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Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Myanmar (Ratification: 1955)

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La commission prend note des informations supplémentaires fournies par le gouvernement à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). Elle a procédé à l’examen de l’application de la Convention sur la base des informations supplémentaires reçues du gouvernement cette année ainsi que sur la base des informations dont elle disposait en 2019.
La commission prend note des observations formulées par la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2019. Elle prend également note de la discussion approfondie qui s’est tenue à la 108e session de la Commission de l’application des normes de la Conférence, en juin 2019, concernant l’application de la convention par le Myanmar.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 108e session, juin 2019)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Élimination de toutes les formes de travail forcé. 1. Engagement de l’OIT concernant l’élimination du travail forcé. a) Historique. En mars 1997, une commission d’enquête a été établie en vertu de l’article 26 de la constitution de l’OIT pour examiner la situation du travail forcé au Myanmar. Comme indiqué au Conseil d’administration du BIT, le travail forcé avait pris diverses formes dans le pays au fil des ans, y compris le travail forcé dans les zones de conflit, ainsi que le travail forcé au profit d’entreprises publiques et privées. Dans ses recommandations, la commission d’enquête a exhorté le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour: i) que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention; ii) que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et en particulier par les militaires; et iii) que les sanctions prévues à l’article 374 du Code pénal pour le fait d’imposer du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées.
Depuis lors, la question a fait l’objet d’une coopération entre le gouvernement et l’OIT pendant plus de dix ans. En 2002, un protocole d’accord a été signé entre le gouvernement et l’OIT, qui a permis la nomination d’un chargé de liaison de l’OIT. Plus tard, en 2007, un protocole d’accord complémentaire a été conclu afin, en particulier, d’instaurer un mécanisme de plainte dont l’objectif est de «donner officiellement aux victimes du travail forcé la possibilité d’adresser leurs plaintes aux autorités compétentes par l’intermédiaire des services du chargé de liaison, en vue d’obtenir réparation conformément à la législation applicable et à la convention». En outre, en 2012, l’OIT a conclu un protocole d’accord sur une stratégie globale conjointe pour l’élimination du travail forcé d’ici à 2015, qui a servi de base à sept plans d’action étroitement liés. L’OIT a également participé aux travaux de l’équipe spéciale de pays chargée du suivi et de l’établissement de rapports sur les questions relatives au recrutement de mineurs.
b) Développements récents. Le plan d’action 2018 pour l’élimination de toutes les formes de travail forcé et le protocole d’accord complémentaire, qui prévoyait un mécanisme de traitement des plaintes, ont expiré en décembre 2018. Le 21 septembre 2018, le gouvernement, les organisations de travailleurs et d’employeurs et l’OIT ont signé un protocole d’accord dans le cadre du programme par pays de promotion du travail décent (PPTD) (2018-2021). Tel qu’indiqué dans le document du PPTD, les principaux objectifs à atteindre sont l’institutionnalisation des mécanismes nationaux de plainte pour travail forcé et le renforcement de la protection contre les formes de travail inacceptables, en particulier le travail forcé et le travail des enfants, d’ici à 2021. La commission note que, lors de la discussion tenue en octobre-novembre 2019, le Conseil d’administration a noté, à propos des progrès réalisés vers l’élimination du recours au travail forcé, que le nombre de plaintes reçues a continué de diminuer depuis 2016, ce qui donne à penser que des progrès ont été accomplis sur la voie de l’élimination du recrutement des mineurs, qui représente généralement la plus forte proportion des plaintes reçues. Le Conseil d’administration a noté que le BIT a reçu 108 plaintes pour travail forcé en 2019, dont 48 ont été considérées comme entrant dans la définition du travail forcé, et qu’aucune plainte pour travail forcé liée à l’emploi involontaire de civils comme guides et porteurs dans les zones de conflit n’a été reçue. Très peu de cas de travail forcé dans le secteur privé ont été signalés depuis mars 2019. Le Conseil d’administration a aussi noté que la proposition de mettre en place le mécanisme national de traitement des plaintes a été approuvée par le gouvernement, via une lettre datée du 7 août 2019 (GB.337/INS/9). Le Conseil d’administration a également noté que le BIT a mis l’accent sur les éléments ci-après, nécessaires à la mise en place d’un mécanisme crédible et efficace: a) impartialité dans l’évaluation et l’instruction des plaintes; b) garantie de la protection des victimes; c) volonté avérée de rendre des comptes; d) décentralisation des responsabilités en matière d’élimination du travail forcé; et e) programmes de sensibilisation, en particulier à l’intention de ceux qui vivent dans des zones reculées ou des zones de conflit. Le gouvernement a commencé à annoncer publiquement son intention d’établir un mécanisme national de traitement des plaintes, sans toutefois mentionner la possibilité pour les plaignants de continuer à soumettre des plaintes au BIT. Le Conseil d’administration a aussi noté que, bien que le gouvernement se soit efforcé d’élaborer des procédures provisoires pour le traitement des plaintes, un cadre pour la création du mécanisme national de traitement des plaintes et un plan d’action pour l’élimination du travail forcé dans le contexte du PPTD, les mesures de protection des victimes restent floues et la question de la décentralisation des responsabilités en matière d’élimination du travail forcé au profit des autorités des États et des régions doit encore être examinée.
