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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2023, Publication : 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Afghanistan (Ratification: 1969)

Autre commentaire sur C111

Cas individuel
  1. 2023
  2. 2000
  3. 1999

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2023-AFG-111-Fr

Discussion par la commission

Président – Le premier cas à l’ordre du jour est l’Afghanistan et porte sur l’application de la convention concernant la discrimination (emploi et profession), c’est-à-dire la convention nº 111. J’invite maintenant le représentant de la délégation de l’Afghanistan accréditée à la Conférence internationale du Travail à prendre la parole.

Représentant gouvernemental – L’ambassade et la mission permanente de l’Afghanistan auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales à Genève remercient la commission d’experts pour son travail et prennent note de ses conclusions sur cette question spécifique. Nous remercions également l’OIT et le bureau de l’OIT à Kaboul pour son récent rapport sur l’étude de l’impact de la discrimination à l’encontre des femmes sur l’économie afghane.

Entre 2001 et 2021, l’Afghanistan avait accompli des progrès significatifs dans la lutte contre les différentes formes de discrimination et la création d’un cadre qui respectait l’égalité femmes-hommes. Les femmes jouaient un rôle important dans la vie publique et l’économie en Afghanistan. Elles pouvaient travailler dans tous les secteurs. Des femmes étaient vice-présidentes, ministres, membres du Parlement, hautes magistrates, ambassadrices et gouverneures.

Juste avant le 15 août 2021, 3,5 millions de filles fréquentaient différents établissements d’enseignement. Malheureusement, depuis le 15 août et la prise de contrôle militaire de l’Afghanistan par les Talibans et l’échec du processus de paix de Doha, les femmes font systématiquement l’objet de discrimination. Dans leur tout dernier rapport, le Conseil des droits de l’homme, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan et le groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles ont décrit cette situation comme équivalant à un «apartheid de genre», sans précédent dans l’histoire de notre monde.

Comme la commission d’experts l’a mentionné à juste titre, de nombreux rapports, résolutions et conclusions du Conseil de sécurité, du Conseil des droits de l’homme et d’autres entités reconnues font état de violations systématiques des droits de l’homme en Afghanistan, parmi lesquelles l’exclusion totale des femmes de la vie publique et la violation de leurs droits, notamment le droit à l’éducation et le droit au travail. Du fait de ces violations, un «apartheid de genre» est en train de se produire en Afghanistan.

Je souhaiterais attirer l’attention des membres de cette commission sur le fait que les violations des droits de l’homme en Afghanistan ne se limitent pas à la destruction des droits des femmes. Les hommes, les minorités et d’autres groupes font également systématiquement l’objet de discrimination. Les exécutions extrajudiciaires, l’arrestation et le licenciement de tous les juges, procureurs et fonctionnaires de l’administration publique, l’influence exercée sur les organisations humanitaires et, tout récemment, l’interdiction faite aux femmes de travailler au sein des Nations Unies et dans d’autres organisations internationales constituent des exemples récents de cette discrimination.

Malheureusement, l’environnement législatif et juridique favorable qui existait auparavant a disparu. Les Talibans ont annulé la Constitution et les autres lois et gouvernent par décret. Les tribunaux sont composés de personnes non qualifiées dans un système judiciaire qui ne se fonde plus sur la Constitution.

Toutes ces informations nous permettent de comprendre que la communauté internationale, qui a à sa tête le Secrétaire général de l’ONU (António Guterres), travaille sans relâche à la mise en place d’un cadre de paix permanente et de réconciliation du processus politique. Ce processus a commencé à Doha au début du mois de mai. Nous espérons que ce forum régional et international pourra trouver comment parvenir au règlement politique de la situation en Afghanistan, solution qui nous permettra d’aborder, avec un gouvernement inclusif et représentatif, non seulement les questions de discrimination au travail, mais tous les types de discrimination et les problèmes économiques auxquels l’Afghanistan est confronté. En attendant, je suggère à la commission d’experts et à cette commission de reporter l’examen du cas de l’Afghanistan. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Membres employeurs – Nous prenons bonne note de la présence des représentants du précédent gouvernement de l’Afghanistan et de leur intervention. Malheureusement, nous devons tenir compte de la réalité. Si je vivais en Afghanistan, je ne serais pas ici parmi vous. Je n’aurais pas pu accéder à cette tribune, uniquement parce que je suis une femme, interdite d’exercer une profession et empêchée de me déplacer.

Depuis la prise de pouvoir par les Talibans en 2021, la situation des femmes et des jeunes filles en Afghanistan s’est dramatiquement détériorée. Elles ne bénéficient plus des droits fondamentaux consacrés par les conventions de l’OIT, tels que l’interdiction de toute discrimination dans la convention no 111, ratifiée pourtant par l’Afghanistan. Les commentaires de la commission d’experts suscitent de sérieuses inquiétudes et une profonde préoccupation concernant l’application de cette convention. J’aborderai en premier lieu les aspects de procédure et, en second lieu, l’examen des principaux griefs.

Concernant la procédure, la convention no 111 fait partie des conventions fondamentales de l’OIT et, à ce titre, elle doit faire l’objet d’une attention particulière et d’un contrôle prioritaire. Cette convention fondamentale vise à garantir la dignité humaine et l’égalité de chances et de traitement de tous les travailleurs, en interdisant toute discrimination fondée notamment sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale. L’Afghanistan a ratifié la convention le 1er octobre 1969 ainsi que d’autres conventions de l’OIT. Il n’est donc pas acceptable que, depuis le 1er juillet 2016, aucun rapport écrit n’ait été transmis sur l’application de cette convention fondamentale. Comme la commission d’experts, nous sommes très préoccupés par ce manque de collaboration des autorités. La commission d’experts a déjà formulé à 22 reprises des observations sur ce cas, c’est-à-dire presque chaque année depuis trois décennies. En outre, c’est la troisième fois que notre commission analyse ce cas individuel: en 1999, en 2000 et à nouveau cette année.

Concernant le fond, ce cas d’une extrême gravité est marqué d’une double note de bas de page. Se basant notamment sur les observations récentes et concordantes de plusieurs organes de haut niveau des Nations Unies en matière de droits de l’homme, la commission d’experts déplore vivement les discriminations dans l’éducation, la formation professionnelle et l’emploi dont sont massivement victimes les jeunes filles et les femmes afghanes.

Le premier grief concerne l’écartement systématique des femmes et des jeunes filles de toute éducation, formation professionnelle ainsi que de l’accès aux emplois. Les pays ayant ratifié la convention se sont engagés à appliquer une politique nationale d’égalité, en vue d’éliminer toute discrimination au sein de la population. Ces pays doivent donc abroger toute disposition législative ainsi que toutes instructions ou pratiques administratives qui sont incompatibles avec la politique nationale d’égalité. Les autorités doivent prendre des mesures positives pour que les femmes bénéficient des mêmes droits que les hommes pour accéder à l’éducation, à la formation professionnelle et à l’emploi. Or que constatons-nous? En droit d’abord, puis en fait. En droit: les droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles sont réduits à néant depuis le mois d’août 2021; les femmes ne peuvent plus circuler librement; les femmes ne sont plus autorisées à travailler, y compris dans la fonction publique; les filles n’ont plus accès à l’enseignement secondaire et supérieur; le ministère aux Affaires féminines et la Commission des droits humains ont été dissous; les parquets et les tribunaux compétents pour lutter contre les violences envers les femmes ont été fermés.

