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Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Türkiye (Ratification: 1998)

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La commission prend note du rapport du gouvernement et des informations supplémentaires fournies à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020).
Elle prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) jointes au rapport du gouvernement.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes.  1. Mesures de contrôle de l’application de la législation. La commission a précédemment pris note des observations de la TISK en 2014 selon lesquelles la Turquie est un pays de destination et de transit pour la traite des femmes, des hommes et des enfants. Elle a noté que l’article 80 du Code pénal interdit la traite des personnes tant à des fins d’exploitation sexuelle qu’à des fins d’exploitation au travail. Elle a noté qu’en 2015, 330 suspects sur les 514 impliqués dans des affaires jugées en vertu de l’article 80 du Code pénal, ont été acquittés et qu’au premier trimestre de 2016, sur 148 suspects impliqués dans des affaires jugées, 118 ont été acquittés. La commission a noté avec préoccupation le faible nombre de condamnations pour des faits de traite des personnes, malgré le nombre important d’affaires portées devant la justice. La commission a instamment prié le gouvernement de redoubler d’efforts pour garantir que tous les auteurs du crime de traite font l’objet de poursuites judiciaires et que, dans la pratique, des peines de prison suffisamment efficaces et dissuasives sont imposées.
Le gouvernement indique dans son rapport que la Turquie est un pays de transit et de destination pour la traite des personnes, en particulier pour l’exploitation des femmes et des enfants. Il ajoute que le Commandement général de la gendarmerie a adopté des mesures pour lutter contre la traite des personnes, notamment à travers: i) la publication d’ordonnances d’application détaillées destinées à 81 commandements de gendarmerie provinciaux et expliquant les changements intervenus dans la lutte contre la traite des personnes; ii) la poursuite des activités des groupes de lutte contre la traite des personnes établis par le commandement de la gendarmerie dans 33 provinces; iii) l’inclusion, dans le programme de l’Académie des garde-côtes de la gendarmerie, d’une formation sur la lutte contre la traite des personnes; et iv) le lancement, le 30 octobre 2018, d’un projet d’une durée de huit mois visant à accroître l’efficacité des activités de lutte du Commandement général de la gendarmerie contre la traite des personnes, qui prévoit la formation du personnel dans ce domaine. Le gouvernement ajoute dans ses informations supplémentaires qu’une formation sur la lutte contre la traite des personnes a également été dispensée à 210 membres du personnel de la Direction générale de la sécurité entre mai 2019 et juillet 2020.
Le gouvernement indique en outre que sur la base de l’article 80 du Code pénal, 26 cas de traite des personnes à des fins de prostitution ont été identifiés en 2017, 61 personnes ont été arrêtées et 13 ont été emprisonnées; en 2018, 16 cas de traite à des fins de prostitution ont été identifiés, 128 personnes ont été arrêtées et 35 ont été emprisonnées; et de janvier à mai 2019, sept cas de traite à des fins de prostitution ont été identifiés, 60 personnes ont été arrêtées et trois ont été emprisonnées. La commission prend note de ces informations mais observe que le gouvernement n’a fourni d’information concernant les sanctions appliquées dans les cas mentionnés. La commission note en outre que le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains du Conseil de l’Europe (GRETA) a noté, dans son rapport adopté le 10 juillet 2019 concernant l’application de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains en Turquie, les informations du gouvernement selon lesquelles en 2016, 72 cas de traite des personnes ont été instruits, 42 personnes ont été condamnées et 266 personnes ont été acquittées; en 2017, 42 affaires ont été instruites, 45 personnes ont été condamnées et 96 personnes ont été acquittées; et en 2018, 82 affaires ont été instruites, 77 personnes ont été condamnées et 305 personnes ont été acquittées (paragr. 222). La commission prend également note des informations supplémentaires du gouvernement selon lesquelles, entre octobre 2019 et mars 2020, 19 personnes ont été condamnées pour traite des êtres humains et 102 personnes ont été acquittées. Sur les 19 personnes condamnées, la commission note qu’une personne a été condamnée à une amende et 18 personnes à une peine d’emprisonnement et à une amende.
