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Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Türkiye (Ratification: 1998)

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Demande directe (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note du rapport du gouvernement et des informations supplémentaires fournies à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020).
Elle prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), reçues le 29 septembre 2020.
Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Travail des prisonniers au profit d’entités privées. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que l’article 20 de la Réglementation de 2005 sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires prévoit qu’il peut être demandé aux détenus de travailler, mais que ces derniers ne sont pas obligés de le faire. Elle a également noté que, sur la base de cette réglementation et de la Réglementation de 2006 sur l’administration des établissements pénitentiaires et l’exécution des peines, les conditions de travail des prisonniers peuvent être considérées comme se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Le gouvernement a indiqué que la circulaire no 137/3 sur le fonctionnement des centres de travail détermine les conditions de travail des prisonniers. Il a ajouté que le Conseil suprême des ateliers de travail dans les prisons a mis un terme au travail des prisonniers sur les lieux de travail privés à l’extérieur des ateliers pénitentiaires. Un contrat standard est signé entre les entreprises privées et les ateliers en ce qui concerne le travail des prisonniers dans le cadre de la formation professionnelle et de la réadaptation assurée par les entreprises privées à l’intérieur des ateliers des prisons. La commission a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les prisonniers donnent leur consentement formel, libre et éclairé avant de travailler dans le cadre de la formation professionnelle et de la réadaptation assurées par des entreprises privées, ce consentement devant être attesté par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre.
Le gouvernement indique que, conformément à la loi n°5275 sur l’exécution des peines et les mesures de sécurité et à son règlement d’application, les détenus, y compris ceux qui travaillent dans le cadre de la formation professionnelle et de la réadaptation assurées par des entreprises privées, sont employés moyennant un salaire journalier déterminé par le Conseil suprême des ateliers de travail dans les prisons. Le gouvernement indique également qu’ils sont partiellement assurés, qu’ils perçoivent un dividende à la fin de l’année et que les frais de subsistance prélevés auprès de tous les condamnés après leur libération ne sont pas exigés pour ceux qui travaillent dans les ateliers des prisons. Les horaires de travail sont déterminés à l’avance. En outre, des mesures de prévention, notamment grâce à la formation, sont prises pour éviter les accidents du travail. Les prisonniers et les personnes condamnées qui ne travaillent pas peuvent bénéficier de stages sur demande. La commission prend dument note des informations fournies par le gouvernement, mais observe une fois de plus que la législation ne semble pas exiger que les détenus donnent leur consentement libre, éclairé et formel avant de travailler pour le compte d’entreprises privées. La commission prie par conséquent le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour inclure dans sa législation des dispositions en vertu desquelles les détenus qui travaillent pour le compte d’entités privées, y compris dans le cadre de la formation professionnelle et de la réadaptation, donnent leur consentement écrit, libre et éclairé avant d’entrer dans une telle relation d’emploi. Elle prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
Article 2, paragraphe 2 d). Pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre dans les cas de force majeure.  Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que l’expression «travail forcé» n’incluait pas les services exigés des citoyens lors de l’état d’urgence, qui peut être proclamé, en vertu de l’article 119 de la Constitution, en cas de «crise économique grave». Elle a pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle, en vertu de l’article 10(1) de la loi no 2935 de 1983 sur l’état d’urgence, le Conseil des ministres peut déterminer, par décret, des obligations et des mesures relatives au travail. Toutefois, le gouvernement a indiqué que cet article n’impliquait pas l’imposition d’un travail obligatoire. La commission a en outre noté que l’article 8(1) de la loi sur l’état d’urgence prévoit qu’en vertu de l’état d’urgence décrété en raison d’une catastrophe naturelle ou d’une maladie épidémique dangereuse, tous les citoyens âgés de 18 à 60 ans, qui résident dans la région où l’état d’urgence est déclaré, sont tenus d’accomplir les tâches qui leur sont imposées. La commission a prié le gouvernement de préciser ce que l’expression «mesures et obligations relatives au travail» de l’article 10(1) de la loi sur l’état d’urgence implique et de fournir des informations sur l’application de l’état d’urgence dans la pratique.
Le gouvernement indique que la Turquie n’a pas eu recours à des mesures extraordinaires pour des motifs économiques. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans le cadre de l’application de l’application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948,) selon lesquelles l’état d’urgence a été déclaré en Turquie entre juillet 2016 et juillet 2018 à la suite d’une tentative de coup d’État. Elle note également, que dans ce contexte, la Confédération syndicale internationale (CSI) a indiqué que le gouvernement continue de maintenir les lois sur l’état d’urgence. Tout en prenant dûment note des informations communiquées par le gouvernement, la commission le prie de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation afin de supprimer les dispositions permettant d’imposer des travaux dans des situations de «crise économique grave», conformément à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission prie également le gouvernement d’indiquer si le pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre a été utilisé pendant les périodes d’état d’urgence déclaré en vertu de l’article 119 de la Constitution, par exemple entre juillet 2016 et juillet 2018, et, si tel est le cas, de fournir des indications sur la durée et l’étendue des services demandés aux citoyens.
Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village.  Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que la loi no 442 de 1924 sur les affaires villageoises prévoit des «travaux obligatoires pour les villageois», notamment des travaux de construction, de réparation de routes et de construction de ponts (art. 13 de la loi). Le gouvernement a indiqué que la loi sur les affaires villageoises était obsolète et que nombre de ses dispositions n’étaient pas appliquées. Il a ajouté que les types de travail énumérés à l’article 13 de ladite loi relèvent désormais des administrations provinciales spéciales et de l’administration centrale. La commission a donc prié le gouvernement de modifier la loi sur les affaires villageoises afin de la mettre en conformité avec la convention, et de fournir des informations sur l’application pratique de son article 13 par les administrations provinciales spéciales et l’administration centrale.
Le gouvernement indique qu’aucune modification n’a été apportée à la loi de 1924 sur les affaires villageoises, et réitère qu’un certain nombre de ses dispositions sont aujourd’hui obsolètes. La commission exprime donc le ferme espoir que la loi de 1924 sur les affaires villageoises sera modifiée, afin de refléter la pratique indiquée, de manière à ce que les «menus travaux» ne puissent être réalisés que dans l’intérêt direct de la collectivité, et après consultation de ladite collectivité. Dans cette attente, la commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les travaux énumérés à l’article 13 de la loi sur les affaires villageoises qui relèvent des administrations provinciales spéciales et de l’administration centrale.
Article 25. Sanctions pénales en cas d’imposition de travail forcé.  La commission a noté précédemment qu’en vertu de l’article 117(2) du Code pénal, il est interdit d’employer, sans les rémunérer, en les rémunérant insuffisamment ou en les soumettant à des conditions de travail ou de vie inhumaines, des personnes sans abri, démunies ou dépendantes. Elle a noté, d’après les informations fournies par le gouvernement, que le nombre d’infractions comptabilisées avait diminué, passant de 55 en 2013 à 19 en 2015, et que le nombre de condamnations était en hausse. La commission a prié le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’application dans la pratique de l’article 117(2) du Code pénal, y compris les sanctions appliquées en la matière.
Le gouvernement indique que les affaires relevant de l’article 117(2) du Code pénal qui se sont soldées par un acquittement étaient au nombre de sept en 2017, de quatre en 2018, d’une en 2019 et d’une au premier semestre de 2020. Par ailleurs, la commission prend note des informations supplémentaires communiquées par le gouvernement selon lesquelles, au cours du premier semestre de 2020, une condamnation a été prononcée en vertu de l’article 117(2) du Code pénal. Le gouvernement indique en outre qu’entre 2016 et 2019, sept cas de travail forcé ont été enregistrés et 12 suspects ont été arrêtés. Rappelant qu’en vertu de l’article 25 de la convention, les sanctions prévues pour le recours illégal au travail forcé ou obligatoire doivent être strictement appliquées, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les violations de la liberté de travail et d’emploi prévues à l’article 117(2) du Code pénal soient dûment sanctionnées. Elle prie également le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’application pratique de l’article 117(2) du Code pénal, notamment le nombre d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées, de condamnations prononcées, d’acquittements obtenus et les sanctions imposées en la matière. Elle prie en outre le gouvernement de communiquer des informations sur les condamnations prononcées dans les sept cas de travail forcé enregistrés entre 2016 et 2019.

Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note du rapport du gouvernement et des informations supplémentaires fournies à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020).
Elle prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) jointes au rapport du gouvernement.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes.  1. Mesures de contrôle de l’application de la législation. La commission a précédemment pris note des observations de la TISK en 2014 selon lesquelles la Turquie est un pays de destination et de transit pour la traite des femmes, des hommes et des enfants. Elle a noté que l’article 80 du Code pénal interdit la traite des personnes tant à des fins d’exploitation sexuelle qu’à des fins d’exploitation au travail. Elle a noté qu’en 2015, 330 suspects sur les 514 impliqués dans des affaires jugées en vertu de l’article 80 du Code pénal, ont été acquittés et qu’au premier trimestre de 2016, sur 148 suspects impliqués dans des affaires jugées, 118 ont été acquittés. La commission a noté avec préoccupation le faible nombre de condamnations pour des faits de traite des personnes, malgré le nombre important d’affaires portées devant la justice. La commission a instamment prié le gouvernement de redoubler d’efforts pour garantir que tous les auteurs du crime de traite font l’objet de poursuites judiciaires et que, dans la pratique, des peines de prison suffisamment efficaces et dissuasives sont imposées.
Le gouvernement indique dans son rapport que la Turquie est un pays de transit et de destination pour la traite des personnes, en particulier pour l’exploitation des femmes et des enfants. Il ajoute que le Commandement général de la gendarmerie a adopté des mesures pour lutter contre la traite des personnes, notamment à travers: i) la publication d’ordonnances d’application détaillées destinées à 81 commandements de gendarmerie provinciaux et expliquant les changements intervenus dans la lutte contre la traite des personnes; ii) la poursuite des activités des groupes de lutte contre la traite des personnes établis par le commandement de la gendarmerie dans 33 provinces; iii) l’inclusion, dans le programme de l’Académie des garde-côtes de la gendarmerie, d’une formation sur la lutte contre la traite des personnes; et iv) le lancement, le 30 octobre 2018, d’un projet d’une durée de huit mois visant à accroître l’efficacité des activités de lutte du Commandement général de la gendarmerie contre la traite des personnes, qui prévoit la formation du personnel dans ce domaine. Le gouvernement ajoute dans ses informations supplémentaires qu’une formation sur la lutte contre la traite des personnes a également été dispensée à 210 membres du personnel de la Direction générale de la sécurité entre mai 2019 et juillet 2020.
Le gouvernement indique en outre que sur la base de l’article 80 du Code pénal, 26 cas de traite des personnes à des fins de prostitution ont été identifiés en 2017, 61 personnes ont été arrêtées et 13 ont été emprisonnées; en 2018, 16 cas de traite à des fins de prostitution ont été identifiés, 128 personnes ont été arrêtées et 35 ont été emprisonnées; et de janvier à mai 2019, sept cas de traite à des fins de prostitution ont été identifiés, 60 personnes ont été arrêtées et trois ont été emprisonnées. La commission prend note de ces informations mais observe que le gouvernement n’a fourni d’information concernant les sanctions appliquées dans les cas mentionnés. La commission note en outre que le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains du Conseil de l’Europe (GRETA) a noté, dans son rapport adopté le 10 juillet 2019 concernant l’application de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains en Turquie, les informations du gouvernement selon lesquelles en 2016, 72 cas de traite des personnes ont été instruits, 42 personnes ont été condamnées et 266 personnes ont été acquittées; en 2017, 42 affaires ont été instruites, 45 personnes ont été condamnées et 96 personnes ont été acquittées; et en 2018, 82 affaires ont été instruites, 77 personnes ont été condamnées et 305 personnes ont été acquittées (paragr. 222). La commission prend également note des informations supplémentaires du gouvernement selon lesquelles, entre octobre 2019 et mars 2020, 19 personnes ont été condamnées pour traite des êtres humains et 102 personnes ont été acquittées. Sur les 19 personnes condamnées, la commission note qu’une personne a été condamnée à une amende et 18 personnes à une peine d’emprisonnement et à une amende.
La commission note également que le GRETA indique que, suite à la révocation de quelque 4 500 juges et procureurs après juillet 2016, le personnel nouvellement nommé n’avait pas reçu une formation suffisante pour enquêter et statuer efficacement sur des affaires pénales complexes, y compris concernant la traite des personnes (paragr. 219). Le GRETA a également indiqué que des difficultés pratiques se présentaient pour juger les affaires de traite des personnes et pour faire la distinction entre la traite des personnes et certaines autres infractions, telles que la prostitution (art. 227 du Code pénal) et la violation de la liberté de travail et d’emploi (art. 117 du Code pénal). Les représentants du pouvoir judiciaire ont indiqué que les affaires instruites pour traite des personnes étaient parfois requalifiées au stade de la procédure judiciaire en d’autres infractions, généralement la prostitution, qui sont passibles de peines moins lourdes (paragr. 224). Tout en reconnaissant les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la traite des personnes, la commission prie instamment celui-ci de continuer de prendre les mesures nécessaires pour que des enquêtes approfondies et des poursuites soient menées à l’encontre de toutes les personnes impliquées dans la traite des personnes, tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail, et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient appliquées dans la pratique. À cet égard, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’application pratique de l’article 80 du Code pénal, notamment sur le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de sanctions spécifiques imposées, ainsi que sur les faits qui n’ont été sanctionnés que par l’imposition d’une amende. Enfin, la commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts en matière de formation des agents de la force publique, y compris les juges et les procureurs, afin que les personnes qui se livrent à la traite des personnes soient dûment poursuivies et sanctionnées au titre de l’infraction de traite des personnes, et de fournir des informations à cet égard.
2. Protection des victimes et assistance aux victimes. La commission a précédemment pris note de la promulgation de la loi (no 6458) de 2013 sur les étrangers et la protection internationale, qui a systématisé les procédures d’identification des victimes. Elle a également pris note de l’adoption de la Règlementation de la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes en 2016, qui définit les procédures et les principes de prévention de la traite des personnes et de protection des victimes, y compris l’octroi de permis de résidence aux victimes étrangères. La commission a en outre pris note du «Programme de retour volontaire et sûr» s’adressant aux victimes qui souhaitent quitter la Turquie, ainsi que des «Programmes d’appui aux victimes» qui mettent notamment à leur disposition des centres ou des lieux d’accueil, des services de santé, une aide psychosociale et une aide juridictionnelle. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application pratique de la nouvelle loi et de la nouvelle réglementation susmentionnées en ce qui concerne l’identification des victimes et la protection et d’assistance apportées à ces personnes.
Le gouvernement indique qu’entre juillet 2019 et mars 2020, les victimes de la traite étaient le plus souvent originaires de l’Ouzbékistan, de la Turquie et du Moldova. Il indique par ailleurs qu’en 2017, les directions provinciales de la gestion des migrations ont identifié 303 victimes de la traite, et 134 en 2018. Il ajoute qu’en 2019, 215 victimes de la traite ont été identifiées, et 79 au cours du premier semestre de 2020, essentiellement des femmes. Les victimes qui sont restées en Turquie ont bénéficié des programmes d’appui prévus à leur intention (24 des 134 victimes en 2018, 35 en 2019 et 42 au premier semestre de 2020), et certaines victimes qui ont préféré quitter le pays ont bénéficié du programme de retour volontaire et sûr (101 victimes en 2018, 153 en 2019 et 22 au premier semestre de 2020). La capacité des centres d’accueil pour victimes de la traite des personnes est passée à 42 places. L’ouverture d’un troisième centre d’accueil est à l’étude. Chaque victime admise dans un centre bénéficie d’un programme de soutien individualisé, qui comprenait, ces dernières années, des services tels qu’une aide financière mensuelle, des services de santé, un soutien psychologique, une formation professionnelle et l’accès au marché du travail, une aide juridictionnelle et des activités de loisirs.
Le gouvernement indique en outre qu’il a créé un Département d’aide juridique et des droits des victimes au sein de la Direction générale des affaires pénales (ministère de la Justice), qui vise à informer toutes les victimes d’infractions, y compris les victimes de la traite, de leurs droits et des services d’assistance et de soutien qui peuvent leur être fournis, ainsi qu’à aider les victimes tout au long du processus judiciaire et à leur faciliter l’accès à la justice. En outre, des directions d’aide médico-légale et de services aux victimes ont été créées dans plusieurs tribunaux afin de fournir aux victimes, y compris aux victimes de la traite des personnes, une aide juridictionnelle et des services de soutien, tels que des mesures visant à faire en sorte que les victimes de la traite ne deviennent pas victimes à nouveau, des mesures d’accompagnement des victimes de la traite pendant les audiences du tribunal et des mesures d’orientation des victimes vers les institutions compétentes pour un soutien psychologique, si nécessaire. La commission prend également note de l’indication du gouvernement selon laquelle un Guide sur la manière dont les victimes doivent être approchées, comportant un chapitre sur les victimes de la traite et les victimes étrangères, a été élaboré à l’intention des professionnels qui fournissent des services aux victimes d’actes criminels, en particulier les forces de l’ordre, les professionnels de la santé et le personnel des services judiciaires.
La commission prend note de la déclaration faite par la TISK dans sa communication selon laquelle, en coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations, la ligne d’assistance téléphonique urgente 157 a été mise en place pour les victimes potentielles de la traite des personnes, dont les opérateurs fournissent des services en russe, roumain, anglais et turc. La TISK indique en outre que le Comité de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains a été créé en vertu de la Réglementation de la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes, et a tenu sa première réunion en 2017, afin d’élaborer des mesures concernant la coopération interinstitutionnelle, des activités de sensibilisation et des supports de formation pour le personnel. La commission note en outre à cet égard les informations supplémentaires du gouvernement selon lesquelles le Comité de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains vise à réaliser des études, à formuler des politiques et des stratégies, à élaborer un plan d’action et à instaurer une coopération pour prévenir et combattre la traite des personnes. Le Comité s’est réuni en 2017, 2018 et 2019, et ses travaux ont abouti, entre autres, i) à la nomination d’agents de liaison provinciaux pour la traite des êtres humains dans 36 provinces; ii) au lancement d’activités de sensibilisation du grand public; et iii) à la formation, en 2019, de plus de 1 000 professionnels d’institutions publiques et d’organisations non gouvernementales à la lutte contre la traite des personnes.
La commission prend note de l’indication du GRETA, dans son rapport de 2019, selon laquelle la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle est la forme la plus courante de cette infraction (paragr. 13). Le GRETA a également indiqué que la Direction générale de la gestion des migrations (DGMM), qui coordonne l’action nationale contre la traite des personnes depuis 2013, dispose d’une Direction de la protection des victimes de la traite des êtres humains (paragr. 26). La commission note que le GRETA a souligné la capacité limitée des centres d’accueil spécialisés pour les victimes de la traite, et le fait que seules quelques victimes restaient en Turquie et bénéficiaient des programmes d’assistance aux victimes. Le GRETA est également préoccupé par le manque d’assistance spécialisée pour les victimes turques de la traite et pour les hommes victimes de la traite (paragr. 169). Tout en saluant les efforts déployés par le gouvernement, la commission le prie de continuer de prendre des mesures afin de renforcer l’identification des victimes de traite et l’assistance qui leur est accordée, et de fournir des informations à cet égard. Elle prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les mesures élaborées par le Comité de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains en vue de prévenir et de combattre ce crime, ainsi que de donner des précisions sur les activités du Département de la protection des victimes de la traite des êtres humains de la DGMM. Enfin, la commission prie le gouvernement d’indiquer le nombre de victimes de traite des personnes identifiées et bénéficiant d’une protection et d’une assistance, grâce aux différents programmes, directions et départements susmentionnés qui apportent une assistance aux victimes de traite.
Article 2, paragraphe 2 a). Service militaire obligatoire. La commission a précédemment prié le gouvernement d’abroger l’article 10 de la loi no 1111 sur le service militaire, en vertu duquel, si le nombre des conscrits assignés au personnel de réserve est excédentaire, les conscrits en question peuvent être affectés à des travaux dans des organisations ou des institutions publiques.
La commission prend note des observations de la TISK selon lesquelles la loi no 7179 sur le recrutement militaire constitue une évolution positive en ce qui concerne la mise en conformité de la législation nationale avec la convention.
La commission prend note avec satisfaction de l’entrée en vigueur, le 26 juin 2019, de la loi no 7179 sur le recrutement militaire, qui remplace la loi no 1111 sur le service militaire et ne contient aucune disposition concernant l’obligation d’accomplir le service militaire dans des institutions ou organisations publiques.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

