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Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Lettonie (Ratification: 1992)

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La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des informations supplémentaires communiquées à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020).
Article 1, paragraphe 2, de la convention. Discrimination fondée sur l’ascendance nationale. Conditions exigées pour un emploi déterminé. Depuis plusieurs années, la commission fait part de sa préoccupation en ce qui concerne les effets discriminatoires que les exigences linguistiques de la loi de 1999 sur la langue officielle peuvent avoir sur les opportunités d’emploi ou d’activité professionnelle des groupes minoritaires, en particulier de l’importante minorité russophone. Elle a rappelé que l’article 6(2) de la loi prévoit que les employés des institutions, organisations et entreprises privées et les travailleurs indépendants doivent utiliser la langue officielle si leurs activités ont des effets sur les «intérêts légitimes du public» et a observé que cette exigence touche un grand nombre de postes et de professions (sécurité publique, santé, moralité, soins de santé, protection des droits des consommateurs et des droits à l’emploi, sécurité sur le lieu de travail, supervision de l’administration publique). La commission a prié le gouvernement d’envisager d’établir une liste des professions pour lesquelles l’utilisation de la langue officielle est requise en vertu de l’article 6(2) de la loi sur la langue officielle, de manière à la limiter aux cas où la langue est une condition exigée pour des emplois déterminés. La commission observe que, selon les données de janvier 2017 du Bureau central de la statistique (CSB), la répartition ethnique de la population lettone montre qu’il y a 25,4 pour cent de Russes. Elle note avec regret l’absence de mesures prises par le gouvernement pour limiter la liste des professions pour lesquelles l’utilisation de la langue officielle est requise en vertu de la loi. La commission prend note de la déclaration du gouvernement, dans son rapport et dans ses informations supplémentaires, selon laquelle plusieurs amendements ont été apportés entre 2017 et 2020 au règlement du Conseil des ministres no 733 de 2009 qui prescrit le niveau de maîtrise du letton requis pour chaque profession ou occupation, conformément à l’article 6(5) de la loi. Le gouvernement indique que les amendements ont essentiellement pour but: 1) d’harmoniser les professions et les métiers énumérés dans le règlement avec les titres et les codes des professions figurant dans la classification des professions; et 2) de prévoir une période transitoire jusqu’au 1er juillet 2021 pour les personnes dont la maîtrise de la langue officielle pour exercer leurs fonctions professionnelles et leurs fonctions administratives a été augmentée d’au moins un niveau. À cet égard, le gouvernement rappelle que, après avoir réussi l’examen de langue lettone, la personne recevra un certificat de compétence pour prouver à son employeur et aux établissements d’enseignement sa capacité à communiquer en letton. Toutefois, si une personne ne maîtrise pas un niveau des cours de langue, elle perdra la possibilité de postuler pour le niveau suivant et n’aura qu’une seconde chance de postuler pour le même niveau une fois par an. La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur les différents programmes et cours d’apprentissage du letton dispensés aux enfants et aux adultes par certaines municipalités, l’Agence nationale pour l’emploi (SEA) et l’Agence de la langue lettone (LVA). À cet égard, elle note plus particulièrement qu’entre 2016 et 2018, 587 ressortissants de pays tiers ont reçu une formation linguistique en letton pour faciliter leur intégration sur le marché du travail, dans le cadre du Projet de fonds de l’asile, des migrations et de l’intégration mis en œuvre par la LVA. La commission prend également note de la déclaration du gouvernement selon laquelle l’un des objectifs du Plan de mise en œuvre de la Politique 2019-2020 d’identité nationale, de la société civile et de l’intégration est de renforcer la connaissance de la langue lettone dans la société.
