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Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Pérou (Ratification: 1960)

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Elle prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP) et la Coordination des centrales syndicales du Pérou (qui regroupe la Confédération générale des travailleurs du Pérou, la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou, la CATP et la Confédération des travailleurs du Pérou), reçues le 1er septembre 2022 et qui portent sur des questions que la commission examine dans le présent commentaire, de même que des allégations de persécution antisyndicale contre des dirigeants syndicaux et des adhérents. La commission prend également note des observations de la Confédération nationale des institutions entrepreneuriales privées (CONFIEP), reçues le 1er septembre et qui traitent de questions que la commission aborde dans le présent commentaire. La commission prend note de la réponse du gouvernement à toutes les observations reçues. La commission prend également note des réponses du gouvernement aux observations de la CSI de 2017 et à celles de la CATP de 2018.
Évolution sur le plan législatif. La commission prend note du fait que le décret suprême no 014-2022-TR, promulgué le 24 juillet 2022, a modifié le Règlement figurant dans la Loi sur les relations collectives de travail (LRCT) et elle observe, entre autres, que ce décret:
  • –Reconnaît de manière expresse aux travailleuses et travailleurs le droit de s’affilier directement à des fédérations et confédérations (article 4).
  • –Reconnaît de manière expresse le droit de constituer des syndicats de «groupe d’entreprises» et de «chaîne de production ou réseaux de sous-traitance» (article 4).
  • –Facilite le recouvrement des cotisations syndicales par les fédérations et confédérations à la seule condition d’apporter la preuve de l’affiliation correspondante, que doit fournir l’organisation de niveau supérieur qui sollicite la cotisation (article 16-A).
  • –Abroge l’article 63 du Règlement qui imposait une condition que ne prévoyait pas la loi pour le préavis de grève au motif de la défense des droits au travail (présentation d’une décision de justice acceptée ou exécutoire).
  • –Énonce de manière explicite l’interdiction pour l’employeur de remplacer, de manière directe ou indirecte, les travailleurs en grève, ainsi que tout acte qui empêche ou entrave l’exercice du droit de grève.
  • –Simplifie les critères en matière de documents exigés dans la procédure administrative de publicité du préavis de grève, la remise d’une copie légalisée du procès-verbal de l’assemblée ayant voté la grève étant remplacée par une copie sur papier libre.
  • –Définit en termes explicites la nature de la procédure administrative de publicité du préavis de grève. Il est précisé qu’il s’agit d’une procédure administrative d’évaluation préalable à un assentiment implicite.
La commission observe que les centrales syndicales considèrent que ledit décret peut contribuer à pallier la gravité de la situation des droits syndicaux dans le pays et indiquent, entre autres choses, que le fait de reconnaître de manière expresse le droit de créer des syndicats de groupe d’entreprises et de chaîne de production ou de réseaux de sous-traitance peut revêtir une importance particulière dans le cas des travailleurs externalisés. De même, la commission note que la CONFIEP: i) signale que ledit décret aurait dû faire l’objet d’une consultation devant le Conseil national du travail et de la promotion de l’emploi (CNTPE), comme le prévoit la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976; et ii) considère que la modification du règlement de la LRCT au moyen du décret suprême affectera les relations entre travailleurs et employeurs des secteurs privé et public et celui des entreprises publiques vu que, entre autres choses, elle ajoute d’autres formes d’organisation syndicale, assouplit les formalités requises pour créer une organisation syndicale et prévoit que l’employeur ne peut pas étendre de manière unilatérale la portée de la convention collective aux travailleurs qui ne relèvent pas de son champ d’application, promouvant de ce fait de manière compulsive l’affiliation syndicale. La commission note que, à cet égard, le gouvernement indique que, loin de perturber l’équilibre dans les relations collectives entre employeurs et travailleurs, le décret suprême s’explique à l’origine par le constat de la situation préoccupante que connaît actuellement la liberté syndicale dans le pays. Il souligne à ce propos qu’en 2021, le taux national d’affiliation syndicale était d’à peine 5 pour cent et qu’au cours de la dernière décennie, le nombre des travailleurs syndiqués a augmenté dans une moindre mesure que celui des nonsyndiqués. Le gouvernement indique aussi qu’alors que le CNTPE, de composition tripartite, s’était mis d’accord en mai 2022 sur une déclaration réaffirmant et renforçant le dialogue social, en juillet de la même année, les organisations patronales ont annoncé suspendre leur participation au CNTPE, disant que l’approbation du document précité avait été sabotée par la promulgation du Décret suprême no 014-2022-TR. Rappelant l’importance cruciale du dialogue social et de la consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs dans la préparation et l’élaboration de la législation relative aux relations collectives de travail, la commission exprime le ferme espoir qu’à l’avenir, le gouvernement veillera à la tenue de ces consultations. La commission espère que les préoccupations relatives au Décret suprême seront dument prises en compte dans le cadre du dialogue social tripartite au sein du CNTPE et que tous les obstacles au fonctionnement de cet organisme seront rapidement aplanis. Elle prie le gouvernement de la tenir informée à ce sujet. La commission exprime par ailleurs l’espoir que la mise en application du Décret suprême, dont l’origine réside, selon le gouvernement, dans la situation préoccupante que connaît la liberté syndicale dans le pays, contribuera à garantir la jouissance totale et le plein exercice des droits consacrés par la convention et elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les effets de son application.
