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Observation (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 - Pérou (Ratification: 1994)

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La commission prend note des observations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), reçues en 2018, de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP), reçues en 2018 et 2019, ainsi que des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues en 2019. La commission prend note de la réponse du gouvernement à ces observations. Enfin, elle prend note des observations de la Confédération nationale des institutions des entreprises privées (CONFIEP), reçues le 10 septembre 2021, et prie le gouvernement de transmettre ses commentaires à ce sujet.
Article 3 de la convention. Droits de l’homme. 1. Faits survenus à Alto Tamaya-Saweto. Dans ses précédents commentaires, la commission a déploré les assassinats de quatre dirigeants indigènes (Edwin Chota Valera, Jorge Ríos Pérez, Leoncio Quinticima Meléndez et Francisco Pinedo) de la communauté indigène ashaninka d’Alto Tamaya-Saweto, lesquels avaient dénoncé l’abattage illégal de bois dans leur communauté. Ces faits ont été examinés dans le rapport de 2016 du comité tripartite chargé d’examiner la réclamation présentée en 2014 pour inexécution de la convention (document GB.327/INS/5/3). La commission a prié instamment le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables de ces assassinats, et d’enquêter sur les allégations de violence et d’abattage illégal de bois dans la communauté en question.
La commission note que, dans ses observations, la CATP indique que malgré les procédures judiciaires engagées contre les auteurs présumés des assassinats, les principaux responsables des assassinats restent en liberté et n’ont pas été sanctionnés. La CATP souligne que des autorités ont contribué au retard de la procédure dans les enquêtes et que d’autres personnes ayant participé aux assassinats n’ont pas encore été inculpées. La commission note également que, selon la CATP, les enquêtes ont permis d’établir que le principal motif des assassinats était le trafic illicite de bois dans le cadre du système d’«habilitación», système qui engendre des pratiques de travail forcé. La commission note que le gouvernement joint à son rapport copie des rapports du ministère public et du pouvoir judiciaire au sujet de l’état d’avancement des procédures pénales contre les responsables présumés des assassinats en 2014 des dirigeants indigènes d’Alto Tamaya-Saweto. La commission note que, d’après le rapport de 2019 de la Cour supérieure de justice d’Ucayali, une procédure pénale pour homicide qualifié, avec la circonstance aggravante de préméditation, a été engagée contre cinq auteurs présumés des assassinats. Cette procédure en est à un stade intermédiaire, et les réquisitions correspondantes sont sur le point d’être prononcées. De plus, le rapport du ministère public de la même année indique que les auteurs des assassinats n’avaient pas été tous identifiés, mais que les services du procureur (Fiscalía) poursuivaient la procédure pour établir les faits. La commission prend bonne note de la tenue en juin 2021 de l’audience au cours de laquelle le tribunal transitoire, spécialisé dans la confiscation de biens, de la Cour supérieure de justice d’Ucayali a émis un acte d’accusation contre cinq auteurs présumés des assassinats (le contenu de l’audience est disponible sur le canal officiel du pouvoir judiciaire). Lors de l’audience, la juge compétente a précisé que, à ce stade, ni la détention préventive ni aucune autre mesure provisoire n’avait été décidée à l’encontre des accusés. Rappelant la gravité des faits survenus il y a sept ans et l’importance d’éviter l’installation d’un climat d’impunité susceptible d’affecter les peuples indigènes et tribaux, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de continuer de prendre toutes les mesures nécessaires pour que, sans délai, les autorités compétentes mènent à leur terme les enquêtes en cours afin de permettre la poursuite et la condamnation des auteurs matériels et intellectuels des assassinats des dirigeants indigènes de la communauté Alto Tamaya-Saweto survenus en 2014. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés dans les enquêtes concernant les allégations d’actes de violence liés à l’abattage illégal de bois dans cette communauté.
2. Allégations de criminalisation de la protestation sociale. La commission a précédemment souligné la nécessité de garantir que les peuples indigènes puissent exercer pleinement, librement et en toute sécurité les droits consacrés par la convention, et de s’assurer qu’aucune forme de force ou de coercition n’est utilisée en violation de leurs droits et de leurs libertés fondamentales. La commission note que la CATP et la CGTP font état de la criminalisation de la protestation sociale ainsi que d’actes de violence à l’encontre des défenseurs indigènes, hommes et femmes, dont certains ont été poursuivis par les tribunaux pénaux et administratifs dans le contexte de protestations socio-environnementales. En particulier, la CATP souligne le climat de violence affectant les communautés indigènes de la région amazonienne d’Ucayali qui expriment leurs revendications territoriales. La commission note également que la CONFIEP: i) se déclare très préoccupée par les menaces dont sont l’objet les peuples indigènes qui défendent leurs territoires et l’environnement; ii) souligne la création du mécanisme intersectoriel de protection des personnes qui défendent les droits de l’homme (décret suprême no 004 - 2021 - JUS) de 2021 - mécanisme qui vise à garantir la prévention, la protection et l’accès à la justice de ces personnes dans les cas de situations de risque dues à leurs activités; et iii) espère que cette mesure contribuera à stopper les activités qui nuisent gravement à l’environnement et à la sécurité des peuples indigènes.
