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Rapport définitif - Rapport No. 4, 1953

Cas no 5 (Inde) - Date de la plainte: 01-JANV.-50 - Clos

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  1. 18. A sa première session (janvier 1952), le Comité avait été saisi de deux plaintes contre le gouvernement indien, l'une émanant du Hind Mazdoor Sabha et l'autre présentée par la Fédération syndicale mondiale. Etant donné que les deux plaintes contenaient des allégations différentes, le Comité avait estimé opportun de les examiner séparément.

A. Plainte présentée par le Hind Mazdoor Sabha

A. Plainte présentée par le Hind Mazdoor Sabha
  1. Analyse de la plainte
  2. 19. Les plaignants demandaient que la Commission d'investigation et de conciliation entreprît une enquête sur place au sujet de la violation de droits syndicaux fondamentaux. La plainte contenait les quatre allégations suivantes constituant, de l'avis des plaignants, des atteintes à l'exercice des droits syndicaux:
  3. a) Dans de nombreux Etats, les employés au service de l'Etat et des autorités locales se verraient refuser le droit de constituer ou de faire enregistrer des syndicats.
  4. b) L'application systématique de l'article 144 du Code de procédure criminelle de l'Inde aurait mis les syndicats dans l'impossibilité de fonctionner de manière normale et efficace.
  5. c) En cas de conflit du travail ou de menace de conflit, le gouvernement, sous prétexte d'assurer le respect de la loi et le maintien de l'ordre, aurait fréquemment recours à des arrestations, à des déportations et à la détention des travailleurs militant dans des syndicats.
  6. d) Le droit de grève serait pratiquement supprimé et le gouvernement de l'Inde, sous prétexte d'assurer le respect de la loi et de l'ordre, refuserait en fait le droit d'organiser des piquets de grève pacifiques devant les usines en grève.
  7. Analyse de la réponse
  8. 20. Dans sa réponse, le gouvernement n'avait présenté aucune observation au sujet de la première allégation.
  9. 21. En ce qui concerne les deuxième et troisième allégations, le gouvernement, sans se référer formellement à l'article 44 du Code de procédure criminelle de l'Inde, niait avoir recouru à des arrestations, à des déportations ou à la détention de travailleurs syndiqués en cas de conflit du travail ou de menace de conflit. Il déclarait ne pas avoir dérogé aux dispositions de la loi centrale de 1947 sur les conflits industriels ou des lois similaires des divers Etats prévoyant l'institution d'un mécanisme de prévention et de règlement de ces conflits, pour autant que les activités des organisations intéressées se limitaient au règlement des conflits par des méthodes pacifiques.
  10. 22. En ce qui concerne la quatrième allégation, le gouvernement déclarait, en faisant la même réserve, s'être conformé aux dispositions desdites lois en matière de grèves et de lock-outs.
  11. 23. En ce qui concerne la suggestion tendant à charger la Commission de procéder à une enquête, le gouvernement avait déclaré qu'il soumettrait ses observations lorsque le Conseil d'administration se serait prononcé sur la question du renvoi à la Commission de cette plainte et de celle présentée par la Fédération syndicale mondiale.
  12. Conclusions
  13. 24. Lors de sa première session, le Comité a abouti, au sujet de ces allégations, aux conclusions suivantes.
  14. 25. En ce qui concerne la première allégation, le Comité, tout en attirant l'attention sur l'importance que revêt pour les employés au service de l'Etat ou des autorités locales le droit de constituer et de faire enregistrer des syndicats en observant les conditions prescrites, estime que, étant donné que les plaignants n'ont pas spécifié dans quel Etat, ni en vertu de quelle loi ou de quelle pratique les employés en question se seraient vu refuser le droit de constituer des syndicats et que le gouvernement, dans sa réponse, ne s'est pas référé à ce point, les informations communiquées par les plaignants ne sont pas suffisamment précises pour lui permettre de recommander au Conseil d'administration que cette partie de la plainte mérite un examen plus approfondi.