Article 2 de la convention.Droit de tous les travailleurs, sans aucune distinction, de constituer des organisations et de s’y affilier. Depuis plusieurs années, la commission signale au gouvernement la nécessité de réviser la loi no 28518, son règlement et la Loi générale sur l’éducation de telle sorte que soit reconnue de manière explicite la liberté syndicale dans les dispositifs de formation. La commission note que le gouvernement indique que, le 13 avril 2022, la Décision ministérielle no 092-2022-TR a ordonné la prépublication de l’avant-projet de Code du travail élaboré par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi (MTPE) qui définit, en son article 75, les dispositifs d’apprentissage professionnel comme des types particuliers de contrats de travail, reconnaissant ainsi qu’il s’agit d’un travail. Le gouvernement indique que des commentaires et suggestions de la société civile ont été reçus jusqu’en juin 2022 à propos de cet avant-projet, lesquels ont été communiqués aux représentants des travailleurs et des employeurs qui siègent au CNTPE. La commission note que les centrales syndicales indiquent que: i) il n’existe à ce jour aucune initiative pour la modification de la loi no 28518; ii) la reconnaissance générique, dans la Constitution, des droits syndicaux ne confère pas à elle seule aux personnes en cours de formation le libre exercice de ces droits; et iii) l’article 76 de l’avant-projet indique que les dispositifs de formation professionnelle ne sont pas soumis à la réglementation générale sur le travail, ce qui veut dire que l’avant-projet maintiendrait le cap de la réglementation en vigueur, qui est de ne pas reconnaître de manière expresse les droits syndicaux des personnes en cours de formation. La commission espère que l’avant-projet de Code du travail fera l’objet de consultations tripartites complètes et elle espère que, dans le cadre de ce processus de dialogue sera également envisagée l’adoption de mesures concrètes en vue de réviser la législation de telle sorte que soit reconnue de manière expresse la liberté syndicale des travailleurs en cours de formation. La commission prie le gouvernement de l’informer de tout progrès accompli en la matière.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de revoir les dispositions pertinentes de son ordre juridique de manière à garantir l’exercice du droit d’organisation, en droit comme dans la pratique, aux juges et procureurs, ainsi qu’au personnel de direction et de confiance de l’administration publique. Elle avait prié le gouvernement de l’informer de tout progrès accompli à cet égard. La commission regrette devoir noter que le gouvernement indique avoir pris note de la demande d’informations à laquelle il sera répondu dans les meilleurs délais. La commission rappelle que l’article 2 de la convention accorde le droit fondamental de constituer des organisations de leur choix et de s’affilier à elles à tous les travailleurs sans distinction d’aucune sorte, y compris à tous les fonctionnaires publics, quelle que soit la nature de leurs fonctions, les seules exceptions autorisées par la convention étant les membres des forces armées et de la police. Toutefois, la commission a constaté que peut être refusé aux hauts fonctionnaires le droit de s’affilier à des syndicats pour autant qu’ils aient le droit de créer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts (Étude d’ensemble relative aux relations de travail dans la fonction publique, 2013, paragr. 43 et suivants et Étude d’ensemble sur les conventions fondamentales, 2012, paragr. 66). La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser les dispositions pertinentes de son ordre juridique de manière à garantir le droit d’organisation, en droit comme dans la pratique, aux juges et procureurs, ainsi qu’au personnel de direction et de confiance de l’administration publique. Elle prie le gouvernement de l’informer de tout progrès accompli en la matière.
Article 3. Droit des organisations d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d’action. Scrutin relatif à la grève. La commission avait noté qu’en vertu de l’article 40 de la loi no 30057, Loi sur le service civil (LSC), l’article 62 révisé du Règlement du Texte unique ordonné de la Loi sur les relations collectives de travail (TUO de la LRCT), qui prévoit que le préavis de grève est adopté dans les formes arrêtées par les statuts pour autant que cette décision soit adoptée par au moins la majorité des affiliés votants qui assistaient à l’assemblée, est applicable de manière supplétive aux grèves dans l’administration publique. La commission note que, bien que les centrales syndicales indiquent que la loi no 31188, Loi de négociation collective pour le secteur étatique, promulguée le 2 mai 2021, déroge à l’article 40 de la LSC, le gouvernement indique que l’alinéa e) du point 13.2 de l’article 13 de la loi no 31188 dispose que les travailleurs peuvent déclarer la grève conformément aux dispositions du TUO de la LRCT.