En pratique, les discriminations, le harcèlement et la violence envers les femmes sont banalisés et restent impunis. En raison de leur interdiction de travailler, les femmes ont perdu leur capacité de subvenir à leurs besoins. Ceci atteint fondamentalement leur dignité humaine. À présent, il est temps que les droits fondamentaux des jeunes filles et des femmes afghanes soient rétablis. Pour le bien de la société afghane en général et des femmes afghanes en particulier, il faut agir sans délai pour éliminer toute législation et toute pratique discriminatoires envers les filles et les femmes dans l’éducation, la formation et l’accès à l’emploi, ainsi que pour prévenir et combattre tout harcèlement et toute violence ciblant les filles et les femmes dans ce pays.

Le deuxième grief concerne les termes très vagues de la législation antidiscrimination au travail. L’article 9 de la loi sur le travail, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, ne couvre pas de manière suffisamment explicite et détaillée l’ensemble des motifs visés par la convention (article 1, paragraphe 1, alinéa a)), c’est-à-dire «toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale». Cette insuffisance législative a été mentionnée depuis plusieurs années, sans qu’aucune amélioration n’ait été communiquée aux organes de l’OIT par les gouvernements de l’Afghanistan. Dans un précédent rapport, le gouvernement avait indiqué qu’un projet de loi relatif à la lutte contre la discrimination avait été élaboré et que ce texte contenait une définition de la discrimination directe ou indirecte et interdisait toute discrimination dans l’emploi et la profession. Nous aimerions savoir quel est le statut actuel de ce projet de loi. En tout état de cause, il est urgent de mettre la législation nationale en conformité avec la convention.

Le troisième grief concerne les discriminations envers les filles et les femmes en situation de handicap. Bien que l’article 15 de la loi relative aux droits et aux prestations pour les personnes en situation de handicap consacre l’égalité des droits des personnes en situation de handicap en matière de participation à la vie sociale, économique et éducative, le Conseil des droits de l’homme a constaté, avec une profonde préoccupation, que les femmes et les filles en situation de handicap étaient souvent exposées à des formes multiples, aggravées ou croisées de discrimination ou de désavantage. La commission d’experts a réitéré sa demande afin que des mesures spécifiques soient prises pour faciliter l’accès des personnes en situation de handicap, en particulier les filles et les femmes, à l’éducation et à la formation professionnelle et aussi pour promouvoir leurs possibilités d’emploi dans les secteurs privé et public. Il est urgent, pour la société afghane, qu’il soit mis fin en droit et en pratique à cette double discrimination.

Le quatrième grief concerne les discriminations dans l’accès à la justice. La Haute-Commissaire aux droits de l’homme a constaté qu’en août 2021 les systèmes juridique et judiciaire ont cessé de fonctionner correctement et que le personnel judiciaire a depuis été mis à l’écart. Les autorités de facto ont ensuite mis progressivement sur pied un système judiciaire national et des tribunaux, qui sont désormais basés sur le droit islamique. Cette réforme du système judiciaire n’offre cependant pas les garanties de respect des droits humains fondamentaux ni des libertés fondamentales consacrés par le droit international coutumier et par les instruments relatifs aux droits de l’homme. Par conséquent, nous demandons instamment que toutes les mesures nécessaires soient prises pour garantir l’accès à des mécanismes de justice formelle non discriminatoires et à des recours efficaces. Les autorités de facto sont priées de respecter elles-mêmes les principes de non-discrimination et d’égalité. Il est en outre de leur devoir de sensibiliser largement le public à ces principes fondamentaux.

Pour conclure, nous ne pouvons qu’encourager l’Afghanistan à examiner et à réviser, avec les partenaires sociaux, les lois et pratiques jugées discriminatoires à l’égard des jeunes filles, des femmes et des minorités, notamment ethniques et religieuses. L’assistance technique du Bureau devrait être sollicitée à cet effet. Enfin, le développement des capacités de toutes les parties (autorités, entreprises, syndicats et travailleurs) en matière de lutte contre les discriminations doit être encouragé et soutenu de manière énergique.

Membres travailleurs – Nous discutons du cas de l’Afghanistan dans un contexte particulier, étant donné l’absence de reconnaissance internationale des autorités en place, et en présence d’un représentant gouvernemental accrédité par cette Conférence. Ce contexte est à tout le moins perturbant, étant donné que nous avons l’habitude d’adresser nos commentaires à des autorités reconnues qui sont en mesure d’infléchir la situation.

Nos échanges doivent néanmoins avoir un mérite, ne serait-ce que pour souligner la gravité de la situation et les préoccupations qu’elle engendre. Il nous appartiendra aussi d’envisager des pistes concrètes pour améliorer la situation sur le terrain tout en tenant compte de la situation du pays dans le concert des nations.

Les problèmes exposés par la commission d’experts s’articulent autour de trois points. D’abord, il y a l’absence de rapport depuis 2019, qui ne facilite pas l’examen de la situation par la commission d’experts. Le point central relevé par celle-ci concerne la discrimination structurelle dont sont victimes les femmes. Cette discrimination entrave de manière flagrante leur accès à l’éducation, à la formation et à l’emploi. Et cette situation fait suite à une phase durant laquelle certaines améliorations avaient pu être enregistrées. Toutefois, depuis le changement de régime intervenu en août 2021, le retour de l’ancien régime s’est traduit par un retour aux anciennes pratiques et options politiques, et ces pratiques reposent sur une discrimination systématique des femmes. Comme le relève la commission d’experts, elles constituent une violation manifeste de la convention et du principe fondamental d’égalité femmes-hommes.

Les femmes ne sont plus autorisées à travailler, y compris dans l’administration publique, où tous les fonctionnaires sont des hommes. Depuis septembre 2021, les femmes et les filles n’ont plus accès à l’enseignement secondaire ou supérieur et, même lorsque les filles sont autorisées à aller à l’école, l’enseignement est limité en raison de l’absence d’enseignantes.

Le ministère aux Affaires féminines et la Commission indépendante des droits humains de l’Afghanistan ont été dissous. Les tribunaux spécialisés chargés de l’élimination de la violence à l’égard des femmes et les parquets ont été fermés, ce qui prive les femmes de possibilités d’accès à la justice.

Je ne m’attarderai pas sur les deux autres points, qui font l’objet des commentaires de la commission d’experts, à savoir le caractère insuffisant de la définition de la notion de discrimination dans la loi afghane et l’absence de mécanisme d’accès à la justice formelle. Je ne m’attarde pas car, en dépit de l’importance de ces questions, elles sont la conséquence de la discrimination structurelle que nous avons décrite et que d’autres organes des Nations Unies ne cessent de dénoncer.

Les membres travailleurs seront particulièrement attentifs aux suggestions qui seront faites durant nos discussions et qui auraient pour objectif de solutionner les problèmes soulevés.

Membre travailleur, Afghanistan – Je m’exprime en tant que président du Syndicat national des travailleurs et employés d’Afghanistan, la plus grande confédération syndicale d’Afghanistan. Depuis la prise de contrôle de mon pays par les Talibans en août 2021, de nombreux dirigeants syndicaux, dont je fais partie, ont été contraints de déménager et de quitter le pays.

Au cours des vingt dernières années, le pays avait amélioré les droits et le bien-être du peuple afghan, dont la vie avait été dévastée sous le précédent régime taliban entre 1996 et 2001. L’Afghanistan progressait sur la voie de la démocratisation et de la promotion du statut des femmes, comme en témoignait la présence de 64 femmes au Parlement, de 17 femmes au sénat, de 4 femmes au cabinet, de 4 femmes dans des ambassades et de 261 femmes juges dans les tribunaux et l’appareil judiciaire sous l’administration précédente. Quelque 1 500 femmes travaillaient comme avocates de la défense, 2 500 femmes comme journalistes dans les médias privés libres, 3 650 femmes dans les forces de sécurité. Quelque 3,5 millions de filles étaient scolarisées et des milliers de femmes travaillaient dans le secteur privé, soit 30 pour cent de la main-d’œuvre sur le marché du travail afghan.