Article 2, paragraphe 2 a), de la convention. Service militaire obligatoire. La commission note que, dans le rapport qu’il a soumis au titre de l’application de la convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, le gouvernement indique que, au titre de l’article 10 de la loi no 1111 sur le service militaire, telle que modifiée par la loi no 3358, si le nombre de conscrits est supérieur à celui fixé par le bureau du chef de l’état-major des armées, les conscrits assignés au personnel de réserve sont considérés comme ayant effectué leur service militaire s’ils effectuent un paiement ou s’ils travaillent dans une institution ou organisation publique, après leur formation militaire de base. Le gouvernement indique également que cette disposition n’a pas été appliquée depuis 1991 en raison du manque de ressources humaines par rapport aux besoins des forces armées.
La commission rappelle au gouvernement que le service militaire obligatoire est exclu du champ d’application de la convention pour autant que les travaux réalisés dans ce cadre revêtent un caractère purement militaire, et que cette condition vise expressément à prévenir l’appel de conscrits pour des travaux publics et qu’elle a son corollaire à l’article 1  b) de la convention no 105, qui interdit l’utilisation du travail forcé obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main d’œuvre à des fins de développement économique (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 274). La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger l’article 10 de la loi no 1111 qui permet d’affecter les conscrits assignés au personnel de réserve à des travaux pour des organismes et institutions publics afin de mettre la législation nationale en conformité avec la convention et la pratique indiquée, ainsi que de fournir des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail de prisonniers pour des entités privées. La commission a précédemment noté que l’article 20 de la réglementation de 2005 sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires prévoit qu’il peut être demandé aux détenus de travailler, mais que ces derniers ne sont pas obligés de le faire. Elle a également noté que, sur la base de cette réglementation et de la réglementation de 2006 sur l’administration des établissements pénitentiaires et l’exécution des peines, les conditions de travail des prisonniers peuvent être considérées comme se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Elle a néanmoins observé que la législation en vigueur ne requérait apparemment pas le consentement formel libre et éclairé des prisonniers à travailler pour des entreprises privées. En réponse, le gouvernement a indiqué qu’il n’était pas possible d’employer des prisonniers sans leur consentement ou sans que les intéressés en aient fait eux-mêmes la demande. Il a indiqué que la circulaire no 137/3 sur le fonctionnement des centres de travail (publiée par le Conseil suprême des ateliers de travail) détermine les conditions de travail des prisonniers, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la prison, et qu’elle contient un contrat standard réglementant l’emploi d’un prisonnier.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que les prisonniers qui souhaitent travailler doivent soumettre une demande écrite indiquant leur consentement formel. De plus, le Conseil suprême des ateliers de travail dans les prisons a mis un terme au travail des prisonniers sur les lieux de travail privés à l’extérieur des ateliers pénitentiaires par sa décision no 2011/17 de 2014. Le gouvernement indique également que, en ce qui concerne le travail des prisonniers dans le cadre de la formation professionnelle et de la réadaptation assurées par des entreprises privées au sein des ateliers de travail dans les prisons, le protocole standard annexé à la circulaire no 137/3 est signé par les entreprises privées et les ateliers de travail dans les prisons. Les parties concernées n’ont aucunement le droit d’en modifier les dispositions, le département des ateliers de travail dans les prisons du ministère de la Justice étant en charge du contrôle à cet égard. La commission rappelle qu’en l’absence de contrat de travail et qu’en dehors du champ d’application de la législation du travail il semble difficile, voire impossible, de reproduire exactement les conditions d’une relation de travail libre, en particulier en milieu pénitentiaire (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 279). La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour exiger que les prisonniers donnent leur consentement formel, libre et éclairé avant de travailler dans le cadre de la formation professionnelle et de la réadaptation assurées par des entreprises privées, ce consentement devant être attesté par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Elle le prie également de fournir des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
Article 2, paragraphe 2 d). Pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre dans les cas de force majeure. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, aux termes de l’article 18 de la Constitution, l’expression «travail forcé» n’incluait pas les services exigés des citoyens lors de l’état d’urgence, qui peut être proclamé, en vertu de l’article 119 de la Constitution, dans diverses circonstances, dont celles de «crise économique grave». Elle a également noté que, en vertu de la loi no 2935 de 1983 sur l’état d’urgence, le Conseil des ministres peut déterminer, par décret, des obligations et des mesures à prendre en cas de crise économique grave, y compris dans le domaine du travail. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement indiquait que la Turquie avait connu par le passé des crises économiques sans que l’état d’urgence soit proclamé. Le gouvernement a également indiqué que les situations d’état d’urgence visées à l’article 119 de la Constitution se référaient à des situations paralysant la vie du pays et que, même dans ce cas, l’imposition du travail forcé ne se justifiait pas puisque l’article 18 de la Constitution le prohibe expressément.
La commission note que le gouvernement indique que l’article 10(1) de la loi no 2935 de 1983, qui porte sur les «mesures et obligations relatives au travail», n’implique pas le travail obligatoire. Elle note également que, en vertu de l’article 8(1) de la loi sur l’état d’urgence, en cas d’état d’urgence déclaré en raison d’une catastrophe naturelle ou d’une maladie épidémique dangereuse, tous les citoyens âgés de 18 à 60 ans qui résident dans la région où l’état d’urgence est déclaré sont obligés d’exécuter les tâches qui leurs sont imposées. La commission rappelle que l’exception des «situations d’urgence» ne s’applique que dans des situations restreintes mettant en danger ou risquant de mettre en danger la vie ou les conditions normales d’existence de l’ensemble ou d’une partie de la population, comme indiqué à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission prie donc le gouvernement de préciser ce que l’expression «mesures et obligations relatives au travail» de l’article 10(1) de la loi no 2935 de 1983 sur l’état d’urgence implique, et de continuer à fournir des informations sur l’application de la loi sur l’état d’urgence et de l’article 119 de la Constitution, dans la pratique.
Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. La commission a précédemment noté que les articles 12 et 13 de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises prévoient des «travaux obligatoires pour les villageois» et que l’inexécution de cette obligation doit être sanctionnée. Elle a noté que certains travaux énumérés à l’article 13 comme étant «obligatoires pour les villageois» (construction et réparation de routes menant du village au centre de gouvernement ou aux villages voisins, construction de ponts sur ces routes, etc.) ne semblaient pas répondre aux critères de «menus travaux» ni à ceux de «services à la collectivité» et qu’aucune disposition ne prévoyait de consultation sur ces travaux ou services. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement déclarait que l’administration d’un village avait considérablement changé depuis l’adoption de cette loi en 1924.
La commission note que le gouvernement indique que la loi no 442 est obsolète et que de nombreuses dispositions ne s’appliquent pas. De plus, les types de travaux énumérés à l’article 13 de cette loi sont désormais effectués par les administrations provinciales spéciales, qui sont les unités de l’administration locale, ainsi que par l’administration centrale. La commission rappelle que les menus travaux de village peuvent être exclus du champ d’application de la convention uniquement s’il s’agit de «menus travaux» et s’ils sont exécutés dans l’intérêt direct de la collectivité, en consultation avec celle-ci, en vertu de l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la loi de 1924 afin de la mettre en conformité avec la convention et de fournir des informations sur l’application dans la pratique de son article 13 par les administrations provinciales spéciales et l’administration centrale.
Article 25. Sanctions pénales en cas d’imposition de travail forcé ou obligatoire. La commission a précédemment demandé des informations sur l’application, dans la pratique, de l’article 117(2) du Code pénal (interdiction d’employer, sans les rémunérer, en les rémunérant insuffisamment ou en les soumettant à des conditions de travail ou de vie inhumaines, des personnes sans abri, démunies ou dépendantes). A cet égard, la commission a noté que, d’après le rapport du gouvernement, 26 affaires avaient été ouvertes, sur la base de l’article 117(2), en 2011, et 141, en 2012. Le gouvernement a indiqué que, dans les 34 verdicts rendus en 2011, aucune condamnation n’avait été prononcée, et que, dans les 45 verdicts rendus en 2012, 8 condamnations avaient été prononcées.
La commission note que le gouvernement indique que 12 condamnations ont été prononcées sur les 35 décisions de justice rendues en 2015, 9 sur 32 en 2014 et 6 sur 43 en 2013, en application de l’article 117(2). Le gouvernement indique également que 19 infractions ont été enregistrées en 2015, contre 42 en 2014 et 55 en 2013. Relevant la diminution importante du nombre d’infractions enregistrées depuis 2012, ainsi que l’augmentation du nombre de condamnations prononcées, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application, dans la pratique, de l’article 117(2) du Code pénal, y compris des informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les sanctions spécifiques appliquées en la matière.

Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

La commission prend note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), reçues le 8 août 2016.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Mesures de contrôle de l’application de la législation. La commission a précédemment pris note des informations communiquées par la Confédération syndicale internationale (CSI) selon lesquelles la plupart des cas de traite sont liés à la prostitution de femmes originaires d’Europe de l’Est et au travail forcé de personnes originaires d’Asie centrale. Elle a également noté que, d’après la TİSK, des progrès ont été réalisés pour porter ces affaires en justice et réduire le nombre d’acquittements. Elle a également pris note des informations figurant dans le rapport du gouvernement au sujet de l’application de l’article 227(3) du Code pénal (qui interdit de déplacer une personne à l’intérieur du pays à des fins de prostitution ou de l’envoyer à l’étranger à cette fin), selon lesquelles, suite aux 177 décisions rendues en 2011 et 2012, 23 personnes ont été condamnées. Le gouvernement a également indiqué que, dans les 166 affaires jugées en 2011 et 2012 en vertu de l’article 80 du Code pénal (sur la traite des personnes), concernant 912 suspects, 70 personnes ont été condamnées à une peine de prison. La commission a également noté que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies s’est dit préoccupé par le fait que seuls quelques cas de traite avaient donné lieu à des enquêtes, à des poursuites et à des condamnations.
La commission note que, dans sa communication, la TİSK déclare que, en 2016, le gouvernement a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. La TİSK indique également que la Turquie a signé des protocoles de coopération en matière de lutte contre la traite avec le Bélarus, la Géorgie, le Kirghizistan, la République de Moldova et l’Ukraine.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement communique les chiffres suivants en ce qui concerne l’application de l’article 80 du Code pénal: en 2013, 331 des 564 suspects impliqués dans 126 affaires jugées ont été acquittés; en 2014, 292 des 394 suspects impliqués dans 91 affaires jugées ont été acquittés; en 2015, 330 des 514 suspects impliqués dans 119 affaires jugées ont été acquittés; et, au premier trimestre 2016, 118 des 148 suspects impliqués dans 28 affaires jugées ont été acquittés. La commission note également que, en vertu de l’article 227(3) du Code pénal, en 2014, 10 décisions de justice sur les 52 rendues étaient une condamnation, contre 3 sur 18 en 2013. Le gouvernement indique également que la police nationale turque (Direction générale de la sécurité) et le commandement général de la gendarmerie ont mis en place, au sein de leur structure organisationnelle, un département spécial chargé de combattre l’introduction clandestine de migrants et la traite des personnes et que cette question figure dans les programmes de formation de leurs recrues et des membres de leur personnel. La commission note également que, dans ses observations finales du 31 mai 2016, le Comité des Nations Unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a trouvé préoccupant que les capacités de lutte contre la traite et la coordination interinstitutionnelle de l’action en la matière soient limitées (CMW/C/TUR/CO/1, paragr. 83). La commission note avec préoccupation le nombre peu élevé de condamnations pour traite malgré le nombre important de cas portés en justice. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts pour garantir que tous les auteurs du crime de traite font l’objet de poursuites judiciaires et que, dans la pratique, des peines de prison suffisamment efficaces et dissuasives sont imposées. Elle le prie également de continuer à fournir des informations sur les mesures prises à cet égard, y compris en matière de formation et de renforcement des capacités des autorités chargées du contrôle de l’application de la loi, ainsi que sur les résultats obtenus. La commission prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de sanctions spécifiques imposées, en application des articles 80 et 227(3) du Code pénal.
2. Protection des victimes et assistance aux victimes. La commission a précédemment noté que, selon les informations de la CSI, les dépositaires de l’autorité publique n’utilisaient pas suffisamment les procédures d’identification des victimes de traite, et que nombre d’entre elles étaient placées en détention et expulsées. La CSI a également indiqué que la Turquie n’avait mis en place aucun centre d’accueil pour ces victimes et qu’elle n’accordait pas de ressources suffisantes aux organisations non gouvernementales gérant des centres d’assistance et de services. La commission a également noté que, dans sa communication, la TİSK indiquait que le gouvernement avait adopté une approche axée sur les victimes pour combattre la traite en prenant des mesures législatives et administratives à cet effet. La TİSK a indiqué qu’il existait désormais des centres d’accueil pour les victimes de la traite à Ankara et à Istanbul et qu’un foyer avait été ouvert à cette fin à Antalya. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement a déclaré que le ministère des Affaires étrangères avait financé ces centres pour la période 2014-2016 et qu’un visa humanitaire de six mois était délivré aux victimes de traite. Le retour sûr et volontaire des victimes était garanti par la coopération entre la police, l’Organisation internationale pour les migrations, les organismes de liaison dans les pays d’origine et les organisations non gouvernementales.
La commission note que, dans sa communication, la TİSK déclare que des opérations conjointes sont menées dans le cadre de la coopération entre le ministère de l’Intérieur et les pays d’origine des victimes de traite. La TİSK indique également que la Direction générale de la sécurité du ministère de l’Intérieur a signé des protocoles de coopération bilatérale avec des organisations de la société civile au sujet de l’identification des victimes et du processus qui s’ensuit.
La commission note que le gouvernement indique que les procédures d’identification des victimes sont de nouveau systématisées, suite à la promulgation de la loi no 6458 de 2013 sur les étrangers et la protection internationale. De plus, la réglementation de la lutte contre la traite et la protection des victimes, qui établit les procédures et principes relatifs à la prévention de la traite et à la protection des victimes, quelle que soit leur nationalité, a été adoptée en 2016. En conséquence, les victimes étrangères bénéficient de permis de séjour de six mois, pouvant être prolongés jusqu’à trois ans, et celles qui souhaitent quitter la Turquie sont rapatriées vers leur pays d’origine ou vers un pays tiers sûr, dans le cadre du programme de retour volontaire et sûr. Elles bénéficient également de services d’appui grâce aux programmes d’appui aux victimes, y compris des centres ou des lieux d’accueil sûrs, de services de santé, d’aide psychosociale et d’aide juridictionnelle. La commission note également qu’un comité de coordination de la lutte contre la traite et des comités provinciaux y affiliés sont des mécanismes de contrôle au titre de la réglementation de 2016. Elle note également que, entre le 1er janvier 2016 et le 14 juillet 2016, 102 victimes ont été identifiées, contre 108 en 2015. De plus, au cours de la même période, 87 victimes, contre 69 en 2015, ont pu être accueillies soit dans des foyers spéciaux de la Direction générale de la gestion de la migration réservés aux victimes de la traite, soit dans des centres d’accueil situés dans des provinces et gérés par le ministère de la Famille et des Politiques sociales. Prenant note du nombre de victimes de traite identifiées dans le pays et des différentes mesures prises par le gouvernement pour les protéger, la commission salue la promulgation de nouvelles lois en la matière et prie le gouvernement de fournir des informations sur leur application dans la pratique en ce qui concerne l’identification des victimes et l’offre de protection et d’assistance à ces personnes, y compris le nombre de personnes bénéficiant de services en la matière.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2014, publiée 104ème session CIT (2015)

