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Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Algérie (Ratification: 1962)

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La commission prend note des informations supplémentaires fournies à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). La commission a procédé à l’examen de l’application de la convention sur la base des informations supplémentaires reçues du gouvernement, des observations reçues cette année des partenaires sociaux, ainsi que sur la base des informations dont elle disposait en 2019.
La commission prend note des observations reçues les 29 septembre et 9 octobre 2020 de la Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA) et du Syndicat national autonome du personnel de l’administration publique (SNAPAP), appuyées par l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) et par l’Internationale des Services Publics (ISP). Les organisations précitées dénoncent la fermeture du siège de la CGATA à Alger, la persécution de centaines de membres syndicaux dans de nombreux wilayas du pays, ainsi que l’arrestation, la détention et les condamnations en justice à l’encontre des délégués syndicaux suivants: i) M. Kaddour Chouicha, coordinateur du Syndicat des enseignants du supérieur Solidaires (SESS); ii) Mme Lalia Djaddour, membre du comité national des femmes travailleuses et secrétaire nationale du SNAPAP; iii) et M. Maaza Belkacem, membre de la Fédération nationale du secteur de la justice.
La commission prend également note des observations reçues le 30 septembre 2020 de la Confédération syndicale des forces productives (COSYFOP), appuyées par l’UITA, l’ISP et IndustriALL Global Union. La COSYFOP dénonce les faits suivants intervenus en 2020: i) la création d’un bureau clone de la COSYFOP via une assemblée générale sans représentants des syndicats affiliés et dont les représentants soi-disant élus n’ont jamais été adhérents de la Confédération; ii) la fermeture sous scellés du siège social de la COSYFOP le 21 février 2020; iii) une campagne gouvernementale contre les organisations affiliées à la COSYFOP; iv) le harcèlement judiciaire à l’encontre des délégués syndicaux suivants: M. Raouf Mellal, Président de la COSYFOP; M. Hamza Kherroubi, Président du Syndicat national des aides-soignants (SNAS); M. Ayoub Merine, Président de la Fédération nationale des travailleurs des Fonds de Sécurité sociale; M. Benzine Slimane, membre du bureau de la COSYFOP; M. Nasser Hamitouche, délégué de la wilaya d’Alger de la COSYFOP; Mme Tym Kadri, Présidente de la Fédération du personnel du secteur de l’Éducation; M. Omar Harid, secrétaire général de bureau de la wilaya de Guelma de la COSYFOP; et M. Mohamed Essalih Bensdira, président du comité national des chômeurs de la COSYFOP; v) les observations présentées par la COSYFOP sur le projet d’amendement de la loi n°90 14 ont été ignorées par le gouvernement.
La commission avait précédemment pris note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2019, qui portent sur des questions d’ordre législatif dont l’essentiel fait déjà l’objet d’un examen par la commission, et dénoncent la persistance de violations de la convention dans la pratique. La CSI allègue en particulier que les autorités font toujours usage d’un pouvoir discrétionnaire pour refuser d’enregistrer certains syndicats. La commission avait également noté les observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues les 30 août et 1er septembre 2019, concernant la déclaration des employeurs devant la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail en 2019. Enfin, la commission avait noté les observations de la COSYFOP, reçues les 28 août, 11 octobre et 13 novembre 2019 concernant de sérieuses entraves à la liberté d’organiser ses activités et faisant des propositions sur la réforme législative en cours en rapport avec l’application de la convention.
Compte tenu de la gravité des faits allégués, la commission prie instamment le gouvernement de fournir ses commentaires en réponse aux observations susmentionnés dans l’éventualité où ceux-ci n’auraient pas été fournis dans sa réponse de novembre 2020 que la commission mentionne ci-après, et en particulier de fournir des informations détaillées concernant les allégations de fermeture des locaux syndicaux et d’arrestation et condamnation de délégués syndicaux, ainsi que celles de la COSYFOP concernant les difficultés d’installation d’un syndicat affilié dans une entreprise d’ingénierie et de construction.