Dans ses informations supplémentaires, le gouvernement indique qu’un passage progressif au letton comme unique langue d’enseignement a été entamé et que, à cette fin, des amendements ont été introduits en 2018 dans la loi de 1998 sur l’enseignement et la loi de 1999 sur l’éducation générale. Le gouvernement déclare que la mise en œuvre de la réforme concernant la langue d’instruction sera soutenue par les nouveaux matériels d’enseignement et d’apprentissage, et par une formation des enseignants afin de les aider à mettre en œuvre avec succès le nouveau contenu de l’enseignement basé sur les compétences en letton. À cet égard, la commission note qu’en 2018, la LVA a lancé un projet qui vise à soutenir 3 500 enseignants d’ici 2021, y compris des enseignants issus de minorités ethniques, afin de les aider à développer leurs compétences en letton à des fins professionnelles. Elle note toutefois que, dans leurs observations finales, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) et le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ont exprimé leur préoccupation quant au fait que la réforme de l’éducation créera des restrictions excessives à l’accès à l’enseignement dans les langues minoritaires. Le CERD s’est dit plus particulièrement préoccupé en ce qui concerne l’article 6 de la loi sur la langue officielle qui pourrait entraîner une discrimination directe et indirecte à l’encontre des minorités dans l’accès à l’emploi dans les institutions publiques et privées (CEDAW/C/LVA/CO/4-7, 10 mars 2020, paragr. 33; et CERD/C/LVA/CO/6-12, 25 septembre 2018, paragr. 16). La commission tient à rappeler qu’une discrimination fondée sur l’ascendance nationale peut avoir lieu lorsque la législation imposant la langue d’un État pour pouvoir travailler dans le secteur public ou dans le secteur privé est interprétée et mise en œuvre de façon trop large et, de cette manière, affecte de façon disproportionnée et négative les opportunités d’emploi et d’activité professionnelle des groupes linguistiques minoritaires. En outre, elle rappelle que, pour rester dans le champ d’application de l’exception prévue à l’article 1, paragraphe 2, de la convention concernant les conditions exigées pour un emploi déterminé, toute restriction concernant l’accès à un emploi doit être requise par les caractéristiques de cet emploi et avoir un caractère proportionnel aux conditions qu’il exige. Cette exception doit être interprétée de manière restrictive afin d’éviter toute restriction injustifiée de la protection que la convention vise à assurer (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 764 et 827-831). Compte tenu de la persistance d’un grand nombre de postes et de professions pour lesquels l’utilisation de la langue officielle est requise en vertu de l’article 6(2) de la loi sur la langue officielle, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter toute restriction injustifiée des opportunités d’emploi et d’activité professionnelle pour tout groupe en limitant le nombre de professions où la maîtrise de la langue lettone est considérée comme une condition exigée pour un emploi déterminé. Elle prie en outre le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les cours de langue lettone et les activités menées pour garantir que sa législation nationale, y compris la réforme en cours concernant la langue d’instruction, ne crée pas dans la pratique une discrimination directe ou indirecte dans l’accès à l’éducation et à l’emploi pour les groupes minoritaires, en particulier l’importante minorité russophone.