Article 2, paragraphe 2 c). Travail de prisonniers pour des entités privées. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que l’article 20 de la réglementation de 2005 sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires prévoit qu’il peut être demandé aux détenus de travailler mais ces derniers ne sont pas obligés de le faire. Elle a également noté que, sur la base de cette réglementation et de la réglementation de 2006 sur l’administration des établissements pénitentiaires et l’exécution des peines, les conditions de travail des prisonniers peuvent être considérées comme se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Elle a néanmoins observé que la législation en vigueur ne requiert apparemment pas le consentement formel, libre et éclairé des prisonniers à travailler pour des entreprises privées. En réponse, le gouvernement a indiqué qu’il n’est pas possible d’employer des détenus sans leur consentement ou sans que les intéressés n’en aient fait eux-mêmes la demande et que la circulaire no 137/3 sur le fonctionnement des centres de travail (publiée par le Conseil suprême des centres de travail), qui détermine les conditions de travail des détenus tant à l’intérieur de la prison que hors de celle-ci, inclut un contrat standard réglant l’emploi du détenu.
La commission prend note de la copie de la circulaire no 137/3 jointe au rapport du gouvernement mais observe que celle-ci ne prévoit pas la signature entre le détenu et l’employeur d’un contrat réglant l’emploi de l’intéressé. Notant que le gouvernement a indiqué précédemment qu’un détenu ne peut être employé sans son consentement, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures garantissant que, pour qu’un détenu travaille pour le compte d’une entreprise privée, que ce soit dans la prison ou à l’extérieur de celle-ci, son consentement formel libre et éclairé est requis, ce consentement devant être exempt de toute menace d’une sanction quelconque. A cet égard, la commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer des exemples de contrats conclus entre des détenus et des employeurs.
Article 2, paragraphe 2 d). Pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre dans les cas de force majeure. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, aux termes de l’article 18 de la Constitution turque, les termes «travail forcé» n’incluent pas les services exigés des citoyens dans les cas de force majeure, état qui peut être proclamé, en vertu de l’article 119 de la Constitution, dans diverses circonstances, dont celle de «crise économique grave». Elle a également noté que, en vertu de la loi (no 2935 de 1983) sur l’état d’urgence, le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures à prendre en cas de crise économique grave, y compris dans le domaine du travail. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement indiquait que la Turquie avait connu par le passé des crises économiques sans qu’une situation de force majeure n’ait été déclarée pour autant. Les cas de force majeure visés à l’article 119 de la Constitution se réfèrent à des situations où la vie du pays se trouve paralysée, et même une telle éventualité ne justifierait pas l’imposition d’un travail forcé puisque l’article 18 de la Constitution le prohibe expressément.
Tout en prenant note des indications du gouvernement concernant l’application de ces dispositions dans la pratique, la commission rappelle que la notion de «crise économique grave» ne semble pas répondre strictement aux critères correspondant à l’exception de «cas de force majeure» prévue à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention (c’est-à-dire dans les cas de guerre, de sinistre ou de menace de sinistre). La commission exprime donc l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour limiter l’imposition d’un travail ou service obligatoire aux cas de force majeure au sens strict prévu par la convention, conformément à la pratique actuelle. En attendant l’adoption de telles mesures, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application de la loi no 2935 de 1983 sur l’état d’urgence et de l’article 119 de la Constitution dans la pratique.
Article 2, paragraphe 2 b) et e). Menus travaux de village. La commission a précédemment noté que les articles 12 et 13 de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises prévoient des «travaux obligatoires pour les villageois», l’inexécution de cette obligation exposant à des sanctions. Elle a souligné que certains des travaux énumérés à l’article 13 comme étant «obligatoires pour les villageois» (construction et réparation de routes menant du village au centre de gouvernement ou aux villages voisins, construction de ponts sur de telles routes, etc.) ne semblent pas répondre aux critères de «menus travaux» ni à ceux de «services à la collectivité» et qu’aucune disposition ne prévoit de consultation sur le bien-fondé de tels travaux ou services. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement déclarait que l’administration d’un village a considérablement changé depuis l’adoption de cette loi en 1924 et qu’un projet de nouvelle loi sur les affaires de village, prenant en considération les avis des parties concernées, a été élaboré.
Notant l’absence d’information sur ce point dans le rapport du gouvernement, la commission rappelle que, pour être exclus du champ d’application de la convention, les menus travaux doivent satisfaire à certains critères: i) il doit s’agir de «menus travaux», c’est-à-dire essentiellement de travaux d’entretien et, exceptionnellement, de travaux relatifs à la construction de certains bâtiments destinés à améliorer les conditions sociales de la population du village elle-même; ii) il doit s’agir de travaux de village effectués dans l’intérêt direct de la collectivité et non pas de travaux destinés à une communauté plus large; iii) les membres de la collectivité (c’est-à-dire ceux qui doivent effectuer les travaux) ou leurs représentants «directs» (par exemple le conseil du village) doivent avoir le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux (étude d’ensemble de 2012, paragr. 281). En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le projet de loi sur les affaires de village n’autorise que des menus travaux de village conçus dans l’intérêt direct de la collectivité et après consultations de celle-ci, conformément à l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention. Elle prie le gouvernement de communiquer le texte de la future loi sur les affaires de village lorsque celle-ci aura été adoptée.
Article 25. Sanctions pénales en cas d’imposition de travail forcé ou obligatoire. La commission a précédemment demandé des informations sur l’application, dans la pratique, de l’article 117(2) (interdiction d’employer sans les rémunérer, en les rémunérant insuffisamment ou en les soumettant à des conditions de travail ou de vie inhumaines, des personnes sans abri, démunies ou dépendantes). A cet égard, la commission note que, d’après le rapport du gouvernement, 26 affaires ont été ouvertes sur la base de l’article 117(2) en 2011 et 141 en 2012. Le gouvernement indique que, dans les 34 verdicts rendus en 2011, aucune condamnation n’a été prononcée et que, dans les 45 verdicts rendus en 2012, huit condamnations ont été prononcées. Tout en notant la hausse importante du nombre d’infractions enregistrées en 2012 ainsi que le taux de condamnations relativement faible, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application, dans la pratique, de l’article 117(2) du Code pénal, notamment des informations sur le nombre d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de condamnations prononcées, ainsi que sur toute difficulté rencontrée à cet égard. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les peines spécifiquement appliquées aux personnes condamnées ainsi que copie des décisions rendues par les tribunaux en la matière.

Observation (CEACR) - adoptée 2014, publiée 104ème session CIT (2015)

La commission prend note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), reçue le 2 janvier 2014.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. a) Mesures de contrôle de l’application de la législation. La commission a précédemment pris note des informations communiquées par la Confédération syndicale internationale (CSI) selon lesquelles la traite existe dans le pays et la plupart des cas sont liés à la prostitution de femmes originaires d’Europe de l’Est et au travail forcé de personnes originaires d’Asie centrale.
La commission note que, dans sa communication, la TİSK indique que la Turquie est un pays de destination et de transit pour les femmes, les hommes et les enfants victimes de la traite, que le gouvernement accorde une attention particulière à cette question, que des progrès notables ont été réalisés pour porter ces affaires devant la justice et que le nombre d’acquittements dans ces affaires a diminué.
La commission prend également note des informations figurant dans le rapport du gouvernement au sujet de l’application de l’article 227(3) du Code pénal (qui interdit de déplacer une personne à l’intérieur du pays à des fins de prostitution ou de l’envoyer à l’étranger à cette fin) selon lesquelles les 177 décisions rendues en 2011 et 2012 ont abouti à la condamnation de 23 personnes. Le gouvernement indique également que, en 2011, 77 procédures ont été initiées sur la base de l’article 80 du Code pénal (sur la traite), concernant 678 suspects, et que 86 autres ont été ouvertes en 2012, concernant 560 suspects. Dans les 166 affaires jugées en 2011 et 2012, concernant 912 suspects, 70 personnes ont été condamnées à une peine de prison.
La commission note que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, dans ses observations finales du 13 novembre 2012, s’est inquiété du nombre de cas de traite et du fait que seuls quelques-uns d’entre eux ont donné lieu à des enquêtes, des poursuites et des condamnations (CCPR/C/TUR/CO/1, paragr. 15). Tout en prenant note du nombre important d’affaires portées devant les tribunaux, la commission encourage le gouvernement à redoubler d’efforts pour veiller à ce que tous les auteurs d’actes de traite fassent l’objet de poursuites judiciaires et à ce que, dans la pratique, des peines de prison suffisamment efficaces et dissuasives leur soient imposées. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard, y compris sur la formation et le renforcement des capacités des autorités chargées d’appliquer la loi et sur les résultats obtenus. Prière également de communiquer des informations sur le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de peines spécifiquement appliquées sur la base des articles 80 et 227(3) du Code pénal.
b) Protection et assistance des victimes. La commission a précédemment noté que, selon les informations de la CSI, les dépositaires de l’autorité publique n’utilisaient pas suffisamment les procédures d’identification des victimes de la traite et que nombre de ces victimes étaient placées en détention ou expulsées. La CSI a également indiqué que la Turquie n’avait mis en place aucun centre d’accueil pour ces victimes et qu’elle n’accordait pas de ressources adéquates aux organisations non gouvernementales offrant leur assistance et leurs services à ces personnes. La commission a également noté que l’Equipe de pays des Nations Unies en Turquie signalait, dans un rapport établi en 2010 par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme en vue de l’Examen périodique universel, qu’en Turquie l’accès des victimes de la traite des personnes à la justice restait limité et que les mécanismes de réparation et d’indemnisation n’étaient toujours pas dotés d’un financement viable des pouvoirs publics (A/HRC/WG.6/8/TUR/2, paragr. 42).
La commission note que dans sa communication la TİSK indique que le gouvernement a adopté une approche axée sur les victimes pour combattre la traite en prenant des mesures législatives et administratives à cet effet. La TİSK indique qu’il existe désormais des centres d’accueil pour les victimes de la traite à Ankara et à Istanbul et qu’un foyer a été ouvert à cette fin à Antalya. A cet égard, la commission note que le gouvernement déclare que le ministère des Affaires étrangères a financé ces centres pour la période 2014-2016 et qu’il a créé un mécanisme de financement durable pour ces établissements. Le gouvernement affirme également qu’un visa humanitaire de six mois est délivré aux victimes de la traite. Le retour sûr et volontaire des victimes est garanti par la coopération entre la police, l’Organisation internationale pour les migrations, les organismes de liaison dans les pays de départ et les organisations non gouvernementales. La commission prend également note des informations figurant dans le rapport du gouvernement selon lesquelles les nouvelles affaires liées à la traite portées devant les tribunaux en 2011 et 2012 concernaient 1 117 victimes.
Prenant note du nombre de victimes de traite identifié dans le pays et des diverses mesures prises pour leur assurer une protection, la commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts afin d’identifier les victimes et de leur fournir protection et assistance (notamment médicale, psychologique et juridique) et de communiquer des informations sur le nombre de personnes bénéficiant de ces services.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle espère qu’un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu’il contiendra des informations complètes sur les points soulevés dans sa précédente demande directe, qui était conçue dans les termes suivants:
Répétition
Article 2, paragraphe 2 b), de la convention. Travail exigé au titre des obligations civiques normales des citoyens. La commission invite le gouvernement à se reporter aux commentaires qu’elle formule dans le cadre de l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail de prisonniers pour des employeurs privés. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté qu’il ne semblait y avoir, dans la loi no 5275 de décembre 2004 sur l’exécution des peines et les mesures de sécurité et ses règlements d’application, aucune disposition prévoyant que l’emploi de prisonniers dans des entreprises du secteur privé est soumis au consentement formel écrit des intéressés. La commission avait cependant noté que, d’après la réglementation de 2005 sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires et la réglementation de 2006 sur l’administration des prisons et l’exécution des peines, les conditions de travail des prisonniers peuvent être considérées comme se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Cependant, elle avait constaté que, selon la législation en vigueur, le consentement formel, libre et éclairé des prisonniers à travailler pour des entreprises privées ne semble pas requis, et elle avait demandé au gouvernement d’indiquer comment il est assuré qu’un tel consentement est donné par l’intéressé, loin de toute menace d’une sanction quelconque, notamment de la perte de droits ou avantages.
La commission note que, d’après les observations communiquées en 2011 par la Confédération turque des associations d’employeurs (TÏSK), les conditions de travail des détenus se rapprochent de celles de travailleurs libres, notamment en ce qui concerne le salaire minimum, les retenues de cotisations de sécurité sociale et la durée du travail.
La commission note que le gouvernement indique qu’il n’est pas possible d’employer des détenus sans leur consentement et, plus particulièrement, sans que l’intéressé n’en fasse la demande lui-même. Des évaluations menées de 2009 à 2011 ont fait ressortir que 1 000 détenus d’établissements fermés et 7 000 détenus d’établissements ouverts ont eu la possibilité de travailler dans des ateliers et des centres de travail. Le gouvernement déclare que l’article 96 de la réglementation de 2006 sur l’administration des établissement pénitentiaires et l’exécution des peines et l’article 20 de la réglementation de 2005 sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires prévoient que les détenus déclarés physiquement et mentalement aptes par le médecin d’établissement et qui sont disposés à travailler peuvent être employés dans des ateliers moyennant un salaire qui sera fixé en fonction des moyens de l’établissement. La commission note en outre que, aux termes de l’article 20 du règlement de 2005, les détenus peuvent être invités à travailler mais n’y sont pas obligés. Le gouvernement précise à ce égard que l’emploi de détenus résulte de la demande des intéressés. Le gouvernement indique en outre que la circulaire no 137/3 (du Conseil suprême des centres de travail) sur le fonctionnement des centres de travail détermine les conditions de travail des détenus, tant à l’intérieur de la prison que hors de celle-ci, et que cette circulaire prévoit qu’un contrat standard règle l’emploi de l’intéressé. La commission prie le gouvernement de communiquer avec son prochain rapport copie de la circulaire no 137/3 sur le fonctionnement des centres de travail, de même que des copies de contrats conclus entre des détenus et leurs employeurs conformément à ladite circulaire.
Article 2, paragraphe 2 d). Pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre dans les cas de force majeure. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, aux termes de l’article 18 de la Constitution turque, les termes «travail forcé» n’incluent pas les services exigés des citoyens dans les cas de force majeure, état qui peut être proclamé, en vertu de l’article 119 de la Constitution, dans diverses circonstances, dont celle de «crise économique grave». Elle avait également noté que, en vertu de la loi (no 2935 de 1983) sur l’état d’urgence, le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures à prendre en cas de crise économique grave, y compris dans le domaine du travail. La commission avait demandé en conséquence que l’application des dispositions en question soit strictement limitée à ce qu’autorise la convention, de manière à éviter que la réquisition de main-d’œuvre en cas de force majeure ne se transforme en une mobilisation de main-d’œuvre à des fins de développement économique.
La commission note une fois de plus que le gouvernement indique que la Turquie a connu par le passé des crises économiques sans qu’une situation de force majeure n’ait été déclarée pour autant. Il ajoute que les cas de force majeure visés à l’article 119 de la Constitution se réfèrent à des situations où la vie du pays se trouve paralysée et que même une telle éventualité ne justifierait pas l’imposition d’un travail forcé, forme de travail que l’article 18 de la Constitution prohibe expressément.
Tout en prenant note des indications du gouvernement concernant l’application de ces dispositions dans la pratique, la commission rappelle que la notion de «crise économique grave» ne semble pas répondre strictement aux critères correspondant à l’exception de «cas de force majeure» prévue à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention (c’est-à-dire dans les cas de guerre, de sinistre ou de menace de sinistre). La commission exprime donc l’espoir que le gouvernement prendra les mesures propres à limiter l’imposition d’un travail ou service obligatoire dans les cas de force majeure au sens strict prévu par la convention, conformément à la pratique actuelle. En attendant l’adoption de telles mesures, la commission demande que le gouvernement continue de fournir des informations sur l’application de la loi no 2935 de 1983 sur l’état d’urgence et de l’article 119 de la Constitution dans la pratique.
Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. La commission avait noté précédemment que les articles 12 et 13 de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises prévoient des «travaux obligatoires pour les villageois», l’inexécution de cette obligation exposant à des sanctions. Elle avait souligné que certains des travaux énumérés à l’article 13 comme étant «obligatoires pour les villageois» (construction et réparation de routes menant du village au centre de gouvernement ou aux villages voisins; construction de ponts sur de telles routes, etc.) ne répondent visiblement pas aux critères de «menus travaux» ni à ceux de «services à la collectivité» et, au surplus, qu’aucune disposition ne prévoit de consultation sur le bien-fondé de tels travaux ou services. La commission avait toutefois noté que, selon les indications du gouvernement, les articles 12 et 13 de la loi sur les affaires de village n’étaient plus appliqués dans la pratique et qu’une modification de la loi était à l’étude. Elle avait noté en outre que, en vertu de l’article 18 de la Constitution turque, l’expression «travail forcé» n’inclut pas le travail physique ou intellectuel correspondant à une obligation civique nécessaire pour répondre aux besoins du pays. Notant que, selon les indications données par le gouvernement, les obligations civiques incluent la coopération avec la collectivité, la commission avait demandé des informations sur la nature des travaux physiques ou intellectuels pouvant ainsi être imposés à des fins de coopération avec la collectivité.
La commission note que le gouvernement déclare que l’obligation civique de «coopération avec la collectivité» est celle qui découle des obligations codifiées aux articles 13, 14, 15 et 44 de la loi sur les affaires de village de 1924. Le gouvernement déclare également que la tâche de l’administration d’un village a radicalement changé depuis l’adoption de cette loi en 1924 et qu’un projet de nouvelle loi sur les affaires de village, prenant en considération les avis des parties concernées, a été élaboré.
La commission rappelle à cet égard que, pour être exclus du champ d’application de la convention, les menus travaux doivent satisfaire à certains critères: i) il doit s’agir de «menus travaux», c’est-à-dire essentiellement de travaux d’entretien et, exceptionnellement, de travaux relatifs à la construction de certains bâtiments destinés à améliorer les conditions sociales de la population du village elle-même; ii) il doit s’agir de travaux «de village» effectués «dans l’intérêt direct de la collectivité» et non pas de travaux destinés à une communauté plus large; iii) les membres de la collectivité (c’est-à-dire ceux qui doivent effectuer les travaux) ou leurs «représentants directs» (par exemple le conseil du village) doivent avoir «le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux» (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 281). Par conséquent, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le projet de future loi sur les affaires de village n’autorise que des menus travaux de village conçus dans l’intérêt direct de la collectivité au terme de consultations auprès de celle-ci, conformément à l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention. Elle prie le gouvernement de communiquer le texte de la future loi sur les affaires de village lorsque celle-ci aura été adoptée.

