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Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - République-Unie de Tanzanie (Ratification: 1962)

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Peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que le gouvernement indiquait à nouveau dans son rapport qu’en vertu des dispositions de la partie XI de la loi de 1967 sur les prisons, loi qui s’applique inclusivement à Zanzibar, les peines d’emprisonnement ne comportent pas d’obligation de travailler. La commission a cependant noté qu’aux termes de l’article 61 de la loi sur les prisons, toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement sera employée conformément à ce que le Commissioner déterminera et, à cette fin, devra en tout temps accomplir tel travail, telle tâche ou tel devoir qui lui seront assignés par l’officier responsable ou tout autre fonctionnaire de la prison dans laquelle il est incarcéré. L’article 50 de la loi de 1980 sur l’éducation des délinquants pour Zanzibar comporte la même disposition. La commission a observé que les détenus sont tenus d’effectuer un travail qui est déterminé par le Commissioner et qui leur est assigné par l’officier responsable de la prison et que, selon l’une et l’autre loi, le consentement du prisonnier à travailler n’est pas exigé. Par conséquent, les dispositions visées ci-après par la commission, dispositions dont la violation est passible d’une peine d’emprisonnement, relèvent du champ d’application de la convention.
Article 1 a) de la convention. Peines comportant l’obligation de travailler sanctionnant l’expression d’opinions politiques. 1. Médias. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté avec regret que les infractions à la loi (n° 12 de 2016) sur les médias adoptée en 2016 et abrogeant la loi de 1976 du même objet sont passibles d’une peine d’emprisonnement en vertu de la partie VII (infractions et sanctions) et que certaines dispositions sont rédigées en des termes assez larges pour pouvoir être utilisées pour sanctionner l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition à l’ordre politique, social ou économique établi. Les dispositions en question sont les suivantes:
  • ( l’article 50, aux termes duquel toute personne qui fait usage d’un média quel qu’il soit pour publier, délibérément ou par inadvertance, des informations trompeuses ou publier une déclaration dont le contenu est contraire aux intérêts de la défense nationale, à l’ordre public, aux intérêts économiques du pays, à la moralité publique ou encore à la santé publique, commet une infraction, laquelle est passible d’une peine de trois à cinq ans d’emprisonnement;
  • ( l’article 51, aux termes duquel toute personne qui importe, publie, vend, propose, distribue ou produit une publication ou un extrait de publication dont l’importation est interdite commet une infraction et est passible d’une peine de trois à cinq ans d’emprisonnement la première fois, et de cinq à dix ans d’emprisonnement en cas de récidive;
  • ( les articles 52 et 53, aux termes desquels tout acte, discours ou publication à intention séditieuse, y compris la vente, la distribution, la reproduction et l’importation d’une telle publication, est passible d’une peine de trois à cinq ans d’emprisonnement la première fois, et de cinq à dix ans d’emprisonnement en cas de récidive. La possession d’une telle publication est passible d’une peine de deux à cinq ans d’emprisonnement la première fois et de trois à dix ans d’emprisonnement en cas de récidive;
  • ( l’article 54, aux termes duquel toute personne qui publie une déclaration mensongère ou une rumeur susceptible de déclencher la peur et l’alarme dans le public ou de troubler la paix publique, commet une infraction et est passible d’une peine de quatre à six ans d’emprisonnement.
La commission a également noté que, selon les déclarations faites par l’Équipe de pays des Nations Unies dans le cadre de l’examen périodique universel de la situation en Tanzanie en 2015, dans la mesure où le projet de loi sur les médias prévoit que nul ne sera autorisé à pratiquer le journalisme sans accréditation du Conseil d’accréditation des journalistes, l’adoption éventuelle de ce projet entraînerait la disparition des journalistes citoyens et autres journalistes bénévoles œuvrant sur les ondes de radios communautaires (A/HRC/WG.6/25/TZA/2, paragr. 40). La commission a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions de la loi n°12 de 2016 sur les médias soient modifiées de manière à assurer leur conformité avec les dispositions de la convention.