Détermination du caractère illégal de la grève. Dans son dernier commentaire en date, la commission notait que la Commission de soutien à la fonction publique avait compétence pour trancher sur l’absence de fondement et l’illégalité de la grève et, observant qu’elle n’avait toujours pas été installée, elle avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que la détermination du caractère de la grève, tant dans le secteur public que dans le privé, n’incombe pas au gouvernement, mais plutôt à un organe indépendant des parties et qui ait leur confiance. La commission note que le gouvernement indique que, bien que l’organisme chargé de se prononcer sur le bien-fondé de la grève dans le secteur public soit l’Autorité administrative du travail, qui rend sa décision en toute indépendance, impartialité et dans le respect de la loi, l’avant-projet de Code du travail propose que, à la demande de l’employeur ou des employeurs touchés par cette mesure, ce soit l’autorité judiciaire qui se prononce sur la légalité ou l’illégalité de la grève. S’agissant du secteur public, la commission rappelle qu’en vertu de la Dixième disposition complémentaire transitoire du Règlement de la LSC, l’Autorité administrative du travail est celle qui assume les compétences de la Commission de soutien à la fonction publique tant que celle-ci n’aura pas été installée. La commission note que les centrales syndicales considèrent que le fait que l’Autorité du travail continue d’exercer le contrôle de la légalité des grèves, tant pour le secteur privé que pour le secteur public (face à l’absence persistante de confirmation de la réelle impartialité de la Commission de soutien à la fonction publique) témoigne de la réticence de l’État à mettre ses règles en conformité avec les dispositions de la convention, et précise qu’en 2020, la totalité des grèves ont été déclarées illégales par l’Autorité du travail. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que la détermination du caractère illégal d’une grève dans le secteur privé n’incombe pas à l’administration du travail, mais plutôt à un organe indépendant des parties et qui ait leur confiance. La commission espère que la modification de l’avant-projet de Code du travail qui est proposée fera l’objet de consultations tripartites complètes et prie le gouvernement de l’informer de toute avancée sur la question. Prenant note avec préoccupation des indications fournies par les centrales syndicales, la commission espère fermement que la Commission de soutien à la fonction publique sera mise en place sans plus de retard et qu’elle prendra la forme d’un organe authentiquement indépendant. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès accompli en la matière.
Définition du service minimum dans les services publics essentiels. Ayant noté que le règlement du TUO de la LRCT prévoit que la Commission de soutien à la fonction publique serait l’organe compétent pour déterminer les services minima dans le cas de grèves touchant un service essentiel, la commission s’est dit confiante que celle-ci serait installée dans délai bref. Elle note que le gouvernement indique que l’article 435 de l’avant-projet de Code du travail stipule qu’en cas de désaccord, il y aura lieu de recourir à un organe technique indépendant pour déterminer le service minimum et dont la décision sera contraignante. La commission note que, en plus de répéter que la Commission de soutien à la fonction publique n’est toujours pas constituée, les centrales syndicales indiquent que l’article 68 du règlement de la LRCT, tel que modifié par le Décret suprême no 014-2022-TR dispose que, bien que l’Autorité administrative du travail puisse compter sur l’appui d’un organe indépendant pour statuer sur les divergences de vues à propos des services minima dans les services publics essentiels, c’est l’Autorité administrative du travail qui statue sur base du rapport remis par l’organe indépendant. Tout en prenant dument note des modifications apportées par le Décret suprême no 014-2022-TR, la commission rappelle que les divergences de vues des parties sur la question du nombre et de la profession des travailleurs devraient non seulement être examinées par un organe indépendant mais aussi soumises à sa décision. La commission souligne à nouveau la nécessité de mettre en place sans plus de retard la Commission de soutien à la fonction publique et elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès accompli dans ce domaine.
Droit des organisations syndicales d’organiser des réunions et d’accéder aux lieux de travail. La commission a prié le gouvernement de modifier les dispositions finales du Décret suprême no 017-2007-ED qui définissent comme fautes graves de la part des directeurs et des sous-directeurs des centres éducatifs le fait de mettre à disposition un établissement scolaire pour l’organisation de réunions à caractère syndical et d’accepter le prosélytisme politique et/ou syndical dans les établissements d’enseignement de telle manière que les directeurs des centres éducatifs puissent déterminer avec les organisations syndicales concernées des modalités d’accès aux lieux de travail qui ne nuisent pas au fonctionnement efficace de ces centres. La commission note que le gouvernement indique que le ministère de l’Éducation évalue actuellement le cadre normatif dans l’optique de cette question, afin d’étayer la nécessité de modifier ou de déroger à certains articles du règlement de la loi no 28988, qui qualifie l’enseignement élémentaire de service public essentiel, lequel a été approuvé par le Décret suprême no 017-2007-ED. La commission prend bonne note de ces indications et prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée en rapport avec la révision des dispositions finales du décret suprême précité et faisant que les directeurs des centres éducatifs puissent définir avec les organisations syndicales concernées des modalités d’accès aux lieux de travail qui ne nuisent pas au fonctionnement efficace de ces centres.
La commission rappelle au gouvernement qu’il peut solliciter l’assistance technique du Bureau s’agissant des questions traitées dans le présent commentaire.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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