2. Application de la convention en droit et dans la pratique. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté l’adoption de la loi de 2012 concernant l’administration des circonscriptions et des villages, qui abroge la loi de 1907 sur les villages et les villes et fait du recours au travail forcé par quelque personne que ce soit une infraction pénale passible d’emprisonnement et d’amende (art. 27A). La commission a noté qu’aucune mesure n’avait été prise pour modifier l’article 359 de la Constitution (chap. VIII – Citoyenneté, droits et devoirs fondamentaux des citoyens), qui exclut de l’interdiction du travail forcé «les tâches assignées par l’Union conformément à la loi, dans l’intérêt du public» et pourrait être interprété de manière à permettre une imposition généralisée du travail forcé à la population. Elle a également noté qu’avec l’évolution du processus de paix, notamment l’Accord national de cessez-le-feu de 2015 et l’initiative de l’OIT avec le gouvernement et les groupes armés ethniques ayant amené au moins deux groupes armés non étatiques à s’engager à éliminer le travail forcé, le nombre de cas signalés de recrutement forcé à des fins militaires par les forces de sécurité et les groupes armés a considérablement diminué. Toutefois, la commission a noté, d’après le rapport de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar du 17 septembre 2018 (A/HRC/39/CRP.2), que le recours au travail forcé par les Tatmadaw (les forces armées du Myanmar) persiste, en particulier dans les États de Kachin et de Shan, ainsi que parmi les ethnies rakhine et rohingya. Dans de nombreux cas, les Tatmadaw sont arrivés dans un village et ont emmené les villageois directement de chez eux ou des environs de leur village pendant qu’ils pêchaient, cultivaient, faisaient des commissions ou voyageaient. Dans certains cas, cela s’est fait de manière organisée, maison par maison, sur la base d’un quota pour chaque famille, d’une liste ou avec la coopération des chefs de village. Les personnes soumises au travail forcé étaient tenues d’accomplir diverses tâches. La durée du travail forcé variait de quelques jours à plusieurs mois. Bon nombre d’entre elles étaient obligées de travailler comme porteurs, transportant des colis lourds, y compris de la nourriture, des vêtements et, dans certains cas, des armes. D’autres types de travaux courants comprenaient le creusement de tranchées, le nettoyage, la cuisine, la collecte de bois de chauffage, la coupe d’arbres et la construction de routes ou de bâtiments dans des complexes militaires. Les victimes étaient aussi parfois tenues de combattre ou de participer aux hostilités. Elles recevaient une quantité insuffisante de nourriture de qualité médiocre ou n’étaient pas en mesure de manger du tout. Elles n’avaient pas accès à l’eau et étaient maintenues dans des logements inadéquats ou logées en plein air, sans literie et sans installation sanitaire convenable. Les victimes étaient soumises à la violence si elles résistaient, travaillaient lentement ou se reposaient. En particulier, les femmes étaient de surcroît victimes de violence sexuelle (paragr. 258 à 273, 412 à 424 et 614 à 615). La commission a noté avec une profonde préoccupation la persistance du travail forcé imposé par les Tatmadaw dans les États de Kachin et Shan, ainsi qu’aux ethnies rakhine et rohingya. Elle a instamment prié le gouvernement de redoubler d’efforts pour assurer l’élimination du travail forcé sous toutes ses formes tant en droit que dans la pratique, en particulier le travail forcé imposé par les Tatmadaw; de prendre les mesures nécessaires pour assurer la stricte application de la législation nationale, en particulier des dispositions de la loi de 2012 portant modification de la loi sur les villages et du Code pénal; et de fournir des informations sur les progrès réalisés en ce qui concerne la modification de l’article 359 de la Constitution.