Tout en saluant l’adoption de ce mécanisme, la commission note que les partenaires sociaux du pays sont préoccupés par les actes de violence perpétrés à l’encontre des représentants des peuples indigènes qui exercent leur droit de manifester. La commission rappelle qu’il est important que les gouvernements prennent des mesures pour prévenir et enquêter sur les actes de violence dont sont victimes les peuples indigènes et leurs représentants dans le cadre de l’action pacifique de défense de leurs droits. Par conséquent, la commission veut croire que le mécanisme intersectoriel de protection des personnes qui défendent les droits de l’homme assurera efficacement le respect de la vie et de l’intégrité physique et psychologique des dirigeants et dirigeantes indigènes, et engendrera un climat de confiance, exempt de menaces, afin que les dirigeants et dirigeantes indigènes puissent défendre les droits de leurs peuples, y compris à travers leur droit de protester sans recourir à la violence. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les activités du mécanisme intersectoriel, et sur toute autre mesure prise ou envisagée à cette fin.
Article 6. Consultation. La commission note qu’en réponse à sa demande d’adoption de mesures pour renforcer les capacités des fonctionnaires chargés de mettre en œuvre les processus de consultation, et pour assurer que les peuples concernés peuvent y participer pleinement, le gouvernement indique ce qui suit: 1) le nombre de processus de consultation réalisés au niveau national, ainsi que le nombre d’accords conclus dans ce cadre; 2) le vice-ministère de l’Interculturalité, par le biais de la Direction de la consultation préalable, a mené en tant qu’entité coordinatrice des activités de formation et d’accompagnement dans les processus de consultation: 3) jusqu’en 2021, en tout, 837 accords de consultation préalable avaient été recensés par le Secrétariat technique de la commission permanente multisectorielle pour la mise en œuvre du droit à la consultation, et 57 pour cent de ces accords avaient été conclus; 4) l’une des mesures ayant fait l’objet de consultations a été le projet de loi-cadre de réglementation sur le changement climatique; à la suite de cette mesure, il a été convenu de créer une plateforme climatique indigène, espace dans lequel les peuples indigènes pourront élaborer, présenter, gérer et suivre les propositions d’action face au changement climatique; et 5) entre 2019 et juin 2021, en tout, 4 009 fonctionnaires et 9 290 membres des peuples indigènes ont reçu une assistance technique de la Direction de la consultation préalable du ministère de la Culture, et 2 746 fonctionnaires et membres des peuples indigènes ont été formés au droit de consultation et aux processus de consultation préalable dans le cadre de 94 ateliers de formation, en présentiel et virtuellement.
La commission note avec intérêt les progrès continus réalisés dans la mise en œuvre de consultations avec les peuples indigènes, ainsi qu’en ce qui concerne la réalisation d’activités de formation en matière de consultation. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts afin de créer les conditions propices pour que les peuples indigènes participent pleinement aux consultations et influent sur le résultat final de celles-ci, et pour permettre la conclusion d’accords sur les mesures proposées. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les consultations menées, les accords conclus et leur mise en œuvre.
Articles 6 et 15. Consultation. Projets miniers. Faisant suite à sa demande d’informations sur les procédures établies pour identifier correctement les peuples indigènes dont les intérêts pourraient être affectés par les concessions minières, et sur les consultations menées avec les peuples intéressés, la commission note que le gouvernement indique qu’en tout 15 processus de consultation sur des projets miniers ont été menés (13 sur des résolutions autorisant des activités d’exploration et 2 autorisant des activités d’exploitation). La commission note également la création d’espaces de dialogue avec les peuples indigènes ou originaires dans le cadre de la commission multisectorielle permanente de lutte contre les activités minières illégales et informelles. Le gouvernement mentionne également la création, en vertu de la résolution ministérielle no 326 – 2018-EF/10, du bureau exécutif du secteur minier énergétique pour le développement productif du pays. Composé de représentants de plusieurs ministères et du secteur privé, le bureau exécutif vise à identifier, promouvoir et proposer des actions pour dynamiser les secteurs des mines, des hydrocarbures et de l’énergie, en mettant l’accent sur la durabilité. Le bureau exécutif a souligné la nécessité de disposer d’informations actualisées et fiables sur l’existence de localités de peuples indigènes ou originaires, dans la zone de projets miniers importants pour le développement économique et productif du pays. Dans ce contexte, le ministère de la Culture a identifié les peuples indigènes ou originaires concernés par 23 projets miniers considérés comme prioritaires. Ainsi, six localités de peuples indigènes ou originaires qui n’avaient pas encore été inscrites dans la base de données officielle des peuples indigènes, et 90 localités qui y étaient déjà inscrites, ont été identifiées.
