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Rapport définitif - Rapport No. 3, 1952

Cas no 17 (France) - Date de la plainte: 01-JANV.-52 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Analyse de la plainte
    1. 38 La plainte allègue les deux griefs suivants qui, de l'avis des plaignants, constituent des atteintes à la liberté syndicale:
      • a) Les revendications des travailleurs demandant une amélioration de leur situation seraient étouffées par la terreur et la répression. Divers exemples sont cités par les plaignants pour démontrer ce fait. En novembre 1950, lorsque des ouvriers se sont mis en grève à Souk-el-Khémis, la région aurait été mise en état de siège et il aurait été interdit aux représentants syndicaux de s'y rendre. Des grévistes auraient été arrêtés et condamnés. Au cours de la grève d'Enfidaville, en novembre 1950, les grévistes ont tenu une réunion ; la police aurait ouvert le feu - 6 ouvriers furent tués, 14 grièvement blessés et 200 arrêtés. Il est allégué que le ministre des Affaires sociales aurait reconnu en public, dans un discours, que les grévistes tués étaient victimes d'une agression non provoquée, alors qu'ils ne demandaient qu'un droit légitime, par des moyens légitimes. Par contre, le Résident général aurait approuvé officiellement ce massacre. Au cours d'une grève à Sainte-Marie du Zit, il aurait été procédé à des arrestations massives et de nombreux grévistes auraient été condamnés. A Djemna, après la reprise du travail par les grévistes, trois d'entre eux auraient été emprisonnés. Des faits de même ordre se seraient produits à Moularès. Le secrétaire général adjoint de l'Union locale des syndicats U.S.T.T de Tunisie aurait été condamné à une peine de prison pour l'aide apportée aux grévistes.
      • b) L'Union syndicale des travailleurs de Tunisie, le 24 janvier 1951, devait organiser une réunion dans les locaux du syndicat et a déposé une demande d'autorisation, conformément à la loi. Cette autorisation aurait été refusée.
    2. Analyse de la réponse et de la réponse supplémentaire
    3. 39 Dans sa réponse du 8 janvier 1952, le gouvernement français déclarait que toutes les condamnations prononcées à l'encontre d'agitateurs, dont certains appartenaient à des groupements syndicaux, avaient été prises, en application de la législation de droit commun, pour entrave à la liberté du travail, comme en font foi les jugements prononcés dans chaque cas particulier par les instances administratives ou judiciaires compétentes.
    4. 40 Le gouvernement ne se référait pas à l'allégation concernant l'interdiction d'une réunion syndicale.
    5. 41 Lors de sa première session (10-12 janvier 1952), le Comité avait demandé au Directeur général d'obtenir des informations complémentaires du gouvernement français avant que le Comité ne formule ses recommandations au Conseil d'administration.
    6. 42 Par lettre du 22 janvier 1952, le Directeur général a demandé des renseignements complémentaires sur la nature des délits reprochés aux personnes condamnées à la suite de certaines grèves, ainsi que sur les jugements prononcés contre celles-ci.
    7. 43 Dans sa réponse du 4 mars 1952, le gouvernement français a non seulement donné des détails sur les questions qui lui étaient posées, mais a également précisé son point de vue quant à l'allégation du plaignant relative à l'interdiction d'une réunion publique organisée par l'Union syndicale des Travailleurs de Tunisie.
    8. 44 Quant aux circonstances dans lesquelles les condamnations ont été prononcées, le gouvernement fait observer que les différentes grèves mentionnées dans la plainte ont donné lieu à des désordres, de sorte que la police était obligée d'intervenir. Quant aux jugements mêmes, le gouvernement indique qu'ils ont été rendus par des tribunaux ordinaires sanctionnant des délits de droit commun, notamment des entraves à la liberté du travail.
    9. 45 En ce qui concerne la prétendue interdiction de la réunion organisée par l'Union syndicale des travailleurs de Tunisie, le gouvernement relève que cette réunion était convoquée non seulement par l'Union syndicale, mais encore par toute une série d'organisations politiques. Comme en témoigne un tract distribué par les organisateurs de la réunion, celle-ci n'avait pas un objet strictement syndical, mais poursuivait des fins politiques.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 46. En ce qui concerne les condamnations de certains travailleurs en grève, il ressort de la réponse du gouvernement que ces condamnations ont été prononcées par des tribunaux ordinaires.
  2. 47. Il ressort également de la liste des jugements produite par le gouvernement que les condamnés s'étaient rendus coupables de délits de droit commun, notamment du délit d'entrave à la liberté du travail.
  3. 48. D'après la législation en vigueur en Tunisie, calquée, comme l'a signalé le gouvernement français, sur le Code pénal français, le délit d'entrave à la liberté du travail présuppose qu'il y ait eu des violences, des voies de fait, des menaces ou des manoeuvres frauduleuses.
  4. 49. Il semble donc que les autorités responsables se soient exclusivement inspirées du souci de garantir le respect de la légalité. Toutefois, le nombre élevé des condamnations et la sévérité des peines infligées semblent indiquer l'existence d'une certaine tension sociale dont on peut trouver un indice dans la recrudescence des conflits du travail. Si l'on peut estimer qu'il aurait été préférable que ces conflits eussent trouvé une solution par la voie de négociations collectives entre les parties ou au moyen d'un système de conciliation et d'arbitrage plutôt que par des méthodes répressives, il ne semble pas néanmoins que les mesures prises par les autorités puissent être considérées comme des atteintes à la liberté syndicale.
  5. 50. En ce qui concerne la prétendue interdiction de la réunion publique organisée par l'Union syndicale des travailleurs de Tunisie, il ressort de la réponse du gouvernement que cette réunion n'était pas organisée par la seule Union syndicale, mais par toute une série d'autres organisations de caractère politique. Il en résulte également que les organisateurs de la réunion ne s'adressaient pas exclusivement aux salariés, mais à toute la population qu'ils engageaient à protester à cette occasion contre le régime politique en vigueur en Tunisie.
  6. 51. Sans doute, le droit d'organiser des réunions publiques forme un aspect important des droits syndicaux. Toutefois; dans le cas présent, l'interdiction ne visait pas spécifiquement une réunion syndicale, mais une réunion politique. Le gouvernement a souligné d'autre part que les réunions publiques d'ordre strictement syndical n'ont jamais été interdites en Tunisie.
  7. 52. Il semble donc que cette allégation soit d'un caractère si purement politique qu'il n'est pas opportun de poursuivre l'affaire.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 53. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que l'ensemble du présent cas no mérite pas un examen plus approfondi.
    • Genève, le 13 mars 1952.
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