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Demande directe (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Rappelant que l’Espagne a ratifié le Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930, en septembre 2017, la commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport de 2019 sur les mesures prises pour mettre en œuvre la convention telle que complétée par le protocole. La commission prend également note des informations complémentaires fournies par le gouvernement à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020).
En outre, la commission prend note des observations de l’Union générale des travailleurs (UGT) et de la Confédération syndicale de commissions ouvrières (CCOO), incluses dans le rapport du gouvernement de 2019 ainsi que dans ses informations complémentaires.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention et article 1, paragraphe 1 du protocole. Mesures efficaces pour lutter contre le travail forcé, y compris la traite des personnes.

1. Article 1, paragraphe 2, du protocole. Plan national et action systématique et coordonnée. La commission note que le Plan intégral de lutte contre la traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle, couvrant la période 2015-2018, a été adopté suite au diagnostic mené sur la mise en œuvre du premier Plan intégral de lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle (2009-2012). Ce deuxième plan inclut cinq priorités: i) renforcement de la prévention et de la détection de la traite; ii) identification, protection et assistance des victimes; iii) analyse et renforcement des connaissances pour une réponse efficace; iv) activation des poursuites judiciaires; et v) coordination et coopération entre institutions et participation de la société civile. La commission observe que le plan attribue au Forum social contre la traite à des fins d’exploitation sexuelle la fonction de suivre et d’évaluer sa mise en œuvre, notamment à travers l’élaboration de rapports annuel d’exécution, et de formuler des propositions pour améliorer l’efficacité des mesures prévues.
La commission note par ailleurs que sur le plan institutionnel, en 2014, le gouvernement a établi la fonction de Rapporteur national sur la traite des êtres humains chargé de suivre les actions, plans et politiques de lutte contre la traite des êtres humains. Le gouvernement indique à cet égard dans son rapport de 2019 que l’existence du Bureau du Rapporteur national répond à la nécessité d’adopter une vision intégrale de la traite au niveau national en réunissant les principaux acteurs de l’administration et les entités spécialisées de la société civile chargées de l’assistance aux victimes. La commission observe également qu’une autre forme de coordination a été mise en place dans le cadre de la commission de suivi du Protocole-cadre de protection des victimes de traite des êtres humains, prévu à l’article 140 du décret royal 557/2011 qui approuve le règlement de la loi 4/2000 des droits et libertés des Étrangers en Espagne. Le protocole-cadre établit les lignes directrices pour l’action et la coordination des différentes entités intervenant dans la détection, l’identification, l’assistance et la protection des victimes de traite.
Le gouvernement indique que, suite à la ratification du Protocole à la convention n° 29, la table de dialogue social a mis à son ordre du jour l’élaboration d’un plan d’action national contre le travail obligatoire et autres activités humaines forcées. Le gouvernement précise dans les informations supplémentaires communiquées en 2020 que l’élaboration d’un Plan stratégique national contre la traite des êtres humains (PENTRA) est en cours d’étude et qu’il couvrira toutes les formes de traite énoncées dans la législation pénale en vigueur, y compris le travail forcé. La commission note à cet égard que, dans ses observations, l’UGT souligne que les plans d’action adoptés précédemment ne couvraient que la traite à des fins d’exploitation sexuelle des femmes, ce qui laisse les victimes de traite à d’autres fins avec une protection moindre. La CCOO regrette également qu’un plan d’action intégral de prévention et d’éradication de la traite à des fins d’exploitation au travail n’ait pas été adopté malgré un projet développé précédemment sous l’égide du ministère de l’Intérieur. Le syndicat exprime sa préoccupation face à la situation de vulnérabilité des travailleurs migrants victimes de traite, de travail forcé, ou d’exploitation, spécialement dans le secteur agricole. La CCOO considère en outre indispensable de poursuivre les travaux législatifs commencés en 2018 pour l’adoption d’une loi intégrale contre la traite des personnes en vue d’une meilleure détection et protection des victimes.
La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le Plan stratégique national de lutte contre la traite des êtres humains (PENTRA) couvre également la traite à des fins d’exploitation au travail et pas uniquement la traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle. Elle prie par ailleurs le gouvernement d’indiquer si le Plan d’action national contre le travail obligatoire et autres activités humaines forcées a été adopté et, le cas échéant, la manière dont sont définies les activités humaines forcées et les pratiques que cette notion recouvre. Sur le plan institutionnel, la commission prie le gouvernement d’indiquer comment est assurée en pratique une coordination et une action systématique de lutte contre l’ensemble des pratiques relevant du travail forcé. Elle souhaiterait à cet égard que le gouvernement fournisse de plus amples informations sur les actions menées par le Rapporteur national sur la traite des êtres humains et sur son interaction avec les autres institutions. Prière également de fournir des informations sur l’évaluation de la politique de lutte contre toutes les formes de travail forcé (traite des personnes et situations d’exploitation au travail relevant du travail forcé).
2. Article 25 de la convention et article 1, paragraphe 1, du protocole. Sanctions. La commission rappelle que plusieurs dispositions du Code pénal incriminent des pratiques relevant de la définition du travail forcé, telles que l’article 177 bis (traite des êtres humains); l’article 187 (prostitution forcée); les articles 311 et 312 (imposition de conditions de travail portant atteinte, supprimant ou restreignant les droits des travailleurs, en recourant à la tromperie ou en abusant d’une situation de nécessité). S’agissant de la répression du crime de traite, la commission note l’action de la Brigade centrale contre la traite des êtres humains, qui, en collaboration avec les autorités judiciaires, de poursuite, de police ou administratives, lutte contre les réseaux et organisations criminelles impliqués dans la traite, l’exploitation au travail ou l’exploitation de la prostitution (Ordre INT/28/2013 du ministère de l’Intérieur). La commission observe également que, suite à l’adoption en juin 2016 de l’instruction 6/16 du secrétariat d’État à la sécurité, des «interlocuteurs sociaux sur la traite des êtres humains» ont été établis au sein de la Police nationale et de la Garde civile. Ces interlocuteurs sociaux assurent la coordination, la coopération et la promotion des mesures de lutte contre la traite dans leur zone de compétence territoriale et servent de points de contact avec les organisations expérimentées en matière d’assistance aux victimes de la traite.
Le gouvernement se réfère également au rôle fondamental de l’inspection du travail dans l’identification des cas de traite et des délits contre les droits des travailleurs, soulignant que les informations recueillies par ses agents constituent un pilier essentiel de la procédure judiciaire ultérieure. Le gouvernement mentionne à cet égard la convention établissant un cadre général de collaboration entre l’inspection du travail et les forces et corps de sécurité en matière de lutte contre l’emploi irrégulier et la fraude à la sécurité sociale qui couvre la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail ainsi que l’exploitation au travail sans traite, et les discriminations graves dans l’emploi. La convention prévoit la constitution de groupes d’intervention mixtes qui, lorsqu’ils constatent des indices de l’existence d’un délit en informent le ministère public et l’autorité judiciaire. En parallèle, l’inspecteur peut initier la procédure sanctionnatrice si les faits constituent également une infraction administrative. La commission observe à cet égard que le Plan directeur pour un emploi digne (2018-2022) se réfère à l’intensification de la coordination entre l’inspection du travail et les forces de l’ordre, prévue dans cette convention de collaboration, ainsi qu’au renforcement des activités de formation de l’inspection. La Commission note que, dans ses informations supplémentaires, le gouvernement indique que la convention de collaboration est en cours de révision.
La commission prend également note des informations fournies sur la formation dispensée aux juges dans le cadre du Plan de formation continue du Conseil général du Pouvoir judiciaire (couvrant notamment l’identification du délit de traite, le cadre juridique et la jurisprudence concernant l’exploitation au travail) ainsi que des statistiques produites par le Ministère public (Fiscalia General del Estado) sur les procédures dans les affaires de traite à des fins d’exploitation sexuelle et les décisions rendues entre 2013 et 2018 (624 procédures initiées, 112 décisions prononcées dont 74 confirmatoires). Par ailleurs, entre avril 2019 et juin 2020, 40 décisions ont été rendues sur la base de l’article 177 bis et 86 sur la base de l’article 311 du Code pénal. La commission observe en outre, d’après les décisions de justice communiquées, qu’il existe une jurisprudence abondante qui a défini et interprété les éléments constitutifs du délit de traite des personnes (art. 177 bis) et les délits prévus aux articles 311 et 312 du Code pénal.
La commission encourage le gouvernement à continuer à prendre des mesures pour renforcer les capacités des acteurs de la chaine pénale ainsi que l’inspection du travail pour parvenir à assurer une meilleure détection et répression des pratiques de traite, tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail, et de toute situation d’exploitation au travail constitutive de travail forcé. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les groupes d’interventions mixtes constitués conformément à la convention établissant le cadre général de collaboration entre l’inspection du travail et les forces et corps de sécurité en matière de lutte contre l’emploi irrégulier, et sur les moyens dont ils disposent. Prière également de continuer à fournir des informations sur les procédures judiciaires engagées pour les délits de traite (art. 177bis) et les délits contre les droits des travailleurs (art. 311 et 312) et sur les sanctions imposées aux auteurs de ces délits.