  15. 26. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la législation du pays, et en particulier les lois sur la sécurité publique, serait appliquée dans tous les cas de conflits industriels, au sujet de laquelle le gouvernement avait répondu que la législation concernant l'ordre public n'était appliquée que lorsque cela était rendu nécessaire par le fait que les organisations des travailleurs s'étaient départies des méthodes de règlement pacifique des conflits institués par la législation sur les différends industriels, le Comité, tout en reconnaissant qu'une pratique tendant à appliquer la législation sur la sécurité publique d'une manière générale à tous les conflits industriels, comme le plaignant l'avait allégué, pourrait porter atteinte à l'exercice des droits syndicaux, considère néanmoins que, étant donné qu'aucune des parties en cause n'a communiqué le texte des lois sur la sécurité publique et que le plaignant n'a pas fourni de preuves concrètes concernant des cas où ces lois auraient été appliquées aux travailleurs dans l'exercice de leurs droits syndicaux légitimes, les informations communiquées par le plaignant ne sont pas suffisamment précises pour lui permettre de recommander au Conseil d'administration que cette partie de la plainte mérite un examen plus approfondi.
  16. 27. Quant à l'allégation prétendant que le droit de grève serait virtuellement supprimé, à laquelle le gouvernement avait répondu qu'il s'était conformé, en matière de grèves, aux dispositions de la législation sur les conflits industriels tant que l'ordre public n'avait pas été troublé, le Comité, tout en estimant devoir souligner qu'il est reconnu dans la plupart des pays que le droit de grève constitue une arme légitime à laquelle les syndicats peuvent recourir pour défendre les intérêts de leurs membres tant que ce droit s'exerce d'une manière pacifique et en tenant dûment compte des restrictions imposées à titre temporaire (telles que la cessation des grèves pendant les procédures de conciliation et d'arbitrage, le devoir de s'abstenir de grèves contraires aux dispositions des conventions collectives), considère que, étant donné que la plainte ne contient aucune allusion à des cas précis de suppression du droit de grève, les informations communiquées par le plaignant ne sont pas suffisamment précises pour lui permettre de recommander au Conseil d'administration que cette partie de la plainte mérite un examen plus approfondi.
  17. B. Plainte présentée par la Fédération syndicale mondiale
  18. Analyse de la plainte
  19. 28. Les allégations formulées par la Fédération syndicale mondiale comprenaient huit points qui, de l'avis de celle-ci, constituaient des atteintes aux droits syndicaux.
  20. a) Le gouvernement se serait efforcé par tous les moyens possibles de transférer les locaux de l'All India Trade Union Congress à l'Indian National Trade Union Congress. En avril 1949, les locaux du Syndicat des cheminots du sud de l'Inde auraient été saisis et remis, avec tout le matériel d'imprimerie qui s'y trouvait, à l'Indian National Trade Union Congress.
  21. b) Au mois de septembre 1949, dix-neuf organisations ouvrières et paysannes auraient été interdites dans l'Etat de Madras et, dans cet Etat, tous les locaux appartenant aux syndicats affiliés à l'All India Trade Union Congress auraient été fermés.
  22. c) Les lois sur la sécurité publique dans l'Inde auraient été utilisées en vue de réprimer le mouvement syndical. Ces lois stipuleraient que toute personne troublant ou susceptible de troubler l'ordre public pourrait être arrêtée et détenue sans jugement pendant une période pratiquement illimitée. En application de ces lois, des milliers de syndicalistes auraient été arrêtés et détenus sans jugement.
  23. d) Des milliers de travailleurs auraient été arrêtés et de nombreux syndicats auraient été forcés de cesser leur activité, leurs bureaux auraient été fermés et leurs archives confisquées.
  24. e) Tout particulièrement à Madura, en août 1949, à la suite de protestations des travailleurs motivées par le refus des autorités d'octroyer une augmentation de salaire, plus d'un millier de travailleurs auraient été arrêtés. La plupart auraient été torturés dans les prisons et, par ce moyen, des militants ouvriers auraient été obligés de se rallier à l'Indian National Trade Union Congress (I.N.T.U.C.), soutenu par le gouvernement. Les bureaux des syndicats auraient été occupés par la police, le mobilier détruit et les archives enlevées. Plus de 1.400 travailleurs auraient été arrêtés dans la région de Coïmbatore, 300 à 400 dans la région de Tinnevelley, plus de 200 dans le district de North Arcot. Pendant le seul mois d'août 1949, plus de 4.000 travailleurs en tout auraient été arrêtés et détenus dans des prisons où régnaient des conditions épouvantables et où ils étaient soumis régulièrement à la torture.
  25. f) Le gouvernement aurait forcé les travailleurs de la Compagnie des chemins de fer du sud de l'Inde à déclarer à l'administration à quel syndicat ils appartenaient, espérant ainsi obliger les membres de l'A.I.T.U.C à se rallier à l'I.N.T.U.C. De nombreux syndicats affiliés à l'A.I.T.U.C n'auraient pas pu tenir leurs réunions en raison de l'interdiction gouvernementale.