Article 1, paragraphe 2, et article 4. Discrimination fondée sur l’opinion politique. Conditions exigées pour un emploi déterminé. Activités préjudiciables à la sécurité de l’État. Depuis plusieurs années, la commission se réfère aux dispositions contraignantes de la loi de 2000 sur la fonction publique de l’État, qui prévoit que pour faire acte de candidature à un poste dans la fonction publique, la personne concernée ne doit ni occuper ni avoir occupé «un poste permanent dans le service de sécurité de l’État, du renseignement ou du contre-espionnage de l’URSS, de la République socialiste soviétique de Lettonie (RSS) ou d’un pays étranger» (article 7(8)), ou ne doit ni être ni avoir été «membre d’une organisation qui a été interdite par la loi ou par décision judiciaire» (article 7(9)). La commission avait attiré l’attention du gouvernement sur le fait que la loi s’applique à tout poste de fonctionnaire de l’État et concerne aussi l’emploi dans certains services en particulier, quel que soit le niveau de responsabilité, et avait prié le gouvernement de modifier les articles 7(8) et 7(9) de la loi ou de prendre des mesures pour préciser et définir clairement les fonctions auxquelles s’appliquent ces articles. La commission prend note de la déclaration réitérée du gouvernement selon laquelle l’objectif de ces restrictions est d’empêcher l’entrée dans la fonction publique de personnes qui ne sont pas loyales envers l’État et qui pourraient constituer une menace pour la sécurité nationale. Le gouvernement ajoute qu’en avril 2019, le ministère de la Justice a préparé un rapport sur la nécessité et l’opportunité des restrictions imposées par la loi sur la fonction publique de l’État aux anciens employés du Comité de sécurité nationale de la RSS de Lettonie, et a conclu que ces restrictions devraient être maintenues afin de «garantir une fonction publique de l’État loyale, professionnelle et politiquement neutre, qui assure un fonctionnement légal, stable, efficace et transparent de l’administration publique». Observant que, dans son rapport, le ministère de la Justice a souligné qu’il serait toutefois plus approprié pour un pays démocratique d’évaluer les circonstances individuelles de chaque cas et d’adopter une décision fondée sur cette évaluation du degré de coopération passée, de la nature du travail, etc. la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle ces informations n’étant pas disponibles, cette recommandation serait impossible à mettre en œuvre. En ce qui concerne le nombre de personnes renvoyées ou dont la candidature a été rejetée en application des articles 7(8) et 7(9) de la loi sur la fonction publique de l’État, le gouvernement déclare que ces données ne sont pas disponibles pour l’instant. Tout en comprenant les préoccupations du gouvernement et en prenant note de ses explications, la commission attire à nouveau son attention sur le fait que la loi sur la fonction publique s’applique à tout fonctionnaire de l’État et concerne aussi l’emploi dans certains services en particulier, quel que soit le niveau de responsabilité. Elle rappelle qu’afin de rester dans le champ de l’exception prévue à l’article 1, paragraphe 2, concernant les conditions exigées pour un emploi déterminé ou à l’article 4 sur la sécurité de l’État, cette exception doit être interprétée de manière restrictive afin d’éviter toute restriction injustifiée de la protection que la convention vise à assurer. Plus particulièrement, elle rappelle que des critères tels que l’opinion politique ne peuvent être pris en compte comme conditions exigées en vertu de l’article 1, paragraphe 2, que pour certains postes impliquant des responsabilités particulières directement liées à l’élaboration de la politique gouvernementale. En outre, pour que les mesures ne soient pas discriminatoires au sens de l’article 4 de la convention, elles doivent: 1) viser une personne en raison des activités pour lesquelles elle est mise en cause sur la base d’une suspicion légitime ou de preuves, ces mesures devenant discriminatoires lorsqu’elles sont prises uniquement en raison de l’appartenance à un groupe ou à une communauté déterminés; 2) s’appliquer à des activités pouvant être qualifiées de préjudiciables à la sécurité de l’État; et 3) être suffisamment bien définies et délimitées, de sorte qu’elles ne puissent pas devenir un moyen de discrimination fondé sur l’opinion politique. Outre ces conditions de fond, l’application légitime de cette exception doit respecter le droit de la personne visée par les mesures de recourir à une instance compétente établie suivant la pratique nationale (voir Étude d’ensemble de 2012, paragr. 832-835). La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 7(8) et 7(9) de la loi sur la fonction publique de l’État afin de limiter leur champ d’application à des fonctions et des postes bien déterminés de la fonction publique de l’État, conformément aux dispositions de la convention. Elle le prie de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard. Entretemps, la commission prie le gouvernement de fournir toute donnée disponible sur l’application des articles 7(8) et 7(9) dans la pratique, y compris sur le nombre de personnes dont la candidature a été rejetée en vertu de ces articles, les raisons de ces décisions et les fonctions concernées, ainsi que tout recours formé contre ces décisions.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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