Malheureusement, la prise de contrôle du pays par les Talibans en 2021 a inversé le cours du développement de notre pays. Depuis le 15 août 2021, le peuple afghan fait face à un vide juridique. Le cabinet intérimaire des Talibans a invalidé la Constitution, le Parlement et des lois centenaires. Ainsi, le Code du travail afghan, la loi sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la réglementation des centres d’aide aux femmes et la loi sur la protection des droits de l’enfant, qui prescrivaient des droits fondamentaux et l’égalité de traitement et de chances entre femmes et hommes, ne sont plus applicables. En septembre 2021, les Talibans ont fermé le ministère aux Affaires féminines et l’ont remplacé par le ministère de la Prospérité et de la Prohibition, qui existait sous leur ancien régime pour contrôler le comportement des citoyens et faire appliquer une interprétation stricte de la charia correspondant à celle des Talibans.

Les Talibans ont annoncé vingt décrets pour imposer leurs croyances religieuses, ainsi que le mode de vie, l’habillement et l’éthique basés sur leur interprétation de la charia. Le non-respect de ces règles n’est pas toléré. Des sanctions, y compris des châtiments corporels, sont imposées.

Les femmes ont été rayées de la sphère publique. Il leur est interdit de recevoir une éducation, d’aller travailler ou même de se rendre dans les parcs, les marchés, les thermes ou de voyager à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Le ministère de la Prospérité et de la Prohibition et le ministère de l’Information et de la Culture ont imposé des restrictions sur le rôle des femmes dans les publications, les séries télévisées et les films, et ont interdit la diffusion de certains au motif qu’ils ne respectaient pas les règles.

Depuis septembre 2021, le retour à l’école de toutes les filles afghanes de plus de 12 ans est interdit: à l’heure actuelle, 1,1 million de filles et de jeunes femmes n’ont donc plus accès à une éducation formelle. Actuellement, 80 pour cent des filles et des jeunes femmes afghanes qui pourraient être admises à l’école, soit environ 2,5 millions de filles, en ont été renvoyées. Trente pour cent des filles afghanes n’ont jamais été scolarisées dans le primaire. En décembre 2022, l’enseignement universitaire pour les femmes a été suspendu jusqu’à nouvel ordre, touchant plus de 100 000 étudiantes des établissements d’enseignement supérieur publics et privés.

La crise économique a aggravé la situation des femmes, des mineurs et des personnes marginalisées dans le pays. À l’heure actuelle, au moins 90 femmes ont été arrêtées, emprisonnées et maltraitées par les Talibans dans trois provinces du nord du pays (Faryab, Samangan et Jawzjan), au motif qu’elles auraient enfreint les lois et les règles islamiques imposées par les Talibans. Elles restent en prison sans procédure d’enquête, sans représentation légale ni procès. Seize d’entre elles sont tombées enceintes à la suite d’un viol. Des cas d’avortements forcés dans des hôpitaux locaux ont également été signalés.

Les personnes LGBTI en Afghanistan continuent de subir de graves violations des droits de l’homme perpétrées par les Talibans, notamment des menaces, des attaques ciblées, des agressions sexuelles, des détentions arbitraires et d’autres violations. De nombreuses personnes LGBTI craignent que les anciennes pratiques discriminatoires des Talibans ne refassent surface. Par le passé, ces pratiques incluaient la peine de mort pour les personnes soupçonnées d’unions entre personnes de même sexe. De nombreuses personnes LGBTI se cachent, craignant que leur vie ne soit menacée.

Le champ d’action pour les médias libres s’est considérablement réduit, les Talibans ayant créé un environnement de plus en plus intimidant, obligeant de nombreux médias à fermer leurs portes. Les journalistes sont soumis à des restrictions croissantes, notamment des arrestations arbitraires, des détentions illégales et des actes de torture pour des articles critiquant les Talibans, ce qui conduit beaucoup d’entre eux à l’autocensure. Les journalistes sont battus et subissent d’autres formes de torture pendant leur détention. De nombreux journalistes ont fui le pays. Les femmes reporters à la télévision sont obligées de se couvrir presque entièrement le visage. La Commission indépendante des droits humains de l’Afghanistan, l’institution nationale des droits de l’homme, reste fermée, et la marge de manœuvre dont disposent les organisations de la société civile pour documenter et rendre compte de la situation en matière de droits de l’homme s’est considérablement réduite. Les groupes indépendants des droits de l’homme sont dans l’incapacité de travailler librement. Les Talibans ont arrêté et détenu illégalement les personnes qui les ont critiqués sur les médias sociaux. Ils ont dissous tout espace de réunion, de manifestation ou de rassemblement pacifique. Leur police fait un usage excessif et inutile de la force contre les manifestants, et des manifestants pacifiques sont arrêtés arbitrairement, détenus et torturés et sont victimes de disparition forcée. Les manifestants détenus subissent des tortures physiques et psychologiques. Dans les familles, des membres ont empêché leurs parentes de manifester par peur des répercussions, ce qui a encore réduit la liberté de réunion. Les institutions démocratiques et de défense des droits de l’homme ont été fermées ou ont cessé de fonctionner.

Le Syndicat national des travailleurs et salariés d’Afghanistan est le seul syndicat, à l’échelle nationale, qui défend les droits des travailleurs et des travailleuses et qui fait la promotion de l’égalité des genres par le biais de formations et de programmes. Les Talibans ont refusé de restituer les actifs, les bureaux et les biens du Syndicat national des travailleurs et salariés d’Afghanistan qui avaient été saisis par le gouvernement précédent. Il est devenu impossible pour nos adhérents d’agir ou d’opérer normalement pour lutter contre les violations fondées sur le genre. Le Conseil suprême du travail et la commission en charge du règlement de conflits du travail ont cessé de fonctionner. Le dialogue social, qui est l’un des moyens essentiels pour résoudre les conflits du travail et promouvoir un cadre de politique économique et sociale inclusif dans le pays, est également paralysé.

Depuis 2021, 97 pour cent de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Certaines personnes ont été contraintes de vendre leurs organes. Les mariages forcés de mineures, ainsi que le travail des enfants, garçons et filles, qui effectuent des travaux dangereux, se sont multipliés. La suppression par les Talibans de tous les droits et de l’égalité de chances et de traitement dont jouissait autrefois le peuple afghan et l’absence d’intervention internationale pour y mettre un terme constituent une menace pour l’application des conventions fondamentales du travail dans un État en déliquescence comme celui-ci.

Nous demandons à la communauté internationale et aux autorités des Nations Unies de prendre des mesures concrètes et sérieuses pour que le peuple afghan, sans discrimination fondée sur le genre, la race, l’origine sociale, la religion et les opinions politiques, puisse avoir accès à la sécurité personnelle, aux droits et libertés fondamentaux, ainsi qu’à l’emploi, à l’éducation et aux possibilités de développement.

Membre gouvernementale, Suède – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la République de Macédoine du Nord et la République de Moldova, le Monténégro et la Serbie, pays candidats, l’Islande et la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE), membres de l’Espace économique européen, souscrivent à cette déclaration.

L’UE et ses États membres sont attachés à la promotion, à la protection, au respect et à la réalisation des droits de l’homme, y compris les droits au travail. Nous encourageons activement la ratification et la mise en œuvre universelles des normes internationales fondamentales du travail. Nous soutenons l’OIT dans son rôle indispensable d’élaboration, de promotion et de contrôle de l’application des normes internationales du travail ratifiées et des conventions fondamentales en particulier.