La commission prend note des informations suivantes fournies par le gouvernement en novembre 2020 en réponse à certaines observations: i) le gouvernements informe de la situation de l’enregistrement des syndicats. La commission se réfère à ces informations ci-après; ii) le gouvernement indique que l’arrestation de M. Chouicha, coordinateur du SESS, n’était pas liée à ses activités syndicales mais à des activités troublant l’ordre public par la diffusion de tracts politiques de déstabilisation et de désobéissance civile; ce dernier a été relâché par la suite; iii) le gouvernement se réfère à la situation de M. Mellal, président de la COSYFOP, en rappelant une décision de justice rendue par la Cour suprême en octobre 2019 confirmant son licenciement pour faute professionnelle. Selon le gouvernement, M. Mellal exerce une profession libérale et a perdu sa crédibilité de représentant syndical à cause de ses communiqués appelant au changement politique par la violence. La commission observe que la situation professionnelle de M. Mellal a fait l’objet d’un examen par le Comité de la liberté syndicale qui a formulé des recommandations (voir 392e rapport, octobre 2020, cas n° 3210).
La commission note que la mission de haut niveau demandée par la Commission de l’application des normes en juin 2018 s’est rendue à Alger en mai 2019. La mission a par la suite présenté un rapport avec son analyse des questions en suspens en rapport avec l’application de la convention et a formulé des recommandations. La commission note que l’acceptation de la mission et son déroulement constituent un signal positif quant à la volonté du gouvernement de progresser dans le traitement de ces questions en suspens depuis de nombreuses années. La commission a bénéficié des informations recueillies par la mission lors des réunions qu’elle a tenues, ainsi que des conclusions et recommandations auxquelles elle est parvenue. Celles-ci contribuent à une compréhension plus empirique des difficultés d’ordre juridique et pratique de l’exercice de la liberté syndicale dans le pays.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 108e session, juin 2019)

La commission prend note de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence, en juin 2019, concernant l’application de la convention par l’Algérie. La commission observe que, si la Commission de la Conférence a noté positivement l’acceptation par le gouvernement de la mission de haut niveau, cette dernière a néanmoins tenu à exprimer sa préoccupation devant la persistance des restrictions au droit des travailleurs de constituer des organisations, fédérations et confédérations syndicales de leur choix et de s’y affilier et l’absence continue de progrès tangibles dans la mise en conformité de la législation avec la convention. Dans ses conclusions, la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement de: i) s’assurer que l’enregistrement des syndicats est, en droit comme dans la pratique, conforme à la convention; ii) traiter les demandes en suspens d’enregistrement de syndicats libres et indépendants qui répondent aux conditions énoncées dans la loi et permettre aux syndicats de se constituer et fonctionner librement; iii) revoir la décision de dissoudre le Syndicat national autonome des travailleurs de l’électricité et du gaz (SNATEGS); iv) fournir systématiquement et promptement aux organisations syndicales toutes les informations détaillées et nécessaires pour leur permettre de prendre des mesures correctives ou de remplir des formalités supplémentaires en vue de leur enregistrement; v) modifier l’article 4 de la loi no 90-14 afin d’éliminer les obstacles à la constitution par des travailleurs d’organisations, de fédérations et de confédérations de leur choix, indépendamment du secteur auquel elles appartiennent; vi) modifier l’article 6 de la loi no 90-14 afin de reconnaître le droit de tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations syndicales; vii) prendre toutes les mesures appropriées pour s’assurer que, quelle que soit l’affiliation syndicale, le droit à la liberté syndicale peut être exercé dans des conditions normales de respect des libertés publiques et dans un climat exempt de violence, de pression et de menaces; viii) s’assurer des droits à l’impartialité de l’enquête et à la régularité de la procédure afin de garantir la primauté du droit; ix) réintégrer les agents de l’administration destitués sur la base d’une discrimination antisyndicale, lorsque cela se justifie; et x) s’assurer que le nouveau projet de Code du travail est adopté sans autre délai et est conforme au texte de la convention. La commission note que, comme requis, le gouvernement a par la suite transmis dans son rapport des informations détaillées sur les suites données aux recommandations de la Commission de la Conférence.