  26. g) La Conférence du Syndicat des travailleurs du textile de Mettur de 1949 aurait été interdite, de même que celle du Syndicat des travailleurs du tissage à la main de Salem, en juillet 1949, et la réunion du Comité exécutif central des syndicats du district de Trichy, en août 1949.
  27. h) La plupart du temps, les journaux syndicaux seraient interdits et leur distribution serait entravée.
  28. Analyse de la réponse et de la réponse supplémentaire
  29. 29. En ce qui concerne l'allégation relative à la disposition des locaux de PAR India Trade Union Congress, le gouvernement a nié avoir disposé de ces bureaux et a déclaré qu'en fait il avait empêché que les bureaux du Syndicat des cheminots du sud de l'Inde ne fussent occupés par un syndicat rival.
  30. 30. En ce qui concerne l'allégation relative à l'interdiction de dix-neuf organisations syndicales dans l'Etat de Madras, le gouvernement indique que celles-ci avaient été déclarées illégales parce qu'elles étaient contrôlées par le parti communiste qui était lui-même une organisation illégale. Cette mesure ne fut prise que lorsque le gouvernement de l'Etat eut acquis la certitude que les dix-neuf organisations se livraient à des activités préjudiciables à l'ordre et à la sécurité publics. Depuis lors, cette interdiction a cependant été levée. Les locaux appartenant aux syndicats affiliés à l'All India Trade Union Congress n'ont pas été fermés dans l'Etat de Madras. Certains locaux occupés par des syndicats aux mains des communistes ont été fouillés en vue d'établir s'ils ne recelaient pas des objets illicites, mais ils ont été rendus par la suite aux syndicats intéressés.
  31. 31. En ce qui concerne les autres allégations, le gouvernement a déclaré que les mesures prises en 1949 pour assurer le maintien de l'ordre et de la légalité n'avaient nullement pour but de supprimer les syndicats. L'allégation prétendant que des milliers de travailleurs auraient été arrêtés est inexacte. Au cours du deuxième semestre de 1949, il s'est produit des troubles imputables aux communistes, accompagnés dans plusieurs districts de l'Etat de Madras, d'actes de sabotage, d'incendies volontaires et de meurtres. Les accusés ont été poursuivis pour des actes déterminés de violence criminelle et aucune arrestation n'a été opérée dans le but de priver un travailleur quelconque de ses droits syndicaux. On n'a nullement tenté de paralyser l'action des syndicats ni de limiter les droits syndicaux ; il n'existe aucune loi imposant des restrictions à l'exercice d « aucun des droits reconnus des syndicats », et aucune poursuite n'a été engagée contre qui que ce soit du fait de l'exercice de ces droits. Toutes les mesures de détention ont été prises en vertu des lois sur la sécurité publique dont l'unique objet est de prévenir les tentatives visant à renverser par la violence le gouvernement établi. L'A.I.T.U.C et les groupements qui en font partie fonctionnent en pleine liberté et ne seront soumis à aucune restriction tant qu'il n'y aura pas d'incitation publique à la violence ou à la perpétration de crimes.
  32. 32. A sa première session (janvier 1952), le Comité avait abouti, en ce qui concerne les deux premières allégations, aux conclusions qui figurent dans les paragraphes 40 et 41 ci-dessous. Ayant examiné les observations du gouverne ment concernant les autres allégations, le Comité avait décidé de demander au gouvernement de l'Inde de lui fournir certains renseignements complémentaires concernant ces allégations avant qu'il formule ses recommandations au Conseil d'administration. Le 22 janvier 1952, le Directeur général envoya une lettre en ce sens au gouvernement indien. Le gouvernement de l'Inde ayant répondu le 6 mars 1952 faisant valoir qu'il n'avait pas encore pu réunir tous les renseignements voulus et demandant au Comité de renvoyer l'examen du cas à sa troisième session, le Comité a décidé, à sa deuxième session (mars 1952), de renvoyer le cas à sa présente session.
  33. 33. En date du 25 avril 1952, le gouvernement de l'Inde a communiqué les renseignements complémentaires demandés.