3. Article 2 du protocole. Prévention. Alinéas a) et b): Sensibilisation, éducation et information. La commission prend note des mesures prises dans le cadre du deuxième Plan intégral de lutte contre la traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle destinées à prévenir et sensibiliser à la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle. Elle note que ces mesures avaient notamment pour objectif de rendre visible la réalité de la traite; sensibiliser sur l’impact de la demande de services sexuels; promouvoir un message de «tolérance 0» par rapport à la traite; réaliser des études pour mieux comprendre les caractéristiques de la traite à des fins d’exploitation sexuelle; compiler les données. À cet égard, la commission observe que le Centre d’intelligence contre le terrorisme et le crime organisé (CITCO) gère une base de données spécifique sur la traite des personnes (BDTRATA) et publie régulièrement des rapports. La commission prie le gouvernement de renforcer les activités de sensibilisation et d’éducation sur la traite des personnes, en particulier à des fins d’exploitation au travail, ainsi que sur les autres formes d’exploitation au travail relevant du travail forcé, notamment dans les secteurs à risque, comme l’agriculture. Prière également de continuer à fournir des informations sur les données compilées et sur les études réalisées à cet égard.
Alinéa c). Renforcement de l’inspection du travail. La commission note que le Plan directeur pour un travail digne 2018-2020 a pour objectif de donner une impulsion qualitative aux actions développées par l’inspection du travail et prévoit des mesures dans les domaines de la protection des droits fondamentaux et la promotion de l’égalité, le renforcement de la lutte contre l’économie irrégulière, la lutte contre l’abus des recours aux contrats à durée déterminée ou encore aux heures supplémentaires non payées. Le gouvernement souligne en se référant à l’expérience acquise par l’inspection du travail dans le domaine de la lutte contre la traite des personnes que si le nombre de cas détectés est faible par rapport au nombre d’interventions, les cas existants constituent une tel recul dans la jouissance des droits du travail les plus basiques qu’il convient de lutter avec tous les moyens possibles. La commission salue la volonté de renforcer les capacités de l’inspection du travail à la prévention et à l’identification d’abus et de violations de la législation du travail qui pourraient être constitutifs de travail forcé et prie le gouvernement de fournir de plus amples informations sur les mesures prises pour permettre à l’inspection d’intervenir dans les secteurs où il est plus difficile d’atteindre les victimes.
Alinéa d). Protection des migrants au cours du processus de recrutement. La commission note les informations fournies par le gouvernement sur les visites d’inspection menées dans le secteur agricole où sont embauchés en grande majorité des travailleurs migrants. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour contrôler le processus de recrutement de ces travailleurs et pour s’assurer que ceux-ci sont correctement informés de leurs conditions d’emploi.
Alinéa e): Appui à la diligence raisonnable des entreprises La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour appuyer à la diligence raisonnable des entreprises.
4. Article 3 du protocole. Identification et protection des victimes. La commission a précédemment noté l’adoption du Protocole-cadre de protection des victimes de traite des êtres humains qui met en œuvre les droits prévus aux articles 140 à 146 du règlement d’application de la loi des droits et libertés des étrangers (loi 4/2000) concernant notamment les informations devant être données aux victimes dans une langue qu’elles comprennent, la période de rétablissement et de réflexion, l’exemption de responsabilité administrative des victimes pour résidence illégale, les autorisations de résidence et de travail pour circonstances exceptionnelles, le retour assisté dans le pays d’origine des victimes. Le Protocole-cadre prévoit que des unités de polices disposent d’une formation spécifique en matière d’identification et d’assistance des victimes. Ce sont elles qui mènent les entretiens avec les victimes. Le processus d’identification d’une victime se fait sur la base d’une liste d’indicateurs. Les autorités policières doivent alors informer les victimes de l’assistance qui peut leur être prodiguée (logement convenable, aide matérielle, assistance psychologique, assistance médicale, services d’interprétation et assistance juridique), et le cas échéant, les mettre en contact avec les services sociaux compétents et les ONGs. La commission note que le deuxième Plan intégral de lutte contre la traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle prévoit le renforcement de l’appui des ONGs et des subventions qui leur sont octroyées.
La commission note par ailleurs que les employeurs qui embauchent pour une durée déterminée ou indéterminée des victimes de traite qui ont obtenu un permis de séjour et de travail en raison de circonstances exceptionnelles, ont droit à une réduction mensuelle de la cotisation de sécurité sociale de l’employeur (loi 26/2015, du 28 juillet, de modification du système de protection de l’enfance et de l’adolescence).
La commission prie le gouvernement de fournir de plus amples informations sur la nature de l’assistance qui est accordée aux victimes de traite ainsi qu’aux victimes d’exploitation au travail relevant du travail forcé (assistance médicale et psychologique, logement, nombre de délais de réflexion, de permis de séjour et de permis de travail octroyés, etc.), en précisant le nombre de victimes qui en ont bénéficié. Observant que la qualité de «victime potentielle de traite» est déterminée par les autorités de police, la commission prie le gouvernement d’indiquer comment les victimes de traite qui ne sont pas identifiées par les autorités de police ou les victimes d’autres pratiques relevant du travail forcé bénéficient des mesures de protection prévues par la convention. Prière de fournir des informations sur la collaboration existant entre les acteurs étatiques et les ONGs en ce qui concerne l’identification et la protection de ces victimes.
5. Article 4, paragraphe 1, du protocole. Accès à des mécanismes de recours et de réparation. La commission rappelle que la loi 4/2015 sur le statut de la victime de délits qui énumère les droits des victimes au cours du procès et en dehors de celui-ci, prévoit une attention spécifique pour les victimes les plus vulnérables, dont font partie les victimes de traite (art. 23). Parmi ces droits, sont garantis les droits des victimes à être entendues et informées sur la procédure pénale, à bénéficier de services de traduction et d’interprétation, au remboursement des frais, et à l’assistance juridique gratuite. La commission prend dument note de la mise en place par le ministère de la Justice de bureaux d’assistance aux victimes, composés de psychologues, avocats et travailleurs sociaux, qui fournissent des informations générales sur les droits des victimes, dont la possibilité d’accéder à un système public d’indemnisation du préjudice subi (art. 27 et 28). À cet égard, la commission note que, selon la loi sur la procédure pénale, les procureurs sont tenus de demander une indemnisation pour les victimes de toute infraction, sauf si la victime renonce expressément à se faire indemniser. En outre, s’agissant de la possibilité pour les juges d’ordonner la saisie des biens, effets, et gains provenant de certains délits dont la traite des personnes et les délits contre les droits des travailleurs (art. 127bis du Code pénal), la commission note la mise en place d’un bureau chargé de récupérer et gérer ces avoirs et de les utiliser pour des activités de prévention et d’assistance aux victimes (Bureau pour le recouvrement et la gestion des avoirs (ORGA), décret royal 948/2015 du 23 octobre 2015).
La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les cas dans lesquels les procureurs ont ordonné l’indemnisation des victimes ainsi que sur les mesures d’exécution prises pour mettre en œuvre les décisions y relatives, notamment dans le cadre du système public d’indemnisation Prière également de fournir des informations sur les actions prises sur la base de l’article 127bis du Code pénal pour confisquer les biens, les avoirs et les gains provenant de la traite et les actions déployées par l’ORGA à cette fin.
6. Article 6. Consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs. La commission note que, dans ses observations, l’UGT indique que, contrairement à ce que prévoit le Protocole à la convention n° 29, aucune référence n’est faite aux partenaires sociaux dans les textes qui mettent en place les mécanismes compétents en matière de lutte contre la traite des personnes et de travail forcé. Selon l’UGT, les partenaires sociaux se retrouvent ainsi par exemple dans l’impossibilité de participer aux programmes développés par les administrations publiques dans le domaine de l’assistance aux victimes de traite et ils ne peuvent pas obtenir les subventions prévues à cet effet. Dans ses observations communiquées avec les informations supplémentaires du gouvernement, l’UGT ajoute que les partenaires sociaux ne sont pas consultés dans le cadre de l’élaboration du PENTRA qui couvrira la traite des personnes et le travail forcé. Le gouvernement indique à ce sujet que le PENTRA, qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale contre le crime organisé et la délinquance grave, est élaboré sous l’égide du Secrétariat d’État à la Sécurité, avec la participation des acteurs impliqués, notamment les entités et organisations spécialisées dans l’assistance et la protection des victimes. Le gouvernement considère que le PENTRA n’est pas conçu comme un plan d’action pour lutter contre le travail forcé au sens de l’article 1 du protocole, et que depuis 2018 un groupe de travail a été constitué sous l’égide du ministère du Travail pour élaborer le Plan national contre le travail obligatoire et autres activités humaines forcées.
La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les organisations d’employeurs et de travailleurs soient consultées dans le cadre de l’élaboration et la mise en œuvre de toute politique ou plan d’action destinés à lutter contre toutes les pratiques relevant de la définition du travail forcé, donnée à l’article 2, paragraphe 1, de la convention. Prière notamment d’indiquer comment les partenaires sociaux peuvent être associés aux actions développées dans le cadre du Protocole-cadre de protection des victimes, en particulier en matière d’identification des victimes.