La commission note également que le GRETA indique que, suite à la révocation de quelque 4 500 juges et procureurs après juillet 2016, le personnel nouvellement nommé n’avait pas reçu une formation suffisante pour enquêter et statuer efficacement sur des affaires pénales complexes, y compris concernant la traite des personnes (paragr. 219). Le GRETA a également indiqué que des difficultés pratiques se présentaient pour juger les affaires de traite des personnes et pour faire la distinction entre la traite des personnes et certaines autres infractions, telles que la prostitution (art. 227 du Code pénal) et la violation de la liberté de travail et d’emploi (art. 117 du Code pénal). Les représentants du pouvoir judiciaire ont indiqué que les affaires instruites pour traite des personnes étaient parfois requalifiées au stade de la procédure judiciaire en d’autres infractions, généralement la prostitution, qui sont passibles de peines moins lourdes (paragr. 224). Tout en reconnaissant les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la traite des personnes, la commission prie instamment celui-ci de continuer de prendre les mesures nécessaires pour que des enquêtes approfondies et des poursuites soient menées à l’encontre de toutes les personnes impliquées dans la traite des personnes, tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail, et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient appliquées dans la pratique. À cet égard, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’application pratique de l’article 80 du Code pénal, notamment sur le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de sanctions spécifiques imposées, ainsi que sur les faits qui n’ont été sanctionnés que par l’imposition d’une amende. Enfin, la commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts en matière de formation des agents de la force publique, y compris les juges et les procureurs, afin que les personnes qui se livrent à la traite des personnes soient dûment poursuivies et sanctionnées au titre de l’infraction de traite des personnes, et de fournir des informations à cet égard.
2. Protection des victimes et assistance aux victimes. La commission a précédemment pris note de la promulgation de la loi (no 6458) de 2013 sur les étrangers et la protection internationale, qui a systématisé les procédures d’identification des victimes. Elle a également pris note de l’adoption de la Règlementation de la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes en 2016, qui définit les procédures et les principes de prévention de la traite des personnes et de protection des victimes, y compris l’octroi de permis de résidence aux victimes étrangères. La commission a en outre pris note du «Programme de retour volontaire et sûr» s’adressant aux victimes qui souhaitent quitter la Turquie, ainsi que des «Programmes d’appui aux victimes» qui mettent notamment à leur disposition des centres ou des lieux d’accueil, des services de santé, une aide psychosociale et une aide juridictionnelle. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application pratique de la nouvelle loi et de la nouvelle réglementation susmentionnées en ce qui concerne l’identification des victimes et la protection et d’assistance apportées à ces personnes.
Le gouvernement indique qu’entre juillet 2019 et mars 2020, les victimes de la traite étaient le plus souvent originaires de l’Ouzbékistan, de la Turquie et du Moldova. Il indique par ailleurs qu’en 2017, les directions provinciales de la gestion des migrations ont identifié 303 victimes de la traite, et 134 en 2018. Il ajoute qu’en 2019, 215 victimes de la traite ont été identifiées, et 79 au cours du premier semestre de 2020, essentiellement des femmes. Les victimes qui sont restées en Turquie ont bénéficié des programmes d’appui prévus à leur intention (24 des 134 victimes en 2018, 35 en 2019 et 42 au premier semestre de 2020), et certaines victimes qui ont préféré quitter le pays ont bénéficié du programme de retour volontaire et sûr (101 victimes en 2018, 153 en 2019 et 22 au premier semestre de 2020). La capacité des centres d’accueil pour victimes de la traite des personnes est passée à 42 places. L’ouverture d’un troisième centre d’accueil est à l’étude. Chaque victime admise dans un centre bénéficie d’un programme de soutien individualisé, qui comprenait, ces dernières années, des services tels qu’une aide financière mensuelle, des services de santé, un soutien psychologique, une formation professionnelle et l’accès au marché du travail, une aide juridictionnelle et des activités de loisirs.