  34. Allégations relatives à l'application des lois sur la sécurité publique
  35. 34. Le gouvernement déclare que les dispositions des lois sur la sécurité de l'Etat, qui étaient en vigueur en 1949, ne portaient pas atteinte aux principes énoncés dans l'article 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cet article stipule que nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé. Ces lois n'étaient que des mesures temporaires destinées à protéger le pays contre le chaos et la violence. La plupart d'entre elles contenaient des dispositions prévoyant une procédure de révision des cas de détention par un Conseil consultatif. Le gouvernement a rappelé, à titre d'exemple, les dispositions de la législation de l'Etat de Madras stipulant que le gouvernement devait communiquer à l'intéressé les raisons de sa détention à une date aussi rapprochée que possible de celle du mandat de détention, afin qu'il pût y faire opposition ; les observations formulées par le détenu à cet égard devaient être transmises, pour examen, à un Conseil consultatif présidé par un juge du tribunal supérieur, et personne ne devait être détenu plus de six mois sans que son dossier fût soumis au Conseil pour révision La période maximum pendant laquelle une personne pouvait être détenue, après révision, était de six mois, à compter du moment où le gouvernement avait, sur recommandation du Conseil consultatif, confirmé le mandat de détention. La loi (centrale) sur la détention préventive de 1950 est entrée en vigueur le 26 février 1950 et depuis cette date, la détention ne peut plus avoir lieu que conformément aux dispositions de cette loi qui doit cesser de porter effet le 30 septembre 1952. Aux termes de cette loi, le gouvernement est tenu, dans le délai de six semaines qui suit la délivrance du mandat de détention, de soumettre le cas de chaque détenu à un Conseil consultatif composé de trois membres qui exercent ou ont exercé la fonction de juge auprès d'un tribunal supérieur ou qui possèdent les qualifications requises pour être nommés à cette fonction. Lorsque le Conseil estime qu'il n'y a pas de raisons suffisantes pour justifier la détention, l'intéressé doit être immédiatement libéré. Le gouvernement considère que ces dispositions sont susceptibles d'empêcher tout abus de pouvoir de la part des fonctionnaires du gouvernement. Il fait également valoir que la libération d'un grand nombre de détenus, décidée récemment par plusieurs gouvernements des Etats, dont notamment celui de Madras, montre que les gouvernements des Etats, en prenant des décisions en matière de détention préventive, s'inspirent uniquement de considérations de sécurité publique.
  36. Allégations relatives aux arrestations en masse et à la fermeture des locaux syndicaux
  37. 35. Le gouvernement fait remarquer que le plaignant se borne à des déclarations de caractère général. Quelques arrestations furent opérées en 1949, mais uniquement pour des raisons de sécurité sans rapport aucun avec les activités proprement syndicales. La question doit être examinée à la lumière de la situation existant en Inde en 1948 et en 1949, lorsque s'y produisirent plusieurs cas de désordres fomentés par les communistes et accompagnés d'actes de violence et de sabotage. Le gouvernement cite un certain nombre d'incidents accompagnés d'actes de violence qui eurent lieu dans l'Etat de Madras. Dans quelques cas, il devint nécessaire d'ordonner des détentions préventives et d'imposer des restrictions de caractère temporaire et local en ce qui concerne l'organisation des réunions, sinon, la marée montante de violence et de sabotage n'aurait pas pu être endiguée et elle aurait eu pour résultat des pertes de vies humaines, la perturbation de la répartition des denrées alimentaires ainsi que d'autres conséquences graves. Le gouvernement déclare en outre que ces restrictions sont conformes à la clause 4 de l'article 19 de la Constitution de l'Inde qui donne au gouvernement central et aux gouvernements des Etats le pouvoir de restreindre la liberté d'association dans l'intérêt de l'ordre public et de la morale, et il se réfère à l'article 29 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui permet de soumettre les droits de l'homme à certaines limitations en vue de « satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique ».