La commission note que, d’après les observations de la CSI, le travail forcé est exigé de manière systématique et continu, et que cette pratique persiste aussi dans le secteur privé, en particulier dans le secteur agricole (pêche, canne à sucre, haricot) et dans l’industrie du jade. La CSI souligne également le sort de la population rohingya, dont près de 700 000 personnes ont été expulsées de l’État de Rakhine à la suite des soi-disant opérations de «nettoyage», commencées en 2017, et se sont retrouvées exposées à un risque accru de devenir victimes de travail forcé imposé par les autorités de l’État ou d’autres acteurs.
La commission note, d’après la déclaration du représentant gouvernemental du Myanmar à la Commission de la Conférence, qu’au total dix groupes ethniques armés ont déjà signé l’Accord national de cessez-le-feu et qu’un cessez-le-feu unilatéral a été annoncé dans les États de Kachin et de Shan entre décembre 2018 et avril 2019. Le représentant gouvernemental a également indiqué que des procédures provisoires pour recevoir en permanence les plaintes sont en place et qu’un comité parlementaire conjoint a été créé pour modifier la Constitution. Les membres travailleurs, dans leur déclaration à la Commission de la Conférence, ont allégué que le gouvernement n’avait pas mis en œuvre la plupart des activités prévues dans le cadre des plans d’action 2012 et 2018. La commission note que dans ses conclusions, la Commission de la Conférence, tout en saluant les efforts pour éliminer le travail forcé, a exprimé ses préoccupations face à la persistance du recours au travail forcé et a, par conséquent, prié instamment le gouvernement: de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que le travail forcé ne soit pas imposé dans la pratique par les autorités militaires ou civiles; de s’assurer que les victimes de travail forcé ont accès à des voies de recours efficaces et à un soutien complet, sans crainte de représailles; de faire mieux connaître au grand public et aux autorités administratives les activités de sensibilisation et de renforcement des capacités afin de dissuader le recours au travail forcé; de fournir des informations détaillées sur les progrès accomplis dans le cadre du PPTD; et d’intensifier sa coopération avec le BIT en élaborant un plan d’action assorti de délais pour la mise en place d’une procédure efficace de traitement des plaintes et pour la transition vers cette procédure.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que, dans le cadre du PPTD, en janvier 2019, une formation de formateurs en matière d’élimination du travail forcé a été conduite avec des représentants du groupe de travail de haut niveau, des membres du groupe de travail technique et des représentants du BIT. En outre, un atelier de partage de connaissances a été tenu au cours de la même période avec 50 représentants, dont des membres du groupe de travail de haut niveau, des membres du groupe de travail technique, et des représentants du BIT, du gouvernement, des organisations d’employeurs et de travailleurs pour partager les bonnes pratiques d’autres pays en matière d’élaboration du mécanisme national de traitement des plaintes (NCM). Le gouvernement indique que des procédures provisoires pour recevoir et traiter les plaintes de travail forcé sont et seront gérées par le groupe de travail de haut niveau jusqu’à la mise en place du NCM.
À cet égard, la commission prend dûment note des informations supplémentaires fournies par le gouvernement selon lesquelles le NCM a été créé et est opérationnel depuis février 2020. Un comité national a été établi afin de mettre en œuvre efficacement le NCM; il comprend des représentants de 16 ministères et de la Commission des droits de l’homme du Myanmar ainsi que des représentants de la Fédération des chambres de commerce et d’industrie de l’Union du Myanmar (UMFCCI), de la Confédération des syndicats du Myanmar (CTUM), de la Fédération de l’agriculture et des agriculteurs du Myanmar (Travailleurs agricoles et assimilés) (AFFM-IUF) et de la Fédération des syndicats des industries, de l’artisanat et des services du Myanmar (MICS-TUsF). Une session d’orientation, animée par l’OIT, a été organisée pour les membres du Comité national pour le NCM. En outre, une formation sur l’identification et l’investigation des cas de travail forcé ainsi que sur la définition internationale du travail forcé et sur le droit humanitaire international a été dispensée à 38 fonctionnaires et agents des différents ministères et départements qui reçoivent des plaintes sur le travail forcé. La commission prend également note des informations du gouvernement selon lesquelles le NCM a résolu 20 cas sur les 38 reçus en 2020, y compris les 24 cas reçus durant la période du fonctionnement du mécanisme provisoire de traitement des plaintes.