Observation (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente, qui était conçue dans les termes suivants:
Répétition
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Mesures de contrôle de l’application de la législation. La commission a précédemment demandé des informations sur l’application dans la pratique des articles 80 (interdiction de la traite des personnes à des fins de travail forcé et de prostitution), 117(2) (interdiction d’employer sans les rémunérer, en les rémunérant insuffisamment ou en les soumettant à des conditions de travail ou de vie inhumaines des personnes sans abri, démunies ou dépendantes) et 227(3) (interdiction d’introduire dans le pays ou d’en faire sortir une personne à des fins de prostitution) du Code pénal.
La commission note que, d’après un rapport de la Confédération syndicale internationale (CSI) daté des 21 et 23 février 2012, intitulé «Normes fondamentales du travail internationalement reconnues en Turquie: Rapport en prévision de l’examen par le Conseil général de l’OMC des politiques commerciales de Turquie», la traite des personnes existe dans le pays, et que la plupart des cas sont liés à la prostitution de femmes originaires d’Europe de l’Est et au travail forcé de personnes originaires d’Asie centrale. Ce rapport indique que plusieurs centaines de personnes ont été poursuivies pour des faits de traite ces dernières années. Toutefois, si les autorités judiciaires ont également poursuivi des fonctionnaires de police pour des faits de collusion avec des trafiquants, selon certaines sources non corroborées, la complicité de la police dans certaines affaires de traite reste un problème.
La commission prend note des informations détaillées contenues dans le rapport du gouvernement qui concernent l’application du Code pénal dans la pratique. Le gouvernement indique ainsi que, en 2009, 37 personnes ont été condamnées et 21 acquittées et, en 2010, 65 personnes ont été condamnées et 32 acquittées suite aux poursuites engagées sur la base de l’article 227(3) du Code. En 2009, neuf personnes ont été condamnées et cinq acquittées et, en 2010, trois personnes ont été condamnées et dix ont été acquittées suite aux poursuites engagées sur la base de l’article 117(2). En 2009, 256 affaires, mettant en cause 1 314 personnes et, en 2010, 282 affaires mettant en cause 1 827 personnes, ont été examinées sur la base de l’article 80. La commission note également que, selon le rapport soumis par le gouvernement dans le cadre de la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, 12 dépositaires de l’autorité publique ont été suspectés d’être impliqués dans des affaires de traite en 2009 et huit autres en 2010. Grâce à un projet intitulé «Appui à la Turquie dans la lutte contre la traite des personnes et l’accès des victimes à la justice», développé en 2009 en coordination avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 135 fonctionnaires ont pu suivre un cours sur la répression de la traite des personnes. Un séminaire sur la répression de la traite des personnes a été organisé en coopération avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’OIM en 2011, et 130 inspecteurs du Conseil de l’inspection du travail y ont participé. La commission prie le gouvernement de poursuive ses efforts pour prévenir, supprimer et combattre la traite des personnes et de continuer de fournir des informations sur les mesures prises à cet effet. Elle le prie également de continuer de fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 80, 117(2) et 227(3) du Code pénal, notamment en ce qui concerne les infractions constatées, les poursuites initiées, les condamnations et sanctions prononcées. Enfin, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des poursuites soient engagées contre tout fonctionnaire suspecté de complicité dans les affaires de traite et que des sanctions pénales effectives suffisamment dissuasives soient imposées.
2. Protection et assistance aux victimes de la traite des personnes. La commission note que, selon le rapport de la CSI susmentionné, les dépositaires de l’autorité publique n’utilisent pas suffisamment les procédures d’identification des victimes de la traite et nombre de ces victimes sont placées en détention ou expulsées. Selon ce rapport, la Turquie n’a mis en place aucun centre d’accueil pour ces victimes et n’accorde pas de ressources adéquates aux ONG offrant leur assistance et leurs services à ces personnes.
La commission note que, dans ses observations de 2011, la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) déclare qu’un mémorandum de la Direction générale de l’assistance sociale et de la solidarité (bureau du Premier ministre), en date du 20 mai 2009, comporte des dispositions prévoyant le droit des victimes de la traite des personnes de bénéficier de services de santé gratuits. Selon la TİSK, 37 victimes ont bénéficié d’une telle assistance en 2010 et la Direction générale de l’assistance sociale et de la solidarité a signé un accord octroyant un financement à des organismes de la société civile qui administrent des centre d’accueil pour les victimes de la traite des personnes à Ankara et Istanbul. La TİSK indique en outre que la coordination entre plusieurs institutions aux fins de l’identification des victimes de la traite s’effectue dans le cadre du Mécanisme national de gestion de données et un numéro d’appel gratuit est à la disposition des victimes. Enfin, selon les indications communiquées par le gouvernement, 28 fonctionnaires ont bénéficié d’une formation dans le cadre d’un projet intitulé «Consolider les capacités de l’administration locale et des autorités chargées de l’application de la loi en vue de l’identification des victimes de traite des personnes» organisé en collaboration avec l’OIM. Ce projet a permis à la Direction générale de la sécurité de mettre au point un «formulaire d’identification des victimes de la traite», qui a été diffusé à 6 000 exemplaires dans les commandements provinciaux de la police dans les zones particulièrement touchées par la traite.
Enfin, la commission note que l’Equipe de pays des Nations Unies en Turquie signale que, selon un rapport établi par le Haut Commissariat aux droits de l’homme en vue de l’examen périodique universel du 19 février 2010, en Turquie, l’accès des victimes de la traite des personnes à la justice reste limité et les mécanismes de réparation et d’indemnisation ne sont toujours pas dotés d’un financement viable des pouvoirs publics (A/HRC/WG.6/8/TUR/2, paragr. 42). La commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures afin de renforcer les mécanismes d’identification des victimes de la traite des personnes, d’intensifier les efforts déployés pour assurer à ces victimes protection et assistance (y compris une assistance médicale, psychologique et juridique) et de fournir des informations sur le nombre des personnes ayant bénéficié de tels services. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer que les victimes sont en mesure de faire valoir leurs droits.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

La commission prend note des commentaires de la Confédération turque des associations d’employeurs (TÏSK) datés du 8 novembre 2011, ainsi que du rapport du gouvernement.
Article 2, paragraphe 2 b), de la convention. Travail exigé au titre des obligations civiques normales des citoyens. La commission invite le gouvernement à se reporter aux commentaires qu’elle formule dans le cadre de l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail de prisonniers pour des employeurs privés. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté qu’il ne semblait y avoir, dans la loi no 5275 de décembre 2004 sur l’exécution des peines et les mesures de sécurité et ses règlements d’application, aucune disposition prévoyant que l’emploi de prisonniers dans des entreprises du secteur privé est soumis au consentement formel écrit des intéressés. La commission avait cependant noté que, d’après la réglementation de 2005 sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires et la réglementation de 2006 sur l’administration des prisons et l’exécution des peines, les conditions de travail des prisonniers peuvent être considérées comme se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Cependant, elle avait constaté que, selon la législation en vigueur, le consentement formel, libre et éclairé des prisonniers à travailler pour des entreprises privées ne semble pas requis, et elle avait demandé au gouvernement d’indiquer comment il est assuré qu’un tel consentement est donné par l’intéressé, loin de toute menace d’une sanction quelconque, notamment de la perte de droits ou avantages.
La commission note que, d’après les informations communiquées par la TÏSK, les conditions de travail des détenus se rapprochent de celles de travailleurs libres, notamment en ce qui concerne le salaire minimum, les retenues de cotisations de sécurité sociale et la durée du travail.
La commission note que le gouvernement indique qu’il n’est pas possible d’employer des détenus sans leur consentement et, plus particulièrement, sans que l’intéressé n’en fasse la demande lui-même. Des évaluations menées de 2009 à 2011 ont fait ressortir que 1 000 détenus d’établissements fermés et 7 000 détenus d’établissements ouverts ont eu la possibilité de travailler dans des ateliers et des centres de travail. Le gouvernement déclare que l’article 96 de la réglementation de 2006 sur l’administration des établissement pénitentiaires et l’exécution des peines et l’article 20 de la réglementation de 2005 sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires prévoient que les détenus déclarés physiquement et mentalement aptes par le médecin d’établissement et qui sont disposés à travailler peuvent être employés dans des ateliers moyennant un salaire qui sera fixé en fonction des moyens de l’établissement. La commission note en outre que, aux termes de l’article 20 du règlement de 2005, les détenus peuvent être invités à travailler mais n’y sont pas obligés. Le gouvernement précise à ce égard que l’emploi de détenus résulte de la demande des intéressés. Le gouvernement indique en outre que la circulaire no 137/3 (du Conseil suprême des centres de travail) sur le fonctionnement des centres de travail détermine les conditions de travail des détenus, tant à l’intérieur de la prison que hors de celle-ci, et que cette circulaire prévoit qu’un contrat standard règle l’emploi de l’intéressé. La commission prie le gouvernement de communiquer avec son prochain rapport copie de la circulaire no 137/3 sur le fonctionnement des centres de travail, de même que des copies de contrats conclus entre des détenus et leurs employeurs conformément à ladite circulaire.
Article 2, paragraphe 2 d). Pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre dans les cas de force majeure. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, aux termes de l’article 18 de la Constitution turque, les termes «travail forcé» n’incluent pas les services exigés des citoyens dans les cas de force majeure, état qui peut être proclamé, en vertu de l’article 119 de la Constitution, dans diverses circonstances, dont celle de «crise économique grave». Elle avait également noté que, en vertu de la loi (no 2935 de 1983) sur l’état d’urgence, le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures à prendre en cas de crise économique grave, y compris dans le domaine du travail. La commission avait demandé en conséquence que l’application des dispositions en question soit strictement limitée à ce qu’autorise la convention, de manière à éviter que la réquisition de main-d’œuvre en cas de force majeure ne se transforme en une mobilisation de main-d’œuvre à des fins de développement économique.
La commission note une fois de plus que le gouvernement indique que la Turquie a connu par le passé des crises économiques sans qu’une situation de force majeure n’ait été déclarée pour autant. Il ajoute que les cas de force majeure visés à l’article 119 de la Constitution se réfèrent à des situations où la vie du pays se trouve paralysée et que même une telle éventualité ne justifierait pas l’imposition d’un travail forcé, forme de travail que l’article 18 de la Constitution prohibe expressément.
Tout en prenant note des indications du gouvernement concernant l’application de ces dispositions dans la pratique, la commission rappelle que la notion de «crise économique grave» ne semble pas répondre strictement aux critères correspondant à l’exception de «cas de force majeure» prévue à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention (c’est-à-dire dans les cas de guerre, de sinistre ou de menace de sinistre). La commission exprime donc l’espoir que le gouvernement prendra les mesures propres à limiter l’imposition d’un travail ou service obligatoire dans les cas de force majeure au sens strict prévu par la convention, conformément à la pratique actuelle. En attendant l’adoption de telles mesures, la commission demande que le gouvernement continue de fournir des informations sur l’application de la loi no 2935 de 1983 sur l’état d’urgence et de l’article 119 de la Constitution dans la pratique.
Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. La commission avait noté précédemment que les articles 12 et 13 de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises prévoient des «travaux obligatoires pour les villageois», l’inexécution de cette obligation exposant à des sanctions. Elle avait souligné que certains des travaux énumérés à l’article 13 comme étant «obligatoires pour les villageois» (construction et réparation de routes menant du village au centre de gouvernement ou aux villages voisins; construction de ponts sur de telles routes, etc.) ne répondent visiblement pas aux critères de «menus travaux» ni à ceux de «services à la collectivité» et, au surplus, qu’aucune disposition ne prévoit de consultation sur le bien-fondé de tels travaux ou services. La commission avait toutefois noté que, selon les indications du gouvernement, les articles 12 et 13 de la loi sur les affaires de village n’étaient plus appliqués dans la pratique et qu’une modification de la loi était à l’étude. Elle avait noté en outre que, en vertu de l’article 18 de la Constitution turque, l’expression «travail forcé» n’inclut pas le travail physique ou intellectuel correspondant à une obligation civique nécessaire pour répondre aux besoins du pays. Notant que, selon les indications données par le gouvernement, les obligations civiques incluent la coopération avec la collectivité, la commission avait demandé des informations sur la nature des travaux physiques ou intellectuels pouvant ainsi être imposés à des fins de coopération avec la collectivité.
La commission note que le gouvernement déclare que l’obligation civique de «coopération avec la collectivité» est celle qui découle des obligations codifiées aux articles 13, 14, 15 et 44 de la loi sur les affaires de village de 1924. Le gouvernement déclare également que la tâche de l’administration d’un village a radicalement changé depuis l’adoption de cette loi en 1924 et qu’un projet de nouvelle loi sur les affaires de village, prenant en considération les avis des parties concernées, a été élaboré.
La commission rappelle à cet égard que, pour être exclus du champ d’application de la convention, les menus travaux doivent satisfaire à certains critères: i) il doit s’agir de «menus travaux», c’est-à-dire essentiellement de travaux d’entretien et, exceptionnellement, de travaux relatifs à la construction de certains bâtiments destinés à améliorer les conditions sociales de la population du village elle-même; ii) il doit s’agir de travaux «de village» effectués «dans l’intérêt direct de la collectivité» et non pas de travaux destinés à une communauté plus large; iii) les membres de la collectivité (c’est-à-dire ceux qui doivent effectuer les travaux) ou leurs «représentants directs» (par exemple le conseil du village) doivent avoir «le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux» (étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 281). Par conséquent, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le projet de future loi sur les affaires de village n’autorise que des menus travaux de village conçus dans l’intérêt direct de la collectivité au terme de consultations auprès de celle-ci, conformément à l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention. Elle prie le gouvernement de communiquer le texte de la future loi sur les affaires de village lorsque celle-ci aura été adoptée.

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

La commission prend note des commentaires de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) en date du 8 novembre 2011 ainsi que du rapport du gouvernement.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Mesures de contrôle de l’application des lois. La commission a précédemment demandé des informations sur l’application dans la pratique des articles 80 (interdiction de la traite des personnes à des fins de travail forcé et de prostitution), 117(2) (interdiction d’employer sans les rémunérer, en les rémunérant insuffisamment ou en les soumettant à des conditions de travail ou de vie inhumaines des personnes sans abri, démunies ou dépendantes) et 227(3) (interdiction d’introduire dans le pays ou d’en faire sortir une personne à des fins de prostitution) du Code pénal.
La commission note que, d’après un rapport de la Confédération syndicale internationale (CSI) daté des 21 et 23 février 2012, intitulé «Normes fondamentales du travail internationalement reconnues en Turquie: Rapport en prévision de l’examen par le Conseil général de l’OMC des politiques commerciales de Turquie», la traite des personnes existe dans le pays, et que la plupart des cas sont liés à la prostitution de femmes originaires d’Europe de l’Est et au travail forcé de personnes originaires d’Asie centrale. Ce rapport indique que plusieurs centaines de personnes ont été poursuivies pour des faits de traite ces dernières années. Toutefois, si les autorités judiciaires ont également poursuivi des fonctionnaires de police pour des faits de collusion avec des trafiquants, selon certaines sources non coroborées, la complicité de la police dans certaines affaires de traite reste un problème.
La commission prend note des informations détaillées contenues dans le rapport du gouvernement qui concernent l’application du Code pénal dans la pratique. Le gouvernement indique ainsi que, en 2009, 37 personnes ont été condamnées et 21 acquittées et, en 2010, 65 personnes ont été condamnées et 32 acquittées suite aux poursuites engagées sur la base de l’article 227(3) du Code. En 2009, neuf personnes ont été condamnées et cinq acquittées et, en 2010, trois personnes ont été condamnées et dix ont été acquittées suite aux poursuites engagées sur la base de l’article 117(2). En 2009, 256 affaires, mettant en cause 1 314 personnes et, en 2010, 282 affaires mettant en cause 1 827 personnes, ont été examinées sur la base de l’article 80. La commission note également que, selon le rapport soumis par le gouvernement dans le cadre de la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, 12 dépositaires de l’autorité publique ont été suspectés d’être impliqués dans des affaires de traite en 2009 et huit autres en 2010. Grâce à un projet intitulé «Appui à la Turquie dans la lutte contre la traite des personnes et l’accès des victimes à la justice», développé en 2009 en coordination avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 135 fonctionnaires ont pu suivre un cours sur la répression de la traite des personnes. Un séminaire sur la répression de la traite des personnes a été organisé en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’OIM en 2011, et 130 inspecteurs du Conseil de l’inspection du travail y ont participé. La commission prie le gouvernement de poursuive ses efforts pour prévenir, supprimer et combattre la traite des personnes et de continuer de fournir des informations sur les mesures prises à cet effet. Elle le prie également de continuer de fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 80, 117(2) et 227(3) du Code pénal, notamment en ce qui concerne les infractions constatées, les poursuites initiées, les condamnations et sanctions prononcées. Enfin, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des poursuites soient engagées contre tout fonctionnaire suspecté de complicité dans les affaires de traite et que des sanctions pénales effectives suffisamment dissuasives soient imposées.
2. Protection et assistance aux victimes de la traite des personnes. La commission note que, selon le rapport de la CSI susmentionné, les dépositaires de l’autorité publique n’utilisent pas suffisamment les procédures d’identification des victimes de la traite et nombre de ces victimes sont placées en détention ou expulsées. Selon ce rapport, la Turquie n’a mis en place aucun centre d’accueil pour ces victimes et n’accorde pas de ressources adéquates aux ONG offrant leur assistance et leurs services à ces personnes.
La commission note également que la TİSK déclare qu’un mémorandum de la Direction générale de l’assistance sociale et de la solidarité (bureau du Premier ministre), en date du 20 mai 2009, comporte des dispositions prévoyant le droit des victimes de la traite des personnes de bénéficier de services de santé gratuits. Selon la TİSK, 37 victimes ont bénéficié d’une telle assistance en 2010 et la Direction générale de l’assistance sociale et de la solidarité a signé un accord octroyant un financement à des organismes de la société civile qui administrent des centre d’accueil pour les victimes de la traite des personnes à Ankara et Istanbul. La TİSK indique en outre que la coordination entre plusieurs institutions aux fins de l’identification des victimes de la traite s’effectue dans le cadre du Mécanisme national de gestion de données et un numéro d’appel gratuit est à la disposition des victimes. Enfin, selon les indications communiquées par le gouvernement, 28 fonctionnaires ont bénéficié d’une formation dans le cadre d’un projet intitulé «Consolider les capacités de l’administration locale et des autorités chargées de l’application de la loi en vue de l’identification des victimes de traite des personnes» organisé en collaboration avec l’OIM. Ce projet a permis à la Direction générale de la sécurité de mettre au point un «formulaire d’identification des victimes de la traite», qui a été diffusé à 6 000 exemplaires dans les commandements provinciaux de la police dans les zones particulièrement touchées par la traite.
Enfin, la commission note que l’Equipe de pays des Nations Unies en Turquie signale que, selon un rapport établi par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme en vue de l’examen périodique universel du 19 février 2010, en Turquie, l’accès des victimes de la traite des personnes à la justice reste limité et les mécanismes de réparation et d’indemnisation ne sont toujours pas dotés d’un financement viable des pouvoirs publics (A/HRC/WG.6/8/TUR/2, paragr. 42). La commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures afin de renforcer les mécanismes d’identification des victimes de la traite des personnes, d’intensifier les efforts déployés pour assurer à ces victimes protection et assistance (y compris une assistance médicale, psychologique et juridique) et de fournir des informations sur le nombre des personnes ayant bénéficié de tels services. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer que les victimes sont en mesure de faire valoir leurs droits.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

Article 2, paragraphe 2 a), de la convention. Utilisation des conscrits à des fins non militaires. La commission se réfère à son observation sur ce point formulée au titre de la convention no 105.

Article 2, paragraphe 2 b). Travail exigé dans le cadre des obligations civiques normales des citoyens. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté que, en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie, l’expression «travail forcé» n’inclut pas le travail physique ou intellectuel nécessaire pour répondre aux besoins du pays, travail qui constitue une obligation civique. Elle a demandé au gouvernement d’indiquer des exemples de types de «travail physique ou intellectuel qui peuvent être exigés en tant qu’obligation civique».

La commission note, d’après l’indication du gouvernement dans son rapport, qu’aux termes de l’article 18 de la Constitution les obligations civiques comprennent le service militaire, l’obligation de payer des impôts, la coopération au sein de la collectivité, le recensement et le devoir d’aider au déroulement des élections. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur la «coopération au sein de la collectivité», en indiquant les types de travail physique ou intellectuel pouvant être exigés à cet effet, y compris des informations sur la sélection des participants, la durée des services et la consultation de la collectivité locale ou de ses représentants au sujet de la nécessité de recourir à de tels services. Prière de fournir aussi des informations sur la possibilité pour les personnes concernées de refuser d’accomplir de tels services, y compris des informations sur toutes sanctions appliquées en cas de refus.