La commission note que, d’une manière générale, la CATP affirme que, lors des consultations avec les peuples indigènes au sujet d’activités minières, les mesures faisant l’objet des consultations ne sont pas justifiées et leur impact n’est pas déterminé. De même, les informations spécifiques sur le projet dont il est question dans ces mesures ne sont pas transmises. Ainsi, le processus aboutit à des accords à caractère assez général qui ne protègent pas les droits des peuples concernés. À ce sujet, le gouvernement indique que l’Organisme d’évaluation et de surveillance de l’environnement (OEFA) agit pour ouvrir des voies de communication avec les communautés indigènes qui vivent dans la zone d’influence d’un projet soumis à une surveillance, et pour promouvoir ainsi leur participation aux évaluations environnementales préalables et aux activités de surveillance environnementale. La commission prie le gouvernement d’indiquer toute action menée en complément des activités développées par la commission multisectorielle permanente de lutte contre l’exploitation minière illégale et informelle et par le bureau exécutif du secteur minier énergétique pour le développement productif du pays, afin de garantir que les peuples vivant dans les zones où sont prévues des activités de prospection ou d’exploitation minière sont identifiés et consultés, de manière à déterminer dans quelle mesure ces activités pourraient nuire à leurs intérêts. La commission prie également le gouvernement: i) de continuer à indiquer le nombre de consultations menées avec les représentants des peuples indigènes concernés par des projets de prospection ou d’exploitation minière, ainsi que leurs résultats; et ii) de s’assurer que les peuples indigènes consultés disposent des informations pertinentes et les comprennent pleinement afin de parvenir à un dialogue complet entre les parties.
Article 14. Terres. Politique nationale en matière de titres fonciers. La commission observe que la CATP et la CGTP font de nouveau état de l’absence de politique publique en matière de titres fonciers, de la faiblesse et du manque de coordination des institutions chargées du processus de régularisation des terres des communautés paysannes et natives, et de l’absence de protection juridique de ces communautés face à l’occupation ou la spoliation de leurs terres traditionnelles par des tiers. À ce sujet, la commission note que le gouvernement indique que les procédures de reconnaissance de terres et d’octroi de titres à des communautés incombent aux gouvernements régionaux, le ministère de l’Agriculture et de l’Irrigation étant l’entité compétente pour la régularisation et l’officialisation. Par ailleurs, le gouvernement indique que quatre réserves indigènes pour des peuples indigènes en situation d’isolement ou de contact initial (PIACI) ont été officiellement délimitées dans les régions de Cusco, Madre de Dios, Ucayali et Loreto (correspondant à 3 967 341,56 hectares). Toutefois, la commission constate de nouveau l’absence d’informations détaillées sur l’état d’avancement des demandes de titres fonciers présentées par les peuples indigènes qui ne sont pas en situation d’isolement ou de contact initial. En outre, la commission note que le rapport no 002 - 2018 - AMASPPI PPI, élaboré par les services du Défenseur public et mentionné par le gouvernement dans son rapport, indique que, en raison du manque de ressources budgétaires et d’effectifs affectés auprès des gouvernements régionaux pour mener à bien cette tâche, et à cause de différends dans des zones pas encore reconnues, il n’y a pas eu de progrès dans la régularisation communale, la reconnaissance de terres et l’octroi de titres aux communautés natives et paysannes. À ce sujet, la commission a souligné dans son observation générale de 2018 que l’occupation traditionnelle comme source du droit de propriété et de possession est la pierre angulaire sur laquelle repose le système des droits fonciers établis par la convention. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour donner suite aux processus d’identification, de délimitation et de régularisation des terres occupées traditionnellement par les peuples couverts par la convention dans les différentes régions du pays. La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées et ventilées, si possible par région, sur les processus d’octroi de titres fonciers menés à bien ou en cours. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mécanismes en place pour résoudre les différends fonciers entre des peuples indigènes et des tiers, y compris si possible des exemples de différends qui ont été résolus grâce à ces mécanismes.
Titres fonciers des communautés shawi. La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la manière dont on a garanti aux communautés shawi la protection effective de leurs droits de propriété et de possession sur le domaine mentionné dans le rapport du comité tripartite de 2016.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2023.]
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