Le principe d’égalité et de non-discrimination est un élément fondamental du droit international des droits de l’homme. Dans les traités fondateurs de l’UE et les Constitutions des membres de l’UE, l’interdiction de la discrimination est un principe central. La convention nº 111 est la traduction de ce droit humain fondamental dans le monde du travail.

Nous sommes profondément préoccupés par la dégradation considérable de la situation générale en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales en Afghanistan depuis que les Talibans ont pris le pouvoir par la force en 2021. Les Talibans ont structurellement et systématiquement violé les droits économiques, sociaux et culturels, politiques et civils du peuple afghan, en particulier ceux des femmes et des filles. L’Afghanistan est le seul pays au monde qui interdit l’éducation des filles au-delà du niveau primaire. Nous notons avec inquiétude que le manque d’accès à l’éducation entrave les possibilités futures d’emploi ou d’activités génératrices de revenus pour les femmes et les filles.

Nous sommes profondément préoccupés par le fait que les femmes ont été largement écartées de la population active, y compris dans l’administration publique, les professions juridiques, et en particulier dans les secteurs fournissant une aide humanitaire et un soutien aux besoins de base, malgré leur rôle dans la fourniture de l’aide humanitaire. Nous prenons note des seules exceptions nationales que sont la santé et l’éducation primaire. Exclure les femmes du marché du travail est non seulement inacceptable du point de vue des droits humains, mais également désastreux sur le plan économique. Nous condamnons fermement les décisions des Talibans d’interdire aux Afghanes de travailler pour les ONG internationales et nationales, ainsi que pour les institutions et organes des Nations Unies.

Nous regrettons fortement que le ministère aux Affaires féminines et la Commission indépendante des droits humains de l’Afghanistan aient été dissous et que les tribunaux spécialisés chargés de l’élimination de la violence à l’égard des femmes et les parquets aient également été fermés, ce qui prive les femmes de possibilité d’accès à la justice. Selon le récent rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, les femmes sont particulièrement touchées par les violations et les restrictions des droits humains, ce qui entrave la promotion du plein emploi, productif et librement choisi et, par conséquent, leur capacité à subvenir à leurs besoins et à ceux des personnes à leur charge. Début 2021, les entreprises appartenant à des femmes créaient des emplois mais, en mars 2022, 61 pour cent des femmes précédemment actives sur le plan économique avaient perdu leur emploi ou leurs activités génératrices de revenus. Les entraves à la liberté de circulation, notamment l’obligation que les Talibans font aux femmes de se déplacer accompagnées d’un homme ou un mahram, et les fermetures des marchés, empêchent les femmes du secteur informel de vendre leurs produits sur les marchés, et celles qui continuent à travailler sont souvent victimes de harcèlement et de violence.

Nous nous associons pleinement à la commission d’experts quand elle demande de mettre fin d’urgence aux interdictions, aux pratiques discriminatoires et aux inégalités de traitement fondées sur le genre qui entravent l’accès des filles et des femmes à l’éducation, à la formation professionnelle, à l’emploi et à la profession et qui les exposent davantage à la violence sexuelle et à la violence fondée sur le genre. Nous souscrivons aux demandes urgentes que la commission d’experts a adressées aux autorités de facto pour que l’Afghanistan fournisse des informations sur les mesures prises et les résultats obtenus en matière de participation égale des femmes à l’emploi et à l’éducation, y compris des données statistiques ventilées par genre et par profession.

Nous prions également instamment les autorités de facto de l’Afghanistan, conformément au rapport de la commission d’experts, de prendre les mesures urgentes exigées afin de garantir la mise en œuvre de mesures visant à améliorer un accès égal à l’éducation à tous les niveaux, à la formation professionnelle et aux possibilités d’emploi pour les personnes en situation de handicap, en particulier les filles et les femmes dans les secteurs privé et public. Nous notons que les femmes et les filles en situation de handicap sont souvent exposées à des formes multiples, aggravées ou intersectionnelles de discrimination ou de désavantage.

Nous exprimons notre profonde préoccupation concernant le dysfonctionnement des anciens systèmes juridiques et judiciaires et l’absence de cadre juridique traitant de la discrimination dans l’emploi et la profession. L’Afghanistan doit respecter l’obligation à laquelle il s’est engagé en ratifiant volontairement et de plein gré les conventions internationales et les traités relatifs aux droits de l’homme, y compris la convention no 111. C’est pourquoi il est essentiel de prendre toutes les mesures nécessaires pour définir et interdire explicitement la discrimination fondée sur au moins tous les motifs énoncés dans cette convention.

Pour soutenir et respecter les intérêts du peuple afghan, en particulier des femmes et des filles, et en l’absence d’un gouvernement reconnu, l’UE a rétabli une présence minimale dans le pays et continue d’être un donateur clé dans le domaine de l’aide humanitaire et de l’aide aux besoins essentiels du peuple afghan. Nous continuerons à suivre la situation de près.

Membre gouvernementale, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord – J’ai l’honneur de prononcer cette déclaration au nom du Royaume-Uni, de l’Australie, du Canada et des États-Unis d’Amérique. Le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada et les États-Unis condamnent sans équivoque les violations des droits de l’homme commises en Afghanistan. Depuis qu’ils ont pris le pouvoir, les Talibans ont, à maintes reprises et de manière systématique, porté atteinte aux droits de l’homme internationaux et n’ont pas tenu leurs promesses. Nous partageons les vives préoccupations de la commission d’experts quant à la dégradation de la situation des femmes et des filles, ainsi que des minorités religieuses et ethniques, en Afghanistan depuis 2021. Par une série de décrets scandaleux, les Talibans soumettent les femmes et les filles à une discrimination dévastatrice et systématique, les privant de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales. Cela inclut des restrictions à l’accès à l’éducation et à la formation, à la liberté de circulation et à l’emploi.

Nous exprimons également nos préoccupations concernant l’absence de cadre juridique définissant et interdisant de manière explicite la discrimination directe et indirecte, tel que requis par la convention nº 111, à laquelle l’Afghanistan est partie depuis 1969. La communauté internationale a la responsabilité de demander aux Talibans de rendre compte de leurs actes. Le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada et les États-Unis ont à maintes reprises appelé les Talibans à se conformer au droit international, notamment en respectant les droits de l’homme et les droits au travail de tous les citoyens d’Afghanistan et à mettre fin aux mesures répressives qui empêcheront l’Afghanistan de parvenir à la stabilité et à la prospérité à long terme. Nous appelons les Talibans à respecter l’égalité des chances des femmes et des filles dans l’emploi et la profession, y compris l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle. En plus d’être un affront aux droits humains des femmes et des filles en Afghanistan, la poursuite de pratiques discriminatoires par les Talibans constitue un acte nuisible contre leur propre pays, qui risque d’aggraver le chômage, la pauvreté, l’analphabétisme et la pénurie de compétences dans des professions indispensables. La participation des femmes et des filles à la vie publique et économique ainsi qu’à la prise de décisions est essentielle pour la stabilité et le progrès en Afghanistan. Étant donné que les femmes et les filles représentent la moitié de la population active, leur participation à la vie publique est fondamentale pour le développement économique de l’Afghanistan. L’exclusion de la moitié de la population des sphères sociales et économiques ne fera que perpétuer la crise économique qui touche tous les Afghans.

Nous regrettons que l’Afghanistan n’ait pas fourni de rapport à la commission d’experts, particulièrement au vu de l’appel urgent qu’elle a lancé en 2021. Nous soutenons fermement l’OIT lorsqu’elle demande à l’Afghanistan d’apporter des réponses complètes aux commentaires formulés dans le rapport de la commission d’experts. Nous continuerons à travailler avec les pays qui partagent nos idées pour assurer un avenir meilleur aux femmes et aux jeunes filles afghanes, où elles seront libres de s’exprimer dans la sphère publique et de poursuivre leurs études et leur vie professionnelle.