Article 2, paragraphe 2 c). Travail de prisonniers au profit d’employeurs privés. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté que la loi no 5275 de décembre 2004 sur l’exécution des peines et les mesures de sécurité et ses règlements d’application ne semblent comporter aucune disposition prévoyant que l’emploi de prisonniers dans des entreprises du secteur privé est soumis à leur consentement formel par écrit.

La commission rappelle, en se référant aussi aux paragraphes 59, 60 et 114 à 117 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, que, dans les cas où le travail est exécuté pour le compte d’entreprises privées, le consentement du travailleur doit être authentifié, de manière à garantir qu’il est libre et éclairé, et que l’indicateur le plus fiable du caractère volontaire du travail et du consentement librement donné est que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Les facteurs devant être pris en compte dans ce contexte sont le niveau des rémunérations, les prestations de sécurité sociale et les dispositions en matière de sécurité et de santé au travail des prisonniers employés et la manière dont de telles conditions se rapprochent de celles d’une relation de travail libre.

Se référant à son observation, la commission prend note de l’adoption en 2005 de la règlementation sur l’administration des prisons et des centres de travail des institutions pénitentiaires et, en 2006, de la réglementation sur l’administration des prisons et l’exécution des peines, lesquelles régissent le travail des prisonniers.

Tout en notant qu’aux termes de la réglementation susmentionnée les conditions de travail des prisonniers peuvent être considérées comme se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, la commission constate que, selon la législation en vigueur, le consentement formel et éclairé des prisonniers pour travailler auprès d’entreprises privées ne semble pas exigé. La commission prie par conséquent le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport comment le consentement libre et éclairé des prisonniers au travail au profit d’entreprises privées est garanti de manière à ce qu’il soit exempt de la menace d’une peine quelconque, y compris la perte d’un droit ou d’un avantage.

Peines de travail d’intérêt général. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement en réponse à ses commentaires antérieurs concernant l’application des peines alternatives de travail d’intérêt général. Elle prend note, en particulier, de la définition du «travail d’intérêt général» donnée par la Cour constitutionnelle, ainsi que des explications détaillées du gouvernement dans son rapport concernant la nouvelle réglementation relative aux services de probation et d’assistance et aux comités de protection, adoptée en 2007, prévoyant les méthodes et les principes d’application de la peine de travail d’intérêt général (art. 46 à 61).

Article 2, paragraphe 2 d). Pouvoirs de réquisition dans des cas de force majeure. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté qu’aux termes de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’inclut pas les services exigés des citoyens dans les cas de force majeure, ceux-ci pouvant être proclamés, en vertu de l’article 119 de la Constitution, notamment en cas de «crise économique grave». Elle a également noté que, en vertu de la loi sur l’état d’urgence (no 2935 de 1983), le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures qui peuvent être imposées, entre autres, dans le domaine du travail, en cas de crise économique grave. La commission a donc demandé au gouvernement de limiter l’application des dispositions susmentionnées au strict minimum autorisé par la convention, de sorte que la réquisition de main-d’œuvre en cas de force majeure n’aboutisse pas à une mobilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique.

La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que la Turquie a connu dans le passé des crises économiques sans pour autant proclamer de situation de force majeure. Elle note également que le gouvernement indique qu’aucune réclamation concernant un éventuel travail forcé n’a été portée à l’attention des autorités, que ce soit dans les périodes de situation de force majeure ou au cours des crises économiques.

La commission note par ailleurs, d’après les informations du gouvernement, que les cas de force majeure visés dans la Constitution se rapportent à des conditions exceptionnelles qui entravent la vie dans le pays et que, dans de telles circonstances, la référence à «toutes sortes de mesures en matière de travail» ne permet pas le recours au travail forcé, puisque l’article 18 de la Constitution interdit expressément le travail forcé. Tout en prenant note de ces indications, la commission rappelle que la notion de «crise économique grave» ne semble pas répondre aux critères encadrant l’exception des «cas de force majeure», autorisée à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention, et elle prie à nouveau en conséquence le gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de limiter l’application des dispositions susmentionnées concernant le recours au travail ou au service obligatoire dans les cas de force majeure au strict minimum autorisé par la convention. La commission prie le gouvernement de communiquer, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures prises à cet effet.

Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. La commission a précédemment noté que les articles 12 et 13 de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises prévoyaient des «travaux obligatoires pour les villageois». La commission a également noté, d’après l’indication du gouvernement dans son rapport de 2005, que les articles 12 et 13 de la loi sur les affaires villageoises ne sont plus appliqués dans la pratique et que les services comme la construction et la réparation de routes de villages sont maintenant organisés à l’échelle des pouvoirs publics centraux ou provinciaux. Elle a également noté, d’après les informations du gouvernement, que les études en vue de la modification de la loi sur les affaires villageoises se poursuivent et que les exigences de la convention seront prises en compte dans le processus de réforme.

La commission a précédemment noté l’indication du gouvernement dans son rapport de 2007 selon laquelle les services au village, qui n’étaient pas considérés comme «travaux de village» au sens de la loi sur les affaires villageoises, étaient en fait soumis à la direction générale des services au village (loi no 3202 du 9 mai 1985); celle-ci a été supprimée en vertu de la loi no 5286 du 13 janvier 2005. La commission a également noté, d’après la déclaration du gouvernement, que certains services continuent à être assurés au cours d’une période transitoire. Dans la mesure où le rapport du gouvernement ne contient pas d’information sur ce point, la commission prie le gouvernement de communiquer, dans son prochain rapport, des informations actualisées concernant les services au village au cours de la période transitoire mentionnée. Prière également de transmettre des informations concernant la modification de la loi sur les affaires villageoises.

Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

La commission note avec satisfaction que le règlement de 1998 sur l’administration des prisons et des centres de travail des établissements et de l’administration pénitentiaires ainsi que le règlement de 1967 concernant l’administration des prisons et des centres pénitentiaires et l’exécution des peines, en vertu desquels le travail pénitentiaire était obligatoire aussi bien pour les personnes condamnées à l’emprisonnement que pour les personnes en détention provisoire, ont été abrogés, respectivement, par la réglementation sur l’administration des prisons et les centres de travail des institutions pénitentiaires, adoptée en décembre 2005, et par la réglementation sur l’administration des prisons et l’exécution des peines, adoptée en 2006.

La commission avait précédemment pris note de l’adoption de l’article 114 de la loi sur l’exécution des peines et les mesures de sécurité (no 5275 de décembre 2004), en vertu duquel les prisonniers en attente de jugement et les personnes détenues sans jugement ne peuvent être contraints de travailler.

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté une communication reçue de la part de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), désormais Confédération syndicale internationale (CSI), dans laquelle la CISL soulignait la gravité et l’étendue de la pratique de la traite des personnes en Turquie. La commission a également pris note des informations fournies par le gouvernement au sujet des mesures adoptées pour combattre le phénomène. La commission a demandé au gouvernement de fournir de plus amples informations sur les mesures prises pour renforcer l’action contre la traite des personnes, notamment sur les mesures de prévention et de protection, en transmettant des informations sur la coopération intergouvernementale, la formation de la police et d’autres efforts visant à améliorer la mise en œuvre de la loi, ainsi que sur les condamnations et les sanctions imposées.

La commission prend note des observations formulées par la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) sur l’application de la convention par la Turquie qui concernent, entre autres, les mesures prises pour combattre la traite des personnes.

La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport concernant les modifications apportées à certains actes législatifs, tels que la loi sur le permis de travail des travailleurs étrangers (no 4817 de 2003), et la loi sur la citoyenneté et la loi sur le transport terrestre, visant à introduire certaines mesures visant à la prévention de la traite en tant que crime organisé.

La commission prend note des informations figurant dans le rapport du gouvernement au sujet des autres mesures prises et notamment:

–           des activités de formation et de sensibilisation visant les fonctionnaires chargés d’assurer le respect de la législation, organisées en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM);

–           de l’application en collaboration avec l’Union européenne d’un projet intitulé «Renforcer la capacité institutionnelle en vue de lutter contre la traite des êtres humains», ayant débouché sur un plan d’action qui détermine les activités et les objectifs des institutions et organisations bénéficiaires à court, moyen et long terme;

–           des accords bilatéraux destinés à lutter contre la traite des êtres humains en collaboration avec les pays sources tels que le Bélarus, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Ukraine, la République de Moldova et le Kirghizistan;

–           des protocoles de coopération bilatéraux signés par la Direction générale de la sécurité et les ONG nationales, dans le but d’améliorer la capacité d’identifier les victimes potentielles de la traite en vue de l’exploitation sexuelle et de leur fournir une assistance, et d’établir des «centres d’accueil aux victimes» dans les différentes municipalités;

–           du lancement en 2009 d’un projet, dans le cadre de la coopération financière avec l’Agence suédoise de développement international (SIDA), en vue de soutenir le renforcement des capacités des ONG locales au niveau provincial pour améliorer l’identification des victimes, et de contribuer à la mise en œuvre d’un plan d’action national.

La commission prend note également des informations fournies par le gouvernement dans son rapport concernant la modification de l’article 80 du Code pénal turc en 2006 de manière à inclure la prostitution forcée dans la définition de la traite des êtres humains. Elle prend note également des informations figurant dans le rapport du gouvernement concernant les efforts récents en matière de respect de la législation, et notamment des références aux affaires judiciaires, y compris l’arrestation, la poursuite et les sanctions infligées aux auteurs. La commission espère que le gouvernement continuera à fournir des informations sur les résultats obtenus suite aux mesures adoptées, ainsi que des informations sur toute autre mesure prise ou envisagée pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes. Prière également de continuer à fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 80, 117(2) et 227(3) du Code pénal, en particulier sur les condamnations prononcées, et de communiquer copie des décisions de justice pertinentes.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle espère qu’un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu’il contiendra des informations complètes sur les points soulevés dans sa précédente demande directe, qui était conçue dans les termes suivants:

Article 2, paragraphe 2 a), de la convention. Utilisation de conscrits à des fins non militaires. La commission se réfère à son observation sur ce point qu’elle formule au titre de la convention no 105.

Article 2, paragraphe 2 b). Travail exigé au titre des obligations civiques normales des citoyens. La commission avait noté précédemment qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’inclut pas le travail physique ou intellectuel nécessaire pour répondre aux besoins du pays, travail qui constitue une obligation civique. La commission avait demandé des éclaircissements au sujet de cette disposition. En l’absence de réponse sur ce point, la commission prie le gouvernement d’indiquer des exemples de types de «travail physique ou intellectuel» qui peuvent être exigés «en tant qu’obligation civique» au titre de l’article 18 de la Constitution.

Article 2, paragraphe 2 c). Travail des prisonniers détenus sans condamnation. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» ne recouvre pas le travail exigé d’un individu accomplissant une peine prononcée par un tribunal ou se trouvant en détention. Elle avait également noté qu’en vertu de l’article 198 du règlement de 1967 relatif à l’administration des établissements pénitentiaires et des centres de détention ainsi qu’à l’exécution des peines, tel que modifié en 1987 (règlement APES), le travail pénitentiaire est obligatoire pour les condamnés et les détenus provisoires. La commission avait rappelé que le travail pénitentiaire obligatoire n’est exclu du champ d’application de la convention que si ce travail est exigé en raison d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire.

La commission prend note de l’adoption de l’article 114 de la loi no 5275 de décembre 2004 sur l’exécution des peines et les mesures de sécurité (ESSMA), en vertu duquel les détenus en attente d’un jugement ou qui sont détenus sans jugement ne peuvent pas être tenus de travailler. Toutefois, la commission note que l’article 198 du règlement APES et l’article 20 du règlement de 1998 sur l’administration des établissements pénitentiaires et des unités de travail des centres de détention, et sur l’administration, la comptabilité et les offres des unités de travail (règlement APWC), en vertu desquels le travail en prison est obligatoire pour tous les prisonniers condamnés ou en détention provisoire, sont en contradiction avec l’article 114 de la loi no 5275. La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour modifier ces règlements afin de les rendre conformes à la convention sur ce point.

Article 2, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 2 c). Travail de prisonniers pour le compte d’employeurs privés. La commission avait noté précédemment qu’en vertu des articles 198 et 200 du règlement APES susmentionné certaines catégories de prisonniers (par exemple, les personnes détenues dans des prisons à sécurité minimale et moyenne ou dans des prisons de haute sécurité qui n’ont plus que deux ans à accomplir avant leur libération, etc.) peuvent être employés à l’extérieur des établissements pénitentiaires dans les secteurs public et privé. La commission note que cette politique ressort aussi dans les articles 6 et 7 du règlement de 1983 concernant l’emploi des détenus condamnés à l’extérieur des prisons (règlement ECOP), articles qui sont mentionnés à l’article 198 du règlement APES. La commission note aussi que les articles 198 et 200 du règlement APES sont aussi étroitement repris dans les articles 20 et 21 du règlement APWC.

La commission rappelle qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention tout travail ou service exigé d’un individu en raison d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire est exclu du champ d’application de la convention si deux conditions sont remplies, à savoir: «… que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées». La commission renvoie à son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, dans laquelle elle a précisé que ces deux conditions sont nécessaires et que chacune doit être observée indépendamment de l’autre (paragr. 105). En ce qui concerne la seconde condition, la commission a considéré que les termes «concédé à» ou «mis à la disposition de» (un employeur privé) impliquent que le prisonnier n’a pas donné son accord (paragr. 56). Les prisonniers dont l’emploi dans le secteur privé est régi par une relation triangulaire, qui implique que l’autorité publique et une entreprise privée ont conclu directement un contrat, contrat dont l’objet est le travail des prisonniers, peuvent être considérés comme étant «concédés» à l’entreprise privée, situation qui correspond à celle qui est mentionnée à l’article 2, paragraphe 2 c), et qui est incompatible avec la convention (paragr. 108). Il est difficile de considérer que la situation des prisonniers qui travaillent pour le compte d’entités privées dans ces circonstances relève de l’exclusion prévue à l’article 2, paragraphe 2 c) de la convention (paragr. 113).

La commission note que les règlements APES, APWC et ECOP disposent que les prisonniers condamnés seront occupés par des entités publiques et privées en dehors de la prison, et que ce travail sera réalisé en groupe et non individuellement, «conformément aux dispositions du protocole conclu, d’un côté, au nom de l’institution par le représentant de l’atelier ou, s’il n’y a pas d’atelier, par le procureur local, et, de l’autre, par l’employeur, et approuvé par le ministère de la Justice (règlement APES, article 200; règlement APWC, article 21; règlement ECOP, article 6). La commission considère que, dans ces conditions, les prisonniers occupés en dehors de l’établissement pénitentiaire par un employeur du secteur privé sont «concédés» à un employeur du secteur privé et que, par conséquent, les règlements pénitentiaires ne relèvent pas de l’exclusion prévue à l’article 2, paragraphe 2 c) de la convention.

Il reste à déterminer si les détenus concernés acceptent volontairement de travailler dans le secteur privé, sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, de telle sorte que leur travail peut être considéré comme ne relevant pas de la définition d’ensemble du travail forcé donnée à l’article 2, paragraphe 1, de la convention. Se référant de nouveau à son étude d’ensemble de 2007, la commission a considéré que, dans ce contexte de captivité, il est nécessaire d’obtenir des prisonniers un consentement écrit formel au travail lorsque ce dernier est exécuté pour le compte d’entreprises privées (paragr. 115). Toutefois, ce consentement devrait être authentifié afin de s’assurer qu’il est libre et éclairé, et l’indicateur le plus fiable du consentement librement donné au travail dans ces circonstances est que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre (paragr. 116), ce qui implique que certains facteurs soient pris en compte, par exemple le niveau des rémunérations, les prestations de sécurité sociale et la sécurité et la santé au travail des prisonniers occupés ainsi que la mesure dans laquelle ces conditions se rapprochent de celles dont bénéficient les travailleurs sur le marché libre du travail (paragr. 116).

La commission note que ni la loi ESSMA ni les règlements correspondants ne semblent contenir des dispositions prévoyant que, pour être occupés sur des lieux de travail du secteur privé, les détenus doivent avoir donné par écrit leur consentement. En ce qui concerne la question de savoir si les conditions de travail des détenus se rapprochent de celles d’une relation de travail libre, que la commission considère comme l’indicateur le plus fiable du consentement au travail libre, la commission prend note des dispositions suivantes:

–      les conditions de travail des détenus employés en dehors des établissements pénitentiaires sont régies par l’article 30(5) de la loi ESSMA;

–      les détenus condamnés (certaines exceptions étant prévues toutefois) peuvent travailler en dehors des établissements pénitentiaires dans les secteurs public et privé, en groupes, et sous la supervision et la protection de membres du personnel pénitentiaire; le travail individuel n’est pas autorisé (règlement APES, art. 199 et 200);

–      les détenus peuvent être employés à des postes de travail dans les secteurs public ou privé «conformément à la loi sur le travail» (règlement APES, article 200; règlement APWC, art. 21);

–      le travail en dehors de l’établissement pénitentiaire doit être effectué «conformément aux dispositions d’un protocole conclu, d’une part, au nom de l’institution, par le représentant du lieu de travail ou, s’il n’y a pas de lieu de travail, par le procureur public local, et, d’autre part, l’employeur, et approuvé par le ministère de la Justice» (règlement ECOP, article 6; règlement APES, art. 200; et règlement APWC, art. 21);

–      les conditions d’emploi des détenus sur des lieux de travail à l’extérieur de la prison doivent être définies dans le protocole. Le protocole type élaboré par le ministère de la Justice doit servir de base à l’élaboration du protocole (règlement ECOP, art. 10);

–      la mesure dans laquelle les détenus qui travaillent bénéficient de prestations et droits sociaux doit être déterminée par le protocole (règlement ECOP, art. 21);

–      la sécurité au travail doit être garantie par l’employeur, conformément à la loi no 1475 sur le travail (règlement ECOP, art. 22);

–      le montant du salaire doit être fixé dans le protocole. Toutefois, le salaire ne peut pas être inférieur au salaire minimum en vigueur à la date de la réalisation du travail (règlement ECOP, art. 9);

–      la durée du travail doit être régie par le règlement interne de l’établissement pénitentiaire et être conforme aux dispositions applicables de la loi no 1475 sur le travail (règlement APES, art. 201; règlement APWC, art. 24);

–      il peut être demandé aux détenus de travailler au-delà de la durée de travail normale prévue par la loi sur le travail lorsqu’il est nécessaire d’accroître la productivité, d’améliorer la qualité de la production ou de répondre aux besoins généraux de l’économie nationale (règlement APWC, art. 24).