La commission note également, d’après les informations communiquées par le gouvernement, que, entre juillet 2018 et août 2019, 6 423 ateliers de sensibilisation au travail forcé ont été conduits au total, auxquels ont participé environ 507 935 personnes dans les municipalités concernées du pays, et que 115 113 affiches ont été distribuées. En outre, pour prévenir le recours au travail forcé dans le secteur privé, entre janvier 2018 et juillet 2019, 1 903 ateliers de partage de connaissances ont été conduits auxquels ont participé 92 698 personnes provenant de 4 252 usines, magasins, établissements et centres de formation.
En ce qui concerne l’amendement de l’article 359 de la Constitution, qui exclut de l’interdiction du travail forcé «les tâches assignées par l’Union conformément à la loi, dans l’intérêt du public», la commission prend note de l’information du gouvernement selon laquelle la proposition a été présentée à l’Assemblée de l’Union (Pyidaungsu Hluttaw) le 19 mars 2020. Toutefois, la commission note avec regret la déclaration du gouvernement selon laquelle, bien que 409 des 654 représentants aient voté en faveur de l’amendement, l’article n’a pas pu être modifié, le nombre de voix requis de plus de 75 pour cent de l’ensemble des représentants de l’Assemblée n’ayant pas été atteint.
Le gouvernement indique en outre que jusqu’en juillet 2020, 1 105 cas concernant le recrutement de mineurs ont été reçus dans le cadre du mécanisme de plaintes du SU, dont 707 ont été résolus. La commission note également que d’avril 2019 à juillet 2020, dix officiers et huit militaires ont été sanctionnés pour le recrutement irrégulier d’enfants. En outre, 23 enfants mineurs qui avaient été recrutés de manière irrégulière ont été libérés. La commission constate cependant l’absence d’informations sur les sanctions concrètes appliquées aux dix officiers et huit militaires pour le recrutement irrégulier d’enfants.
La commission note également, d’après l’information du gouvernement, qu’aucune sanction n’a été imposée en vertu de la loi concernant l’administration des circonscriptions et des villages et du Code pénal entre juillet 2018 et juillet 2019. Tout en prenant note des mesures prises par le gouvernement pour éliminer toutes les formes de travail forcé, la commission rappelle une fois encore au gouvernement que, en vertu de l’article 25 de la convention, le fait d’exiger du travail forcé ou obligatoire est passible de sanctions pénales, et que les sanctions prévues dans la loi doivent être réellement adéquates et strictement appliquées.
La commission prie donc instamment et fermement le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la stricte application de la législation nationale, en particulier les dispositions de la loi de 2012 concernant l’administration des circonscriptions et des villages et du Code pénal, afin que des peines d’emprisonnement suffisamment dissuasives soient imposées et appliquées aux auteurs dans tous les cas. À cet égard, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application dans la pratique de la législation susmentionnée afin de s’assurer que les auteurs sont tenus responsables de leurs actes, y compris des statistiques sur les cas de travail forcé recensés, les procédures judiciaires engagées, les condamnations prononcées et la nature des sanctions imposées aux personnes condamnées. Elle prie aussi le gouvernement de continuer à communiquer des informations détaillées sur les mesures prises pour assurer que, dans la pratique, le travail forcé n’est plus imposé par les autorités militaires ou civiles, ainsi que par le secteur privé – mesures telles que des activités de sensibilisation et de renforcement des capacités des administrateurs locaux, du personnel militaire, des autres acteurs et de la population. La commission prie en outre le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre de plaintes relatives au travail forcé reçues et résolues par le NCM. De plus, tout en reconnaissant les efforts déployés par le gouvernement en ce qui concerne la procédure d’amendement de l’article 359 de la Constitution, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement continuera à prendre les mesures nécessaires pour que l’article 359 de la Constitution soit amendé de manière à le rendre conforme à la convention, et à fournir des informations sur tout progrès réalisé à cet égard. Elle réitère une fois de plus le ferme espoir que toutes les mesures nécessaires seront prises sans délai, en droit et dans la pratique, pour parvenir au respect intégral de la Convention afin de garantir que tout recours au travail forcé ou obligatoire au Myanmar soit complètement éliminé.
La commission soulève d’autres questions dans une demande adressée directement au gouvernement.
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