Le gouvernement indique en outre qu’il a créé un Département d’aide juridique et des droits des victimes au sein de la Direction générale des affaires pénales (ministère de la Justice), qui vise à informer toutes les victimes d’infractions, y compris les victimes de la traite, de leurs droits et des services d’assistance et de soutien qui peuvent leur être fournis, ainsi qu’à aider les victimes tout au long du processus judiciaire et à leur faciliter l’accès à la justice. En outre, des directions d’aide médico-légale et de services aux victimes ont été créées dans plusieurs tribunaux afin de fournir aux victimes, y compris aux victimes de la traite des personnes, une aide juridictionnelle et des services de soutien, tels que des mesures visant à faire en sorte que les victimes de la traite ne deviennent pas victimes à nouveau, des mesures d’accompagnement des victimes de la traite pendant les audiences du tribunal et des mesures d’orientation des victimes vers les institutions compétentes pour un soutien psychologique, si nécessaire. La commission prend également note de l’indication du gouvernement selon laquelle un Guide sur la manière dont les victimes doivent être approchées, comportant un chapitre sur les victimes de la traite et les victimes étrangères, a été élaboré à l’intention des professionnels qui fournissent des services aux victimes d’actes criminels, en particulier les forces de l’ordre, les professionnels de la santé et le personnel des services judiciaires.
La commission prend note de la déclaration faite par la TISK dans sa communication selon laquelle, en coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations, la ligne d’assistance téléphonique urgente 157 a été mise en place pour les victimes potentielles de la traite des personnes, dont les opérateurs fournissent des services en russe, roumain, anglais et turc. La TISK indique en outre que le Comité de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains a été créé en vertu de la Réglementation de la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes, et a tenu sa première réunion en 2017, afin d’élaborer des mesures concernant la coopération interinstitutionnelle, des activités de sensibilisation et des supports de formation pour le personnel. La commission note en outre à cet égard les informations supplémentaires du gouvernement selon lesquelles le Comité de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains vise à réaliser des études, à formuler des politiques et des stratégies, à élaborer un plan d’action et à instaurer une coopération pour prévenir et combattre la traite des personnes. Le Comité s’est réuni en 2017, 2018 et 2019, et ses travaux ont abouti, entre autres, i) à la nomination d’agents de liaison provinciaux pour la traite des êtres humains dans 36 provinces; ii) au lancement d’activités de sensibilisation du grand public; et iii) à la formation, en 2019, de plus de 1 000 professionnels d’institutions publiques et d’organisations non gouvernementales à la lutte contre la traite des personnes.
La commission prend note de l’indication du GRETA, dans son rapport de 2019, selon laquelle la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle est la forme la plus courante de cette infraction (paragr. 13). Le GRETA a également indiqué que la Direction générale de la gestion des migrations (DGMM), qui coordonne l’action nationale contre la traite des personnes depuis 2013, dispose d’une Direction de la protection des victimes de la traite des êtres humains (paragr. 26). La commission note que le GRETA a souligné la capacité limitée des centres d’accueil spécialisés pour les victimes de la traite, et le fait que seules quelques victimes restaient en Turquie et bénéficiaient des programmes d’assistance aux victimes. Le GRETA est également préoccupé par le manque d’assistance spécialisée pour les victimes turques de la traite et pour les hommes victimes de la traite (paragr. 169). Tout en saluant les efforts déployés par le gouvernement, la commission le prie de continuer de prendre des mesures afin de renforcer l’identification des victimes de traite et l’assistance qui leur est accordée, et de fournir des informations à cet égard. Elle prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les mesures élaborées par le Comité de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains en vue de prévenir et de combattre ce crime, ainsi que de donner des précisions sur les activités du Département de la protection des victimes de la traite des êtres humains de la DGMM. Enfin, la commission prie le gouvernement d’indiquer le nombre de victimes de traite des personnes identifiées et bénéficiant d’une protection et d’une assistance, grâce aux différents programmes, directions et départements susmentionnés qui apportent une assistance aux victimes de traite.
Article 2, paragraphe 2 a). Service militaire obligatoire. La commission a précédemment prié le gouvernement d’abroger l’article 10 de la loi no 1111 sur le service militaire, en vertu duquel, si le nombre des conscrits assignés au personnel de réserve est excédentaire, les conscrits en question peuvent être affectés à des travaux dans des organisations ou des institutions publiques.
La commission prend note des observations de la TISK selon lesquelles la loi no 7179 sur le recrutement militaire constitue une évolution positive en ce qui concerne la mise en conformité de la législation nationale avec la convention.
La commission prend note avec satisfaction de l’entrée en vigueur, le 26 juin 2019, de la loi no 7179 sur le recrutement militaire, qui remplace la loi no 1111 sur le service militaire et ne contient aucune disposition concernant l’obligation d’accomplir le service militaire dans des institutions ou organisations publiques.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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