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, de la convention. Obligation de réaliser des travaux de collaboration sociale pour les bénéficiaires de prestations de chômage.

Dans ses précédents commentaires, la commission a examiné la question de l’obligation pour les personnes bénéficiant de prestations de chômage d’accepter des travaux de collaboration sociale (réglementés par le décret n° 1809/1986). La commission a noté que la CCOO considérait que les chômeurs ne peuvent pas exprimer librement leur consentement à la réalisation de ces travaux dans la mesure où un refus entraîne la suspension de leurs prestations de chômage – prestations auxquelles ils ont droit après avoir préalablement cotisé pendant une certaine période. La CCOO a souligné que l’obligation d’accepter de réaliser des travaux de collaboration sociale s’ajoute à l’obligation d’être à la recherche active d’un emploi; de participer à des programmes d’emploi ou de formation; et d’accepter toute offre de placement adéquat. Le gouvernement a indiqué quant à lui que la participation à ces travaux favorise l’insertion des chômeurs en maintenant leurs aptitudes physiques et professionnelles et que cette participation est exigée quand il n’est pas possible d’incorporer le bénéficiaire des prestations dans le marché du travail. Le gouvernement a précisé que le niveau d’employabilité du chômeur augmente après avoir participé à des travaux de collaboration sociale, en particulier les chômeurs de longue durée. La commission a prié le gouvernement de veiller à ce que le refus d’accepter les travaux de collaboration sociale n’entraîne pas la suspension du droit aux prestations de chômage, en particulier pour les personnes qui viennent de perdre leur emploi et doivent disposer d’une période raisonnable pour rechercher et choisir librement un emploi convenable. Elle a également demandé au gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement des travaux de collaboration sociale dans la pratique.
La commission prend note des informations statistiques communiquées par le gouvernement sur le nombre de personnes accomplissant des travaux de collaboration sociale, leur profil, leur répartition géographique, les secteurs d’activité concernés, etc. Elle note que le gouvernement réitère que l’obligation d’accomplir des travaux de collaboration sociale doit s’appliquer de manière restrictive et concerner les personnes pour lesquelles ce type de relation convient davantage qu’une relation d’emploi normale. Par ailleurs, en cas de mauvaise application de la législation régissant les travaux de collaboration sociale, il existe des mécanismes correctifs, tant administratifs que judiciaires, destinés à prévenir les abus. À cet égard, la CCOO considère que la loi ne prévoit pas une utilisation «restrictive» et qu’il ne convient pas de laisser cette appréciation au bon vouloir des administrations qui gèrent les prestations de chômage. Elle ajoute que la participation à ces travaux peut être exigée des personnes bénéficiaires des prestations de chômage dès le 1er jour de leur période de chômage. La CCOO observe que le faible nombre de sanctions imposées ne signifie aucunement que les bénéficiaires acceptent volontairement ces travaux dans la mesure où un refus entraine la suspension des prestations qui constituent, dans la grande majorité, leur seul moyen de subsistance.
La commission observe que le recours aux travaux de collaboration sociale a augmenté en 2018 pour légèrement diminué en 2019 passant de 1502 en 2017 à 2326 en 2018 et 2127 en 2019. Elle remarque également que certaines communautés autonomes n’y ont pas ou très peu recours. Les personnes qui doivent accomplir ces travaux sont en grande majorité des hommes et les tranches d’âge les plus concernées sont les 55- 59 ans, les plus de 59 ans, suivies des 45-49 ans. Enfin, le gouvernement indique qu’entre 2016 et mai 2020 des mesures de sanctions ont été appliquées à 18 personnes.
La commission rappelle que dans les régimes où le versement des prestations de chômage est soumis à la condition que le bénéficiaire ait travaillé ou cotisé à un régime d’assurance chômage pendant une période minimale et où la période pendant laquelle les prestations sont versées est liée à la durée de la période d’activité, le fait d’exiger en outre du bénéficiaire l’accomplissement de travaux qui ne constituent pas un emploi convenable peut avoir une incidence sur l’application de la convention (voir étude d’ensemble de 2007, Éradiquer le travail forcé, paragr. 129-131 et 205). La commission prie une nouvelle fois le gouvernement de veiller à ce que les personnes qui refusent les travaux de collaboration sociale ne soient pas sanctionnées par la suspension de leurs prestations de chômage quand celles-ci constituent un droit basé sur des contributions préalables. Compte tenu de l’objectif de réinsertion professionnelle poursuivie par la participation aux travaux de collaboration sociale, d’une part, et du faible nombre de refus et de sanctions imposées, d’autre part, la commission encourage le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour prévoir le caractère volontaire de la participation aux travaux de collaboration sociale pour les chômeurs percevant des prestations de chômage basées sur des contributions préalables.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