Questions législatives

Modification de la loi relative aux modalités d’exercice de la liberté syndicale et réforme du Code du travail. La commission rappelle que le gouvernement se réfère, depuis 2011, au processus de réforme du Code du travail pour répondre aux préoccupations de la commission concernant l’application de la convention. La commission note que le gouvernement a informé la mission de haut niveau de son intention d’adopter une nouvelle démarche pour répondre rapidement aux commentaires appelant la modification des articles 2, 4 et 6 de la loi no 90-14 relative aux modalités d’exercice du droit syndical. Cette nouvelle démarche consisterait ainsi à réviser dans un premier temps les dispositions susmentionnées et de dissocier cette modification du processus plus global de révision de l’ensemble du Code du travail, qui serait poursuivie dans un second temps. Les modalités de consultation et le calendrier restaient cependant à définir. Ayant observé qu’il ressortait des entretiens avec les organisations syndicales et patronales qu’aucune discussion ou consultation sur le projet de code n’avait eu lieu depuis 2017, la mission a recommandé au gouvernement d’engager sans délai la préparation des projets de texte révisant les dispositions de la loi no 90-14, selon les recommandations de la commission, et de poursuivre le travail de mise en conformité du projet de Code du travail avec les commentaires techniques fournis par le Bureau en 2015, tout ceci en consultation avec tous les partenaires sociaux. En juin 2019, le gouvernement a confirmé devant la Commission de la Conférence vouloir mettre à jour le texte de révision du Code du travail à la lumière des amendements proposés par le Bureau et de consulter l’ensemble des partenaires économiques et sociaux.
La commission note les informations supplémentaires fournies par le gouvernement indiquant que l’avant-projet de loi modifiant et complétant la loi no 90 14 a été préparé et soumis à l’avis de 47 organisations syndicales et patronales et à 27 départements ministériels. Selon le gouvernement, cet avant-projet de loi modifie l’ensemble des articles qui font l’objet de commentaires de la part de la commission. En outre, le gouvernement indique avoir pu bénéficier des commentaires techniques du Bureau en février 2020 et que la dernière version de l’avant-projet de loi en tient dûment compte. Le gouvernement informe que le projet de loi est en discussion au niveau du Secrétariat général du Gouvernement en vue de son adoption en Conseil du Gouvernement puis en Conseil des Ministres, avant sa transmission au Parlement. Par ailleurs, le gouvernement fait mention d’une nouvelle mouture du Code du travail qui inclut les observations de 2015 du Bureau. Il indique que ce nouveau texte sera soumis à la concertation avec les partenaires économiques et sociaux et que la version finale sera ensuite soumise aux autorités habilitées pour approbation et promulgation. La commission accueille favorablement l’indication du gouvernement selon laquelle ses commentaires ont été pris en compte dans le texte de modification de la loi no 90-14 et que sa nouvelle rédaction, ainsi que celle du projet de révision du Code du travail, a tenu compte des commentaires techniques du Bureau. S’agissant des modifications de la loi no 90-14, la commission renvoie aux commentaires qu’elle formule ci-après. S’agissant du Code du travail, la commission renvoie aux commentaires qu’elle formule dans sa demande directe. La commission attend du gouvernement qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour achever, sans délai, la réforme législative demandée par la commission pour donner pleinement effet aux dispositions de la convention et qu’il sera en mesure de faire rapidement état de progrès à cet égard.
