National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Un représentant gouvernemental a souhaité rappeler le contexte dans lequel s’inscrivent les commentaires de la commission d’experts sur l’application de la convention no 169. La République centrafricaine est un vaste pays à faible densité de population et aux frontières mal maîtrisées, qui compte plus de 650 000 personnes déplacées par les violences internes. A sa tête, un gouvernement de transition s’efforce de restaurer l’autorité de l’Etat, avec les faibles moyens de maintien de l’ordre à sa disposition, alors que la communauté internationale interdit le réarmement des forces nationales et que l’administration est quasi absente hors de la capitale. Malgré la présence des différentes forces de maintien de la paix, les deux principales milices armées, les Seleka et les Anti-balaka poursuivent leurs violences contre des civils pris pour cible en fonction de leur supposée identité religieuse. La situation en termes de droit humanitaire et de droits de l’homme est aggravée par l’impuissance du système judiciaire qui favorise le sentiment d’impunité. Les peuples autochtones de la République centrafricaine sont victimes à des degrés divers des répercussions du conflit. Les Pygmées ba’aka n’y sont pas directement impliqués. Vivant de manière semi-nomade au cœur de la forêt dense, leur cohabitation difficile avec les populations bantoues est faite d’exploitation, de discriminations et de violences. Les Peulhs Mbororo ont été directement victimes des Seleka qui ont dépouillé certains de leurs troupeaux avant d’imposer un droit de pâturage illégal. Les milices anti-balaka s’attaquent aussi au bétail des Peulhs dans les régions qu’elles contrôlent. Ces persécutions ont entraîné des déplacements massifs des Mbororo, tant à l’intérieur, du nord-ouest vers le sud-est du pays, qu’à l’extérieur, vers le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Tchad et le Soudan. Des mesures de relocalisation ont été entreprises avec l’appui de l’Organisation internationale des migrations (OIM) afin de protéger les populations peulhs. Dans les circonstances prévalant depuis mars 2013, il est difficile au gouvernement d’assurer l’application de la convention no 169, alors même que le conflit affecte toute la population et non les seuls peuples autochtones. Le gouvernement compte sur la solidarité active de la communauté internationale pour surmonter la grave crise que traverse le pays. Le BIT pourrait y contribuer par son assistance dans la promotion de la convention no 169.
Les membres employeurs ont félicité le gouvernement d’avoir ratifié la convention no 169 et précisé qu’il s’agissait du premier pays à l’avoir fait sur le continent africain. Le gouvernement doit également être loué pour avoir adressé son premier rapport en juin 2013, particulièrement dans les circonstances dramatiques que connaît le pays. Effectivement, il ressort des informations disponibles que l’Etat est gravement menacé et que son gouvernement est très faible. Dans ces conditions, il est très difficile de parler d’application effective de la convention no 169, en l’absence d’institutions susceptibles de lui donner effet. A cet égard, l’OIT doit œuvrer de concert avec les autres organisations du système des Nations Unies à la reconstruction des institutions du pays avant de pouvoir commencer à exiger l’application effective de cette convention. Par ailleurs, il faut espérer que, dans un avenir proche, une fois surmontée la crise humanitaire et institutionnelle, le gouvernement appliquera cette convention en tant qu’instrument de gouvernance, en particulier pour ce qui est des consultations préalables et en toute connaissance de cause avec les peuples indigènes et tribaux. D’une manière générale, la convention pourrait servir de plate-forme pour la construction du dialogue social et du consensus. Il faut exiger des personnes qui ont quelque responsabilité sur le terrain de faire appliquer l’article 3 de la convention afin de garantir pleinement le respect des droits fondamentaux des peuples indigènes Aka et Mbororo.
Les membres travailleurs ont rappelé que la République centrafricaine avait été le premier pays africain à ratifier la convention no 169 en 2010. Pourtant, l’insécurité, l’effondrement de l’ordre public et les tensions interconfessionnelles concourent à une situation de violations massives du droit humanitaire et des droits de l’homme dont sont notamment victimes les populations Aka et Mbororo. Les milices perpètrent exécutions extrajudiciaires, tortures, sévices sexuels, viols et recrutement forcé d’enfants, tous actes susceptibles d’être qualifiés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La plupart de ces violences ciblent des membres de groupes ethniques et religieux. Dans ce contexte, la commission d’experts s’inquiète de l’aggravation des tensions intercommunautaires et des violences visant tout particulièrement les peuples autochtones constitués par les populations Aka et Mbororo. Aux termes de l’article 2 de la convention, il incombe pourtant au gouvernement de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité. Aucune information ne permet de penser que des mesures ont été prises pour donner effet à l’arrêté ministériel du 1er août 2003 portant interdiction d’exploitation ou exportation des traditions orales des minorités culturelles, en termes de sauvegarde des droits individuels, institutionnels, de propriété, du travail, culturels et environnementaux des populations Aka et Mbororo. Le gouvernement n’a pas non plus indiqué la manière dont sont assurées la participation et la coopération des populations requises par l’article 5 de la convention, ni la manière dont il donne effet à l’article 8 relatif au droit à la conservation des coutumes et institutions. Le gouvernement doit s’engager à protéger la culture des minorités ethniques, à reconnaître les formes traditionnelles de justice des peuples Aka et Mbororo et à renforcer dans le Code pénal la lutte contre les discriminations dont ils sont victimes, ainsi qu’à prendre en compte leurs problèmes linguistiques dans l’accès à la justice et à garantir dans les faits leur droit à la terre.