La commission prend note du rapport du gouvernement, des observations de l’Union générale des travailleurs (UGT) et de la Confédération syndicale de commissions ouvrières (CCOO), reçues respectivement les 22 et 31 août 2016, ainsi que de la réponse du gouvernement à ses observations reçue le 26 octobre 2016.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Traite des personnes. La commission a précédemment noté les mesures de prévention, de coordination et de répression prises pour combattre la traite des personnes et a encouragé le gouvernement à poursuivre sur cette voie en renforçant le volet de la lutte contre la traite à des fins d’exploitation au travail.
Cadre législatif. La commission note que le gouvernement fournit des informations détaillées sur les modifications législatives apportées à plusieurs textes, qui visent à renforcer et à adapter le cadre législatif de lutte contre la traite des personnes. Elle relève notamment:
  • – les modifications apportées à l’article 177 bis du Code pénal incriminant la traite des personnes afin d’inclure la traite ayant pour finalité que la victime commette une infraction au profit de la personne qui l’exploite et les mariages forcés, et de définir la «situation de nécessité ou de vulnérabilité» comme la situation dans laquelle une personne n’a d’alternative, réelle ou acceptable, que de se soumettre à l’abus;
  • – le nouvel article 127 bis du Code pénal qui facilite la confiscation des biens, avoirs et gains provenant de la traite des personnes, qu’elle soit pratiquée ou non dans le cadre d’une organisation criminelle; et la création d’un bureau chargé de récupérer et gérer ces avoirs et de les utiliser pour des activités de prévention et d’assistance aux victimes;
  • – la loi no 4/2015 établissant le statut de la victime d’un délit, qui crée les bureaux d’assistance aux victimes chargés de fournir des orientations et des informations aux victimes sur leurs droits et sur la possibilité d’accéder à un système public d’indemnisation; une protection particulière est prévue pour les victimes les plus vulnérables, parmi lesquelles les victimes de la traite.
Renforcement de la lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail. La commission note que le gouvernement indique que les travaux en vue de l’élaboration du plan intégral de lutte contre la traite des êtres humains aux fins de leur exploitation au travail se poursuivent et que des réunions ont été organisées avec des représentants de différents ministères ainsi que des organisations d’employeurs et de travailleurs. Il se réfère au rôle central joué par l’inspection du travail pour détecter de possibles cas de traite à des fins d’exploitation au travail, notamment dans le cadre de visites conjointes qu’elle mène avec les forces de l’ordre. Dans ce contexte, des formations spécifiques sur la traite à des fins d’exploitation au travail sont prodiguées au personnel des services d’inspection afin qu’il soit en mesure d’identifier les éléments constitutifs de ce délit et, le cas échéant, de transmettre au ministère public un rapport circonstancié sur les faits constatés et les personnes concernées. Le gouvernement transmet également des informations sur les formations dont ont bénéficié les forces de l’ordre (Direction générale de la police et garde civile). La commission note à cet égard que l’UGT regrette l’absence d’un plan spécifique de lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, compte tenu du nombre important de victimes identifiées ou présumées et demande une politique plus ambitieuse dans ce domaine, y compris en termes de protection des victimes.
Répression de la traite. S’agissant de l’application de l’article 177 bis du Code pénal, le gouvernement mentionne plus de 30 décisions de justice prononcées entre 2011 et 2015 en application de cette disposition. Il se réfère également à 15 procédures judiciaires en instance pour traite à des fins d’exploitation au travail qui concernent 111 victimes (en grande majorité des hommes) ainsi que celles en cours en 2015 pour traite à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution forcée. Le gouvernement précise que la lutte contre la traite des personnes constitue une priorité pour la Direction générale de la police et la garde civile qui mènent constamment des opérations aux frontières, dans les moyens de transport et dans les lieux où la présence de personnes victimes d’exploitation est suspectée. Ainsi, s’agissant de la traite à des fins d’exploitation au travail, la police a mené entre 2013 et 2015 plus de 700 interventions, à la suite desquelles plus de 1 100 personnes ont été détenues et 860 victimes libérées. En outre, dans le cadre du Plan policier contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, entre janvier 2015 et mars 2016, 258 opérations de police ont été menées, aboutissant à 805 détentions pour un nombre de victimes présumées de 16 000.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations et encourage le gouvernement à continuer de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la sensibilisation et la formation du personnel de l’inspection du travail, des forces de l’ordre et de la justice aux nouveaux outils que la loi met à leur disposition pour parvenir à une meilleure identification des cas de traite des personnes tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail, et de ce fait assurer la protection des victimes et la répression des auteurs. Elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les procédures judiciaires engagées sur la base de l’article 177 bis du Code pénal, la nature des sanctions imposées, le nombre de victimes ayant bénéficié d’une période de rétablissement et le nombre de celles ayant reçu une indemnisation. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’évaluation qui aura été faite de la politique menée en matière de lutte contre la traite des personnes et sur les obstacles rencontrés en particulier concernant la traite à des fins d’exploitation au travail.
2. Exploitation des travailleurs migrants en situation de vulnérabilité relevant du travail forcé. La commission a précédemment demandé au gouvernement de continuer à prendre des mesures pour renforcer la protection des travailleurs migrants qui, sans être victimes de traite des personnes, se trouvent dans une situation de vulnérabilité aux termes de laquelle un travail forcé pourrait leur être imposé. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement sur la collaboration existant entre l’inspection du travail et les forces de l’ordre dans le cadre du Plan de lutte contre l’emploi irrégulier et la fraude à la sécurité sociale et des actions menées à cette fin. Elle note à cet égard que, si l’UGT indique que l’objectif premier du plan n’est pas la détection de cas de traite ou d’exploitation au travail, mais de déceler les fraudes à la sécurité sociale, le gouvernement considère quant à lui que ce plan constitue l’une des mesures ayant une incidence sur la lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail. C’est pour cela que, selon le gouvernement, il existe une collaboration entre les services de l’inspection du travail et les forces de sécurité qui sont les autorités compétentes pour poursuivre ces délits. L’UGT fait également état d’une lacune dans la protection des travailleurs migrants en situation irrégulière qui sont victimes de travail forcé ou d’exploitation au travail. En effet, contrairement aux victimes présumées de traite, ces derniers ne peuvent bénéficier d’une autorisation de résidence temporaire qu’à l’issue de la décision finale de justice qui reconnaît leur statut de victime, ce qui a pour conséquence que certains peuvent être expulsés avant la fin de la procédure, parce qu’ils sont en situation irrégulière. La commission prie donc le gouvernement de continuer de sensibiliser et former les autorités compétentes à l’identification de situations d’exploitation au travail qui relèveraient du travail forcé et, lorsque ces situations sont constatées, de s’assurer que les victimes présumées sont adéquatement protégées et peuvent faire valoir leurs droits. Prière de fournir des informations précises sur les violations constatées aux articles 311, paragraphe 1, et 312, paragraphe 2, du Code pénal (imposition de conditions de travail portant atteinte ou violant les droits des travailleurs en recourant à la tromperie ou en profitant de l’état de nécessité du travailleur), sur les procédures judiciaires engagées et sur les sanctions prononcées.
3. Obligation de réaliser des travaux de collaboration sociale pour les bénéficiaires de prestations de chômage. La commission note que, dans ses observations, la CCOO considère que la législation qui prévoit l’obligation pour les personnes bénéficiant de prestations de chômage d’accepter des travaux de collaboration sociale est contraire à la convention. La CCOO explique que, pour bénéficier des prestations de chômage, la personne doit avoir cotisé pendant une certaine période et, pour maintenir ce droit, le chômeur doit respecter les obligations suivantes: être à la recherche active d’un emploi; participer à des programmes d’emploi ou de formation; accepter toute offre de placement adéquat; et accepter de réaliser des travaux de collaboration sociale. L’entité gestionnaire des prestations de chômage peut donc exiger des bénéficiaires de prestations de chômage qu’ils réalisent temporairement des travaux de collaboration sociale. La CCOO précise que, pendant qu’ils exécutent ces travaux, les chômeurs ne sont pas protégés par le droit individuel et collectif du travail, notamment en termes de salaire et de sécurité sociale, et ils ne sont plus en mesure de rechercher un emploi. Enfin, le refus de réaliser ces travaux entraîne la suspension du versement des prestations de chômage pendant trois mois. La CCOO considère que le chômeur ne peut pas exprimer librement son consentement à la réalisation de ces travaux dans la mesure où un refus entraîne la perte d’une prestation économique pour lui-même et sa famille. La CCOO souligne en outre que les travaux de collaboration sociale ne peuvent pas être considérés comme un «emploi convenable ou adéquat», puisqu’ils sont à la marge du droit.