Article 2 de la convention. Droit de constituer des organisations syndicales. La commission rappelle que ses commentaires portaient sur l’article 6 de la loi no 90-14 qui limite le droit de fonder une organisation syndicale aux personnes de nationalité algérienne d’origine ou acquise depuis au moins dix ans. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle le projet de loi inclut une modification de l’article 6 qui supprime la condition de nationalité, ce qui va permettre aux travailleurs et employeurs étrangers de fonder des organisations syndicales et, sous condition de trois années de résidence et selon les modalités fixées dans les statuts, de devenir membres des organes de direction ou d’administration d’un syndicat. La commission veut croire que la modification de l’article 6 de la loi no 90-14 interviendra rapidement afin que soit reconnu à tous les travailleurs, sans distinction de nationalité, le droit de constituer une organisation syndicale et d’accéder aux fonctions dans les organes de direction ou d’administration.
Article 5. Droit de constituer des fédérations et des confédérations. La commission rappelle que ses commentaires portaient sur les articles 2 et 4 de la loi no 90-14 qui, lus conjointement, ont pour effet de limiter la constitution des fédérations et confédérations dans une profession, branche ou dans un secteur d’activité. La commission avait précédemment noté l’indication du gouvernement selon laquelle l’article 4 en question serait amendé avec l’inclusion d’une définition de fédérations et de confédérations. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique simplement que le projet de loi de révision de la loi no 90-14 clarifie les notions d’unions, de fédérations et de confédérations en vue de permettre leur constitution quel que soit le secteur d’activité que couvrent les syndicats membres. La commission accueille favorablement l’indication du gouvernement que la dernière modification de l’article 4 de la loi permettra aux organisations syndicales de constituer les fédérations, unions et confédérations quel que soit la profession, la branche et le secteur auxquels elles appartiennent. La commission veut croire que la modification de l’article 4 de la loi no 90-14 interviendra rapidement afin de lever tout obstacle à la constitution de fédérations et de confédérations par les organisations de travailleurs, quel que soit le secteur auquel elles appartiennent.
Article 3. Limitation de l’accès aux fonctions syndicales. Enfin, la commission note le constat de la mission de haut niveau en rapport avec l’application de l’article 2 de la loi no 90-14 qui pourrait dans les faits limiter la pleine jouissance et l’exercice de la liberté syndicale. Selon la mission, l’emploi de l’expression «travailleurs salariés» qui figure à l’article 2 de la loi no 90-14 peut avoir pour conséquence pratique de limiter l’accès aux fonctions syndicales. Les entretiens de la mission ont révélé que le licenciement d’un dirigeant syndical (ou d’un membre fondateur d’une organisation en attente d’un agrément) dans une entreprise ou une administration déterminée lui faisait perdre sa qualité de salarié et, par voie de conséquence, ce dernier perdait, de jure, sa qualité de responsable syndical en vertu de l’article 2 de la loi no 90-14. La mission a observé que cette situation était de nature à porter atteinte à la liberté d’action de l’organisation et à son droit d’élire librement ses représentants. À cet égard, la commission rappelle qu’elle considère que l’obligation d’appartenir à une profession ou une entreprise pour exercer une fonction syndicale peut entraver le droit des organisations d’élaborer librement leurs statuts et d’élire librement leurs représentants. Elle ôte aux syndicats la possibilité d’élire des personnes qualifiées (telles que des permanents syndicaux ou des