  38. Allégations relatives aux incidents survenus à Madura et dans d'autres localités
  39. 36. Le gouvernement déclare qu'il n'est pas vrai que plus d'un millier de travailleurs aient été arrêtés à Madura et que des militants ouvriers aient été forcés d'adhérer à l'Indian National Trade Union Congress. Au cours des sérieux désordres provoqués par les communistes pendant le deuxième semestre de 1949, 36 ouvriers en tout ont été arrêtés à titre préventif afin de protéger les vies humaines et la propriété et d'enrayer les actes de violence. La politique de violence poursuivie par les communistes a amené de nombreux ouvriers à quitter volontairement les syndicats sous leur contrôle. Certains d'entre eux ont pu adhérer à l'Indian National Trade Union Congress, mais le gouvernement n'a exercé aucune influence à cet égard. Le gouvernement rappelle des cas de sabotage, d'incendie volontaire et de meurtre commis dans le district de Coïmbatore, à la suite desquels - et non pas pour porter atteinte au droit d'association - quelque 105 personnes en tout furent arrêtées en 1949, dont sept seulement furent détenues conformément à la loi sur la détention préventive; 305 et 219 travailleurs furent arrêtés respectivement dans les districts de Tinnevelley et de North Arcot. Ces arrestations n'ont pas été ordonnées afin de supprimer les droits syndicaux. Sur les personnes arrêtées, 17 et 7 respectivement furent seulement mises en état de détention. Il est faux de prétendre que la torture est appliquée dans les prisons. Dans l'Etat de Madras, les prisonniers détenus pour des raisons de sécurité ne sont point astreints au travail : ils sont tenus à l'écart des autres prisonniers et jouissent de privilèges spéciaux et d'un traitement meilleur. Les fonctionnaires du gouvernement n'ont détruit aucun bien appartenant à des syndicats. Le gouvernement termine ses observations concernant cette série d'allégations en renvoyant à un rapport du gouvernement de Madras qui donne des détails sur un nombre considérable d'actes de violence, y compris des assassinats, commis dans cet Etat au cours des années 1949 et 1950 et à la suite desquels de nombreux dirigeants communistes, dont quelques dirigeants syndicaux, furent placés en état de détention, et qui affirme que c'est seulement grâce à des mesures de sécurité publique que le gouvernement a été à même de maintenir l'ordre et la légalité ; en septembre 1949, les désordres accompagnés d'actes de violence, ne perdant rien de leur intensité, avaient finalement contraint le gouvernement à déclarer illégaux sur le territoire de l'Etat le parti communiste et 23 syndicats sous son contrôle.
  40. Allégations relatives à la lettre-circulaire émanant de la Compagnie des chemins de fer du sud de l'Inde, à l'interdiction de certaines réunions et à la suppression des journaux syndicaux
  41. 37. En septembre 1948, la Compagnie des chemins de fer du sud de l'Inde a invité ses employés par lettre-circulaire à faire une déclaration indiquant à quel syndicat ils appartenaient. En octobre, une autre circulaire de la compagnie précisait que cette mesure avait pour seul objet de réunir des données statistiques. Afin d'éviter tout malentendu, l'administration des chemins de fer a ensuite mis fin à cette pratique. La compilation des statistiques n'a jamais eu pour but de renforcer la position de l'Indian National Trade Union Congress aux dépens de l'All India Trade Union Congress.
  42. 38. En ce qui concerne les réunions syndicales prétendument interdites par le gouvernement, celui-ci déclare que la plainte ne correspond pas à la vérité. Etant donné les troubles politiques et le danger imminent d'attentats à l'ordre public, la tenue des réunions et des manifestations a dû être soumise à certaines restrictions. En réalité, l'Union des travailleurs du textile de Mettur a pu célébrer l'anniversaire de sa fondation, le 20 juin 1949, après avoir obtenu l'autorisation requise. La Conférence des travailleurs du tissage à la main de Salem, en juin 1949, n'a pas été interdite comme l'allègue le plaignant. Quant au district de Trichy, le gouvernement a été obligé, en juin 1949, d'imposer, dans l'intérêt du maintien de l'ordre et de la légalité, une interdiction générale de toutes les réunions et cortèges publics, dans les limites de la circonscription des Golden Rock. Les syndicats tenaient leurs réunions en dehors de cette circonscription, et ces réunions n'ont pas été interdites par le gouvernement.
  43. 39. Aucun journal syndical n'a été interdit en 1949 dans l'Etat de Madras. La seule mesure prise par le gouvernement a été l'interdiction, adressée aux imprimeurs, aux éditeurs, aux propriétaires et au directeur de l'entreprise de presse du Syndicat des cheminots du sud de l'Inde, de publier des tracts et des papillons incitant les travailleurs à la violence.
  44. Conclusions
  45. Allégation relative à la disposition des bureaux de l'All India Trade Union Congress
  46. 40. Le Comité estime que les informations communiquées par le plaignant à l'appui de cette allégation ne sont pas suffisantes pour lui permettre de recommander au Conseil d'administration de décider que cette partie de la plainte appelle un examen plus approfondi.