Membre gouvernementale, Suisse – La Suisse regrette que la question de l’application de la convention en Afghanistan doive à nouveau être discutée devant la commission, et ce malgré les nombreuses observations formulées par la commission d’experts et les dialogues menés au cours des quinze dernières années.

Depuis l’automne 2021, les femmes et filles afghanes ont vu leurs droits et leurs libertés fondamentales être bafoués au quotidien, notamment leur droit à une participation pleine, égale, significative et sûre dans toutes les sphères de la vie publique. Ces restrictions touchent également d’autres minorités. La Suisse condamne, avec la plus grande fermeté, les restrictions en matière d’accès à l’emploi et à l’enseignement supérieur imposées aux femmes et aux filles afghanes et rappelle que ces mesures violent leurs droits fondamentaux, notamment le principe de non-discrimination et le droit à l’éducation pour les filles au-delà de la sixième année.

Les femmes afghanes ne sont par exemple plus autorisées à travailler pour des organisations non gouvernementales (ONG) ou pour les Nations Unies, sauf exceptions négociées, tandis que l’enseignement secondaire et supérieur est interdit aux femmes et aux filles. Ces mesures sont contraires à la convention qui vise à prévenir, lutter et éliminer toutes formes de discrimination en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’accès à l’emploi. De plus, comme l’a déjà rappelé la Suisse à plusieurs reprises au sein du Conseil de sécurité, les restrictions pour les femmes afghanes de travailler pour les ONG et les Nations Unies entravent l’aide humanitaire, qui doit être accessible rapidement aux personnes dans le besoin en vertu du droit international. Cela a un impact dévastateur pour l’ensemble de la population afghane.

À cet égard, la Suisse soutient les conclusions et recommandations de la commission d’experts et appelle les Talibans à modifier leurs décisions et à se conformer aux obligations énoncées dans la convention.

Membre employeur, France – On sait depuis Platon que les hommes et les femmes sont égaux puisqu’ils proviennent d’un être unique, séparé par moitié, tel que nous est rapporté le mythe dans Le Banquet.

Le cas de l’Afghanistan est malheureusement simple. La commission d’experts s’est penchée 22 fois sur le sujet et la cause est portée devant notre commission pour la troisième fois. Il s’agit d’un dossier d’une extrême gravité, faisant l’objet d’une double note en bas de page. Que nous dit la convention no 111? C’est une convention fondamentale, qui vise à garantir la dignité humaine, ainsi que l’égalité de chances et de traitement de tous les travailleurs, en interdisant chaque forme de discrimination, notamment celle fondée sur le sexe.

Selon les dernières observations qui émanent des Nations Unies, la situation des femmes afghanes s’est dégradée depuis le changement de régime politique, en août 2021. La liste des violations de leurs droits fondamentaux vous a été donnée précédemment, je me contenterai de rappeler que les femmes et les jeunes filles ne peuvent pas circuler librement et ne sont pas autorisées à travailler, même dans la fonction publique, que l’accès à l’enseignement leur est refusé, que les discriminations, le harcèlement et la violence envers les femmes sont banalisés et restent impunis, etc. Qui peut prétendre qu’un tel régime respecte les droits humains?

Il est urgent de rétablir les droits des femmes afghanes en matière d’accès à l’éducation, à la formation professionnelle et à l’emploi. Il est urgent de faire cesser toute discrimination à l’encontre des femmes afghanes, afin de mettre en conformité la loi nationale avec les dispositions de la convention, sans oublier la situation douloureuse des femmes en situation de handicap. Il est urgent de garantir aux femmes afghanes l’accès à une justice libre et indépendante, dans le respect des libertés fondamentales consacrées par le droit international.

Bien entendu, c’est en qualité d’employeur, membre de l’OIT, que je m’exprime ici aujourd’hui, mais c’est d’abord en qualité d’être humain. Comment peut-on se taire devant la situation injustement tragique subie par ces femmes et ces jeunes filles, plongées vivantes dans la nuit du désespoir? Nous nous trouvons au-delà des manquements graves aux dispositions de la convention , même au-delà de la violation des droits humains les plus élémentaires. Nous sommes tout simplement face à la négation des principes qui fondent notre Organisation. Pour toutes ces raisons, la commission devra faire preuve, au nom de la justice sociale, de la plus grande sévérité à l’encontre d’un régime qui piétine à ce point la dignité humaine. Enfin, je voudrais conclure en citant un poète français, qui s’appelait Louis Aragon et qui aimait éveiller nos consciences, par cette formule forte, et qu’on ne prononce jamais sans une pointe d’espoir: «La femme est l’avenir de l’homme.

Membre gouvernemental, Japon – Tout d’abord, le Japon souhaite exprimer sa gratitude au Bureau et à la commission d’experts pour leurs efforts dans la poursuite des principes inscrits dans la Constitution de l’OIT.

Le Japon se déclare profondément préoccupé par la détérioration de la situation en matière de droits de l’homme à laquelle est confronté le peuple afghan, en particulier les femmes et les filles, et nous condamnons fermement les mesures prises par les Talibans pour restreindre les droits des femmes et des filles. Il est important que la communauté internationale continue à s’engager auprès des Talibans afin d’obtenir des changements positifs. Le Japon continue d’aider l’Afghanistan à relever les défis complexes auxquels le peuple afghan est confronté en utilisant toutes les possibilités, y compris par le biais de nos contacts directs avec les Talibans.

En tant que membre responsable du Conseil d’administration de l’OIT, le Japon attend de l’Afghanistan qu’il fournisse les explications requises au Bureau et à tous les mandants de l’OIT. Nous demandons à l’Afghanistan de traiter de bonne foi les points soulevés dans le rapport de la commission d’experts et de suivre la procédure adoptée par cette structure tripartite.

Membre travailleuse, France – Il y a presque deux ans, le 15 août 2021, les Talibans sont entrés dans Kaboul. Un voile mortifère a recouvert la moitié de la population de ce pays. La situation sur le front des inégalités de traitement et de la discrimination au regard du genre est terrifiante. Les Talibans veulent effacer, faire disparaître les femmes. La négation des femmes n’est poussée à cette extrémité nulle part ailleurs dans le monde.

Au cours des vingt-quatre derniers mois, les violations des droits humains des femmes et des filles se sont progressivement aggravées. Malgré les promesses de départ, à l’effet que les femmes seraient autorisées à exercer leurs droits dans le cadre des lois de la charia – y compris le droit de travailler et d’étudier –, les Talibans ont systématiquement exclu les femmes et les filles de la vie publique. Les femmes ont été empêchées d’entrer dans les parcs et les gymnases, entre autres lieux publics, des mesures discriminatoires d’une époque que l’Europe voudrait pouvoir oublier.

Après avoir drastiquement limité l’accès des femmes et des filles à l’éducation ou au travail au cours de la première année de leur règne, les Talibans continuent de choquer avec de nouvelles restrictions. Fin 2022, ils ont interdit aux femmes de poursuivre leurs études dans les universités. Auparavant, ils avaient déjà interdit aux femmes d’étudier certaines disciplines comme les sciences vétérinaires, l’ingénierie, l’économie ou l’agriculture. Les Talibans affirment que les femmes ne sont pas aptes à être juges ou avocates, car elles ne connaissent pas assez la charia. Exclues du système légal, les femmes sont devenues des cibles de représailles des Talibans. En janvier 2023, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats et le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan ont dénoncé l’exclusion des femmes du système légal, qualifiée d’«acte de discrimination éhonté», et ont appelé la communauté internationale à leur offrir une protection et un passage sûrs. Et, comble du cynisme, l’ONU a été informée par les autorités de facto que, avec effet immédiat, aucune femme afghane n’est autorisée à travailler pour l’ONU en Afghanistan et que cette mesure sera activement appliquée. Cette décision prolonge la directive précédemment annoncée le 24 décembre 2022, interdisant aux femmes afghanes de travailler pour des organisations non gouvernementales nationales et internationales.