retraités) ou les prive de l’expérience de certains dirigeants lorsqu’ils ne disposent pas, dans leurs propres rangs, de personnes compétentes en nombre suffisant. Il existe en outre un risque réel d’ingérence de l’employeur, par le biais du licenciement des dirigeants syndicaux qui perdent, de ce fait, leur qualité de responsables syndicaux (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 102). À la lumière de ce qui précède, la commission avait demandé au gouvernement de consulter d’urgence les partenaires sociaux sur les mesures à prendre pour modifier les prescriptions résultant de l’application de l’article 2 de la loi no 90-14, ceci afin que les fonctions syndicales dans une entreprise ou un établissement ne soient plus limitées aux seules personnes salariées de l’entreprise ou de l’établissement en question, ou afin de lever la question d’appartenance à la profession ou de la qualité de salarié pour au moins une proportion raisonnable de responsables syndicaux. Dans les informations supplémentaires fournies, le gouvernement indique qu’une véritable représentation des travailleurs auprès de l’employeur, notamment via la section syndicale qui est élue démocratiquement par les affiliés, vaut non seulement par son expérience dans l’entreprise en question mais aussi par la connaissance de l’organisation et de la culture de l’entreprise. Selon le gouvernement, la définition du terme “travailleur” est liée à la question de la rémunération, qui représente la contrepartie de l’effort fourni par le travailleur. Cette définition crée une relation de travail et un lien juridique créant des droits et des obligations pour les deux parties de la relation de travail. Enfin, rappelant qu’aucune organisation syndicale n’a soulevé la question de la représentation syndicale, le gouvernement indique que la question du mandat de personnes étrangères aux « organismes employeurs » par des organisations syndicales peut-être envisagée sous certaines conditions et que celle-ci fera l’objet d’une consultation des partenaires sociaux et économiques. La commission attend du gouvernement qu’il engage sans délai les consultations avec les partenaires sociaux sur la question de l’octroi du mandat de représentation syndicale à des personnes étrangères à l’entreprise ou à l’établissement. Elle rappelle la nécessité de modifier les prescriptions résultant de l’application de l’article 2 de la loi no 90-14 afin que les fonctions syndicales dans une entreprise ou un établissement ne soient plus limitées aux seules personnes salariées de l’entreprise ou de l’établissement en question, ou afin de lever la question d’appartenance à la profession ou de la qualité de salarié pour au moins une proportion raisonnable de responsables syndicaux.

Enregistrement des syndicats dans la pratique

La commission rappelle que ses commentaires portent depuis de nombreuses années sur les questions des délais particulièrement longs, parfois de plusieurs années, dans le traitement des demandes d’enregistrement de syndicats ou de refus des autorités d’enregistrer certaines organisations syndicales autonomes sans fournir de motif.
La commission note que le gouvernement a informé la mission de haut niveau, ainsi que la Commission de la Conférence, de la récente initiative du ministère du Travail d’actualiser les dossiers relatifs à la constitution des syndicats et d’inviter les organisations souhaitant se faire enregistrer ou dont les demandes sont en cours d’examen à rencontrer le ministère pour mettre à jour les documents administratifs, en particulier ceux relatifs à leur situation professionnelle. Selon le rapport du gouvernement et les informations supplémentaires fournies, cette initiative a abouti à l’enregistrement de 138 organisations représentatives (91 organisations syndicales et 47 organisations d’employeurs) au mois de mars 2020.
