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Rapport intérimaire - Rapport No. 6, 1953

Cas no 14 (Tchécoslovaquie) - Date de la plainte: 01-FÉVR.-51 - Clos

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  • Plaintes présentées par la Confédération internationale des syndicats libres et par le groupe des travailleurs du Conseil d'administration du Bureau international du Travail contre le gouvernement tchécoslovaque

A. Analyse des plaintes

A. Analyse des plaintes
  1. 1030. La plainte de la C.I.S.L allègue que diverses mesures prises par le gouvernement tchécoslovaque constituent une violation des droits syndicaux. Elle prétend notamment que le gouvernement tchécoslovaque aurait pris, sans consulter les travailleurs, des mesures touchant les intérêts vitaux de ces derniers, telles que par exemple la suppression de la semaine de cinq jours, etc. Les comités d'entreprise auraient cessé d'être indépendants et seraient composés de fonctionnaires du gouvernement au lieu de représentants véritables des travailleurs. Le recours au travail forcé serait de pratique courante et le gouvernement aurait recours aux mesures les plus contestables en vue d'accélérer la production.
  2. 1031. La plainte présentée par le groupe des travailleurs du Conseil d'administration du Bureau international du Travail, en complément de la plainte de la C.I.S.L, contient un certain nombre d'allégations de violations des droits syndicaux groupés sous les titres suivants.
    • Droit d'association
  3. 1032. L'Organisation syndicale unique - dénommée « Mouvement syndical révolutionnaire » - jouirait en matière de droit d'association d'un véritable monopole qui lui serait garanti par la Constitution et par une loi spéciale de 1946. Une loi de 1951 désignerait nommément les organisations qui sont autorisées à exercer le droit d'association. Le monopole dont jouirait le mouvement syndical révolutionnaire serait en outre protégé par une loi de 1950 prévoyant différentes peines pour ceux qui tentent de s'associer sans autorisation à des fins d'opposition. Le fait qu'existe un tel monopole prouverait à lui seul, que le mouvement syndical révolutionnaire n'est pas une véritable organisation syndicale. D'autre part, en accordant ce monopole à une seule organisation syndicale, l'Etat aurait eu en vue de soumettre les syndicats à un contrôle systématique comme cela ressort notamment d'une loi de 1951.
    • L'organisation syndicale unique
  4. 1033. Les tâches assignées au mouvement syndical révolutionnaire par la législation seraient de celles qui incombent normalement aux chefs d'entreprise et seraient sans rapport avec les activités et les objectifs normaux d'une organisation syndicale. Ceci ressortirait notamment de la loi de 1948 qui a fixé les tâches assignées aux syndicats dans le cadre du plan quinquennal (tâches qui se résumeraient essentiellement à accroître le rendement du travail), de la loi de 1946 sur l'organisation syndicale unique (qui ne reconnaîtrait pas à la classe ouvrière d'autres droits que ceux qu'elle aura mérités par sa participation à l'édification du régime) et des statuts adoptés au deuxième congrès national des syndicats en 1949. Les groupes syndicaux d'entreprise n'auraient pas d'autres droits que ceux d'imposer à l'ouvrier, syndiqué ou non, le respect des mesures prises par la Direction. Dans ces conditions, il ne serait pas étonnant que la structure organique du mouvement syndical révolutionnaire soit fortement marquée par une centralisation rigoureuse. Les organes soi-disant élus du mouvement syndical seraient nantis d'un corps de secrétaires payés, désignés et dirigés par les instances supérieures. De l'avis des plaignants, le mécanisme de contrainte des travailleurs ne saurait être plus perfectionné. Enfin, les groupements syndicaux étant organisés sur la base du principe « une entreprise - une organisation », le travailleur se trouverait être surveillé dans son syndicat par ceux-là mêmes qui le surveillent dans son travail.
    • Représentation au sein de l'entreprise
  5. 1034. Il ressort du décret de 1945 sur les conseils d'entreprise que les intérêts que doit représenter le conseil d'entreprise seraient non pas ceux des travailleurs des industries du pays, mais ceux qu'a en vue l'idéologie démocratique et populaire. Les plaignants analysent en détail les dispositions législatives sur l'élection des membres des conseils d'entreprise, et prétendent que du fait de la subordination totale des conseils d'entreprise au syndicat unique, il n'y aurait en réalité aucune trace de véritable représentation des travailleurs au sein de l'entreprise.
    • Droit de grève
  6. 1035. Bien qu'on chercherait en vain le mot «grève » parmi ceux qui désignent des actions punissables dans la législation des démocraties populaires, la grève serait en fait de tous les moyens de défense, celui qui ferait l'objet de la répression la plus brutale. Ceci ressortirait notamment d'une loi de 1950 qui assimilerait la grève au sabotage.