  47. Allégation relative à l'interdiction de dix-neuf organisations syndicales dans l'Etat de Madras
  48. 41. Le Comité a noté que le gouvernement invoquait des raisons juridiques justifiant l'interdiction des organisations en question, mais qu'aucune des parties en cause n'avait indiqué si la suspension avait été ordonnée ou non par une autorité administrative et qu'aucun renseignement n'avait été fourni quant à la question de savoir si les organisations intéressées avaient eu le droit de faire appel de cette décision auprès des tribunaux. Etant donné cependant la levée ultérieure de l'interdiction, le Comité, tout en souhaitant attirer en même temps l'attention sur l'importance du principe selon lequel les organisations ne devraient pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative, recommande au Conseil d'administration de décider que cette partie de la plainte est devenue sans objet et qu'elle n'appelle pas un examen plus approfondi.
  49. Allégation relative à l'application des lois sur la sécurité publique
  50. 42. Il est allégué que les lois sur la sécurité publique en vigueur dans les différents Etats de l'Inde permettent de prendre des mesures d'arrestation et de détention sans jugement, pour une période pratiquement illimitée, et que des milliers de syndicalistes ont été arrêtés. Le gouvernement fait valoir que les lois adoptées par certains Etats n'étaient que des mesures prises à titre temporaire, en vue d'assurer le maintien de l'ordre public et, qu'à l'heure actuelle, les détentions ne peuvent plus être ordonnées que conformément à la loi (centrale) de 1950 sur la détention préventive qui prévoit un renforcement de la procédure de révision des cas de détention. Le gouvernement considère que l'obligation de soumettre les cas de détention, pour révision, dans le délai de six semaines, à un Conseil consultatif composé de personnes qui possèdent les qualifications requises pour exercer la fonction de juge auprès d'un tribunal supérieur, empêche tout abus de pouvoir en matière de détention. Enfin, il fait remarquer que cette loi doit cesser de porter effet le 30 septembre 1952.
  51. 43. Etat donné que le gouvernement se réfère aux dispositions de la loi de 1950 sur la détention préventive, il paraît utile de reproduire les clauses pertinentes de cette loi, qui ont la teneur suivante:
  52. 3. Pouvoir d'ordonner la détention de certaines personnes.
  53. 1) Le gouvernement central ou le gouvernement de l'Etat peut:
  54. a) s'il est convaincu que, pour empêcher une personne quelconque d'agir d'une manière portant atteinte:
  55. i) à la défense de l'Inde, aux relations de l'Inde avec des puissances étrangères ou à la sécurité de l'Inde ;
  56. ii) ou à la sécurité de l'Etat ou au maintien de l'ordre publie;
  57. iii) ou à l'organisation du ravitaillement et au fonctionnement des services essentiels à la collectivité ;
  58. b) s'il est convaincu que pour réglementer les conditions du maintien de la présence sur le territoire de l'Inde d'une personne qui est un étranger au sens de la loi de 1946 sur les étrangers (XXXI de 1946) ou pour prendre les arrangements en vue de son expulsion de l'Inde;
  59. il est nécessaire de procéder ainsi, prendre un arrêt ordonnant la détention de cette personne.
  60. ......................................................................................................................................................
  61. 9. Renvoi des cas devant des Conseils consultatifs.
  62. Toutes les fois qu'un mandat de détention a été délivré conformément au sous-alinéa iii) de l'alinéa a) du paragraphe 1) de l'article 3 ou en vertu de l'alinéa b) du même paragraphe, le gouvernement qui a délivré ce mandat, ou lorsque celui-ci a été pris par le fonctionnaire indiqué au paragraphe 2) de l'article 3, le gouvernement de l'Etat dont relève ce fonctionnaire doit, dans un délai de six semaines, à compter de la date de détention fixée par le mandat en question, soumettre à un Conseil consultatif institué par lui conformément à l'article 8, les raisons en vertu desquelles le mandat en question a été délivré ainsi que les observations éventuelles de la personne visée par ce mandat, et, dans le cas où le mandat a été pris par un fonctionnaire, y joindre également les rapports présentés par ce dernier conformément au paragraphe 3) de l'article 3.
  63. 10. Procédure devant les Conseils consultatifs.
