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Rapport intérimaire - Rapport No. 6, 1953

Cas no 3 (République dominicaine) - Date de la plainte: 29-SEPT.-50 - Clos

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  • Plaintes présentées par plusieurs dirigeants de syndicats dominicains en exil et par la Confédération interaméricaine des travailleurs contre le gouvernement de la République dominicaine

A. Historique du cas

A. Historique du cas
  1. 1014. Le Conseil d'administration se rappellera que l'examen de ces plaintes a passé par plusieurs étapes.
  2. 1015. A sa 118ème session (Genève, 11-14 mars 1952), il avait estimé que le cas appelait un examen plus approfondi (cf. premier rapport du Comité de la liberté syndicale, paragraphes 130-141 et troisième rapport du Comité, para graphe 5). Il avait, d'autre part, décidé de donner au gouvernement de la République dominicaine la possibilité de discuter avec le Comité de la liberté syndicale les différents points de la plainte avant que le Comité lui soumette une recommandation ultérieure en la matière (cf. premier rapport du Comité, paragraphe 142).
  3. 1016. A sa réunion du 29 mai 1952, le Comité a entendu M. Franco-Franco, représentant du gouvernement de la République dominicaine et a pris acte de la déclaration faite par celui-ci et selon laquelle le gouvernement donnait son accord à l'envoi d'une mission de l'O.I.T et entérinait l'invitation qui avait été adressée au Directeur général du B.I.T par la Confédération des travailleurs dominicains.
  4. 1017. Cette déclaration a été confirmée par une lettre du 2 juin 1952 que le représentant du gouvernement de la République dominicaine avait adressée au président du Comité. Cette lettre était conçue dans les termes suivants:
  5. 1. Au cours de la séance que le Comité de la liberté syndicale a consacrée sous votre digne présidence à un examen de la plainte présentée par les soi-disant « dirigeants ouvriers dominicains en exil» contre le gouvernement de mon pays, j'ai eu hâte de répondre affirmativement à la question qu'on m'a posée, à savoir si je croyais que mon gouvernement considérerait favorablement l'envoi d'une mission par l'O.I.T à la République dominicaine pour donner suite à l'invitation faite par la Confédération des travailleurs dominicains.
    • J'ai l'honneur de confirmer par la présente cette réponse, et comme j'ai eu l'occasion de vous le déclarer lors de la visite que je vous ai faite le 31 mai dernier, j'ai le plaisir de répéter que mon gouvernement a considéré favorablement l'invitation que la Confédération des travailleurs dominicains, organisation syndicale indépendante et libre, la plus représentative des organisations de la République, a présentée afin que la mission en question pût examiner objectivement sur place la véritable situation des travailleurs de notre pays.
  6. 2. A la même séance du 29 mai 1952, j'ai eu l'occasion de fournir au Comité, au nom et en représentation de mon gouvernement, les éléments de preuve concernant les points suivants: 1) les accusations ont été formulées par des individus sans autorité et titre, inspirés par le seul intérêt politique ; elles ont été présentées avec passion politique de manière à surprendre la bonne foi de la Confédération interaméricaine des travailleurs; 2) la législation en vigueur dans la République garantit la pleine liberté et l'indépendance des syndicats vis-à-vis du gouvernement, ayant été prouvé en plus que le texte légal invoqué par les plaignants n'a jamais eu l'application et la signification prétendues par ceux-ci et a été totalement abrogé en 1940; et 3) toutes les allégations de fait manquent totalement de preuve, sont sans fondement, fausses et inspirées seulement, comme il a déjà été dit, de passion violente et d'intérêt politique.
  7. 3. J'ai l'honneur de vous informer que le gouvernement de la République, pour sa part, se ferait un plaisir de recevoir la visite que pourrait lui faire une mission de l'O.I.T, conformément aux décisions prises à ce sujet, mission qui pourrait se rendre compte en toute objectivité de la liberté dont jouissent les syndicats, de la protection sociale dont bénéficient les travailleurs, ainsi que de l'oeuvre accomplie par le pays au cours des dernières vingt années dans le domaine social.
