sanctionnés, ainsi que pour garantir l’intégrité physique et l’accès à la justice des peuples couverts par la convention qui continuent d’être victimes du conflit.
La commission rappelle que la convention est un instrument qui vise à contribuer à une paix durable et inclusive, et elle prie le gouvernement de fournir des informations sur la manière dont les peuples visés par la convention participent à la mise en œuvre de l’accord de paix pour tous les aspects qui les concernent. La commission prie également le gouvernement d’intensifier les efforts visant à assurer l’exécution sans retard des plans d’indemnisation collective et des plans de sauvegarde ethnique et de donner des informations détaillées et actualisées sur les progrès réalisés à cet égard, en précisant de quelle manière les peuples visés par la convention ont participé à l’évaluation de la mise en œuvre et du suivi des mesures prises à cette fin.
Articles 6, 7 et 15. Consultations. Projets de développement. Dans sa précédente observation, la commission a pris note de la directive présidentielle no 10 de 2013 comportant les orientations prévues pour la réalisation de la consultation préalable avec les communautés ethniques, ainsi que de l’instrument adopté en 2013 par le Conseil national de la politique économique et sociale intitulé CONPES 3762, qui définit les axes de développement des projets d’intérêt national et stratégiques qui, de l’avis du gouvernement, visent à renforcer l’exercice du droit à la consultation préalable. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement de ces mécanismes et sur la manière dont la participation des peuples couverts par la convention aux avantages résultant de la mise en valeur de leurs terres est assurée. Le gouvernement indique que l’on a enregistré, entre 2013 et 2018, 6 243 procédures de consultation préalable, dont 18 pour cent concernaient le secteur des hydrocarbures, 10 pour cent le secteur de l’environnement, 9 pour cent le secteur des infrastructures et télécommunications, 7 pour cent le secteur minier, 6 pour cent le secteur électrique. Le gouvernement indique que la Direction de la consultation préalable du ministère de l’Intérieur s’appuie sur les principes élaborés par la Cour constitutionnelle dans ses jugements rendus en matière de consultation, en particulier en ce qui concerne les projets d’exploitation minière ou portuaire et les ouvrages d’infrastructure, et il fournit des exemples illustrant la manière dont ces principes jurisprudentiels sont appliqués dans les consultations préalables menées avec les diverses communautés.
S’agissant de l’identification des communautés objet des consultations, le gouvernement indique que le processus de certification de la présence de communautés ethniques dans la zone d’influence du projet, de l’ouvrage ou de l’activité (POA) commence par une demande d’examen du projet déposée auprès de la Direction de consultation préalable du ministère de l’Intérieur qui détermine si les informations présentées par le demandeur sont suffisantes pour pouvoir poursuivre la procédure de certification. Ces informations sont confrontées aux informations contenues dans les bases cartographiques des réserves indigènes et des conseils communautaires constitués; les bases de données de la Direction des questions indigènes et des communautés roms et de la Direction des communautés noires, raizales et palenqueras; les bases de données de consultation préalable; et les informations de demande de délivrance de titres collectifs aux communautés indigènes et noires de l’Agence nationale des terres. Le gouvernement précise que, s’il existe des incertitudes quant à l’existence d’une communauté ethnique dans la zone d’intérêt du POA, une visite de vérification est programmée.
La commission note que, dans ses observations, l’OIE indique que le manque de règles claires pour la réalisation des processus de consultation préalable constitue un sujet de préoccupation pour l’ANDI. L’ANDI considère que, malgré l’importante jurisprudence de la Cour constitutionnelle en la matière, il n’existe pas de législation qui établisse les éléments de base, tels que les différentes étapes du processus de consultation préalable, sa durée, les coûts, les droits et obligations des parties impliquées dans le processus, ou un mécanisme de clôture. Ainsi, l’ANDI considère que l’absence de règles claires concernant les processus de consultation préalable devient la principale difficulté pour faire avancer les investissements dans le pays.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations et, rappelant son observation précédente, prie à nouveau le gouvernement d’indiquer si la directive présidentielle no 10 et le document CONPES 3762 sont actuellement appliqués et, dans l’affirmative, de donner des informations à ce sujet. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les progrès dans l’adoption d’une réglementation sur la consultation préalable pour les projets entrepris sur les terres des peuples couverts par la convention, en indiquant les mesures prises pour assurer la tenue de consultations préalables, pleines et informées, à ce sujet avec ces peuples. Elle le prie également d’indiquer quels mécanismes garantissent la participation des peuples couverts par la convention aux avantages que génèrent des projets de développement développés sur leurs terres.
La commission observe en outre que, dans son arrêt SU 123 de 2018 qui compile les critères jurisprudentiels de la Cour en matière de consultation préalable, la Cour constitutionnelle déclare qu’il est procédé à des consultations préalables «quand il existe des preuves permettant raisonnablement de croire qu’une mesure est susceptible d’affecter directement un peuple indigène ou une communauté afro colombienne». La commission rappelle que, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la convention, la consultation a pour but de déterminer si les intérêts des peuples concernés seront menacés, avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres. La convention ne prévoit pas comme condition de la tenue de consultations l’existence d’une preuve d’un possible impact. Dans ce contexte, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour veiller à ce que, dans la pratique, l’étendue de l’obligation de consulter ne soit pas limitée par le fait de prévoir l’existence d’une preuve que la mesure est susceptible d’affecter les peuples indigènes. Considérant que l’article 15, paragraphe 2, de la convention prévoit l’ obligation de consulter «dans le but de déterminer si et dans quelles mesures les intérêts de ces peuples sont menacés», avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources sont dotées leurs terres, la commission veut croire que l’interprétation judiciaire sera lue et appliquée dans ce sens.
Taxe pour la conduite d’une consultation préalable. La commission note que, dans sa décision SU 123 de 2018, la Cour constitutionnelle a appelé le Congrès et le gouvernement à prendre des mesures pour renforcer le mécanisme de délivrance des certifications sur la présence de groupes ethniques dans les zones concernées par un POA, mécanisme qui doit ainsi «rendre compatible le droit à la consultation des groupes ethniques avec la sécurité juridique des investisseurs». Elle note à cet égard que, en application de l’article 161 de la loi no 1955 de 2019, il a été instauré une taxe pour la réalisation de la consultation préalable, taxe qui doit être acquittée auprès du ministère de l’Intérieur par la partie intéressée à la réalisation de la consultation préalable et qui doit couvrir les coûts des honoraires des professionnels qui conçoivent la méthodologie et réalisent la préconsultation et la consultation, y compris les coûts de déplacement et de séjour et les coûts correspondant à l’accès à l’information sur la présence de communautés. La commission rappelle que, dans son observation générale de 2018, elle a souligné qu’il incombe aux gouvernements de mettre en place des mécanismes appropriés de consultation au niveau national et que les autorités publiques doivent réaliser les consultations, sans ingérence, d’une manière convenant aux circonstances. La commission prie le gouvernement de donner des informations et des exemples de l’application dans la pratique des taxes afférentes à la réalisation de consultations préalables, en indiquant si ces taxes ont eu une incidence sur la mise en œuvre effective des procédures de consultation des peuples couverts par la convention.
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