  64. 1) Le Conseil consultatif, après avoir examiné les documents dont il a été saisi et, si nécessaire, après avoir demandé au gouvernement central ou au gouvernement de l'Etat ou à l'intéressé tels renseignements complémentaires qu'il pourrait juger utiles, doit transmettre son rapport au gouvernement central ou, selon le cas, au gouvernement de l'Etat, dans un délai de dix semaines, à compter de la date de détention fixée dans le mandat de détention.
  65. 2) Le rapport du Conseil consultatif doit spécifier dans un chapitre spécial réservé à cet effet, l'avis du Conseil consultatif sur le point de savoir s'il y a ou non des raisons suffisantes pour justifier la détention de l'intéressé.
  66. 3) Aucune disposition de cet article ne sera interprétée comme donnant droit à une personne visée par un mandat de détention d'assister en personne ou de se faire représenter par un représentant légal dans le cours de toutes procédures prévues en matière de renvoi des cas au Conseil consultatif, et les délibérations du Conseil consultatif, ainsi que son rapport, auront un caractère confidentiel, à l'exception du chapitre du rapport dans lequel le Conseil consultatif a spécifié son avis.
  67. ......................................................................................................................................................
  68. 12. Durée de la détention dans certains cas.
  69. 1) Toute personne détenue dans un cas appartenant à une des catégories spécifiées ci-dessous ou dans les conditions mentionnées ci-dessous, peut être détenue sans que soit requis l'avis du Conseil consultatif, pendant une période supérieure à trois mois, mais ne dépassant pas un an à compter de la date de sa détention, notamment lorsque l'intéressé a été mis en état de détention en vue de l'empêcher d'agir de toute manière portant atteinte:
  70. a) à la défense de l'Inde, aux relations de l'Inde avec des puissances étrangères ou à la sécurité de l'Inde;
  71. b) ou à la sécurité de l'Etat ou au maintien de l'ordre public.
  72. 2) Le cas de toute personne détenue en vertu d'un mandat de détention auquel s'appliquent les dispositions du paragraphe 1) doit, dans un délai de six mois à compter de la date de sa détention, être soumis à une révision par le gouvernement intéressé, lorsque le mandat a été pris par le gouvernement central ou par un gouvernement de l'Etat, ou lorsque le mandat a été pris par un fonctionnaire conformément au paragraphe 2), article 3, par le gouvernement de l'Etat dont relève ce fonctionnaire, le gouvernement central ou, selon le cas, le gouvernement de l'Etat devant consulter à cet égard une personne désignée par lui parmi ceux qui exercent ou ont exercé la fonction de juge auprès d'un tribunal supérieur ou qui possèdent les qualifications requises pour être nommés à cette fonction.
  73. 44. Il semble ressortir de ces dispositions qu'un cas de détention doit être soumis dans le délai de six semaines pour révision à un Conseil consultatif lorsque la détention a été ordonnée afin d'empêcher que le détenu ne porte atteinte « à l'organisation de l'approvisionnement et au fonctionnement des services essentiels à la collectivité » ; lorsque la détention a pour objet d'empêcher que l'intéressé ne porte atteinte « à la sécurité de l'Etat ou au maintien de l'ordre public », douze mois; peuvent s'écouler avant que le Conseil consultatif soit saisi du cas. Il convient de noter que dans sa deuxième réponse, le gouvernement déclare qu'« en prenant des décisions en matière de détention préventive, les gouvernements de l'Inde s'inspirent uniquement de considérations de sécurité publique».
  74. 45. Dans ces conditions, le Comité tient à faire observer qu'à son avis, les mesures de détention préventive peuvent impliquer une grave ingérence dans les activités syndicales, qui semblerait devoir être justifiée par l'existence d'une crise sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu'elle ne soit accompagnée de garanties juridiques appropriées, mises en oeuvre dans les délais raisonnables ; il note cependant l'amélioration notable qui s'est produite au cours des cinq dernières années, et notamment le fait que la loi sur la détention préventive doit cesser de porter effet le 30 septembre 1952. Dans ces conditions, le Comité, convaincu que le gouvernement de l'Inde tiendra pleinement compte de ces considérations au cas où il envisagerait la promulgation d'une nouvelle législation en la matière, recommande au Conseil d'administration de décider que, pour le moment, il ne paraît pas nécessaire de poursuivre l'examen de cette question.