Le membre travailleur de la Zambie s’est référé à la description par le gouvernement de l’instabilité politique et sociale qui prévaut depuis 2012 en République centrafricaine pour souligner que cette instabilité avait détérioré la situation des droits de l’homme, aggravé la crise humanitaire et multiplié les cas de détresse et de souffrance. Cette terrible situation a eu un impact négatif sur les peuples indigènes qui vivent dans le pays. Le nombre de personnes déplacées est passé de 94 000 en 2012 à 625 000 en 2014. Ceux qui ont fui le pays sont aussi nombreux, ce qui a entraîné des difficultés dans les pays hôtes tels que le Cameroun, le Tchad et la République démocratique du Congo. Certaines informations font état de plus de 3 000 enfants soldats et la plupart des victimes sont des femmes, des enfants et des personnes âgées, tant du côté chrétien que musulman. Les Nations Unies doivent faire usage de leur mandat et des moyens dont elles disposent pour protéger les civils vulnérables; il faut créer immédiatement un environnement permettant l’acheminement de l’aide humanitaire conjointement aux efforts visant à mettre fin au conflit.
La membre travailleuse de la France a souligné que les peuples Aka et Mbororo sont parmi les plus vulnérables du pays et qu’ils ont été victimes de violences et de discriminations bien avant le conflit actuel: expulsion de leurs terres sans indemnisation, confinement dans des emplois mal rémunérés, accès restreint voire inexistant à la santé et à l’éducation du fait de l’éloignement et des coûts. Les pires horreurs ont été perpétrées dans le cadre des guerres civiles, au point que les Nations Unies avertissent de la menace d’un génocide. Les réclamations de terres et les déplacements de population ajoutent aux tensions existantes, notamment à l’encontre des peuples indigènes.
Le membre travailleur du Mali a abordé la question du cadre juridique de la protection des peuples autochtones en République centrafricaine. Les Pygmées Aka et les Peulhs Mbororo ne bénéficient pas de la reconnaissance juridique officielle qui assurerait leur visibilité statistique et favoriserait la coordination des initiatives publiques en leur faveur. Il importe donc de développer un cadre juridique spécifique de protection de leurs droits culturels ainsi que de protection contre les discriminations, y compris celles dont sont victimes les femmes autochtones. Leur accès à la justice devrait aussi être favorisé, en levant notamment les obstacles financiers et linguistiques. Enfin, le Code du travail devrait tenir compte des conditions particulières et souvent abusives qui leur sont faites, en particulier dans les secteurs forestier et touristique.
Le représentant gouvernemental a remercié les différents intervenants pour la bienveillance et la compréhension qu’ils ont témoignées à l’égard de la situation de son pays. Il faut espérer qu’avec l’appui de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) établie par la résolution 2149 (2014) du Conseil de sécurité, les autorités seront en mesure de protéger tous les peuples autochtones du pays et notamment les Aka et Mbororo. L’assistance et les conseils du BIT devraient apporter leur contribution à la recherche d’une solution durable donnant toute leur place aux normes internationales du travail. Pour sa part, le gouvernement est fermement engagé dans cette voie, en coopération avec les organisations patronales et syndicales, ainsi qu’avec les représentants des populations autochtones.
Les membres employeurs ont estimé que l’ampleur de la crise humanitaire était encore impossible à déterminer; par conséquent, la collaboration avec le système des Nations Unies est requise de toute urgence pour évaluer et examiner dès que possible le respect de la convention no 169. Quoi qu’il en soit, l’OIT doit être tenue informée de l’évolution des événements.
Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour ses explications et exprimé leur compréhension des difficultés rencontrées par le gouvernement de transition. Malgré ces difficultés, le respect de la convention doit être assuré de toute urgence, afin que les peuples indigènes et tribaux jouissent pleinement des droits de l’homme qui leur sont garantis. Les mécanismes de participation et de consultation des Aka et Mbororo doivent être renforcés conformément à la convention. Le gouvernement devrait fournir des informations sur l’application de l’arrêté ministériel du 1er août 2003, garantir la reconnaissance formelle des formes traditionnelles de justice et faciliter l’accès aux procédures garantissant les droits protégés par la convention. Il devrait présenter un rapport en vue de la prochaine réunion de la commission d’experts, sur les actions déjà entreprises, afin qu’elle puisse assurer un suivi dans son rapport en 2015. Enfin, il convient de donner suite à la demande d’assistance technique formulée par le gouvernement.