Enfin, pour compléter cette insupportable litanie, la violence liée au genre ne peut pratiquement plus être signalée, car les femmes ne peuvent plus se rendre seules dans un poste de police pour dénoncer la violence au sein de la famille. Les refuges pour femmes ayant été fermés par les Talibans, les femmes et les filles ont perdu leurs derniers refuges sûrs. Cela a entraîné d’innombrables coûts et risques physiques et psychosociaux pour les Afghanes, comme des mariages d’enfants, des dépressions ou des suicides en raison de l’exclusion et du manque de perspectives. Le risque d’être victime de violence domestique a également augmenté. Selon Amnesty International, on constate déjà une augmentation des mariages d’enfants, des mariages précoces, des mariages forcés, des avortements mortifères depuis le changement de pouvoir.

À la vue de ces exactions à l’encontre de la population féminine, c’est une condamnation immédiate et sans appel du régime taliban que notre commission se doit de prononcer, en respect de la souffrance des femmes afghanes.

Membre travailleur, Philippines – La Coalition syndicale Nagkaisa, les organisations affiliées à la CSI aux Philippines, à savoir la Fédération des travailleurs libres, la Centrale et le Congrès philippin des syndicats, et tous les syndicats philippins expriment leur solidarité sans faille envers le peuple afghan et condamnent sans équivoque la situation en matière de droits de l’homme qui se dégrade dangereusement et cruellement dans ce pays d’Asie centrale.

La situation en matière de droits de l’homme en Afghanistan s’est fortement dégradée depuis le retour des Talibans au pouvoir en août 2021, et ce malgré l’engagement public des dirigeants de ce régime à défendre et à respecter ces mêmes droits. Amnesty International et Human Rights Watch ont attesté à maintes reprises de violations du droit international, notamment de la convention no 111, ainsi que de graves violations des droits de l’homme commises par les Talibans depuis leur retour.

Selon Amnesty International, il est alarmant de constater l’arrestation de personnes ayant publiquement critiqué le régime oppressif des Talibans à l’égard des femmes et des minorités ethniques et religieuses, ainsi que les exécutions extrajudiciaires dont d’autres ont fait l’objet. Pour l’essentiel, il s’agit d’éminents défenseurs des libertés civiles et de l’égalité, à savoir Narges Sadat, défenseur des droits des femmes, le Professeur Ismail Mashal, défenseur de l’éducation des femmes, Fardin Fedayee, activiste de la société civile, Zekria Asoli, auteur et activiste, Mortaza Behboudi, journaliste franco-afghan, l’ancien sénateur Qais Khan Wakili et le journaliste afghan Muhammad Yar Majroh. Selon des informations récentes d’Amnesty International, seul le professeur Ismail Mashal aurait été libéré, et c’est pourquoi nous sommes d’autant plus préoccupés. Les Talibans ne justifient généralement pas ces arrestations et n’indiquent souvent pas non plus le lieu de détention de ces personnes, ce qui revient à des disparitions forcées.

L’arrestation arbitraire de défenseurs des droits de l’homme, en vue de les réduire au silence, s’inscrit dans l’environnement discriminatoire dans lequel se produisent des violations permanentes des droits des femmes et des filles, ainsi que des assassinats ciblant des membres du groupe ethnique Hazara, de manière à entraver leur accès à l’égalité de chances et de traitement.

Human Rights Watch a déclaré que la situation est aggravée d’autant par les menaces dont font l’objet les minorités religieuses de la part de groupes extrémistes tels que l’État islamique de la province du Khorassan (ISKP). Le groupe ethnique Hazara, majoritairement chiite, fait l’objet de nombreuses attaques commises par l’ISKP, et au moins 700 personnes ont déjà été tuées.

Membre travailleuse, Norvège – Je m’exprime au nom des syndicats des pays nordiques. Le cas de l’Afghanistan est examiné ici aujourd’hui dans le cadre de la convention no 111. Outre la discrimination à l’égard des femmes, il existe également une discrimination fondée sur l’origine ethnique et la religion. Les femmes continuent d’être victimes de discrimination en ce qui concerne l’accès à l’emploi et la sécurité de l’emploi. Après la prise du pouvoir par les Talibans, les droits des femmes ont été largement restreints, y compris en ce qui concerne la liberté de circulation et l’accès à l’éducation et à l’emploi. Les femmes ne jouissent même pas du droit à la justice. En outre, les minorités ethniques et les autres personnes qui n’adhèrent pas à l’interprétation stricte de l’islam sunnite risquent fort d’être la cible de violences. S’il est vrai que, sous le précédent gouvernement, l’Afghanistan n’était pas un pays sûr qui respectait la diversité ethnique et religieuse, la situation s’est considérablement dégradée depuis le retour des Talibans au pouvoir.

Entre août 2021 et juin 2022, les Nations Unies en Afghanistan ont enregistré 2 106 décès de civils dus à l’intolérance religieuse de l’État islamique de la province du Khorassan (ISKP) qui a continué de perpétuer des attaques systématiques et ciblées contre des groupes minoritaires ethniques et religieux. Il s’agit entre autres de bombardements de centres religieux et éducatifs et d’attaques des transports publics empruntés par ces groupes. On peut citer notamment l’attaque d’un temple sikh à Kaboul, le 18 juin, et le bombardement, le 30 septembre, d’un centre éducatif dans un quartier majoritairement hazara qui a tué au moins 52 adolescents, principalement des filles. Les autorités talibanes n’ont pas enquêté sur ces attaques ni pris de mesures adéquates pour protéger les minorités ethniques et religieuses. Au contraire, les mesures de sécurité mises en place par l’ancien gouvernement pour protéger ces groupes minoritaires ont été supprimées.

Dans les régions où la résistance armée contre les Talibans se poursuit, les civils sont toujours en proie à la mort, aux arrestations arbitraires, à la torture et aux restrictions de la circulation imposées par les autorités talibanes locales. Les habitants signalent également que les Talibans ont procédé à des expulsions forcées dans ces régions, en particulier dans le Panjshir.

La discrimination et la violence fondées sur l’origine ethnique et la religion en Afghanistan sont véritablement contraires aux obligations découlant des conventions ratifiées de l’OIT. Nous demandons instamment qu’il soit mis fin d’urgence à toutes les formes de discrimination, de violence et d’attaque à l’encontre des femmes et des minorités ethniques et religieuses.

Observatrice, Internationale de l’éducation (IE) – Au nom des syndicats d’enseignants du monde entier, l’Internationale de l’éducation exprime sa profonde préoccupation face à la situation des enseignants et concernant l’accès à l’éducation des filles afghanes. L’éducation a déjà fait l’objet de nombreux commentaires, mais je voudrais insister sur les graves répercussions que ces événements ont eu sur le bien-être personnel et professionnel des enseignants.

Depuis août 2021, les politiques en matière d’éducation sont fragmentées et souvent incohérentes, d’où la difficulté à avoir une vue exhaustive de la situation. Il est difficile d’assurer un suivi indépendant aux niveaux national et international. Qui plus est, les médias afghans sont bâillonnés et censurés et on ne sait donc pas vraiment quelle est la situation réelle dans le domaine de l’éducation. L’Afghanistan connaît des guerres dévastatrices depuis des décennies et fait face à d’immenses défis dans divers aspects de la vie quotidienne, y compris l’éducation. Pourtant, malgré ces périodes difficiles, les enseignants afghans n’ont cessé de servir inlassablement la jeunesse avec dévouement. Les deux dernières décennies ont été marquées par une corruption systémique et une mauvaise gestion qui ont eu pour effet de gaspiller l’aide financière de la communauté internationale et de plonger les enseignants afghans dans une quasi-pauvreté.