En outre, la commission note les informations suivantes fournies par le gouvernement en ce qui concerne l’enregistrement de syndicats qui figuraient dans ses commentaires précédents: i) le Syndicat national autonome des travailleurs du nettoiement et de l’assainissement (SNATNA) et le Syndicat national des travailleurs de Mobilis (SNTM) ont été enregistrés; ii) le Syndicat algérien autonome des travailleurs des transports (SAATT) et le Syndicat autonome des avocats algériens (SAAVA) n’ont pas encore donné suite aux courriers du ministère leur demandant d’actualiser leurs demandes d’enregistrement. Les démarches entreprises par les administrations publiques pour contacter ces syndicats n’ont pas abouti; iii) le gouvernement informe de l’enregistrement du Syndicat des enseignants du supérieur solidaires (SESS) en février 2020; iv) le traitement des dossiers de constitution du Syndicat national autonome des travailleurs de la fabrication et de la transformation du papier et de l’emballage (SNATFTPE), du Syndicat national autonome des travailleurs de la manufacture du bois et dérivés (SNATMBD) et du Syndicat national autonome des travailleurs de l’EUREST Algérie (SNATE) relève de la compétence territoriale de la wilaya ou de la commune. Selon le gouvernement, les démarches entreprises par les administrations publiques pour contacter ces syndicats n’ont pas abouti; v) le dossier de constitution du Syndicat algérien des fonctionnaires de l’administration publique (SAFAP) est en instance en raison de l’existence d’un conflit dû à un désaccord entre les membres fondateurs au sujet de la présidence de l’organisation en question, cependant une tentative de conciliation est en cours, et le gouvernement informera le Bureau de l’évolution de l’affaire; vi) le gouvernement réitère que la Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA) ne présente pas un dossier de constitution conforme aux dispositions de la loi dans la mesure où elle n’est constituée d’aucun syndicat légalement constitué comme le requiert la loi, qui exige que toute confédération soit issue d’un regroupement de syndicats enregistrés ou existant légalement; vii) selon le gouvernement, des personnes n’ayant aucun lien avec la Confédération syndicale des forces productives (COSYFOP) se sont accaparé le récépissé d’enregistrement de l’organisation en question sans la présence d’aucun membre ou adhérent. Le gouvernement admet toutefois que la COSYFOP est constituée de trois syndicats légalement constitués.
Le gouvernement ajoute que, pour donner suite aux recommandations de la Commission de la Conférence, les échanges de courriers et les réunions avec les représentants de syndicats demandant leur enregistrement donnent lieu désormais à des procès-verbaux cosignés avec les demandeurs. Enfin, le gouvernement informe qu’il procède actuellement à l’élaboration d’un manuel de procédure concernant les modalités d’enregistrement des syndicats.
La commission accueille favorablement les informations de suivi fournies par le gouvernement et le prie de continuer de fournir des informations actualisées sur le traitement des dossiers de demande d’enregistrement de syndicats.
La commission fait référence ci-après à la situation spécifique de certaines organisations syndicales.
La commission prend note des points ci-après que la mission de haut niveau a soulevés sur la question de l’enregistrement des syndicats, et qu’elle considère particulièrement pertinente. Tout d’abord, la mission a observé que les dispositions législatives concernant les conditions de formation des fédérations et confédérations de syndicats couvrant différents secteurs d’activité semblent être interprétées de manière non consistante et très restrictive selon les organisations. La mission a ainsi constaté le cas d’une confédération qui n’a pu recevoir son récépissé au motif qu’elle regroupe des affiliés de plusieurs secteurs d’activité, alors que, dans un autre cas, elle a constaté l’enregistrement d’une organisation d’employeurs en février 2019 alors que cette dernière regroupe des affiliés issus de quatre secteurs différents. La mission a aussi été informée du cas d’une centrale syndicale disposant d’affiliés dans plusieurs secteurs. Aussi, la mission a recommandé au gouvernement d’adopter en pratique une position constante et d’admettre la possibilité pour les organisations qui se constituent de regrouper des affiliés de professions, de branches ou de secteurs d’activité différents, cela dans le sens des commentaires de la commission à propos de l’application des articles 2 et 4 de la loi no 90-14. La mission a ainsi demandé au gouvernement d’en tirer les conséquences en enregistrant toutes les organisations dans cette situation qui en feraient la demande. La commission note également que la mission a fait le constat d’inconsistances dans la teneur des réponses de rejet d’enregistrement. Dans la majorité des cas, la réponse de l’administration indique uniquement que «la demande de déclaration de constitution de l’organisation syndicale ne remplit pas les conditions requises par la loi no 90-14 du 2 juin 1990 relative aux modalités d’exercice du droit syndical et invite le demandeur à se conformer à ladite loi», sans autre précision. Aussi, la mission a encouragé le gouvernement à fournir systématiquement et rapidement aux organisations syndicales toutes les informations nécessaires afin de leur permettre de prendre les mesures correctives ou de remplir les formalités supplémentaires aux fins de leur enregistrement.