La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations détaillées permettant de clarifier les points suivants:

–      indiquer si, dans le cadre de la loi, de la pratique ou d’une politique, les autorités pénitentiaires demandent leur consentement formel ou écrit aux détenus qui travaillent pour le secteur privé en dehors des établissements pénitentiaires et, dans l’affirmative, communiquer copie des dispositions, directives ou autres informations qui illustrent cette pratique;

–      spécifier les dispositions de la loi sur le travail, telles que mentionnées à l’article 200 du règlement APES et à l’article 21 du règlement APWC, qui régissent les conditions d’emploi des prisonniers dans le secteur privé en dehors des établissements pénitentiaires;

–      indiquer si et dans quelle mesure l’article 201 du règlement APES et l’article 24 du règlement APWC sur la durée du travail s’appliquent à l’emploi des détenus dans le secteur privé en dehors des établissements pénitentiaires;

–      indiquer la mesure dans laquelle les conditions d’emploi dans le secteur privé qui sont déterminées par un protocole (par exemple, les prestations et droits sociaux), telles que mentionnées à l’article 6 du règlement ECOP, à l’article 200 du règlement APES et à l’article 21 du règlement APWC, ou par des règlementations du ministère de la Justice (par exemple, les salaires journaliers et les primes au titre des heures supplémentaires) se rapprochent des conditions d’emploi des travailleurs sur le marché du travail libre.

La commission prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport copie du protocole type élaboré par le ministère de la Justice et copie des protocoles qui ont été élaborés sur la base du protocole type pour régir l’emploi de détenus par des employeurs du secteur privé en dehors des établissements pénitentiaires, et copie de toute réglementation interne applicable adoptée par le ministère de la Justice.

En outre, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute modification récente de ces réglementations qui porterait sur les points susmentionnés et de fournir copie des textes de ces éventuelles modifications. La commission note que, dans son rapport de 2007, le gouvernement fait mention du décret no 2006/10218 sur l’administration des centres de détention et sur l’exécution des dispositions pénales et de sécurité. Le gouvernement indique que certaines dispositions de ce décret, en particulier les articles 96 à 100, portent sur le travail des détenus condamnés et sur leurs salaires et droits sociaux. La commission examinera ce point dès qu’elle disposera de la traduction des textes pertinents.

Peines de travail d’intérêt général

La commission note que l’article 50(f) du Code pénal, loi no 5237 de 2005, dispose que, pour certains contrevenants ayant fait l’objet d’une condamnation, les peines d’emprisonnement peuvent, avec leur consentement, être remplacées par des peines comportant des travaux d’intérêt général. La commission note aussi que, conformément à l’article 105 de la loi ESSMA, la deuxième moitié des peines d’emprisonnement de courte durée peuvent, pour certains détenus, avec leur consentement, être remplacées par des travaux d’intérêt général. La commission note que, selon ces dispositions, ainsi que l’article 51 du Code pénal, les peines alternatives de travail d’intérêt général pourraient comprendre des travaux réalisés pour des entreprises privées ou des établissements ayant des activités dans le secteur public, sous la supervision de ces entités.

La commission rappelle les paragraphes 126 à 128 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, dans lesquels elle a considéré que, lorsque des travaux d’intérêt général peuvent être accomplis pour des personnes morales de droit privé telles que les associations ou autres institutions caritatives, il faut s’assurer de deux éléments: d’une part, que la personne condamnée consent formellement à l’exécution d’un travail de ce type et, d’autre part, que le travail revêt effectivement un caractère d’intérêt général et n’est pas subordonné à la recherche d’un intérêt économique ou d’un profit. Plusieurs éléments sont à prendre en compte, entre autres: les modalités d’encadrement et de contrôle du travail (paragr. 126); les modalités dans lesquelles il est réalisé; le contrôle opéré par le système judiciaire sur les conditions d’exécution de la peine; et les critères utilisés par l’autorité judiciaire pour habiliter les associations à fournir un travail de ce type (paragr. 128). La commission demande au gouvernement de préciser dans son prochain rapport si les articles 50(f) et 51 du Code pénal et l’article 105 de la loi ESSMA permettent de placer des détenus dans les entreprises ou les établissements privés, ou sous la supervision de ces entités et, dans l’affirmative, de fournir des informations sur l’application dans la pratique de ces dispositions, notamment en décrivant les placements pour le compte d’entités privées qui ont été effectués. De plus, la commission prie le gouvernement d’indiquer quels éléments permettent de s’assurer que le travail effectué en vertu de ces dispositions pour des entités privées répond véritablement à l’intérêt général et non à la recherche par l’employeur d’un gain économique privé. En outre, la commission prie le gouvernement de communiquer copie de la liste officielle des noms des associations ou institutions habilitées à recevoir les détenus condamnés conformément à ces dispositions. A ce sujet, la commission note qu’il est fait mention de cette liste à l’article 105 de la loi ESSMA. La commission demande également au gouvernement de donner des exemples des types de travaux réalisés par des détenus dans ces conditions, avec leur consentement, pour des entreprises privées qui déploient leurs activités dans des services publics.

Article 2, paragraphe 2 d). Pouvoirs de réquisition dans des cas de force majeure. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’inclut pas les services exigés de citoyens dans les cas de force majeure, ceux-ci pouvant être proclamés, en vertu de l’article 119 de la Constitution, lors de catastrophes naturelles, d’épidémies, de maladies dangereuses ou de crises économiques graves. Elle avait noté également qu’en vertu de l’article 10 de la loi sur l’état d’urgence (no 2935 du 25 octobre 1983) le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures qui peuvent être imposées, entre autres, dans le domaine du travail, en cas de crise économique grave. La commission a rappelé que la notion de force majeure – comme l’indiquent les exemples énumérés à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention – implique un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate. La notion de «crise économique grave», dont il est question dans les dispositions susmentionnées, ne semble pas répondre à ces critères.

La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport de 2005 selon laquelle la Constitution a été modifiée en 2005 par l’article 7 de la loi no 5170, qui dispose que les conflits de législations sur une question donnée doivent être tranchés en faveur des dispositions des traités internationaux, lesquels priment toute législation nationale contraire. Notant cette indication, la commission exprime de nouveau l’espoir que les mesures nécessaires seront prises pour restreindre au strict minimum autorisé par la convention les dispositions susmentionnées concernant l’imposition de travail ou de services obligatoires en cas d’urgence, de sorte que la réquisition de main-d’œuvre en cas de force majeure ne se transforme pas en mobilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Elle espère aussi que la législation sera mise en conformité avec la convention et avec la pratique indiquée. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises à cet effet.

Article 2, paragraphe 2 e). Services communaux mineurs. La commission avait pris note précédemment des dispositions de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises, selon lesquelles celles-ci se répartissent en deux catégories: celles qui sont de nature obligatoire et celles qui relèvent des villageois, la non-exécution de mesures obligatoires étant passible de sanctions (art. 12). Se référant au paragraphe 37 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, la commission avait rappelé que l’exception des «menus travaux de village», permise au regard de l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention, doit satisfaire certains critères qui déterminent les limites de cette exception et servent à la distinguer d’autres formes de services obligatoires qui, aux termes de la convention, devraient être abolies (comme le travail forcé pour des travaux publics d’intérêt général ou local). La commission avait constaté que certaines formes de travail mentionnées à l’article 13 de la loi susmentionnée comme «obligatoires pour les villageois» (telles que la construction et la réparation des routes reliant le village au centre gouvernemental ou aux villages avoisinants, ou la construction de ponts sur des routes, etc.) ne semblent pas satisfaire les critères de «services mineurs» ou «services communaux». En outre, aucune disposition ne prévoit des consultations concernant le bien-fondé des travaux ou services imposés en vertu de l’article 13.

La commission prend note des indications fournies par le gouvernement dans son rapport, selon lesquelles des études sont encore en cours afin de mettre la législation nationale en conformité avec les conventions de l’OIT et que, conformément aux dispositions du plan d’action d’urgence lancé par le gouvernement en janvier 2003, les initiatives nécessaires sont en cours essentiellement dans les domaines de la démocratisation et de la réforme de la législation, ainsi que dans celui des libertés et droits fondamentaux.

La commission note que, dans son rapport de 2005, le gouvernement a indiqué que les articles 12 et 13 de la loi sur les affaires villageoises ne s’appliquent plus dans la pratique et que les services comme la construction et la réparation de routes de villages sont maintenant organisés à l’échelle des pouvoirs publics centraux ou provinciaux. Le gouvernement indique de nouveau que des études en vue de la modification de la loi sur les affaires villageoises se poursuivent et que les exigences de la convention ont été prises en compte dans le processus de réforme. La commission exprime de nouveau l’espoir que les mesures nécessaires seront prises pour modifier les dispositions susmentionnées de la loi sur les affaires villageoises, afin de s’assurer de leur conformité avec la convention et la pratique, et que le gouvernement sera bientôt à même d’indiquer les mesures prises à cette fin. La commission prend note que, dans son rapport de 2007, le gouvernement indique que les services villageois qui ne sont pas appelés «services mineurs» ou «services communaux» dans la loi sur les affaires villageoises ne sont pas, en fait, régis par cette loi mais relèvent de la juridiction de l’administration générale des services villageois, conformément à la loi no 3202 du 9 mai 1985, et que l’administration générale des services villageois a été supprimée par la loi no 5286 du 13 janvier 2005. Toutefois, cette administration a continué à fournir des services pendant une période transitoire. Le gouvernement fournit un tableau qui présente les services et activités qui ont été menés en 2006 dans le cadre de l’administration générale. La commission examinera cette question dès qu’elle disposera de la traduction des textes pertinents.

Observation (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente, qui était conçue dans les termes suivants:

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention.Traite des personnes aux fins de leur exploitation sexuelle. La commission avait précédemment pris note d’une communication reçue en décembre 2003 de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), désormais Confédération syndicale internationale (CSI). Dans cette communication, la CISL a fait part de sa préoccupation face à la traite de femmes et des enfants et a souligné que:

–      la Turquie est à la fois un pays de transit et de destination pour les personnes victimes de traite;

–      la plupart des femmes et des filles qui arrivent en Turquie proviennent de la Fédération de Russie, de la République de Moldova, de la Roumanie, de la Géorgie, de l’Ukraine, de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de l’Ouzbékistan;

–      la Turquie sert de pays de transit principalement pour les femmes provenant de l’Asie centrale, de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’ex-Yougoslavie et se dirigeant vers d’autres pays européens; et

–      la plupart des victimes sont contraintes de se prostituer et certaines sont soumises à la servitude pour dette.

La commission note qu’en vertu du nouveau Code pénal (loi no 5237 de 2004):

–      la traite de personnes à des fins de travail forcé ou de travail dans des conditions proches de l’esclavage est passible d’une peine de huit à douze ans d’emprisonnement (art. 80);

–      l’emploi non rémunéré, ou pour un salaire insuffisant, de personnes sans domicile, sans défense ou dépendantes, ou l’emploi de ces personnes dans des conditions de travail ou de vie inhumaines sont passibles d’une peine de six mois à trois ans d’emprisonnement (art. 117(2)); et

–      la traite des personnes à des fins de prostitution est passible d’une peine de deux à quatre ans d’emprisonnement (art. 227(3)).

La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur l’application et le contrôle de l’application des articles 80, 117(2) et 227(3) du Code pénal, en communiquant des statistiques et d’autres informations sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les peines infligées.

La commission note que le gouvernement se réfère à d’autres mesures qu’il a prises, parmi lesquelles:

–      l’organisation de séminaires de formation et de sensibilisation à l’intention des agents chargés de l’application de la loi, en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM);

–      la mise en œuvre, dans le cadre de la coopération financière entre la Turquie et l’Union européenne et sous la coordination de la Direction générale de la sécurité, d’un projet pour le renforcement des capacités institutionnelles afin de lutter contre la traite des personnes;

–      la signature, le 24 septembre 2004, d’un protocole d’accord bilatéral pour la coopération dans la lutte contre la traite des personnes et les migrations illégales avec le Bélarus en tant que pays d’origine; et

–      la création d’une ligne nationale d’appel d’urgence pour les victimes de traite ainsi que les initiatives visant à créer des centres d’accueil pour les femmes victimes de traite à Ankara et dans d’autres villes.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations, dans son prochain rapport, sur les progrès obtenus grâce à ces mesures et sur les mesures plus récentes prises ou envisagées pour lutter contre la traite des personnes aux fins d’exploitation sexuelle ou d’autres formes de travail forcé, y compris des informations récentes sur la formation des forces de police, ou sur d’autres initiatives visant à renforcer leur capacité de lutter contre la traite, et enfin sur les mesures prises afin de renforcer la coopération intergouvernementale pour lutter contre la traite des personnes, en particulier avec les pays d’origine.

La commission prend note de l’indication du gouvernement, selon laquelle l’application des règlements mettant en œuvre la loi no 4817 de 2003 sur le permis de travail des travailleurs étrangers, en particulier ses articles 7, 12 et 22, a donné lieu à de nouvelles obligations qui visent à lutter contre la traite des personnes. Bien que le gouvernement ait indiqué que copie de ces dispositions était jointe au rapport dans l’annexe 2, il semble que cette annexe n’ait pas été communiquée; par conséquent, la commission prie le gouvernement d’en communiquer copie avec son prochain rapport.

La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un très proche avenir.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

1. La commission prend note de la réponse du gouvernement à ses commentaires précédents, ainsi que des observations de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et de la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK) qui sont annexées au rapport du gouvernement. La commission prend note en particulier des explications fournies par le gouvernement concernant le droit du personnel des forces armées de démissionner.

2. Article 2, paragraphe 2 a), de la convention. Utilisation de conscrits à des fins non militaires. La commission prend note de la réponse du gouvernement à ses commentaires, qui figure dans ses rapports de 2005 sur l’application des conventions nos 29 et 105, et se réfère à son observation sur ce point qu’elle formule au titre de la convention no 105.

3. Article 2, paragraphe 2 b). Travail exigé au titre des obligations civiques normales des citoyens. La commission avait noté précédemment qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’inclut pas le travail physique ou intellectuel nécessaire pour répondre aux besoins du pays, travail qui constitue une obligation civique. La commission avait demandé des éclaircissements au sujet de cette disposition. En l’absence de réponse sur ce point, la commission prie le gouvernement d’indiquer des exemples de types de «travail physique ou intellectuel» qui peuvent être exigés «en tant qu’obligation civique» au titre de l’article 18 de la Constitution.

4. Article 2, paragraphe 2 c). Travail des prisonniers détenus sans condamnation. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» ne recouvre pas le travail exigé d’un individu accomplissant une peine prononcée par un tribunal ou se trouvant en détention. Elle avait également noté qu’en vertu de l’article 198 du règlement de 1967 relatif à l’administration des établissements pénitentiaires et des centres de détention ainsi qu’à l’exécution des peines, tel que modifié en 1987 (règlement APES), le travail pénitentiaire est obligatoire pour les condamnés et les détenus provisoires. La commission avait rappelé que le travail pénitentiaire obligatoire n’est exclu du champ d’application de la convention que si ce travail est exigé en raison d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire.

5. La commission prend note de l’adoption de l’article 114 de la loi no 5275 de décembre 2004 sur l’exécution des peines et les mesures de sécurité (ESSMA), en vertu duquel les détenus en attente d’un jugement ou qui sont détenus sans jugement ne peuvent pas être tenus de travailler. Toutefois, la commission note que l’article 198 du règlement APES et l’article 20 du règlement de 1998 sur l’administration des établissements pénitentiaires et des unités de travail des centres de détention, et sur l’administration, la comptabilité et les offres des unités de travail (règlement APWC), en vertu desquels le travail en prison est obligatoire pour tous les prisonniers condamnés ou en détention provisoire, sont en contradiction avec l’article 114 de la loi no 5275. La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour modifier ces règlements afin de les rendre conformes à la convention sur ce point.

6. Article 2, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 2 c). Travail de prisonniers pour le compte d’employeurs privés. La commission avait noté précédemment qu’en vertu des articles 198 et 200 du règlement APES susmentionné certaines catégories de prisonniers (par exemple, les personnes détenues dans des prisons à sécurité minimale et moyenne ou dans des prisons de haute sécurité qui n’ont plus que deux ans à accomplir avant leur libération, etc.) peuvent être employés à l’extérieur des établissements pénitentiaires dans les secteurs public et privé. La commission note que cette politique ressort aussi dans les articles 6 et 7 du règlement de 1983 concernant l’emploi des détenus condamnés à l’extérieur des prisons (règlement ECOP), articles qui sont mentionnés à l’article 198 du règlement APES. La commission note aussi que les articles 198 et 200 du règlement APES sont aussi étroitement repris dans les articles 20 et 21 du règlement APWC.

7. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention tout travail ou service exigé d’un individu en raison d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire est exclu du champ d’application de la convention si deux conditions sont remplies, à savoir: «… que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées». La commission renvoie à son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, dans laquelle elle a précisé que ces deux conditions sont nécessaires et que chacune doit être observée indépendamment de l’autre (paragr. 105). En ce qui concerne la seconde condition, la commission a considéré que les termes «concédé à» ou «mis à la disposition de» (un employeur privé) impliquent que le prisonnier n’a pas donné son accord (paragr. 56). Les prisonniers dont l’emploi dans le secteur privé est régi par une relation triangulaire, qui implique que l’autorité publique et une entreprise privée ont conclu directement un contrat, contrat dont l’objet est le travail des prisonniers, peuvent être considérés comme étant «concédés» à l’entreprise privée, situation qui correspond à celle qui est mentionnée à l’article 2, paragraphe 2 c), et qui est incompatible avec la convention (paragr. 108). Il est difficile de considérer que la situation des prisonniers qui travaillent pour le compte d’entités privées dans ces circonstances relève de l’exclusion prévue à l’article 2, paragraphe 2 c)de la convention (paragr. 113).

8. La commission note que les règlements APES, APWC et ECOP disposent que les prisonniers condamnés seront occupés par des entités publiques et privées en dehors de la prison, et que ce travail sera réalisé en groupe et non individuellement, «conformément aux dispositions du protocole conclu, d’un côté, au nom de l’institution par le représentant de l’atelier ou, s’il n’y a pas d’atelier, par le procureur local, et, de l’autre, par l’employeur, et approuvé par le ministère de la Justice (règlement APES, article 200; règlement APWC, article 21; règlement ECOP, article 6). La commission considère que, dans ces conditions, les prisonniers occupés en dehors de l’établissement pénitentiaire par un employeur du secteur privé sont «concédés» à un employeur du secteur privé et que, par conséquent, les règlements pénitentiaires ne relèvent pas de l’exclusion prévue à l’article 2, paragraphe 2 c) de la convention.