  8. 1018. A sa 119ème session (mai-juin 1952), le Conseil d'administration a approuvé les conclusions auxquelles était arrivé le Comité après l'audition du représentant du gouvernement de la République dominicaine. Ces conclusions étaient les suivantes:
  9. 1) Le Comité a noté que les dispositions de la Constitution et du Code du travail de la République dominicaine actuellement en vigueur relatives au droit d'association et aux autres libertés fondamentales semblent être satisfaisantes.
  10. 2) Le Comité a pris acte avec satisfaction de l'assurance formelle donnée par le représentant de la République dominicaine que les organisations de travailleurs ne peuvent être dissoutes par voie administrative. Il a de même noté que les dispositions du Code du travail actuellement en vigueur relatives à la suspension et à la dissolution des organisations syndicales offrent aux intéressés toutes les garanties d'une procédure judiciaire normale.
  11. 3) Le Comité a pris acte avec satisfaction de l'assurance donnée par le représentant de la République dominicaine que rien ne s'oppose à ce que la Confédération des travailleurs dominicains adhère à une organisation internationale des travailleurs.
  12. 4) La Comité a par ailleurs estimé que si les dispositions légales actuellement en vigueur dans la République dominicaine paraissent respecter les principes fondamentaux de la liberté syndicale, il serait souhaitable qu'une mission sur place puisse être à même de vérifier si, dans la pratique, ces dispositions sont appliquées de manière à garantir effectivement aux intéressés l'exercice de la liberté syndicale.
  13. 5) A cet égard, le Comité ayant été saisi du télégramme en date du 25 février 1952 par lequel le secrétaire général de la Confédération des travailleurs dominicains invitait l'O.I.T à envoyer dans la République dominicaine une mission pour examiner objectivement la véritable situation des travailleurs, avait prié le Dr Franco-Franco de demander à son gouvernement si celui-ci donnerait son accord à l'envoi d'une telle mission.
    • Le Dr Franco-Franco a fait savoir au Comité, après consultation de son gouvernement, que celui-ci donnait son accord à l'envoi d'une mission de l'O.I.T dans la République dominicaine et entérinait l'invitation qui avait été adressée au Directeur général du B.I.T par la Confédération des travailleurs dominicains.
  14. 7) Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'autoriser l'acceptation de l'invitation du gouvernement de la République dominicaine, étant entendu que:
    • a) la mission devrait avoir essentiellement pour mandat d'étudier l'application pratique des dispositions légales en vigueur dans la République dominicaine en matière de liberté syndicale,
    • b) le Directeur général devrait avoir reçu, avant le départ de la mission, l'assurance formelle que toutes facilités seront accordées à celle-ci en vue de lui permettre d'accomplir son mandat et qu'elle pourra notamment établir à cet égard tous les contrats nécessaires;
    • c) le Directeur général devrait également avoir l'assurance, avant le départ de la mission, que celle-ci pourra à son retour faire rapport au Conseil d'administration et que ce rapport pourra être publié.
  15. 1019. Par lettre du 3 juillet 1952, le Directeur général a communiqué les décisions du Conseil d'administration au gouvernement de la République dominicaine.
    • Le texte de cette lettre était le suivant:
    • Par télégramme en date du 15 mai 1952, vous avez bien voulu, en réponse à la demande que je vous avais exprimée dans ma lettre no TUR. 1-71 du 21 mars 1952, désigner S. E. M. Franco-Franco comme représentant de votre gouvernement pour discuter, avec le Comité de la liberté syndicale, les points contenus dans les plaintes alléguant des violations de droits syndicaux dans la République dominicaine.
    • S. E. M. Franco-Franco a été entendu par le Comité de la liberté syndicale le 29 mai 1952. Il a ensuite fait parvenir au président du Comité une lettre en date du 2 juin 1952 par laquelle il lui a fait connaître que votre gouvernement accueillerait avec plaisir une mission de l'O.I.T chargée, en réponse à l'invitation formulée par la Confédération des travailleurs dominicains, d'examiner objectivement les conditions des libertés accordées aux syndicats, la protection sociale dont jouissent les travailleurs et l'oeuvre qui, sur le plan social, a été depuis vingt ans réalisée dans la République dominicaine.