La récente prise de pouvoir par les Talibans n’a fait qu’aggraver une situation déjà difficile. Avec les règles strictes imposées dans le milieu de travail, les mutations forcées et l’interdiction de l’éducation des filles, des pressions psychologiques et économiques considérables pèsent sur les enseignants, tout cela les rendant d’autant plus vulnérables. La décision des Talibans d’interdire l’école aux filles au-delà de la sixième année et de séparer les écoles et les enseignants en fonction de leur sexe a eu une très forte incidence. Il est décourageant de constater que les promesses initiales relatives au retour des adolescentes à l’école n’ont jamais été tenues. Au lieu de cela, toujours plus de restrictions sont imposées dans le domaine de l’éducation en général, et aux femmes et aux filles en particulier. Les établissements d’enseignement supérieur ont été fermés aux étudiantes et au personnel féminin et, depuis peu, les femmes et les filles ne peuvent plus, lorsqu’elles ne sont pas accompagnées d’un homme, quitter leur domicile, travailler ou participer à tout aspect de la vie quotidienne en dehors de chez elles.

En conséquence, beaucoup d’enseignantes ont été contraintes de rester chez elles, tandis que d’autres ont été obligées de travailler dans des écoles éloignées de leur domicile. Cela réduit considérablement leur pouvoir d’achat, car elles doivent désormais consacrer une partie de leurs revenus aux frais de transport. En outre, les enseignants sont restés des mois sans recevoir leur salaire à cause du manque de liquidités dans la plupart des banques, des délais de paiement et de la dévaluation de la monnaie afghane. Les enseignants retraités ne reçoivent pas non plus leur pension de retraite. Cette situation désastreuse a conduit de nombreux enseignants à abandonner la profession. Le droit à l’éducation ne consiste pas simplement à ouvrir des écoles. Il recouvre les conditions de travail et la rémunération des enseignants, les codes vestimentaires et les règles de conduite, l’accès au matériel d’enseignement et d’apprentissage, le changement des programmes scolaires, la ségrégation fondée sur le sexe dans les classes et au sein du personnel, ainsi que la manière dont les écoles sont administrées, et je ne parle même pas de leurs droits syndicaux et de leurs droits en tant que travailleurs.

Nous prions instamment l’OIT et le gouvernement de prendre immédiatement des mesures décisives pour garantir la protection des droits au travail des enseignants et des enseignantes, le rétablissement de leur sécurité financière, afin de ne pas compromettre l’avenir de l’éducation en Afghanistan.

Observateur, IndustriALL – Je m’exprime ici au nom d’IndustriALL Global Union. Mon organisation et ses affiliés dans le monde entier sont extrêmement préoccupés par l’avenir de l’Afghanistan sous le contrôle des Talibans, en particulier en ce qui concerne les droits de l’homme et les droits au travail, ainsi que la situation des femmes et des jeunes filles. Les femmes sont en danger permanent. Ces vingt dernières années, elles ont progressivement reconquis certains de leurs droits, mais en quelques heures leur combat pour la dignité s’est réduit à néant. Selon nous, il est scandaleux que les Talibans interdisent l’essentiel de l’éducation aux filles et aux femmes, en les punissant brutalement et en les confinant chez elles, sauf lorsqu’elles sont accompagnées d’un homme. Les attaques contre les femmes au travail et dans l’éducation ont repris, de même que les mariages forcés. La vie, la dignité et l’intégrité des femmes sont très gravement menacées. Les syndicalistes sont également des cibles privilégiées de ce régime. Dès leur arrivée à Kaboul, les Talibans ont confisqué les biens des syndicats et interdit leurs activités, les accusant de violer les lois islamiques. Les Talibans ont abrogé les lois et supprimé les institutions qui garantissaient l’égalité et offraient des voies de recours, dans l’objectif d’éliminer le harcèlement et la violence à l’égard des femmes et de mettre un terme à la discrimination dans la formation professionnelle, l’emploi et la profession.

Par conséquent, nous demandons à l’Afghanistan de rétablir un cadre juridique définissant et interdisant explicitement la discrimination directe et indirecte fondée sur au moins tous les motifs énoncés dans la convention, dans tous les aspects de l’emploi et de la profession, ainsi que l’absence d’accès à des mécanismes formels de justice non discriminatoires et à des recours efficaces pour garantir l’égalité de participation des femmes dans l’emploi et à la profession; de supprimer sans délai toutes les interdictions, pratiques discriminatoires et inégalités de traitement fondées sur le sexe imposées aux filles et aux femmes pour interdire, limiter ou entraver leur accès à l’enseignement secondaire et supérieur, à la formation professionnelle, à l’emploi et à tous les types de professions dans tous les secteurs; de prévenir et combattre la violence et le harcèlement à l’encontre des filles et des femmes; de garantir l’accès à l’éducation à tous les niveaux et l’achèvement de la scolarité; d’élargir la participation à un large éventail de programmes de formation; de promouvoir les possibilités d’emploi des personnes en situation de handicap, en particulier des filles et des femmes, tant dans le secteur privé que dans le secteur public; et, enfin, de garantir l’accès à des mécanismes formels de justice non discriminatoires et à des voies de recours efficaces et organiser des activités visant à sensibiliser le public aux principes de non-discrimination et d’égalité.

Représentant gouvernemental – Je serai très bref, car je suis tout à fait d’accord avec la plupart des déclarations qui ont été faites ici aujourd’hui par toutes les parties: gouvernements, membres employeurs et membres travailleurs. Je voulais également aborder la question de la discussion sur l’Afghanistan à un niveau un peu plus élevé que celui de la discussion d’aujourd’hui. Nous apprécions grandement cette discussion très opportune menée ici, dans cette organisation internationale, ainsi que l’importance accordée à la question de l’Afghanistan. Encore une fois, je comprends et je suis d’accord qu’il est de la responsabilité de l’Afghanistan de faire un rapport sur la convention nº 111, ratifiée en 1969. Si nous avons eu des difficultés à remplir nos obligations en matière de rapports dans le passé, il s’agissait d’un problème de capacités plutôt que d’un problème de volonté politique. Mais la situation à laquelle nous sommes confrontés actuellement en Afghanistan – cette discussion n’en reflète qu’un fragment – est une anomalie et une menace pour l’ensemble du système international, dont l’OIT et la Conférence internationale du Travail ne sont qu’une partie.

C’est pourquoi j’ai voulu élever le niveau de la discussion et je suis heureux que de nombreuses personnes l’aient fait, comme le membre employeur de la France. Le problème auquel nous sommes confrontés en Afghanistan et dont nous discutons dans cette salle nous concerne tous en tant qu’êtres humains et citoyens du monde du XXIe siècle. En cette troisième décennie du XXIe siècle, nous assistons à la prise de contrôle d’un pays par un groupe qui ne croit pas en cette convention. La question n’est pas de savoir comment faire rapport, mais plutôt dans quelle mesure ils accepteront les normes et le système international auxquels l’Afghanistan appartient et est partie, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme et cette convention.