  75. Allégation relative aux arrestations en masse et à la fermeture des locaux syndicaux
  76. 46. La plainte n'allègue aucun cas concret d'arrestations ou de fermeture de locaux syndicaux. Le gouvernement reconnaît que quelques arrestations furent opérées en 1949 conformément aux lois sur la sécurité publique, mais uniquement pour des raisons de sécurité publique. Le Comité, tout en exprimant les mêmes réserves sur la question de la détention préventive que celles formulées au paragraphe 45 ci-dessus, estime qu'il n'est pas à même de juger s'il y a eu atteinte aux droits syndicaux, étant donné que ces allégations sont trop vagues pour permettre un examen du cas quant au fond et, par conséquent, il recommande au Conseil d'administration de décider que cette partie de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi.
  77. Allégation relative aux incidents survenus à Madura et dans d'autres localités
  78. 47. Les renseignements détaillés contenus dans la réponse du gouvernement indiquent que le nombre des personnes arrêtées à Madura et dans d'autres localités était beaucoup plus bas que celui allégué par le plaignant et que, sur les personnes arrêtées, seulement un nombre relativement petit ont été mises en état de détention. Le gouvernement rappelle un grand nombre d'incidents accompagnés d'actes de violence et de crimes, à la suite desquels il fut procédé à des arrestations, et il nie qu'il y ait eu ingérence dans l'exercice des droits syndicaux. Le plaignant n'indique pas les noms des détenus qui auraient subi des tortures et le gouvernement déclare, de son côté, que les prisonniers détenus pour des raisons de sécurité jouissent d'un traitement de faveur. Il nie également qu'il y ait eu destruction des biens syndicaux. Eu égard à la tension existant à l'époque et aux désordres accompagnés d'actes de violence qui se sont produits pendant la période en question, et étant donné que les arrestations semblent avoir été ordonnées en raison d'actes déjà commis, le Comité estime que le plaignant n'a pas fourni de preuves suffisantes établissant que les droits syndicaux auraient été violés et, par conséquent, il recommande au Conseil d'administration de décider que cette partie du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
  79. Allégation relative à la lettre-circulaire émanant de la Compagnie des chemins de fer du sud de l'Inde
  80. 48. Le gouvernement déclare que l'administration des chemins de fer avait envoyé une circulaire de l'espèce alléguée, mais il nie que les autorités aient eu quelque intention d'influencer l'affiliation syndicale du personnel. Il reconnaît cependant que cette circulaire avait donné lieu à des malentendus et que la pratique tendant à émettre de telles circulaires a été abolie. Le Comité estime que des circulaires de la portée de celle émanant de l'administration des chemins de fer, même si leur but n'est pas de s'ingérer dans l'exercice des droits syndicaux, peuvent assez naturellement être considérées comme impliquant une telle ingérence et qu'elles ont été, en fait, jugées telles dans le cas d'espèce, mais étant donné qu'il a été mis fin à la pratique tendant à émettre de telles circulaires, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cette partie de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi.
  81. Allégation relative à l'interdiction de certaines réunions
  82. 49. Quant à l'allégation visant l'interdiction des réunions, le gouvernement 'déclare que, étant donné l'agitation politique et le danger d'attentats à l'ordre public, certaines restrictions de caractère général furent imposées en ce qui concerne la tenue des réunions et des manifestations. Il apparaît que ces restrictions n'ont empêché la tenue d'aucune des réunions syndicales mentionnées dans la plainte. Dans ces conditions, le Comité estime que le plaignant n'a pas fourni de preuves suffisantes établissant que les droits syndicaux auraient été violés et, par conséquent, il recommande au Conseil d'administration de décider que cette partie de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi.
  83. Allégation relative à la suppression des journaux syndicaux
  84. 50. Le gouvernement nie que des journaux syndicaux aient été interdits et il déclare que la seule mesure prise tendait à interdire à l'entreprise de presse du Syndicat des cheminots du sud de l'Inde de publier des tracts incitant les travail leurs à la violence. Compte tenu de cette explication, le Comité estime qu'il n'est pas prouvé que les faits allégués constituent une atteinte à l'exercice des droits syndicaux et il recommande donc au Conseil d'administration de décider que cette partie de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 51. Compte tenu de toutes ces circonstances, et eu égard notamment à la situation particulièrement troublée qui existait alors dans certaines régions, et notamment dans l'Etat de Madras, ainsi qu'aux violences qui ont motivé les mesures prises, le Comité, tout en insistant sur le fait que la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme et spécialement le droit qu'a toute personne détenue de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible, recommande au Conseil d'administration de décider que, sous réserve de ces observations, le cas dans son ensemble n'appelle pas un examen plus approfondi.
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