Dans sa réponse, le gouvernement indique que les travaux de collaboration sociale sont réglementés par le décret no 1809/1986 tel qu’amendé. La réalisation de ces travaux n’implique pas l’existence d’une relation de travail entre le chômeur et l’entité qui l’accueille. Elle vise à favoriser l’insertion des chômeurs à travers la réalisation d’activités d’utilité sociale en maintenant leurs aptitudes physiques et professionnelles. La réalisation de ces travaux est exigée quand il n’est pas possible d’incorporer le bénéficiaire des prestations dans le marché du travail, à travers un mécanisme qui bénéficie indirectement au travailleur en maintenant le lien avec la vie professionnelle tout en étant utile à la société. Il convient de tenir compte du fait que, en particulier pour les chômeurs de longue durée, après avoir participé à des travaux de collaboration sociale, le niveau d’employabilité du chômeur augmente. Le gouvernement précise que, si la législation n’était pas appliquée correctement, il existe des mécanismes correcteurs, tant administratifs que judiciaires, permettant de rectifier la situation.
La commission rappelle qu’elle a déjà considéré que, dans les régimes où le versement des prestations de chômage est soumis à la condition que le bénéficiaire ait travaillé ou cotisé à un régime d’assurance chômage pendant une période minimale et où la période pendant laquelle les prestations sont versées est liée à la durée de la période d’activité, le fait d’exiger en outre du bénéficiaire l’accomplissement de travaux qui ne constituent pas un emploi convenable peut avoir une incidence sur l’application de la convention (voir étude d’ensemble intitulée Eradiquer le travail forcé, 2007, paragr. 129-131 et 205). Par conséquent, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que le refus d’accepter les travaux de collaboration sociale n’entraîne pas la suspension du droit aux prestations de chômage, en particulier pour les personnes qui viennent de perdre leur emploi et doivent disposer d’une période raisonnable pour rechercher et choisir librement un emploi convenable. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement des travaux de collaboration sociale dans la pratique, y compris sur le nombre de chômeurs à qui des travaux de collaboration sociale ont été imposés, le nombre de ceux ayant refusé et les raisons invoquées pour un tel refus et le nombre de ceux ayant perdu leurs prestations de chômage pour avoir refusé de réaliser ces travaux.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des observations communiquées par l’Union générale des travailleurs (UGT) en septembre 2013 et de la réponse du gouvernement.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1.   Traite des personnes. La commission a précédemment noté l’engagement du gouvernement à combattre la traite des personnes à travers notamment le renforcement du cadre législatif, en ajoutant au Code pénal un titre consacré à la traite des êtres humains et en complétant la loi sur les droits et libertés des étrangers en Espagne; l’adoption du Plan intégral de lutte contre la traite des êtres humains aux fins de leur exploitation sexuelle; le rôle spécifique joué par l’inspection du travail dans la détection des conduites délictuelles relevant de l’exploitation au travail ou de la traite des personnes.
Dans son dernier rapport, le gouvernement fournit des informations détaillées sur les activités de coordination, de prévention, et de répression menées par les différentes entités qui interviennent dans la lutte contre la traite des personnes et notamment les services d’inspection du travail dans le cadre de la lutte contre l’«économie irrégulière». Le gouvernement souligne en particulier le rôle joué par le Plan de lutte contre l’emploi irrégulier et la fraude à la sécurité sociale adopté en avril 2012. Il se réfère au Protocole-cadre de protection des victimes de la traite des êtres humains qui constitue l’outil à travers lequel une protection intégrale est assurée aux victimes et leurs droits sont garantis. Dans le cadre de ce protocole, les inspecteurs du travail des différentes provinces ont bénéficié en 2013 de formations sur la traite des personnes aux fins d’exploitation au travail. Le gouvernement souligne que la question de la protection des victimes passe par leur identification et, à cette fin, les forces de sécurité (garde civile et police judiciaire) ont émis des instructions sur les procédures à suivre lors des investigations menées dans les secteurs d’activités à risque. La garde civile développe également ses propres activités de formation.
S’agissant des procédures judiciaires engagées en vertu de l’article 177bis du Code pénal, le gouvernement indique que cinq procédures judiciaires ont abouti à des procès aux termes desquels le tribunal a prononcé des condamnations. De manière plus générale, le Corps national de police a placé en détention provisoire en 2011, 2012 et 2013 (premier semestre) respectivement 706, 549 et 219 personnes pour traite à des fins d’exploitation au travail et 750, 783 et 553 personnes pour traite à des fins d’exploitation sexuelle. Le gouvernement décrit également la procédure à travers laquelle les services d’inspection du travail transmettent au ministère public les affaires dans lesquelles ils constatent des éléments constitutifs d’une situation de traite des personnes, ainsi que les activités de coordination développées par le ministère public avec l’ensemble des institutions publiques qui interviennent pour réprimer ce délit et protéger les victimes.
Dans ses observations, l’UGT regrette que le Plan intégral de lutte contre la traite des êtres humains aux fins de leur exploitation au travail, préparé conjointement avec les différentes entités étatiques concernées et les partenaires sociaux, n’ait toujours pas été adopté dans la mesure où ce plan constitue un instrument essentiel pour renforcer la coordination des actions menées pour lutter contre la traite. Le syndicat exprime également sa préoccupation face à l’absence de budget alloué à la protection des victimes de traite aux fins d’exploitation au travail qui ne disposent pas d’une structure publique qui leur offre un appui psychologique, social et médical.
La commission note le rapport détaillé publié le 27 septembre 2013 par le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) concernant l’application par l’Espagne de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. La commission note également le rapport publié en 2012 par la Défenseur du Peuple intitulé «La traite des êtres humains en Espagne: Victimes invisibles». La commission partage les recommandations formulées par ces deux entités pour améliorer la lutte contre la traite des personnes.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations et encourage le gouvernement à poursuivre sur cette voie. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les points suivants:
  • -l’adoption du plan intégral de lutte contre la traite des êtres humains aux fins de leur exploitation au travail;
  • -l’évaluation de la mise en œuvre du Plan intégral de lutte contre la traite des êtres humains aux fins de leur exploitation sexuelle (2009-2012); les recommandations formulées dans le contexte de cette évaluation et les mesures prises pour surmonter les difficultés identifiées;
  • -les procédures judiciaires engagées en vertu de l’article 177bis du Code pénal et les mesures prises pour renforcer la capacité des autorités qui interviennent dans la lutte contre la traite ainsi que leur coordination;
  • -le renforcement de la protection des victimes, en particulier les victimes de la traite à des fins d’exploitation au travail.
2. Exploitation des travailleurs en situation de vulnérabilité relevant du travail forcé. En réponse aux commentaires de la commission, le gouvernement se réfère au plan de lutte contre l’emploi irrégulier et la fraude à la sécurité sociale de 2012 ainsi qu’à la signature de la convention de collaboration entre le ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale et le ministère de l’Intérieur pour renforcer les mécanismes de coopération et de coordination entre les services de ces deux ministères. Cette convention vise à intensifier les actions conjointes permettant de détecter les faits pouvant être constitutifs de délits pénaux et ainsi pouvoir enquêter de manière plus rapide et plus efficace sur ces délits. En 2011, 287 enquêtes préliminaires ont été ouvertes et 22 mises en examen pour délit d’exploitation au travail ont été prononcées sur le fondement de l’article 312, paragraphe 2, du Code pénal.
La commission prend note de ces informations et prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour renforcer la protection des travailleurs migrants qui, sans être victimes de traite des personnes, se trouvent dans une situation de vulnérabilité aux termes de laquelle un travail pourrait leur être imposé dans des conditions relevant du travail forcé. Prière de continuer à fournir des informations sur les enquêtes et procédures judiciaires initiées, ainsi que sur les sanctions prononcées sur la base des articles 311 et 312, paragraphe 2, du Code pénal (imposition de conditions de travail contraires à la loi en recourant à la tromperie ou en profitant de l’état de nécessité du travailleur).