Je pense que ce groupe a malheureusement été négocié par et avec un grand nombre d’États Membres présents ici, et les promesses qui ont été faites l’ont peut-être été de manière à tromper les représentants de ces pays. Je dirais donc que la situation en Afghanistan est un défi pour l’ensemble des normes internationales et le système international. Je pense que nous devons réfléchir aux raisons et à la manière dont nous sommes arrivés à cette situation. Nous devons également réfléchir à la manière dont nous pouvons remédier à cette situation et aller de l’avant. En effet, en Afghanistan, les gens disent que les Talibans représentent la réalité du pays. En fait, la réalité, c’est qu’environ 100 000 kamikazes extrémistes ont pris en otage un pays de 38 millions d’habitants. Ces 38 millions de personnes en avaient assez de toutes ces décennies de guerre, de promesses non tenues et de trahisons. Nous sommes donc confrontés à une situation qui, bien sûr, est liée à cette discussion très spécifique, mais qui est également liée à l’ensemble du système international et du système international des droits de l’homme. Alors, comment régler ce problème et comment y faire face, en allant au-delà des discussions? Nous avons besoin d’une autre approche pour résoudre ce problème, car les conséquences de la situation en Afghanistan ont des répercussions dans le monde entier. Si nous n’élevons pas notre voix en tant que Membres de l’OIT et de la Conférence (j’apprécie vraiment ce qui s’est passé aujourd’hui dans cette salle) avec les citoyens concernés du monde, le Conseil de sécurité, les Nations Unies et les pays de la région, je pense que la situation sera encore pire qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Membres travailleurs – La situation à laquelle nous sommes confrontés dans ce pays est extrêmement préoccupante. Le Conseil de sécurité a clairement indiqué, dans sa résolution no 2593, les attentes de la communauté internationale. La reconnaissance pleine et entière des droits des femmes en fait intégralement partie. Notre commission peut rappeler et insister sur ces éléments. L’ONU et l’OIT continuent à avoir des activités sur le terrain. Celles-ci sont certes limitées, mais il convient de les mettre à profit de sorte à pouvoir améliorer, ne serait-ce qu’un tant soit peu, la situation des femmes et petites filles dans ce pays. Ce travail technique est fortement entravé par les décisions récentes du pouvoir en place qui interdisent aux femmes afghanes de travailler avec l’ONU ou avec les ONG. Nous suggérons que le Bureau procède à une analyse des conditions permettant de continuer ce travail et d’en augmenter l’impact. Il conviendrait que cela se fasse en associant les parties qui peuvent apporter leur expertise et leur connaissance du terrain.

Eu égard à la gravité de la situation, les membres travailleurs demandent que ce cas fasse l’objet d’un paragraphe spécial.

Membres employeurs – Comme rappelé dans l’Étude d’ensemble de 2012, «[a]fin d’éliminer la discrimination dans l’emploi et la profession, les États doivent formuler et appliquer une politique nationale d’égalité aux multiples facettes. La mise en œuvre d’une politique nationale d’égalité présuppose en effet l’adoption d’une série de mesures spécifiques et concrètes, notamment, dans la plupart des cas, la mise en place d’un cadre législatif clair et global, afin d’assurer que le droit à l’égalité et à la non-discrimination soit appliqué dans la pratique. Enfin, des mesures volontaristes sont nécessaires pour traiter les causes sous-jacentes de la discrimination et les inégalités de facto résultant d’une discrimination profondément enracinée». Ces principes fondamentaux s’appliquent de manière générale à tous les États.

Au vu de ce qui se passe en Afghanistan, nous condamnons, comme l’ensemble de l’audience ici, le fait que ce pays reste gravement en défaut d’appliquer la convention. Les membres employeurs demandent aux autorités de fait:

1) de fournir des informations complètes sur tout progrès accompli pour mettre fin aux discriminations;

2) de prendre les mesures nécessaires pour définir et interdire expressément en droit toute discrimination directe et indirecte;

3) de prendre des mesures spécifiques pour faciliter l’accès des personnes en situation de handicap à l’éducation, à la formation professionnelle et à l’emploi;

4) de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’accès à des mécanismes de justice formelle non discriminatoires et à des voies de recours efficaces.

Le chemin à parcourir est encore long. L’important est de l’entamer de manière volontariste. Non seulement l’arsenal légal anti-discrimination doit être amélioré, mais il devra être appliqué. Ceci nécessitera de s’attaquer aux causes profondes des discriminations, qui reposent sur des préjugés ancrés profondément dans la tradition, ou dans certains types de traditions.

En raison de l’extrême gravité de ce cas, les membres employeurs demandent avec insistance qu’un paragraphe spécial sur l’Afghanistan soit ajouté dans les conclusions des travaux de notre commission. Celle-ci doit jouer pleinement son rôle et faire ainsi partie des moyens de pression internationaux pour faire respecter les droits de l’homme partout dans le monde.

Conclusions de la commission

La commission a noté avec une profonde préoccupation l’absence répétée de réponse du gouvernement aux commentaires de la commission depuis 2019.

La commission a exprimé sa très profonde préoccupation face à la détérioration significative, depuis 2021, de la situation des femmes et des filles, y compris la situation des groupes vulnérables de femmes, et d’autres minorités.

La commission a profondément déploré les interdictions, exclusions et restrictions discriminatoires fondées sur le sexe qui sont imposées aux filles et aux femmes depuis 2021, et qui ont un impact négatif sur leur capacité d’exercer les libertés et les droits humains fondamentaux. La commission a également déploré l’absence de cadre juridique définissant et interdisant expressément la discrimination, directe et indirecte, fondée sur, au minimum, tous les motifs énoncés dans la convention, dans tous les aspects de l’emploi et de la profession, ainsi que l’absence d’accès à des mécanismes de justice formelle non discriminatoires et à des voies de recours efficaces, conformément à la convention.

Prenant en compte la discussion, la commission demande instamment que, en consultation avec les partenaires sociaux, des mesures efficaces et assorties de délais soient prises pour:

- éliminer immédiatement toutes les exclusions, pratiques discriminatoires et formes de traitement inégal fondées sur le sexe qui sont imposées aux filles et aux femmes pour interdire, limiter ou entraver leur accès à l’éducation secondaire ou supérieure, à la formation professionnelle, à l’emploi et à tous les types de profession dans tous les secteurs, et fournir à la commission d’experts des informations sur les mesures prises à cet égard, et sur les résultats obtenus;

- adopter les lois, les politiques et la stratégie de mise en œuvre nécessaires pour prévenir et combattre la violence et le harcèlement qui ciblent les filles et les femmes, et fournir à la commission d’experts des informations sur les mesures prises à cet égard, et sur les résultats obtenus;

- modifier l’article 9 de la loi sur le travail afin de définir et d’interdire expressément en droit la discrimination directe et indirecte, conformément à la convention;

- garantir l’accès à des mécanismes de justice formelle non discriminatoires et à des voies de recours efficaces;

- organiser des activités et mener une campagne destinée à sensibiliser la population aux principes de la non-discrimination et de l’égalité qui sont protégés par la convention;

- fournir des informations sur l’adoption de toutes les mesures susmentionnées, sur les progrès réalisés à cet égard, et sur les résultats obtenus pour assurer la participation égale des femmes à l’emploi et à la profession, notamment des informations statistiques, ventilées par sexe et par profession, sur la participation des filles et des femmes à l’éducation, à la formation professionnelle et à l’emploi; et

- élaborer un plan d’action multidisciplinaire et multisectoriel pour lutter contre la discrimination dans l’emploi, la profession et l’éducation, avec l’assistance technique du BIT et en étroite coopération avec les partenaires sociaux et d’autres organisations de la société civile concernées; et coordonner l’action avec d’autres institutions des Nations Unies opérant sur le territoire.

La commission demande également que des mesures spécifiques soient prises pour faciliter l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle, et promouvoir les possibilités d’emploi des personnes en situation de handicap, en particulier des filles et des femmes.

La commission décide d’inclure ses conclusions dans un paragraphe spécial de son rapport.

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