    • En conclusion de l'examen du cas, le Comité a soumis au Conseil d'administration les recommandations qui figurent dans son cinquième rapport (paragraphes 5 à 50), dont vous voudrez bien trouver ci-joint un exemplaire. J'attire notamment votre attention sur l'alinéa 7 du paragraphe 50 aux termes duquel le Comité a recommandé au Conseil d'administration d'autoriser l'acceptation de l'invitation du gouvernement de la République dominicaine. Ce rapport qui, vous le remarquerez, reproduit en annexe le texte intégral des déclarations faites devant le Comité par le représentant du gouvernement de la République dominicaine, a été approuvé par le Conseil d'administration le 27 juin 1952, au cours de sa 119ème session.
    • Conformément à la décision prise par le Conseil d'administration, j'ai l'honneur de vous faire connaître que je serais heureux d'accepter l'invitation que vous avez bien voulu m'adresser par l'intermédiaire de S. E. M. Franco-Franco et d'envoyer, dans les conditions prévues par le Conseil d'administration, une mission dans la République dominicaine en vue d'étudier l'application pratique des dispositions légales en vigueur dans votre pays en matière de liberté syndicale.
    • Le Conseil d'administration m'a, à cet égard, demandé de vous prier de bien vouloir me donner l'assurance que toutes facilités seront accordées à la mission en vue de lui permettre d'accomplir son mandat, qu'elle pourra notamment établir à cet effet tous les contacts nécessaires, et qu'elle pourra, à son retour, présenter au Conseil d'administration un rapport qui pourra être publié.
    • Je ne doute pas que vous serez d'accord sur ces propositions et, lorsque vous aurez bien voulu me le faire savoir, je ne manquerai pas de me mettre de nouveau en rapport avec vous en ce qui concerne la composition de la mission et la date à laquelle celle-ci pourrait se rendre dans votre pays.
    • Je suis convaincu que l'envoi d'une telle mission dans la République dominicaine ne pourra que contribuer grandement à resserrer les liens qui existent entre votre pays et l'Organisation internationale du Travail.
  16. 1020. Le 24 novembre 1952, M. Peynado, représentant du gouvernement de la République dominicaine, a informé le Directeur général que le gouvernement n'était pas disposé à recevoir une mission de l'O.I.T dont l'envoi pourrait apparaître comme la conséquence de la plainte actuellement en suspens devant le Comité de la liberté syndicale. L'opinion du gouvernement de la République dominicaine était contenue dans un mémorandum que M. Peynado a remis au Directeur général au cours de la conversation et dont le texte est le suivant:
    • Le gouvernement de la République dominicaine a confié à son représentant diplomatique à Berne la charge de faire connaître à l'Organisation internationale du Travail, par l'obligeante entremise de M le Directeur général, ses points de vue définitifs en ce qui concerne une accusation mensongère confiée à l'examen du Comité de la liberté syndicale, affaire qui a donné naissance à un projet consistant dans l'envoi d'une commission d'enquête sur le territoire de ce pays. Les faits saillants dans cette affaire sont les suivants:
    • A la suite d'une plainte émanant d'agitateurs politiques dominicains résidant à l'étranger, d'après laquelle il existerait en République dominicaine des entraves à la liberté syndicale, M le Directeur général invita le gouvernement de ce pays à se faire représenter à la réunion du Comité de la liberté syndicale, chargé de connaître et d'avoir à se prononcer sur cette plainte. Dans sa lettre d'invitation au gouvernement dominicain, M le Directeur général reproduisait une recommandation du Comité, approuvée par le Conseil d'administration, selon laquelle, en ce qui concerne le cas de la République dominicaine, le Conseil devrait donner au gouvernement intéressé l'occasion de discuter avec le Comité les points mis en débat, avant que le Comité fasse au Conseil d'administration des recommandations quelconques à ce sujet. La recommandation ajoutait, et ceci est à retenir, que le Comité avait l'espoir que ces discussions auraient comme résultat l'indication, par le gouvernement intéressé, des mesures qu'il comptait prendre pour donner effet au principe de la liberté syndicale.