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

La commission prend note des informations statistiques communiquées par le gouvernement au sujet des visites menées par les services de l’inspection du travail afin de vérifier le respect des droits au travail et à la sécurité sociale, ainsi que des règles de sécurité et santé au travail des détenus travaillant dans le cadre d’une relation de travail de caractère spécial.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Traite des personnes. Se référant à ses précédents commentaires, la commission note les mesures prises par le gouvernement pour renforcer son cadre législatif et institutionnel de lutte contre la traite des personnes. La commission note ainsi avec intérêt que, suite à l’adoption de la loi no 5/2010 du 22 juin 2010, un titre consacré à la traite des êtres humains a été incorporé dans le Code pénal. L’article 177bis définit de manière détaillée les éléments constitutifs de la traite des êtres humains (tant à des fins d’imposition de travail ou de services forcés qu’à des fins d’exploitation sexuelle) et prévoit des peines de prison allant de cinq à huit ans qui peuvent être alourdies en cas de constatation de circonstances aggravantes. La commission relève également que la législation sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur insertion sociale a été modifiée (loi no 2/2009 du 11 décembre 2009 et décret royal no 557/2011 du 20 avril 2011) afin d’encourager la coopération des victimes avec les autorités d’investigation, notamment en leur accordant une période de rétablissement et de réflexion ainsi que la possibilité de résider et de travailler sur le territoire national, dans des circonstances exceptionnelles tenant à leur association à la procédure judiciaire ou à leur situation personnelle. Le gouvernement indique également que, après l’approbation en 2009 du Plan intégral de lutte contre la traite des êtres humains aux fins de leur exploitation sexuelle (2009-2012), un deuxième plan d’action a été élaboré fin décembre 2010 concernant spécifiquement la traite des êtres humains aux fins de leur exploitation au travail. Dans ce contexte, des mesures doivent être adoptées en ce qui concerne l’évaluation du phénomène, la prévention, la répression ainsi que la protection des victimes. Le gouvernement souligne également le rôle spécifique de l’inspection du travail qui, dans le cadre de son action de lutte contre «l’économie irrégulière», peut détecter des conduites délictuelles relevant de l’exploitation au travail ou sexuelle ou de la traite aux fins d’exploitation et, le cas échéant, transmet pour action au ministère public (Ministerio Fiscal) un procès-verbal circonstancié des faits constatés. A cet égard, l’inspection du travail a élaboré une liste d’indicateurs de la traite aux fins d’exploitation au travail et prépare un guide concernant l’action des inspecteurs et inspecteurs adjoints dans ce domaine, ces derniers devant bénéficier d’une formation spécifique. Enfin, le gouvernement fournit des informations statistiques sur les visites menées par l’inspection du travail en coopération avec les forces et corps de sécurité dans le cadre du travail forcé et en matière de contrôle de «l’économie irrégulière». En 2010, sur les 822 visites ayant constaté des situations de travail forcé, 364 concernaient des cas d’exploitation au travail sans traite, 134 des cas de traite aux fins d’exploitation sexuelle, 124 des cas d’exploitation sexuelle sans traite et six des cas de traite aux fins d’exploitation au travail. Le gouvernement précise que les données de l’inspection du travail ne permettent pas de donner un tableau complet de la situation et doivent être affinées avec celles du ministère public et des forces de sécurité de l’Etat qui sont les institutions compétentes pour poursuivre ces délits.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations qui témoignent de l’engagement du gouvernement à lutter contre la traite des personnes. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la mise en œuvre du Plan intégral de lutte contre la traite des êtres humains aux fins de leur exploitation sexuelle (2009-2012), et notamment sur l’évaluation qui en aura été faite par le groupe interministériel de coordination et sur les rapports annuels établis à cet égard par cet organe. Prière également d’indiquer si le Plan intégral de lutte contre la traite des êtres humains aux fins de leur exploitation au travail a été adopté et si des mesures ont été prises pour le mettre en œuvre. La commission souhaiterait en outre que le gouvernement communique des informations statistiques sur les procédures judiciaires engagées en vertu du nouvel article 177bis du Code pénal. A cet égard, prière d’indiquer les mesures prises pour renforcer les moyens et les capacités des organes chargés de contrôler l’application de la loi (inspection du travail, forces de sécurité, ministère public et magistrature) et pour assurer une coopération efficace entre ces organes. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer la protection des victimes (par exemple à travers la création de structures destinées à leur apporter un appui psychologique, médical et social) et pour leur permettre de faire valoir leurs droits. Prière d’indiquer le nombre de victimes ayant bénéficié d’une période de rétablissement et de réflexion ainsi que le nombre de celles ayant obtenu un titre de résidence ou de travail comme le prévoit la législation sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur insertion sociale.
2. Exploitation des travailleurs en situation de vulnérabilité relevant du travail forcé. La commission relève, d’après les statistiques communiquées par le gouvernement sur les visites des services de l’inspection du travail menées en 2010 et ayant débouché sur la constatation de situations de travail forcé, que la majorité de ces situations concernaient des cas d’exploitation au travail sans traite. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les actions menées par les services d’inspection du travail pour identifier les situations d’exploitation au travail relevant du travail forcé, les sanctions imposées et sur la manière dont ces situations sont transmises au ministère public afin qu’il initie les poursuites judiciaires appropriées, conformément aux dispositions pertinentes du Code pénal. A cet égard, la commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de poursuites initiées ainsi que sur les sanctions pénales imposées.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement au sujet de la traite des personnes et des mesures prises pour la combattre.

Le gouvernement indique dans son rapport que les formes nouvelles et l’évolution de l’organisation socio-économique que la mondialisation a permises ont eu aussi pour effets négatifs l’accroissement des réseaux criminels organisés et leur intervention dans la traite de personnes, ce qui débouche sur de nouvelles formes d’exploitation au travail. C’est particulièrement le cas des travailleurs migrants, qui sont soumis à des situations d’exploitation au travail dans des conditions qui sont manifestement contraires à la liberté et à la dignité des personnes et qui pourraient constituer de nouvelles formes d’esclavage.

La commission prend note avec intérêt des informations relatives à l’action des autorités d’inspection en ce qui concerne la traite des personnes, dans les activités économiques informelles ou dans l’économie souterraine, qui ont été menées avec la collaboration des forces de sécurité de l’Etat. Selon les résultats des inspections, 22 cas d’exploitation au travail ont été constatés dont 12 cas de traite. En ce qui concerne l’exploitation sexuelle, l’inspection de dix provinces a permis de constater quatre cas de réseaux organisés d’exploitation de personnes et six cas de traite; 85 pour cent des personnes touchées sont des femmes. Le gouvernement ajoute que, à l’évidence, la plupart des cas d’exploitation sexuelle et d’exploitation au travail touchent la population étrangère migrante extracommunautaire – 1 120 travailleurs sur 1 1558 travailleurs touchés, soit 97,22 pour cent.

Afin de coordonner les différentes compétences nécessaires pour lutter contre ces pratiques, un protocole de collaboration a été conclu en avril 2008 par le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Justice et le ministère du Travail et de l’Immigration, ce dernier étant représenté par l’inspection du travail et de la sécurité sociale. Entre autres, le protocole porte sur le contrôle et le suivi des réseaux criminels organisés en vue de l’exploitation au travail. Le groupe devra élaborer le projet de plan national contre la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation par le travail.

La commission note qu’a été adopté le Plan intégral de lutte contre la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, qui prévoit des mesures de protection des victimes. La commission note aussi que le parlement examine actuellement une réforme du Code pénal qui définit les éléments constitutifs et aggrave les sanctions des délits relatifs à la traite des personnes en vue de l’exploitation de leur travail ou de leurs services, y compris le travail ou les services forcés, l’esclavage ou des pratiques analogues à l’esclavage ou à la servitude. La commission note, à la lecture des informations communiquées par le gouvernement, que les actes délictueux qui ne constituent pas des infractions au droit du travail mais des délits contre la liberté et la dignité de la personne sont traités par les forces de police et par la Guardia Civil et transmis aux services du Procureur général de l’Etat, ce qui ne permet pas à l’inspection du travail de connaître la qualification pénale qui aura été retenue.

La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour lutter contre la traite des personnes, laquelle constitue une grave violation de la convention. Prière en particulier de communiquer des informations relatives aux mesures prises par les services du Procureur général de l’Etat sur les poursuites intentées et les sanctions infligées aux responsables de la traite des personnes. La commission rappelle que, en vertu de l’article 25 de la convention, le fait d’exiger du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales qui doivent être réellement efficaces et strictement appliquées. La commission prie aussi le gouvernement de fournir des informations au sujet des résultats de la réforme en cours du Code pénal.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

Article 2, paragraphe 2 c), de la conventionTravaux d’intérêt général. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles l’article 49 du Code pénal concernant les travaux d’intérêt général a été modifié. Aux termes de cet article, les travaux d’intérêt général, qui ne peuvent être imposés sans le consentement du condamné, obligent ce dernier à participer, sans percevoir de rémunération, à l’exécution de certaines activités d’utilité publique qui pourront prendre la forme de travaux de réparation des dommages causés ou de travaux d’appui ou d’assistance aux victimes. La commission note que les travaux d’intérêt général peuvent être exécutés au sein d’associations d’intérêt général (art. 49, paragr. 1) et que l’administration pourra conclure les conventions pertinentes à cet effet. La commission constate que l’exécution de ces travaux ne doit pas être subordonnée à la recherche d’un intérêt économique.