La commission constate l’absence d’information sur ce point dans le rapport du gouvernement. Elle note que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a publié en 2020 un certain nombre de communiqués de presse sur la situation des libertés publiques en Tanzanie. La commission note en particulier que dans un communiqué de presse daté du 22 juillet 2020, trois rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont fait référence à des éléments de preuve illustrant la détérioration de la situation des droits de l’homme depuis 2016, lorsque les rassemblements politiques des groupes d’opposition ont été interdits, avec des arrestations répétées de membres, de militants et d’opposants. Les rapporteurs ont observé qu’il existe une série de nouvelles lois utilisées pour intimider les défenseurs des droits de l’homme, réduire au silence le journalisme indépendant et restreindre davantage les libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association. Dans son communiqué de presse du 17 mars 2020 intitulé «Tanzanie: Les condamnations infligées à l’opposition mettent en évidence la poursuite de l’étouffement des libertés», le HCDH a mentionné la récente condamnation de huit membres de haut rang et d’un ancien haut dirigeant du principal parti d’opposition tanzanien, pour des chefs d’accusation tels que la sédition et le rassemblement illégal, comme une «preuve troublante de la répression de la dissidence et de l’étouffement des libertés publiques dans le pays».
La commission prend note de ces informations avec préoccupation. Elle exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que les dispositions susmentionnées de la loi (no 12 de 2016) sur les médias soient modifiées et pour s’assurer que les personnes qui expriment des opinions politiques ou s’opposent à l’ordre politique, social ou économique établi ne soient pas sanctionnées par des peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler, soit en restreignant clairement la portée de ces dispositions aux circonstances ayant comporté un usage de la violence ou une incitation à la violence, soit en abrogeant les peines comportant l’obligation de travailler. Elle le prie également de fournir des informations sur l’application des dispositions susvisées, notamment sur toutes poursuites judiciaires initiées et décisions rendues par les juridictions compétentes sur la base de ces dispositions, en précisant les sanctions imposées.
2. Réunions, assemblées et organisations. Loi sur les organisations non gouvernementales. La commission a noté précédemment que l’article 11 de la loi de 2002 sur les organisations non gouvernementales (ONG) prévoit que toutes ces organisations doivent soumettre une demande d’enregistrement auprès du service compétent, demande qui, en vertu de l’article 13(3), peut être acceptée ou rejetée. Selon l’article 14(1), l’enregistrement d’une ONG peut être refusé si, entre autres motifs, les activités de l’organisation en question ne servent pas l’intérêt public ou si le Conseil national des ONG a émis une recommandation défavorable à son encontre. L’article 35 prévoit une amende ou une peine de prison (impliquant l’obligation de travailler) d’un an au maximum ou ces deux peines pour punir, entre autres infractions, le fait d’animer une ONG non autorisée. La commission a noté la déclaration du gouvernement selon laquelle, aucune condamnation n’avait été prononcée sur la base de l’article 35 de la loi de 2002 sur les ONG. La commission a aussi noté que certaines dispositions de cette loi qui ont trait à l’enregistrement des ONG ont été jugées inconstitutionnelles par la Haute Cour. Se référant au paragraphe 302 de l’étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, la commission rappelle que, parmi les activités qui, en vertu de l’article 1 a) de la convention, ne doivent pas faire l’objet d’une sanction comportant du travail obligatoire figurent celles qui s’exercent dans le cadre de la liberté d’exprimer des opinions politiques ou idéologiques ainsi que dans le cadre des droits d’association et de réunion, droits par lesquels les citoyens cherchent à faire connaître et accepter leurs opinions.
La commission note que le rapport du gouvernement ne contient aucune information à ce sujet. En conséquence, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions susmentionnées de la loi sur les ONG ne soient pas appliquées de manière à ce que des peines de prison comportant l’obligation de travailler puissent être imposées à des personnes qui ont ou expriment des opinions politiques ou s’opposent à l’ordre établi.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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