    • Par déférence pour l'Organisation et, soucieux de donner une suite favorable à l'invitation de M le Directeur général, le gouvernement dominicain s'empressa de confier sa représentation à S. E. M l'ambassadeur Tulio Franco-Franco, persuadé qu'il serait aise à celui-ci de démontrer au Comité le manque de fondement de cette plainte calomnieuse, ses visées politiques mal dissimulées et de lui faire connaître par cette même occasion la situation juridique existant en République dominicaine en matière de liberté syndicale. L'occasion semblait également propice pour mettre en garde le Comité contre le danger de se voir entraîner dans cette manoeuvre politique susceptible de créer un bien fâcheux précédent. Il entendait, en outre, saisir cette conjoncture pour pouvoir, d'une façon plus directe, mettre les hautes sphères dirigeantes de l'O.I.T au courant des progrès atteints en République dominicaine en matière de protection des travailleurs, grâce à l'activité diligente et continue déployée par le gouvernement et grâce aussi aux fructueux enseignements tirés d'un contact étroit pendant de longues années avec l'O.I.T.
    • Contre toute attente, et bien que le représentant du gouvernement ait pu démontrer devant le Comité combien cette plainte était irrecevable, et par ses vices et par ceux de la procédure suivie, l'affaire a continué son cours, donnant lieu, comme il sera fait état plus loin, à un grave malentendu qu'il convient de dissiper.
    • La Confédération des travailleurs dominicains crut devoir inviter l'O.I.T à envoyer en République dominicaine une délégation choisie par celle-ci, dans le but de prendre connaissance, sur place, des réalisations accomplies dans différents domaines de l'activité ouvrière et de la protection aux travailleurs. Ayant eu connaissance de cette initiative, l'ambassadeur Franco Franco fit savoir à l'O.I.T qu'une telle visite, dans le but ci-dessus mentionné, aurait certainement l'agrément de son gouvernement qui, pour sa part, n'a que des raisons d'être fier de l'oeuvre sociale qu'il a réussi - sans négliger les multiples problèmes propres de sa charge - à mettre debout en peu d'années, dans un pays jeune en pleine fièvre de développement, sans aucune expérience antérieure en matière sociale. De cette communication du représentant dominicain est née l'impression, erronée, que le gouvernement de la République dominicaine avait adressé une invitation officielle à l'O.I.T d'envoyer sur place une commission d'enquête chargée d'étudier l'application pratique des dispositions légales en vigueur en ce pays en matière de liberté syndicale et ceci comme une suite aux décisions prises par le Comité au sujet de la plainte dont il a été fait mention plus haut. Dans ces conditions, il convient de faire la mise au point suivante:
      • a) C'est avec un vif regret que le gouvernement de la République dominicaine se voit obligé d'affirmer que, à aucun moment, il n'a adressé d'invitation ni au Comité de la liberté syndicale ni à aucun autre organisme de l'O.I.T pour qu'une telle commission soit envoyée sur son territoire.
      • b) Quelle que soit la décision adoptée ou qui puisse être adoptée par le Comité de la liberté syndicale au sujet de l'envoi d'une mission de cette nature ou ayant trait à la plainte déjà mentionnée, elle ne peut engager en aucune façon le gouvernement de la République dominicaine, étant donné que ce pays n'a pas ratifié la convention no 87 concernant la liberté syndicale. Partant, le gouvernement dominicain n'est pas tenu de s'associer à aucune des conséquences pouvant résulter des arrangements se référant à cette matière.
      • c) Le gouvernement dominicain tient à souligner, une fois de plus, que l'envoi d'un représentant à la réunion du Comité doit être pris comme une marque de courtoisie à l'égard de l'Organisation et de son Directeur général ; cela ne signifie en aucune manière qu'il entende encourager les agissements malveillants de personnes mues et aveuglées par des passions politiques.