La commission prie le gouvernement d’indiquer les critères utilisés par l’administration pour la reconnaissance des associations d’intérêt général au sein desquelles ces travaux peuvent être exécutés et, le cas échéant, la liste de ces associations.

Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

Depuis de nombreuses années, la commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que le caractère volontaire du travail des prisonniers pour le compte d’entreprises privées ne ressort pas formellement des dispositions de la législation nationale réglementant le travail pénitentiaire. En effet, tant la loi organique générale pénitentiaire (loi no 1/1979, art. 26) que le règlement pénitentiaire (décret royal no 190/96, art. 132 et 133) disposent que le travail pénitentiaire à caractère productif est un droit et un devoir du détenu. La commission a à cet égard noté les informations du gouvernement selon lesquelles, d’une part, le travail des prisonniers est libre et, d’autre part, l’expression «le travail est un droit et un devoir du détenu» ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Elle correspond en effet à l’article 35 de la Constitution espagnole selon lequel «tous les espagnols ont le droit et le devoir de travailler». Considérant qu’il ne ressort pas formellement des dispositions de la législation précitées que le travail productif des prisonniers, réalisé pour le compte d’autrui dans les ateliers de production des centres pénitentiaires ou à l’extérieur, revêt un caractère volontaire, la commission a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour aligner le droit positif sur la pratique, telle qu’elle ressort des informations communiquées par le gouvernement. La commission note avec regret que le gouvernement n’a pas profité de l’adoption du décret royal no 782/2001 qui réglemente la relation de travail à caractère spécial des prisonniers travaillant dans les ateliers pénitentiaires et qui abroge certaines dispositions du règlement pénitentiaire (décret royal no 190/96), pour modifier les dispositions des articles 132 et 133 du règlement pénitentiaire. Elle espère qu’à l’occasion d’une prochaine modification de la législation le gouvernement tiendra compte de ses commentaires afin que la législation prévoie expressément le caractère volontaire du travail des prisonniers réalisé pour le compte d’autrui dans les ateliers de production des centres pénitentiaires ou à l’extérieur des prisons pour des entreprises privées. Par ailleurs, la commission note avec intérêt les informations communiquées par le gouvernement dans ses derniers rapports sur la rémunération des prisonniers et les prestations de sécurité sociale dont ils bénéficient. La commission note également avec intérêt que l’inspection du travail et de la sécurité sociale est chargée de veiller au respect des droits des prisonniers travaillant dans les ateliers productifs des centres pénitentiaires, en matière de salaire, temps de travail, sécurité et hygiène et sécurité sociale.

Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Se référant à ses commentaires antérieurs, la commission rappelle qu'elle avait relevé que le règlement pénitentiaire (R.D. 1201/81) ne spécifiait pas clairement le caractère volontaire du travail des condamnés pour le compte d'entreprises privées. La commission note les explications supplémentaires fournies à cet égard par le gouvernement se rapportant en particulier à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en la matière. Cette dernière a reconnu notamment que le droit à un travail rémunéré est un droit fondamental du détenu et a établi l'obligation de prévoir dans le cadre de l'organisation pénitentiaire suffisamment de postes de travail pour tous les détenus. Il ressort de la jurisprudence que l'organisme autonome du travail et des prestations pénitentiaires rencontre des difficultés pour proposer du travail à tous les détenus, ce qui a occasionné de nombreux recours. La commission note ces informations avec intérêt. Elle renvoie aux commentaires formulés aux paragraphes 116 à 125 de son rapport général de 1998, concernant les exigences de la convention par rapport au travail des condamnés effectué pour le compte d'entreprises privées et invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour intégrer la pratique et la jurisprudence dans le droit positif, en ce qui concerne particulièrement le caractère volontaire de ce travail. La commission prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport comment, en pratique, le travail des prisonniers pour les entreprises privées est organisé et rémunéré, en fournissant des exemples, y compris sur l'intégration de ce travail dans le système de sécurité sociale. Elle prie en outre le gouvernement de communiquer des informations sur toute autre mesure prise à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

Dans son observation antérieure, la commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour instituer le caractère volontaire du travail des condamnés pour le compte d'entreprises privées, ce que le règlement pénitentiaire (R.D. 1201/81) ne spécifiait pas clairement.

La commission prend note du décret royal 190/96 du 9 février 1996, portant approbation du nouveau règlement pénitentiaire. Aux termes de l'article 132 de ce nouveau règlement, le travail pénitentiaire à caractère productif est un droit et un devoir du détenu. Selon l'article 133,1) de ce même règlement, tous les condamnés ont le devoir de travailler, à l'exception de ceux qui sont soumis à un traitement médical, de ceux qui sont atteints d'une incapacité permanente, des plus de 65 ans, des bénéficiaires d'une prestation de retraite, des femmes enceintes et des détenus qui ne peuvent travailler pour des raisons de force majeure.

Le gouvernement indique dans son rapport que le travail des condamnés est libre; que l'expression "le travail est un droit et un devoir du détenu" (art. 132 du règlement pénitentiaire) est similaire à celle de l'article 35 de la Constitution espagnole, selon laquelle "tous les Espagnols ont le devoir de travailler", et que le fait de voir dans cette formule l'expression d'un travail forcé suppose une interprétation réductrice et partielle de sa teneur littérale.

La commission note que le gouvernement réitère ses déclarations antérieures, à savoir que le travail des condamnés est volontaire; elle observe cependant que cette pratique ne correspond pas à la teneur des articles 132 et 133,1) du règlement pénitentiaire, qui instituent le caractère obligatoire du travail pénitentiaire.

La commission regrette de constater que l'adoption du nouveau règlement pénitentiaire n'a pas permis de rendre la législation formellement conforme aux exigences de la convention, et espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que le droit positif reflète la pratique qui, selon le gouvernement, existe déjà.

La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement concernant la rémunération du travail productif dans la relation spéciale de travail pénitentiaire.

Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

Dans des commentaires antérieurs, la commission s'était référée aux observations de la Confédération syndicale des commissions ouvrières sur l'application de la convention, selon lesquelles les prisonniers ne bénéficiaient pas des conditions de travail prévues dans les conventions collectives quant à la durée du travail, à la rémunération ou à d'autres avantages, ni des mêmes conditions d'affiliation au régime de sécurité sociale que les autres travailleurs. La commission avait également observé que le libre consentement du prisonnier pour travailler dans des entreprises privées n'était pas clairement établi par le décret royal no 1201/81 portant règlement pénitentiaire.

a) Concernant le libre consentement de la personne condamnée, la commission note, d'après les indications du gouvernement, que les prisonniers qui souhaitent travailler sous la tutelle de l'organisme autonome "Travaux pénitentiaires" en font volontairement la demande et que l'on procède ensuite à une sélection. Le gouvernement ajoute que ce système s'appuie sur l'article 183, 3), du règlement pénitentiaire.

La commission constate à cet égard que ledit article se réfère aux personnes soumises à la détention préventive qui, aux termes de la convention, ne doivent pas être contraintes de travailler mais peuvent le faire, si elles le désirent, de façon purement volontaire. En ce qui concerne les personnes condamnées, la commission prie une fois de plus le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour consacrer le caractère volontaire du travail des prisonniers pour le compte d'entreprises privées.

b) La commission avait sollicité du gouvernement des informations sur les normes déterminées par l'organisme autonome "Travaux pénitentiaires" pour la fixation du salaire minimum interprofessionnel, ainsi qu'une copie des contrats conclus entre des entreprises privées et des détenus.

S'agissant de la question des salaires, la commission prend note des commentaires formulés par la Confédération syndicale des commissions ouvrières et joints par le gouvernement à son rapport, selon lesquels les salaires des prisonniers qui offrent leurs services à des entreprises privées sont fixés, sans l'intervention des détenus ni de leurs représentants, en conformité avec les normes de l'organisme autonome "Travaux pénitentiaires".