B. Communication des plaintes au gouvernement

B. Communication des plaintes au gouvernement
  1. 1036. La plainte soumise par la Confédération internationale des syndicats libres au Conseil économique et social a été communiquée au gouvernement tchécoslovaque par lettre du 20 avril 1951.
  2. 1037. Conformément à la décision prise par le Comité à sa réunion de janvier 1952, le Directeur général avait adressé, le 22 janvier 1952, au gouvernement tchécoslovaque, une lettre de rappel l'invitant à faire parvenir ses observations éventuelles au Bureau international du Travail avant le 15 février 1952.
  3. 1038. Aucune réponse n'ayant été reçue du gouvernement tchécoslovaque lors de sa réunion de mars 1952 et une plainte additionnelle ayant été déposée par le groupe des travailleurs du Conseil d'administration, le Comité décida de surseoir à l'examen du cas et de communiquer la nouvelle plainte au gouvernement tchécoslovaque pour observations éventuelles en le priant de transmettre celles-ci avant le 1er mai 1952. Le Directeur général adressa une lettre en ce sens au gouvernement tchécoslovaque le 20 mars 1952. Une nouvelle lettre de rappel a également été adressée au gouvernement le 3 mai 1952.
  4. 1039. Aucune réponse n'ayant été reçue du gouvernement tchécoslovaque, le Conseil d'administration, à sa 119ème session (mai 1952), sur recommandation du Comité, a décidé:
    • a) de charger le Directeur général d'entreprendre, au nom du Conseil d'administration, une nouvelle démarche auprès du gouvernement tchécoslovaque en vue d'obtenir ses observations éventuelles concernant la plainte soumise par la Confédération internationale des syndicats libres et la plainte additionnelle déposée par le groupe des travailleurs du Conseil d'administration du Bureau international du Travail;
    • b) d'informer le Conseil économique et social des Nations Unies de l'état de la question.
  5. 1040. Le Directeur général a communiqué cette décision du Conseil d'administration au gouvernement tchécoslovaque et au Conseil économique et social par lettre en date du 28 et du 27 juin 1952 respectivement.
  6. 1041. Une nouvelle lettre de rappel a également été adressée au gouvernement tchécoslovaque le 14 novembre 1952.
  7. 1042. Aucune réponse n'a été reçue jusqu'ici du gouvernement tchécoslovaque.
  8. 1043. Lors de la discussion, à la 14ème session du Conseil économique et social, du sixième rapport de l'O.I.T aux Nations Unies, le représentant du gouvernement tchécoslovaque, dans une déclaration faite le 17 juillet 1952, a donné les raisons pour lesquelles le gouvernement n'a pas répondu à la demande d'informations que le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration a adressée à son gouvernement en ce qui concerne la plainte soumise par la C.I.S.L contre son pays.
  9. 1044. Les passages essentiels de ce discours sont les suivants:
    • Le rapport de l'O.I.T donne un aperçu des activités de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale. Le représentant de l'O.I.T a déclaré au Conseil que le gouvernement de la Tchécoslovaquie... n'avait pas fait parvenir sa réponse à cette commission dans les délais prescrits. La délégation tchécoslovaque a fait ressortir à maintes reprises que la protection des droits syndicaux est étroitement liée à celle des droits fondamentaux de l'homme, laquelle incombe à l'Organisation des Nations Unies. En confiant à un organisme spécial la protection des droits syndicaux, on expose ces droits à un grave danger. C'est pourquoi le gouvernement tchécoslovaque n'a pas approuvé la création de cette commission dont l'action consiste non pas à protéger des droits syndicaux mais à en réprimer l'exercice dans les pays capitalistes, dans les pays insuffisamment développés et dans les pays colonisés. Cette commission est l'instrument d'une propagande hostile dirigée contre les pays défenseurs de la paix. Tel est le sens d'une décision prise par la Commission et par le Conseil d'administration au sujet d'une prétendue plainte contre la Tchécoslovaquie. Cette propagande a pour objet de dissimuler à la classe ouvrière des pays capitalistes la répression de plus en plus sévère dont l'exercice des droits syndicaux fait l'objet. Elle vise à contrecarrer la résolution de la classe ouvrière dans sa lutte pour l'amélioration des conditions d'existence des travailleurs et pour le maintien de la paix.
    • Mais cette campagne est condamnée à l'échec. Les travailleurs du monde entier savent le rôle que jouent les syndicats dans les pays défenseurs de la paix et, notamment, en Tchécoslovaquie. Ils savent également qu'aucun pays capitaliste n'assure aux syndicats des libertés égales à celles dont ils bénéficient dans les pays pacifiques. La délégation tchécoslovaque voit dans cette prétendue plainte contre son pays un acte de propagande hostile et elle repousse catégoriquement la décision prise par la Commission et par le Conseil d'administration.
    • La violation des droits syndicaux dans les pays capitalistes est une des formes de la préparation à la guerre. Les gouvernements capitalistes veulent liquider les syndicats qui dévoilent leurs plans agressifs. Au contraire, la garantie et la protection efficaces des droits syndicaux font partie intégrante de la lutte pour la paix. Au lieu de s'élever résolument pour la défense des droits syndicaux, l'O.I.T aide à en réprimer l'exercice.
    • La délégation tchécoslovaque estime qu'en soutenant les violations des droits syndicaux dans les pays capitalistes, en appuyant la propagande hostile dirigée contre les pays défenseurs de la paix et en se livrant à des manoeuvres afin de détruire l'unité des travailleurs, l'O.I.T s'est faite l'instrument docile des fauteurs de guerre...

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  • C. Conclusions
    1. 1045 Il ressort de l'analyse précédente que la plainte a été dûment communiquée au gouvernement tchécoslovaque, mais que celui-ci, en dépit de rappels réitérés, n'y a pas répondu. Il semble ressortir d'autre part des déclarations faites par son représentant devant le Conseil économique et social des Nations Unies que le gouvernement tchécoslovaque s'est volontairement abstenu de répondre. Etant donné que les allégations contenues dans la plainte sont très précises, le Comité conclut, dans ces circonstances, que le cas mérite un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
  • Genève, 25 février 1953.
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