    • Le gouvernement accomplit son devoir en faisant connaître l'état actuel de sa législation en matière de liberté syndicale. De même, il ne manqua point de donner les assurances et apaisements nécessaires. Dans ces conditions, il était en droit d'espérer que les assertions de son délégué bénéficieraient de plus de crédit que les allégations mensongères émanant de personnes dont les activités antérieures, contraires aux lois, ont été sanctionnées par la justice.
      • d) De l'avis du gouvernement de la République dominicaine, les décisions adoptées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas présent, ainsi que la procédure à laquelle on a eu recours pour arriver à ces décisions, sont entachées de nullité. A ce sujet, il convient d'insister, encore une fois, sur le fait que la convention no 87, sur laquelle pourrait se fonder la procédure entamée, n'a pas été ratifiée par la République dominicaine et, partant, ne peut être valablement appliquée dans le cas présent. Par ailleurs, il est utile de signaler qu'une des clauses de non-ratification (de ladite convention) réside dans le fait que la copie certifiée, en espagnol, qui a été demandée à l'O.I.T par le gouvernement ne lui est pas encore parvenue, ce qui retarde son examen par les autorités compétentes et le cours éventuel à lui donner.
      • e) L'attitude du gouvernement dominicain a été, et sera celle de ne point intervenir en rien qui puisse avoir rapport à la visite d'une Commission quelconque de l'O.I.T organisée comme conséquence et dans l'esprit même de l'initiative privée de la Confédération des travailleurs dominicains; mais le gouvernement n'acceptera jamais qu'une Commission vienne enquêter sur son territoire au sujet d'une plainte issue de délinquants reconnus coupables d'actes attentatoires à la paix intérieure et à la sécurité extérieure de la République et, beaucoup moins encore lorsque, pour la réalisation d'une telle visite on lui adresse une demande de garanties non exempte de préjugés et de réticences fâcheuses que le gouvernement de la République dominicaine qualifie d'inadmissible.
      • f) Dès le début, le gouvernement dominicain considéra, et son point de vue n'a pas changé, que l'O.I.T avait été saisie de l'affaire dans des conditions tellement irrégulières qu'une fois celles-ci mises en lumière, le rejet de la plainte et l'arrêt de la procédure devaient nécessairement se produire. Mais, même si les choses devaient se passer autrement, le gouvernement savait qu'il pouvait aller au-delà de la recommandation du Comité, en déclarant ce qu'il avait accompli et non pas ce qu'il comptait faire pour assurer la liberté syndicale, comme on devait le lui demander. Le gouvernement dominicain s'étonne, en outre, du fait que l'O.I.T ait déjà annoncé, en s'écartant un peu de la vérité, qu'une Commission d'enquête, c'est-à-dire une Commission d'une nature toute différente de celle proposée par la Confédération des travailleurs dominicains, se rendrait sur son territoire ; cette divulgation s'est produite avant même que la réponse du gouvernement à la demande d'autorisation que lui adresse l'O.I.T aux fins de publication des informations qu'aurait pu recueillir ladite Commission, lui fût parvenue. C'est par ces faits que le gouvernement croit pouvoir constater avec grand regret le peu d'impartialité et la légèreté avec lesquelles cette affaire a été menée à l'encontre d'un Membre qui n'a pas manqué de donner des gages de son attachement et de sa fidélité à l'Organisation internationale du Travail.
      • g) Le gouvernement dominicain est heureux de renouveler à l'O.I.T l'assurance formelle et absolue que, en République dominicaine, de par la Constitution d'abord, et de par le Code Trujillo du travail qui en tire le principe pour son application dans la sphère des activités qu'il régit, la liberté d'association existe, s'exerce et se respecte comme il se doit. Le gouvernement a la ferme conviction que cette assurance suffira par elle-même à fixer le critérium de l'O.I.T dans cette affaire et, conséquemment, la conduira à repousser l'accusation injuste et sans fondement qui est à son origine.