Le gouvernement indique dans son rapport que les contrats passés entre les détenus et des entreprises privées appliquent les conditions de rétribution propres au secteur correspondant suivant la situation du marché du travail et que, dans les cas où l'organisme "Travaux pénitentiaires" est l'employeur, on applique les normes qui régissent les relations de travail spéciales conformément au règlement pénitentiaire.

La commission prie le gouvernement de communiquer les normes déterminées par l'organisme "Travaux pénitentiaires" pour la fixation du salaire minimum interprofessionnel et prend note de l'exemplaire de contrat conclu entre un détenu et une entreprise privée communiqué par le gouvernement, contrat de durée déterminée dans lequel, selon le gouvernement, n'intervient pas l'organisme autonome. La commission note que, dans ce cas, les conditions de rémunération du secteur ont été appliquées.

Observation (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

Dans des commentaires antérieurs, la commission avait noté les observations de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CC.OO.) sur l'application de la convention, alléguant que les prisonniers ne bénéficient pas des conditions de travail prévues dans les conventions collectives, quant à la durée du travail, à la rémunération ou à d'autres avantages, ainsi qu'en ce qui concerne les conditions d'affiliation au régime de sécurité sociale.

La commission note que la CC.OO. a réitéré ses allégations dans des commentaires communiqués par le gouvernement avec son rapport reçu en novembre 1991.

La commission a également observé que le libre consentement du détenu pour travailler dans des entreprises privées n'est pas clairement établi par le décret royal no 1201/81 portant règlement pénitentiaire.

Afin de pouvoir apprécier la situation dans la pratique, la commission demandait au gouvernement de communiquer copie des conventions qui ont été signées entre des prisonniers et des entreprises privées, ainsi que toute autre information intéressant les conditions de travail des prisonniers au service de telles entreprises.

La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement en relation avec les diverses modalités de travail pénitentiaire.

La commission relève que dans la pratique, selon le gouvernement, la volonté des détenus de travailler pour des entreprises particulières ne présente pas de difficultés, étant donné que le travail en régime ouvert est d'un grand intérêt pour eux et qu'en outre il est comparable aux relations de travail quant à la rétribution et à la sécurité sociale. Le gouvernement souligne également que le travail productif est soumis à la législation du travail (art. 185.1.c), 185.2, 186.1, 189 et 191 du décret royal précité), ce qui implique qu'il est exécuté volontairement et que les normes spécifiques du règlement lui sont applicables.

La commission prend dûment note de ces indications et prie le gouvernement de communiquer copie des conventions qui ont été signées entre des entreprises privées et des détenus, ratifiées ou non par la direction de l'établissement pénitentiaire.

La commission note qu'en vertu de la cinquième clause du modèle de contrat entre l'organisme autonome "Travaux pénitentiaires" et les entreprises privées, communiquée par le gouvernement, le "salaire minimum interprofessionnel est fixé, au moment de l'établissement du contrat, d'accord avec les normes déterminées par l'organisme autonome "Travaux pénitentiaires"".

La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les normes déterminées par l'organisme autonome "Travaux pénitentiaires" pour la fixation du salaire minimum interprofessionnel et de communiquer le montant des salaires effectivement payés en vertu des contrats de collaboration.

Observation (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

Dans son observation antérieure, la commission a observé que le libre consentement des prisonniers pour travailler au service d'entreprises privées n'est pas clairement établi dans le règlement pénitentiaire (RD no 1201/81).

La commission avait noté les commentaires sur l'application de la convention de la Confédération syndicale des commissions ouvrières alléguant que les prisonniers ne bénéficient pas des conditions de travail prévues dans les conventions quant à la durée du travail, à la rémunération ou à d'autres avantages. La confédération ajoutait que leurs conditions quant au régime de sécurité sociale ne sont pas les mêmes que celles des autres travailleurs.

Dans son rapport, le gouvernement déclare de nouveau que le travail pénitentiaire productif est soumis à la législation du travail (art. 185 1) c) et 2), 186 1), 189 et 191 du règlement), ce qui implique qu'il est exécuté volontairement et que les normes spécifiques du règlement lui sont applicables.

Afin de pouvoir apprécier la situation dans la pratique, la commission prie le gouvernement de communiquer copie des conventions qui ont été signées entre les établissements pénitentiaires et les entreprises privées, copie des contrats signés entre les prisonniers et de telles entreprises, ainsi que toute autre information intéressant les conditions de travail des prisonniers au service d'entreprises privées.

Afin d'éviter toute ambiguïté, la commission prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour établir la nature volontaire du travail exécuté par les prisonniers au service d'entreprises privées, à savoir leur consentement exprès et les conditions d'une relation libre de travail.

Observation (CEACR) - adoptée 1990, publiée 77ème session CIT (1990)

Dans son observation antérieure, la commission s'était référée au projet de décret royal réglementant les relations de travail pénitentiaires et avait noté que ce projet n'était pas concrétisé sous forme de norme car il avait été considéré que la loi organique pénitentiaire générale et le règlement pénitentiaire contenaient des dispositions suffisamment amples et détaillées pour servir de cadre juridique approprié au travail pénitentiaire.

La commission avait relevé également que, selon la Confédération syndicale des commissions ouvrières, le gouvernement devrait édicter une réglementation spéciale sur le travail libre et rémunéré des détenus afin de mieux appliquer la convention.

Dans son dernier rapport, le gouvernement indique à nouveau que le projet susvisé n'a pas été adopté et que, pour le moment, il n'est pas possible de le faire car le délai légal pour effectuer cette tâche a expiré et une nouvelle habilitation légale serait nécessaire à cet effet. Par conséquent, le travail pénitentiaire continue à être régi par la loi organique pénitentiaire générale (loi no 1/79) et le règlement pénitentiaire (RD 1201/81).

La commission se réfère à l'article 183 du règlement pénitentiaire, en vertu duquel tous les détenus sont obligés de travailler selon leurs aptitudes physiques et mentales. Ce règlement prévoit le mode de travail en régime ouvert, moyennant la conclusion de contrats ordinaires avec des entreprises de l'extérieur. La commission avait rappelé dans des commentaires précédents que, comme il est indiqué aux paragraphes 97 à 99 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, le travail des prisonniers au service des employeurs privés n'est compatible avec la convention que dans des conditions d'une relation libre de travail, c'est-à-dire si les intéressés acceptent volontairement leur emploi, sous réserve de certaines garanties, notamment en matière de salaire et de sécurité sociale, négociées dans des cas appropriés avec le consentement des syndicats.

Dans son rapport, le gouvernement déclare que le travail pénitentiaire productif est soumis à la législation du travail (art. 185 1) c) et 2) du règlement), ce qui implique qu'il est exécuté volontairement et que les normes spécifiques du règlement s'appliquent.

La commission note les commentaires sur l'application de la convention de la Confédération syndicale des commissions ouvrières alléguant que les personnes ne bénéficient pas des conditions de travail prévues dans les conventions quant à la durée du travail, à la rémunération ou à d'autres avantages. Elle ajoute que leurs conditions quant au régime de sécurité sociale ne sont pas non plus les mêmes que celles des autres travailleurs.

La commission fait observer que le libre consentement du prisonnier pour travailler dans une entreprise privée n'est pas clairement établi dans le règlement pénitentiaire; au surplus, celui-ci, en se référant explicitement à l'extinction du contrat de travail du prisonnier en régime ouvert, laquelle doit être régie par la législation générale du travail (art. 188), et en soulignant sans équivoque le caractère volontaire du travail des prévenus, paraît souligner le caractère obligatoire du travail des prisonniers condamnés.

La commission prie le gouvernement de l'informer sur les mesures prises ou envisagées pour assurer la nature volontaire du travail exécuté par des prisonniers au service d'entreprises privées, à savoir leur consentement exprès et les conditions d'une relation libre de travail. Elle prie en outre le gouvernement de communiquer copie des conventions qui ont été signées entre des établissements pénitentiaires et des entreprises privées, ainsi que toute autre information sur les conditions de travail des prisonniers au service de telles entreprises.

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