9. Il reste à déterminer si les détenus concernés acceptent volontairement de travailler dans le secteur privé, sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, de telle sorte que leur travail peut être considéré comme ne relevant pas de la définition d’ensemble du travail forcé donnée à l’article 2, paragraphe 1, de la convention. Se référant de nouveau à son étude d’ensemble de 2007, la commission a considéré que, dans ce contexte de captivité, il est nécessaire d’obtenir des prisonniers un consentement écrit formel au travail lorsque ce dernier est exécuté pour le compte d’entreprises privées (paragr. 115). Toutefois, ce consentement devrait être authentifié afin de s’assurer qu’il est libre et éclairé, et l’indicateur le plus fiable du consentement librement donné au travail dans ces circonstances est que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre (paragr. 116), ce qui implique que certains facteurs soient pris en compte, par exemple le niveau des rémunérations, les prestations de sécurité sociale et la sécurité et la santé au travail des prisonniers occupés ainsi que la mesure dans laquelle ces conditions se rapprochent de celles dont bénéficient les travailleurs sur le marché libre du travail (paragr. 116).

10. La commission note que ni la loi ESSMA ni les règlements correspondants ne semblent contenir des dispositions prévoyant que, pour être occupés sur des lieux de travail du secteur privé, les détenus doivent avoir donné par écrit leur consentement. En ce qui concerne la question de savoir si les conditions de travail des détenus se rapprochent de celles d’une relation de travail libre, que la commission considère comme l’indicateur le plus fiable du consentement au travail libre, la commission prend note des dispositions suivantes:

–           les conditions de travail des détenus employés en dehors des établissements pénitentiaires sont régies par l’article 30(5) de la loi ESSMA;

–           les détenus condamnés (certaines exceptions étant prévues toutefois) peuvent travailler en dehors des établissements pénitentiaires dans les secteurs public et privé, en groupes, et sous la supervision et la protection de membres du personnel pénitentiaire; le travail individuel n’est pas autorisé (règlement APES, art. 199 et 200);

–           les détenus peuvent être employés à des postes de travail dans les secteurs public ou privé «conformément à la loi sur le travail» (règlement APES, article 200; règlement APWC, art. 21);

–           le travail en dehors de l’établissement pénitentiaire doit être effectué «conformément aux dispositions d’un protocole conclu, d’une part, au nom de l’institution, par le représentant du lieu de travail ou, s’il n’y a pas de lieu de travail, par le procureur public local, et, d’autre part, l’employeur, et approuvé par le ministère de la Justice» (règlement ECOP, article 6; règlement APES, art. 200; et règlement APWC, art. 21);

–           les conditions d’emploi des détenus sur des lieux de travail à l’extérieur de la prison doivent être définies dans le protocole. Le protocole type élaboré par le ministère de la Justice doit servir de base à l’élaboration du protocole (règlement ECOP, art. 10);

–           la mesure dans laquelle les détenus qui travaillent bénéficient de prestations et droits sociaux doit être déterminée par le protocole (règlement ECOP, art. 21);

–           la sécurité au travail doit être garantie par l’employeur, conformément à la loi no 1475 sur le travail (règlement ECOP, art. 22);

–           le montant du salaire doit être fixé dans le protocole. Toutefois, le salaire ne peut pas être inférieur au salaire minimum en vigueur à la date de la réalisation du travail (règlement ECOP, art. 9);

–           la durée du travail doit être régie par le règlement interne de l’établissement pénitentiaire et être conforme aux dispositions applicables de la loi no 1475 sur le travail (règlement APES, art. 201; règlement APWC, art. 24);

–           il peut être demandé aux détenus de travailler au-delà de la durée de travail normale prévue par la loi sur le travail lorsqu’il est nécessaire d’accroître la productivité, d’améliorer la qualité de la production ou de répondre aux besoins généraux de l’économie nationale (règlement APWC, art. 24).

11. La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations détaillées permettant de clarifier les points suivants:

–           indiquer si, dans le cadre de la loi, de la pratique ou d’une politique, les autorités pénitentiaires demandent leur consentement formel ou écrit aux détenus qui travaillent pour le secteur privé en dehors des établissements pénitentiaires et, dans l’affirmative, communiquer copie des dispositions, directives ou autres informations qui illustrent cette pratique;

–           spécifier les dispositions de la loi sur le travail, telles que mentionnées à l’article 200 du règlement APES et à l’article 21 du règlement APWC, qui régissent les conditions d’emploi des prisonniers dans le secteur privé en dehors des établissements pénitentiaires;

–           indiquer si et dans quelle mesure l’article 201 du règlement APES et l’article 24 du règlement APWC sur la durée du travail s’appliquent à l’emploi des détenus dans le secteur privé en dehors des établissements pénitentiaires;

–           indiquer la mesure dans laquelle les conditions d’emploi dans le secteur privé qui sont déterminées par un protocole (par exemple, les prestations et droits sociaux), telles que mentionnées à l’article 6 du règlement ECOP, à l’article 200 du règlement APES et à l’article 21 du règlement APWC, ou par des règlementations du ministère de la Justice (par exemple, les salaires journaliers et les primes au titre des heures supplémentaires) se rapprochent des conditions d’emploi des travailleurs sur le marché du travail libre.

La commission prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport copie du protocole type élaboré par le ministère de la Justice et copie des protocoles qui ont été élaborés sur la base du protocole type pour régir l’emploi de détenus par des employeurs du secteur privé en dehors des établissements pénitentiaires, et copie de toute réglementation interne applicable adoptée par le ministère de la Justice.

En outre, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute modification récente de ces réglementations qui porterait sur les points susmentionnés et de fournir copie des textes de ces éventuelles modifications. La commission note que, dans son rapport de 2007, le gouvernement fait mention du décret no 2006/10218 sur l’administration des centres de détention et sur l’exécution des dispositions pénales et de sécurité. Le gouvernement indique que certaines dispositions de ce décret, en particulier les articles 96 à 100, portent sur le travail des détenus condamnés et sur leurs salaires et droits sociaux. La commission examinera ce point dès qu’elle disposera de la traduction des textes pertinents.

Peines de travail d’intérêt général

12. La commission note que l’article 50(f) du Code pénal, loi no 5237 de 2005, dispose que, pour certains contrevenants ayant fait l’objet d’une condamnation, les peines d’emprisonnement peuvent, avec leur consentement, être remplacées par des peines comportant des travaux d’intérêt général. La commission note aussi que, conformément à l’article 105 de la loi ESSMA, la deuxième moitié des peines d’emprisonnement de courte durée peuvent, pour certains détenus, avec leur consentement, être remplacées par des travaux d’intérêt général. La commission note que, selon ces dispositions, ainsi que l’article 51 du Code pénal, les peines alternatives de travail d’intérêt général pourraient comprendre des travaux réalisés pour des entreprises privées ou des établissements ayant des activités dans le secteur public, sous la supervision de ces entités.

13. La commission rappelle les paragraphes 126 à 128 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, dans lesquels elle a considéré que, lorsque des travaux d’intérêt général peuvent être accomplis pour des personnes morales de droit privé telles que les associations ou autres institutions caritatives, il faut s’assurer de deux éléments: d’une part, que la personne condamnée consent formellement à l’exécution d’un travail de ce type et, d’autre part, que le travail revêt effectivement un caractère d’intérêt général et n’est pas subordonné à la recherche d’un intérêt économique ou d’un profit. Plusieurs éléments sont à prendre en compte, entre autres: les modalités d’encadrement et de contrôle du travail (paragr. 126); les modalités dans lesquelles il est réalisé; le contrôle opéré par le système judiciaire sur les conditions d’exécution de la peine; et les critères utilisés par l’autorité judiciaire pour habiliter les associations à fournir un travail de ce type (paragr. 128). La commission demande au gouvernement de préciser dans son prochain rapport si les articles 50(f) et 51 du Code pénal et l’article 105 de la loi ESSMA permettent de placer des détenus dans les entreprises ou les établissements privés, ou sous la supervision de ces entités et, dans l’affirmative, de fournir des informations sur l’application dans la pratique de ces dispositions, notamment en décrivant les placements pour le compte d’entités privées qui ont été effectués. De plus, la commission prie le gouvernement d’indiquer quels éléments permettent de s’assurer que le travail effectué en vertu de ces dispositions pour des entités privées répond véritablement à l’intérêt général et non à la recherche par l’employeur d’un gain économique privé. En outre, la commission prie le gouvernement de communiquer copie de la liste officielle des noms des associations ou institutions habilitées à recevoir les détenus condamnés conformément à ces dispositions. A ce sujet, la commission note qu’il est fait mention de cette liste à l’article 105 de la loi ESSMA. La commission demande également au gouvernement de donner des exemples des types de travaux réalisés par des détenus dans ces conditions, avec leur consentement, pour des entreprises privées qui déploient leurs activités dans des services publics.

14. Article 2, paragraphe 2 d). Pouvoirs de réquisition dans des cas de force majeure. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’inclut pas les services exigés de citoyens dans les cas de force majeure, ceux-ci pouvant être proclamés, en vertu de l’article 119 de la Constitution, lors de catastrophes naturelles, d’épidémies, de maladies dangereuses ou de crises économiques graves. Elle avait noté également qu’en vertu de l’article 10 de la loi sur l’état d’urgence (no 2935 du 25 octobre 1983) le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures qui peuvent être imposées, entre autres, dans le domaine du travail, en cas de crise économique grave. La commission a rappelé que la notion de force majeure – comme l’indiquent les exemples énumérés à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention – implique un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate. La notion de «crise économique grave», dont il est question dans les dispositions susmentionnées, ne semble pas répondre à ces critères.

15. La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport de 2005 selon laquelle la Constitution a été modifiée en 2005 par l’article 7 de la loi no 5170, qui dispose que les conflits de législations sur une question donnée doivent être tranchés en faveur des dispositions des traités internationaux, lesquels priment toute législation nationale contraire. Notant cette indication, la commission exprime de nouveau l’espoir que les mesures nécessaires seront prises pour restreindre au strict minimum autorisé par la convention les dispositions susmentionnées concernant l’imposition de travail ou de services obligatoires en cas d’urgence, de sorte que la réquisition de main-d’œuvre en cas de force majeure ne se transforme pas en mobilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Elle espère aussi que la législation sera mise en conformité avec la convention et avec la pratique indiquée. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises à cet effet.

16. Article 2, paragraphe 2 e). Services communaux mineurs. La commission avait pris note précédemment des dispositions de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises, selon lesquelles celles-ci se répartissent en deux catégories: celles qui sont de nature obligatoire et celles qui relèvent des villageois, la non-exécution de mesures obligatoires étant passible de sanctions (art. 12). Se référant au paragraphe 37 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, la commission avait rappelé que l’exception des «menus travaux de village», permise au regard de l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention, doit satisfaire certains critères qui déterminent les limites de cette exception et servent à la distinguer d’autres formes de services obligatoires qui, aux termes de la convention, devraient être abolies (comme le travail forcé pour des travaux publics d’intérêt général ou local). La commission avait constaté que certaines formes de travail mentionnées à l’article 13 de la loi susmentionnée comme «obligatoires pour les villageois» (telles que la construction et la réparation des routes reliant le village au centre gouvernemental ou aux villages avoisinants, ou la construction de ponts sur des routes, etc.) ne semblent pas satisfaire les critères de «services mineurs» ou «services communaux». En outre, aucune disposition ne prévoit des consultations concernant le bien-fondé des travaux ou services imposés en vertu de l’article 13.

17. La commission prend note des indications fournies par le gouvernement dans son rapport, selon lesquelles des études sont encore en cours afin de mettre la législation nationale en conformité avec les conventions de l’OIT et que, conformément aux dispositions du plan d’action d’urgence lancé par le gouvernement en janvier 2003, les initiatives nécessaires sont en cours essentiellement dans les domaines de la démocratisation et de la réforme de la législation, ainsi que dans celui des libertés et droits fondamentaux.

18. La commission note que, dans son rapport de 2005, le gouvernement a indiqué que les articles 12 et 13 de la loi sur les affaires villageoises ne s’appliquent plus dans la pratique et que les services comme la construction et la réparation de routes de villages sont maintenant organisés à l’échelle des pouvoirs publics centraux ou provinciaux. Le gouvernement indique de nouveau que des études en vue de la modification de la loi sur les affaires villageoises se poursuivent et que les exigences de la convention ont été prises en compte dans le processus de réforme. La commission exprime de nouveau l’espoir que les mesures nécessaires seront prises pour modifier les dispositions susmentionnées de la loi sur les affaires villageoises, afin de s’assurer de leur conformité avec la convention et la pratique, et que le gouvernement sera bientôt à même d’indiquer les mesures prises à cette fin. La commission prend note que, dans son rapport de 2007, le gouvernement indique que les services villageois qui ne sont pas appelés «services mineurs» ou «services communaux» dans la loi sur les affaires villageoises ne sont pas, en fait, régis par cette loi mais relèvent de la juridiction de l’administration générale des services villageois, conformément à la loi no 3202 du 9 mai 1985, et que l’administration générale des services villageois a été supprimée par la loi no 5286 du 13 janvier 2005. Toutefois, cette administration a continué à fournir des services pendant une période transitoire. Le gouvernement fournit un tableau qui présente les services et activités qui ont été menés en 2006 dans le cadre de l’administration générale. La commission examinera cette question dès qu’elle disposera de la traduction des textes pertinents.

Observation (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes aux fins de leur exploitation sexuelle. La commission avait précédemment pris note d’une communication reçue en décembre 2003 de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), désormais Confédération syndicale internationale (CSI). Dans cette communication, la CISL a fait part de sa préoccupation face à la traite de femmes et des enfants et a souligné que:

–           la Turquie est à la fois un pays de transit et de destination pour les personnes victimes de traite;

–           la plupart des femmes et des filles qui arrivent en Turquie proviennent de la Fédération de Russie, de la République de Moldova, de la Roumanie, de la Géorgie, de l’Ukraine, de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de l’Ouzbékistan;

–           la Turquie sert de pays de transit principalement pour les femmes provenant de l’Asie centrale, de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’ex-Yougoslavie et se dirigeant vers d’autres pays européens; et

–           la plupart des victimes sont contraintes de se prostituer et certaines sont soumises à la servitude pour dette.

La commission note qu’en vertu du nouveau Code pénal (loi no 5237 de 2004):

–           la traite de personnes à des fins de travail forcé ou de travail dans des conditions proches de l’esclavage est passible d’une peine de huit à douze ans d’emprisonnement (art. 80);

–           l’emploi non rémunéré, ou pour un salaire insuffisant, de personnes sans domicile, sans défense ou dépendantes, ou l’emploi de ces personnes dans des conditions de travail ou de vie inhumaines sont passibles d’une peine de six mois à trois ans d’emprisonnement (art. 117(2)); et

–           la traite des personnes à des fins de prostitution est passible d’une peine de deux à quatre ans d’emprisonnement (art. 227(3)).

La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur l’application et le contrôle de l’application des articles 80, 117(2) et 227(3) du Code pénal, en communiquant des statistiques et d’autres informations sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les peines infligées.

La commission note que le gouvernement se réfère à d’autres mesures qu’il a prises, parmi lesquelles:

–           l’organisation de séminaires de formation et de sensibilisation à l’intention des agents chargés de l’application de la loi, en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM);

–           la mise en œuvre, dans le cadre de la coopération financière entre la Turquie et l’Union européenne et sous la coordination de la Direction générale de la sécurité, d’un projet pour le renforcement des capacités institutionnelles afin de lutter contre la traite des personnes;

–           la signature, le 24 septembre 2004, d’un protocole d’accord bilatéral pour la coopération dans la lutte contre la traite des personnes et les migrations illégales avec le Bélarus en tant que pays d’origine; et

–           la création d’une ligne nationale d’appel d’urgence pour les victimes de traite ainsi que les initiatives visant à créer des centres d’accueil pour les femmes victimes de traite à Ankara et dans d’autres villes.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations, dans son prochain rapport, sur les progrès obtenus grâce à ces mesures et sur les mesures plus récentes prises ou envisagées pour lutter contre la traite des personnes aux fins d’exploitation sexuelle ou d’autres formes de travail forcé, y compris des informations récentes sur la formation des forces de police, ou sur d’autres initiatives visant à renforcer leur capacité de lutter contre la traite, et enfin sur les mesures prises afin de renforcer la coopération intergouvernementale pour lutter contre la traite des personnes, en particulier avec les pays d’origine.

La commission prend note de l’indication du gouvernement, selon laquelle l’application des règlements mettant en œuvre la loi no 4817 de 2003 sur le permis de travail des travailleurs étrangers, en particulier ses articles 7, 12 et 22, a donné lieu à de nouvelles obligations qui visent à lutter contre la traite des personnes. Bien que le gouvernement ait indiqué que copie de ces dispositions était jointe au rapport dans l’annexe 2, il semble que cette annexe n’ait pas été communiquée; par conséquent, la commission prie le gouvernement d’en communiquer copie avec son prochain rapport.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

La commission a pris note de la réponse du gouvernement à sa demande directe précédente, ainsi que des observations communiquées par la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK), annexées à ce rapport.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 a), de la convention. 1. Utilisation des conscrits à des fins non militaires. Dans sa précédente demande directe, la commission s’était référée aux observations qu’elle avait formulées à propos de la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, également ratifiée par la Turquie, dans laquelle elle prenait note de certaines dispositions prévoyant que les conscrits dont l’effectif excède les besoins de l’armée peuvent être tenus de travailler dans des entreprises publiques sans leur consentement, en lieu et place du service militaire et sous le régime de la discipline militaire. La commission note la réponse que le gouvernement a donnée dans ses rapports de 2003 sur l’application de la convention no 29 et de la convention no 105, et se réfère aux observations qu’elle formule à propos de la convention no 105.

2. La commission demande à nouveau au gouvernement d’indiquer toutes dispositions applicables aux officiers et autres personnels militaires de carrière, en ce qui concerne leur droit de quitter le service en temps de paix, à leur demande et à des périodes déterminées, soit à des intervalles raisonnables, soit moyennant un préavis d’une durée raisonnable.

Article 2, paragraphe 2 b). La commission a noté précédemment qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’inclut pas le travail physique ou intellectuel nécessaire pour répondre aux besoins du pays et constituant une obligation civique. Elle demandait donc des éclaircissements au sujet de cette disposition. En l’absence d’une réponse du gouvernement, la commission le prie une nouvelle fois d’indiquer en quoi consiste ce «travail physique ou intellectuel» qui peut être imposé comme «une obligation civique» et de fournir copie des dispositions correspondantes.

Article 2, paragraphe 2 c). 1. Travail des prisonniers détenus sans condamnation. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» ne comprend pas tout travail exigé d’un individu accomplissant une peine prononcée par un tribunal ou se trouvant en détention. Elle a également noté qu’en vertu de l’article 17 de la loi sur l’application des peines (no 647 du 13 juillet 1965) et de l’article 198 du règlement no 6/8517 tel que modifié, relatif à l’administration des établissements pénitentiaires et des centres de détention ainsi qu’à l’exécution des peines, adopté le 5 juillet 1967 par décision du Conseil des ministres, le travail carcéral est obligatoire pour les condamnés et les détenus provisoires. La commission a rappelé que le travail carcéral obligatoire est exclu du champ d’application de la convention seulement si ce travail est exigé comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire.