      • h) Après les considérations qui précèdent, le gouvernement dominicain, faisant confiance à l'esprit de justice et de haute compréhension des organes dirigeants de l'O.I.T dont d'autres Membres, dans des circonstances semblables, ont eu la satisfaction d'enregistrer des preuves, réitère sa demande visant le rejet de la plainte se trouvant à l'origine de cette affaire, dont la nature et les buts n'échappent à personne.
    • Genève, le 24 novembre 1952.
  17. 1021. Par la suite, une nouvelle communication est parvenue du gouvernement dominicain sous forme d'un rapport sur la législation et la pratique dominicaines relatives aux questions faisant l'objet de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, rapport que le gouvernement dominicain a présenté conformément à l'article 19 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail. Le texte de ce rapport est conçu comme suit:
  18. 1. Sous le régime institué par la Constitution de la République, qui garantit la liberté d'association comme un des droits inhérents à la personnalité humaine, les associations professionnelles des travailleurs, aussi bien que celles des employeurs, se sont développées dans notre pays dans la plus grande liberté et en harmonie avec le caractère essentiellement démocratique de notre gouvernement.
    • Promulgué le 24 octobre 1951, le Code Trujillo du travail, qui couronne le développement de notre législation ouvrière, établit en son livre V un statut légal complet et uniforme définissant l'organisation et le fonctionnement des associations professionnelles, en pleine conformité avec les dispositions de la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Cette convention tout en n'ayant pas encore été ratifiée par notre gouvernement, trouve son application intégrale dans notre législation, compte tenu des caractéristiques économiques et sociales de notre peuple.
    • Il importe d'indiquer que ladite convention est en cours de ratification dans l'attente du texte espagnol authentique que notre gouvernement a demandé au Bureau international du Travail.
    • Les articles du Code Trujillo du travail qui se rapportent aux dispositions de la convention no 87 non ratifiée ainsi que les mesures adoptées par notre gouvernement pour améliorer les conditions sociales des travailleurs et la protection accordée par le gouvernement à toutes les associations professionnelles enregistrées ont créé dans notre pays un climat favorable au développement des activités syndicales en général.
  19. 2. On donnera ci-après une brève analyse des dispositions du Code du travail qui donnent effet aux dispositions de la convention no 87 non ratifiée.
    • Le Code, tout en s'adaptant aux caractéristiques du peuple dominicain, s'inspire des principes universels énoncés par l'Organisation internationale du Travail. Il comporte une série de dispositions qui donnent effet dans son ensemble à la convention no 87 sur la liberté syndicale, bien que jusqu'à présent cette convention n'ait pas été ratifiée par notre pays.
    • On analysera ci-dessous, à titre d'exemple, les articles du Code Trujillo du travail qui se réfèrent aux articles de la convention no 87 non ratifiée.
    • Article 2 de la convention
    • Cet article de la convention énonce le principe de la libre constitution d'organisations de travailleurs, sous la seule réserve que les membres se conforment aux statuts des organisations. Ce même principe est formulé dans notre législation par les articles 296 et 297 du Code Trujillo du travail:
    • Article 296. - Les syndicats professionnels peuvent être constitués par des personnes qui exercent habituellement soit une même profession ou un même métier, soit des professions ou des métiers similaires ou connexes, quelle que soit l'entreprise dans laquelle elles travaillent.
    • Article 297. - Les syndicats d'employeurs peuvent être constitués par des employeurs exerçant des activités similaires ou connexes.
    • Article 3 de la convention
    • Cet article a trait au droit que doivent avoir les travailleurs et les employeurs d'établir librement leurs statuts et règlements administratifs sans aucune ingérence.
    • La garantie prévue par cet article de la convention est assurée par les articles 304 et 305 de notre Code:
    • Article 304. - Les syndicats peuvent fixer dans leurs statuts les conditions additionnelles à celles qui sont exigées par la loi pour l'affiliation des membres.
    • Article 305. - Les syndicats jouissent d'une complète autonomie pour fixer dans leurs statuts les modalités d'exclusion de leurs membres.
    • Les décisions qui seront prises à cet égard par les organismes et les membres du bureau du syndicat, conformément à leurs statuts, seront souveraines et sans appel.