De manière générale, si elle accueille favorablement les efforts du gouvernement pour clarifier la manière dont l’administration traite les demandes d’enregistrement de syndicats, la commission est néanmoins préoccupée par le fait que l’enregistrement de la plupart des fédérations et syndicats qui font l’objet de ses commentaires, nommément la CGATA, le SAAVA et le SAATT, demeure en suspens. La commission note également les explications fournies sur les rejets d’enregistrement opposés par l’administration à la Confédération des syndicats algériens (CSA), la COSYFOP et le SAFAP, dont les représentants ont pu s’entretenir avec la mission de haut niveau. La commission note que, en tenant compte des éléments qui lui ont été fournis tant par les organisations elles-mêmes que par les autorités, la mission a recommandé au gouvernement de procéder d’urgence à l’enregistrement de la CGATA, de la CSA et du SAFAP.
La commission note avec regret que le gouvernement se borne pour l’essentiel à présenter dans son rapport et les informations supplémentaires fournies en 2020 les mêmes explications qu’il avait précédemment fournis sur les rejets de demandes d’enregistrement concernant les organisations syndicales susmentionnées, en majeure partie fondés sur la lecture de dispositions législatives en vigueur dont la non-conformité avec la convention est rappelée plus haut par la commission. Le gouvernement devrait également tenir compte du processus de modification de ces dispositions qu’il a engagé pour donner effet à la convention. En conséquence, la commission s’attend à ce que le gouvernement tienne dûment compte des éléments rappelés ci-dessus en reconsidérant d’urgence les dossiers d’enregistrement de la CGATA, de la CSA et de la COSYFOP. En outre, elle renvoie aux recommandations de la mission de haut niveau et appelle le gouvernement à procéder à l’enregistrement du SAFAP dès la résolution du différend interne dont il a fait référence. Elle s’attend à ce que le gouvernement fasse état, sans autre délai, de progrès tangible dans le traitement positif de ces dossiers d’enregistrement qui sont, pour certains, en attente depuis plusieurs années. Par ailleurs, la commission encourage une nouvelle fois le gouvernement à fournir systématiquement et rapidement aux organisations syndicales auxquelles l’administration oppose un rejet d’enregistrement toutes les informations nécessaires afin de leur permettre de prendre les mesures correctives ou de remplir les formalités supplémentaires aux fins de leur enregistrement.
En ce qui concerne la situation du Syndicat national autonome des travailleurs de l’électricité et du gaz (SNATEG), dont les observations reçues en juillet 2018 faisaient état de nombreuses entraves à la liberté d’organiser ses activités, la commission rappelle que le SNATEG a présenté une plainte devant le Comité de la liberté syndicale qui s’est une nouvelle fois prononcé sur le fond de l’affaire (voir 392e rapport, octobre 2020, cas n° 3210) et a formulé des recommandations demandant notamment au gouvernement de diligenter une enquête indépendante pour déterminer les circonstances ayant abouti à la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG malgré des éléments présentés par le syndicat qu’aucune dissolution volontaire de la sorte n’avait été décidée. Se référant aux recommandations formulées par la Commission de la Conférence en juin 2019, le comité a demandé au gouvernement de revoir sans délai la décision de dissoudre le SNATEG. Enfin, le comité a exhorté le gouvernement à mettre en œuvre sans délai ses recommandations afin d’assurer au sein de l’entreprise industrielle énergétique concernée un environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis pour toutes les organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité d’adhérer au syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs droits syndicaux sans crainte de représailles et d’intimidation. La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour donner effet aux recommandations du Comité de la liberté syndicale à cet égard.
De manière générale, compte tenu des mesures qu’il a engagées pour traiter les questions juridiques et pratiques qu’elle soulève en rapport avec la mise en œuvre de la convention, la commission veut croire que le gouvernement pourra continuer de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement et qui réitère le contenu de sa demande directe adoptée en 2019.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète au présent commentaire en 2022.]
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