La commission prend note avec intérêt de l’indication que le gouvernement a fournie dans son rapport selon laquelle un projet de loi sur l’exécution des peines a étéélaboré par une commission créée au sein du ministère de la Justice dans le but de rendre les dispositions précitées conformes à la convention, et que cette commission nouvellement créée a tenu compte des commentaires de la commission. Elle espère donc que le projet de loi ci-dessus sera adopté prochainement et que la législation sera modifiée, de façon à s’assurer que les prisonniers attendant de passer en jugement ou détenus sans jugement (tels que les détenus provisoires ou les personnes placées sous mandat de dépôt par une décision de justice, dont il est question à l’article 198) ne sont pas obligés de travailler, ceci afin de mettre la législation en conformité avec la convention sur ce point. Elle prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les progrès accomplis dans ce sens.

2. Travail des prisonniers pour des employeurs privés. La commission a noté précédemment qu’en vertu de l’article 17 de la loi susmentionnée sur l’application des peines et des articles 198 et 200 du règlement no 6/8517 susmentionné, certaines catégories de condamnés (par exemple ceux qui sont détenus dans des établissements carcéraux à sécurité minimale et moyenne ou dans des pénitenciers de haute sécurité qui n’ont plus que deux ans à accomplir avant leur libération, etc.) peuvent être employées dans les secteurs public et privé. La commission a rappelé qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention tout travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire est exclu du champ d’application de la convention si deux conditions sont remplies, à savoir: «… que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées».

La commission prend note de l’indication fournie par le gouvernement dans son rapport, selon laquelle le projet de loi sur l’exécution des peines susmentionné contient des dispositions qui réglementent l’emploi des détenus, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des locaux de la prison. Elle espère que ces dispositions seront rédigées de façon à garantir que tout travail ou service accompli par des prisonniers pour le compte de personnes privées soit exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre; de telles mesures devraient inclure le consentement formel de l’intéressé, ainsi que -étant donné l’absence d’autres possibilités d’accès au marché du travail libre - des garanties complémentaires couvrant les éléments essentiels d’une relation de travail libre, en matière de salaire et de sécurité sociale. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les progrès accomplis à cet égard et de transmettre copie de la nouvelle loi sur l’exécution des peines dès qu’elle aura été adoptée.

Article 2, paragraphe 2 d)Pouvoir d’imposer du travail dans des cas de force majeure. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’inclut pas les services exigés de citoyens dans les cas de force majeure, ceux-ci pouvant être proclamés, en vertu de l’article 119 de la Constitution, lors de catastrophes naturelles, d’épidémies, de maladies dangereuses ou de crise économique grave. Elle a notéégalement qu’en vertu de l’article 10 de la loi sur l’état d’urgence (no 2935 du 25 octobre 1983) le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures qui peuvent être imposées, entre autres, dans le domaine du travail, en cas de crise économique grave. La commission a rappelé que la notion de force majeure - comme l’indiquent les exemples énumérés à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention - implique un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate. La notion de «crise économique grave», dont il est question dans les dispositions susmentionnées, ne semble pas répondre à ces critères.

La commission prend note de l’indication fournie par le gouvernement dans son rapport selon laquelle, en dépit du fait que le pays a traversé plusieurs crises économiques graves, aucun gouvernement turc n’a eu recours à la déclaration d’état d’urgence pour force majeure et que personne n’a été soumis à un travail obligatoire ou forcé pendant l’une de ces crises.

Notant cette indication, la commission espère que les mesures nécessaires seront prises pour restreindre les dispositions susmentionnées concernant l’imposition de travail ou de services obligatoires en cas d’urgence au strict minimum autorisé par la convention, de sorte que le recours à la réquisition de main-d’œuvre obligatoire en cas de force majeure ne se transforme pas en mobilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Elle espère aussi que la législation sera mise en conformité avec les conventions relatives au travail forcé et avec la pratique décrite. La commission demande au gouvernement de donner dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises à cet effet.

Article 2, paragraphe 2 e)Menus travaux de village. La commission a pris note précédemment des dispositions de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises, selon lesquelles les affaires villageoises se répartissent en deux catégories: celles qui sont de nature obligatoire et celles qui relèvent des villageois, la non-exécution de mesures obligatoires étant passible de sanctions (art. 12). Se référant au paragraphe 37 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, la commission a rappelé que l’exception des «menus travaux de village», permise à l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention, doit satisfaire certains critères qui déterminent les limites de cette exception et servent à la distinguer d’autres formes de services obligatoires qui, aux termes de la convention, devraient être abolies (comme le travail forcé pour des travaux publics d’intérêt général ou local). La commission a constaté que certaines formes de travail mentionnées à l’article 13 de la loi susmentionnée comme «obligatoires pour les villageois» (telles que la construction et la réparation des routes reliant le village au centre gouvernemental ou à des villages avoisinants, ou la construction de ponts sur ces routes, etc.) ne semblent pas satisfaire les critères de «menus travaux» ou «travaux de village». En outre, aucune disposition ne prévoit des consultations concernant le bien-fondé des travaux ou services imposés en vertu de l’article 13.

La commission prend note des explications du gouvernement concernant les mesures prises pour répondre aux exigences et aux besoins des villageois au cours de l’exécution des travaux imposés. Elle prend note également des indications fournies par le gouvernement dans son rapport, selon lesquelles des études sont encore en cours afin de mettre la législation nationale en conformité avec les conventions de l’OIT et, conformément aux dispositions du plan d’action d’urgence lancé par le gouvernement en janvier 2003, les travaux nécessaires sont en cours essentiellement dans les domaines de la démocratisation et de la réforme de la législation, ainsi que dans celui des droits et libertés fondamentaux.

La commission note avec intérêt ces informations et réitère son espoir que les mesures nécessaires seront prises en vue de modifier les dispositions susmentionnées de la loi sur les affaires villageoises, afin d’assurer leur conformité avec la convention. Elle espère également que le gouvernement pourra prochainement rendre compte des mesures prises dans ce sens.

Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

La commission a pris note de la réponse du gouvernement à ses précédents commentaires ainsi que des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK) et de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (TÜRKIYE KAMU-SEN), annexées au rapport du gouvernement. Elle a pris note également d’une communication reçue en décembre 2003 et émanant de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), qui contient des observations concernant l’application de la convention par la Turquie. Elle a noté que cette communication a été envoyée au gouvernement en mars 2004, l’invitant à faire toute observation qu’il pourrait juger nécessaire sur les questions qui y sont soulevées. N’ayant reçu aucune réponse du gouvernement, la commission espère que celui-ci communiquera ses commentaires dans son prochain rapport, afin qu’elle puisse les examiner lors de sa prochaine session.

Traite de femmes et d’enfants en vue de leur exploitation sexuelle à des fins commerciales. Dans la communication susmentionnée, la CISL faisait part de sa préoccupation concernant la traite de femmes et d’enfants existant actuellement en Turquie. Selon la CISL, la Turquie est à la fois un pays de transit et de destination pour les personnes qui font l’objet de traite; la plupart des femmes et des filles qui sont destinées à la Turquie proviennent de la Fédération de Russie, de la République de Moldova, de la Roumanie, de la Géorgie, d’Ukraine, d’Arménie, d’Azerbaïdjan et d’Ouzbékistan; la Turquie sert de pays de transit principalement pour les femmes provenant d’Asie centrale, d’Afrique, du Moyen-Orient et de l’ex-Yougoslavie et se dirigeant vers les pays d’Europe; la plupart d’entre elles sont contraintes de se prostituer et certaines sont soumises à une servitude pour dettes.

Se référant à son observation générale de 2000 concernant la traite, la commission demande au gouvernement de répondre aux allégations faites par la CISL et de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées pour empêcher, supprimer et sanctionner la traite des personnes aux fins d’exploitation et pour protéger les victimes de cette traite.

En ce qui concerne le trafic des enfants, la commission rappelle que la Turquie a ratifié la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et que le gouvernement a déjà communiqué son premier rapport sur l’application de cette convention. Compte tenu du fait que l’article 3 a) de la convention no 182 stipule que l’expression «les pires formes de travail des enfants» comprend «toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire», la commission estime que le problème de la traite des enfants aux fins d’exploitation de leur travail peut être examiné plus spécifiquement dans le cadre de la convention no 182. La protection des enfants se trouve renforcée par le fait que cette convention oblige les Etats qui la ratifient à prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants, et ce de toute urgence. La commission demande donc au gouvernement de se reporter aux commentaires qu’elle formule concernant l’application de la convention no 182.

Elle adresse également une demande directe au gouvernement concernant certains points.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

La commission a pris note avec intérêt des informations transmises par le gouvernement dans ses premier et deuxième rapports à propos de l’application de la convention ainsi que des observations communiquées par la Confédération des syndicats d’ouvriers de Turquie (TÜRK-IŞ) et la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK), annexées à ces rapports. Elle prie le gouvernement de lui communiquer, dans son prochain rapport, des renseignements supplémentaires sur les points suivants.

Articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphes 1 et 2 a), de la convention. 1. La commission se réfère aux observations qu’elle a formulées à propos de la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, également ratifiée par la Turquie, dans laquelle elle prenait note de l’observation de la TÜRK-IŞ selon laquelle la résolution no 87/11945 du 12 juillet 1987 prévoit que les conscrits dont l’effectif excède les besoins de l’armée peuvent être tenus de travailler dans des entreprises publiques sans leur consentement, en lieu et place du service militaire et sous le régime de la discipline militaire. La commission prenait également note des dispositions de l’article 10 de la loi no 1111 sur le service militaire, tel que modifié par la loi no 3358, ainsi que des résolutions du Conseil des ministres no 86/10266 du 17 janvier 1986 et no 87/11945 du 12 juillet 1987, qui énoncent les principes et procédures applicables aux réservistes excédentaires. La commission avait appelé l’attention du gouvernement sur les paragraphes 49 à 54 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, dans lesquels elle fait valoir que «la Conférence a rejeté, comme incompatible avec les conventions sur le travail forcé, la proposition de faire participer des jeunes gens à des travaux de développement dans le cadre du service militaire obligatoire ou en lieu et place de celui-ci».

La commission espère que les mesures nécessaires pour abroger les dispositions susmentionnées, afin de mettre la législation en conformité tant avec la convention no 105 qu’avec la présente convention, seront prises dans un proche avenir et que le gouvernement lui transmettra des informations à ce propos.

2. Prière d’indiquer toutes dispositions applicables aux officiers et autres personnels militaires de carrière en ce qui concerne leur droit de quitter le service en temps de paix, à leur demande et à des périodes déterminées, soit à des intervalles raisonnables soit moyennant un préavis d’une durée raisonnable.

Article 2, paragraphe 2 b). La commission a noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’incluait pas le travail physique ou intellectuel nécessaire pour répondre aux besoins du pays et constituant une obligation civique. Prière d’indiquer en quoi consiste ce «travail physique ou intellectuel» qui peut être imposé comme «une obligation civique» et de transmettre des copies des dispositions correspondantes.

Article 2, paragraphe 2 c). La commission a noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» ne comprend pas tout travail exigé d’un individu accomplissant une peine prononcée par un tribunal ou se trouvant en détention. Elle a également noté qu’en vertu de l’article 17 de la loi sur l’application des peines (no 647 du 13 juillet 1965) et de l’article 198 du règlement no 6/8517 tel que modifié, relatif à l’administration des établissements pénitentiaires et des centres de détention ainsi qu’à l’exécution des peines, adopté le 5 juillet 1967 par décision du Conseil des ministres, le travail carcéral est obligatoire pour les condamnés et les détenus provisoires. La commission rappelle que le travail carcéral obligatoire est exclu du champ d’application de la convention seulement si ce travail est exigé comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire. Elle attire l’attention du gouvernement sur les explications figurant aux paragraphes 35 et 89 à 96 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, à savoir:

… les personnes qui sont détenues mais qui n’ont pas été condamnées - telles que les prisonniers attendant de passer en jugement ou les personnes détenues sans jugement - ne devraient pas être obligées au travail (ce qui n’exclut pas l’obligation d’assurer l’entretien de la cellule). Mais il va de soi que la convention n’empêche pas d’offrir à de tels prisonniers, s’ils en font la demande, des possibilités de travailler d’une façon purement volontaire. Il résulte également de l’utilisation du terme «condamnation» que l’intéressé doit avoir été reconnu coupable d’un délit. En l’absence d’une décision reconnaissant cette culpabilité, il ne devrait pas être imposé de travail obligatoire, même en vertu d’une décision judiciaire.

La commission espère que les mesures nécessaires seront prises pour modifier les dispositions susmentionnées, de façon à garantir aux prisonniers attendant de passer en jugement ou détenus sans jugement (tels que les détenus provisoires ou les personnes placées sous mandat de dépôt par une décision de justice, dont il est question à l’article 198) qu’ils ne soient pas obligés de travailler, afin de mettre la législation en conformité avec la convention sur ce point. Elle prie le gouvernement de lui transmettre, dans son prochain rapport, des informations sur ces mesures.

2. La commission a noté qu’en vertu de l’article 17 de la loi susmentionnée sur l’application des peines et des articles 198 et 200 du règlement no 6/8517 certaines catégories de condamnés (par exemple, ceux qui sont détenus dans des établissements carcéraux à sécurité minimale et moyenne ou dans des pénitenciers de haute sécurité qui n’ont plus que deux années à accomplir avant leur libération, etc.) peuvent être employés dans les secteurs public et privé.

La commission rappelle qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention tout travail au service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire est exclu du champ d’application de la convention si deux conditions sont remplies, à savoir: «… que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées».

La commission a toujours souligné que les deux conditions doivent s’appliquer de manière cumulative et indépendante; cela signifie que le fait que le prisonnier demeure constamment sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques ne dispense pas en soi le gouvernement de respecter la seconde condition, à savoir que la personne ne doit pas être concédée ou mise à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées (voir paragr. 119 du rapport général de la commission à la 89e session de la Conférence internationale du Travail, 2001). La commission a, à maintes reprises, souligné que le travail des prisonniers pour des entreprises privées ne pouvait être considéré comme compatible avec l’interdiction explicite énoncée dans la convention que si le travail ou le service est accompli dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre (ibid., paragr. 128 à 143).

La commission prie donc le gouvernement de décrire l’organisation du travail des prisonniers au service d’employeurs privés, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des locaux de la prison, et de lui transmettre des exemplaires d’accords conclus entre les autorités carcérales et des utilisateurs privés de travail pénitentiaire en vertu des articles 6, et 10 à 14 du règlement no 83/7041 du 26 août 1983 relatif à l’emploi, à l’extérieur de la prison, de condamnés détenus dans des établissements pénitentiaires, qui fixent les conditions dans lesquelles des prisonniers peuvent travailler en dehors de l’enceinte de la prison. Le gouvernement est également prié d’indiquer toute mesure prise pour garantir que tout travail au service accompli par des prisonniers pour le compte d’opérateurs privés soit exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre; de telles mesures devraient inclure le consentement formel de l’intéressé ainsi que -étant donné l’absence d’autres possibilités d’accès au marché du travail libre - des garanties complémentaires couvrant les éléments essentiels d’une relation de travail libre, en matière de salaire et de sécurité sociale.

Article 2, paragraphe 2 d). La commission a noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’incluait pas les services exigés de citoyens dans les cas de force majeure, ceux-ci pouvant être proclamés, en vertu de l’article 119 de la Constitution, lors de catastrophes naturelles, d’épidémies, de maladies dangereuses ou de crises économiques graves. Elle note également qu’en vertu de l’article 10 de la loi sur l’état d’urgence (no 2935 du 25 octobre 1983) le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures qui peuvent être imposées, entre autres, dans le domaine du travail, en cas de crise économique grave.

La commission rappelle que la notion de force majeure - comme l’indiquent les exemples énumérés à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention - implique un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate. La notion «de crise économique grave», dont il est question dans les dispositions susmentionnées, ne semble pas satisfaire ces critères. La commission attire l’attention du gouvernement sur les explications fournies aux paragraphes 36 et 63 à 66 de l’étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, dans lequel elle indique que:

Il y a lieu d’observer certaines conditions pour assurer que la réquisition de main-d’œuvre en vertu des pouvoirs d’exception reste dans les limites fixées par la convention sur le travail forcé et ne se transforme pas en mobilisation de main-d’œuvre à des fins de développement économique. Afin d’éviter toute incertitude quant à la compatibilité des dispositions nationales avec les normes internationales applicables, il devrait ressortir clairement de la législation elle-même que le pouvoir d’imposer du travail ne pourra être invoqué que dans la mesure où cela est strictement nécessaire pour faire face à des conditions qui mettent en danger la vie ou les conditions normales d’existence de l’ensemble ou d’une partie de la population.

La commission espère que les mesures nécessaires seront prises pour restreindre les dispositions susmentionnées concernant l’imposition de travail ou de services obligatoires en cas d’urgence au strict minimum autorisé par la convention, et que le gouvernement lui transmettra des informations sur ces mesures.

Article 2, paragraphe 2 e). La commission a pris note des dispositions de la loi no  442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises, selon lesquelles les affaires villageoises se répartissent en deux catégories: celles qui sont de nature obligatoire et celles qui relèvent des villageois, la non-exécution de mesures obligatoires étant passible de sanctions (art. 12). La commission se réfère au paragraphe 37 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé et rappelle que l’exemption des «menus travaux de village», prévue àl’article 2, paragraphe 2 e), de la convention, doit satisfaire certains critères qui déterminent les limites de cette exception et servent à la distinguer d’autres formes de services obligatoires, qui, aux termes de la convention, devraient être abolies (comme le travail forcé pour des travaux publics d’intérêt général ou local). Ces critères sont les suivants:

-  il doit s’agir de «menus travaux», c’est-à-dire essentiellement des travaux d’entretien et, exceptionnellement, des travaux relatifs à la construction de certains bâtiments destinés à améliorer les conditions sociales de la population du village elle-même (petites écoles, salles de consultation et de soins médicaux, etc.);

-  il doit s’agir de travaux «de villages» effectués «dans l’intérêt direct de la collectivité» et non pas des travaux destinés à une communauté plus large;

-  la population «elle-même», c'est-à-dire celle qui doit effectuer les travaux, ou ses représentants «directs», c'est-à-dire, par exemple, le conseil du village, doivent avoir «le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux».

La commission constate que certaines formes de travail mentionnées à l’article 13 de la loi susmentionnée comme «obligatoires pour les villageois» (telles que la construction et la réparation des routes reliant le village au centre gouvernemental ou à des villages avoisinants, ou la construction de ponts sur ces routes, etc.) ne semblent pas satisfaire le critères de «menus travaux» ou «travaux de villages» définis ci-dessus. En outre, aucune disposition ne prévoit des consultations concernant le bien-fondé des travaux ou services imposés en vertu de l’article 13.

La commission espère que les mesures nécessaires seront prises en vue de modifier les dispositions susmentionnées de la loi sur les affaires villageoises afin de la mettre en conformité avec la convention, et que le gouvernement l’informera de ces mesures.

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