    • Article 4 de la convention
    • Cet article interdit la dissolution ou la suspension des organisations de travailleurs et d'employeurs par voie administrative. Ce même principe est consacré dans notre législation par les articles 352 et 356 du Code:
    • Article 352. - Les statuts peuvent prévoir des clauses particulières de dissolution du syndicat. Si les statuts ne contiennent aucune disposition à cet égard, la dissolution pourra être décidée par l'assemblée générale.
    • Article 356. - L'enregistrement du syndicat peut être annulé par décision des tribunaux si le syndicat se livre à des activités étrangères à ses fins légales. L'annulation de l'enregistrement entraînera de plein droit la dissolution du syndicat.
    • Il ressort de ces deux articles que notre législation ne prévoit que deux méthodes de dissolution ou de suspension des organisations de travailleurs et d'employeurs à savoir: la dissolution par voie contractuelle et la dissolution ou suspension par voie judiciaire. En d'autres termes, il ne peut y avoir dissolution ou suspension par voie administrative.
    • Article 5 de la convention
    • Cet article établit le droit des organisations de travailleurs et d'employeurs de constituer des fédérations et des confédérations. Ce même droit est consacré par l'article 357 de notre Code, qui dispose que:
    • Article 357. - Les syndicats peuvent se constituer en fédérations communales, provinciales, régionales ou nationales. Ces fédérations peuvent à leur tour se constituer en confédérations si le projet rassemble les suffrages des deux tiers de leurs membres réunis en assemblée générale.
    • Article 6 de la convention
    • Cet article prévoit que les dispositions des articles 2, 3 et 4 de la convention sont applicables aux fédérations et aux confédérations des organisations de travailleurs et d'employeurs. Cette disposition trouve son application dans les articles 358 (in fine) et 360
    • Article 358. - (in fine) Les dispositions applicables aux syndicats en général régissent également les fédérations et les confédérations.
    • Article 360. - Les fédérations et les confédérations syndicales sont soumises à la formalité de l'enregistrement prévue pour les syndicats par le présent Code.
    • Article 7 de la convention
    • Cet article, qui a trait à la personnalité juridique des organisations de travailleurs et d'employeurs, trouve son application dans l'article 311 de notre Code:
    • Article 311. - Pour acquérir la personnalité juridique, les syndicats doivent se faire enregistrer au secrétariat d'Etat du Travail.
    • En conséquence, ils sont habilités à ester en justice, à acquérir sans autorisation administrative, à titre gratuit ou onéreux, des biens meubles ou immeubles et d'une façon générale engager toutes les actions et négociations juridiques ayant pour objet la réalisation de leurs objectifs.
    • Article 8 de la convention
    • Cet article établit le principe selon lequel les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus de respecter la légalité. Ce même principe est affirmé dans l'article 306 du Code qui stipule:
    • Article 306. - Les syndicats ne peuvent exercer aucune coercition directe ou indirecte sur la liberté du travail ni prendre aucune mesure en vue de contraindre les travailleurs a adhérer à une association ou à en rester membres.
    • Article 9 de la convention
    • L'application des garanties prévues par la convention no 87 aux forces armées et à la police paraît incompatible avec la neutralité et l'impartialité dont doivent faire preuve ces institutions dans les affaires sociales et politiques.
    • Article 10 de la convention
    • Cet article qui définit le sens donné dans la convention au terme « organisation » correspond à l'article 293 de notre Code:
    • Article 293. - Est un syndicat toute association de travailleurs ou d'employeurs constituée conformément au présent Code, en vue de l'étude du progrès et de la défense des intérêts communs de ses membres.
    • En ce qui concerne les contrats collectifs du travail, le Code Trujillo comporte une réglementation détaillée et complète, contenue dans les articles 92 à 118. Les articles 96, 97, 98, 99 et 100 indiquent le rôle et les fonctions des syndicats en matière de contrats collectifs du travail.
    • Quant aux procédures applicables le cas échéant en matière de collaboration entre les organisations d'employeurs et de travailleurs, il convient de se reporter au titre I du livre VI du Code Trujillo du travail concernant le règlement des différends d'ordre économique.
  20. 3. a) Il ressort de ce qui précède que la législation nationale a été modifiée au cours de l'année 1951 afin de donner effet à l'ensemble des dispositions de la convention no 87, qui, jusqu'à présent, n'a pas été ratifiée par notre pays. Cette modification de la législation antérieure tendant à donner effet à la convention no 87 a été précisément réalisée par le Code Trujillo du travail qui est entré en vigueur le 24 octobre 1951.
    • b) La ratification de la convention no 87 ne se heurte dans notre pays à aucune difficulté susceptible de l'empêcher ou de la retarder. Tout au contraire, ainsi que nous l'avons dit plus haut, la convention a déjà été mise en vigueur par la législation nationale.
    • c) La réponse à cette question ressort de l'exposé ci-dessus.
  21. 4. Les rapports concernant l'application de la convention no 87 sont toujours communiqués à la Confédération des travailleurs dominicains et à la Confédération des employeurs de la République Dominicaine.

B. Conclusions

B. Conclusions
  1. 1022. Le Comité, après avoir pris note du mémorandum remis par M. Peynado, ainsi que d'une communication du Directeur général signalant les dates auxquelles six exemplaires de la version espagnole du texte de la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ont été successivement envoyés au gouvernement de la République dominicaine, après avoir également pris note du rapport présenté par le gouvernement dominicain sur l'état de la législation et sur la pratique nationale concernant la question qui fait l'objet de la convention no 87 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, est arrivé aux conclusions suivantes.
  2. 1023. Le Comité déplore que le gouvernement de la République dominicaine se soit refusé à donner son agrément à l'envoi d'une mission dans les conditions fixées par le Conseil d'administration à sa 119ème session (mai-juin 1952), alors qu'il semblait ressortir de la lettre adressée en date du 2 juin 1952 par son représentant au président du Comité que le gouvernement non seulement entérinait l'invitation que la Confédération des travailleurs dominicains avait adressée au B.I.T, mais s'était également déclaré prêt à recevoir lui-même la mission. Le Comité exprime le regret que le gouvernement de la République dominicaine ait cru devoir revenir sur l'agrément donné par son représentant devant le Comité de la liberté syndicale à recevoir une mission chargée d'étudier l'application pratique des dispositions légales en vigueur en matière de droit syndical.
  3. 1024. Le Comité a noté que les dispositions de la Constitution et du Code du travail de la République dominicaine actuellement en vigueur, relatives au droit d'association et aux autres libertés fondamentales, semblent être satisfaisantes. Le Comité désire toutefois souligner l'importance qu'il attache à ce que les travailleurs et les employeurs puissent effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement.
  4. 1025. Le Comité a pris acte de l'assurance formelle donnée par le gouvernement de la République dominicaine que les organisations de travailleurs ne peuvent être suspendues ou dissoutes par voie administrative. Il a de même noté que les dispositions du Code du travail actuellement en vigueur relatives à la suspension et à la dissolution des organisations syndicales offrent aux intéressés toutes les garanties d'une procédure judiciaire normale. Il désire toutefois souligner toute l'importance qu'il attache à ce que ces dispositions soient intégralement appliquées.
  5. 1026. Le Comité a pris acte de l'assurance donnée par le gouvernement de la République dominicaine que rien ne s'oppose à ce que la Confédération des travailleurs dominicains adhère à une organisation internationale des travail leurs. Il désire souligner, ici encore, l'importance qu'il attache à ce qu'aucun obstacle ne soit mis à la libre affiliation des organisations de travailleurs de la République dominicaine à une organisation internationale de travailleurs de leur choix.
  6. 1027. Le Comité a pris acte de l'assurance donnée par le gouvernement de la République dominicaine de procéder sans retard à la ratification de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, et exprime l'espoir que le gouvernement sera en mesure de donner rapidement suite à ce projet afin d'assurer ainsi aux travailleurs la garantie permanente du libre exercice des droits syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1028. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que les observations ci-dessus seront communiquées au gouvernement de la République dominicaine.
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