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Rapport définitif - Rapport No. 6, 1953

Cas no 48 (Japon) - Date de la plainte: 08-JUIL.-50 - Clos

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  1. 737. Trois communications contenant des allégations de violation des droits syndicaux au Japon ont été portées devant le Conseil économique et social à sa 12ème session (document des Nations Unies no E/1882, 26 décembre 1950). Le. Japon n'étant à cette époque Membre ni de l'Organisation internationale du Travail, ni des Nations Unies, ces communications n'ont pas été transmises à l'O.I.T.
  2. 738. Toutefois, à la demande du Conseil économique et social, le Secrétaire général des Nations Unies a, le 15 mars 1951, transmis ces communications aux autorités japonaises compétentes. Le gouvernement du Japon a répondu par une note adressée le 8 mars 1952 par le ministre des Affaires étrangères du Japon au Secrétaire général des Nations Unies ; cette note transmettait les observations du gouvernement sur cette question. Le Japon ayant été, entre temps, admis dans l'Organisation internationale du Travail, le Conseil économique et social a décidé, le 20 mai 1952, de transmettre à l'O.I.T ces communications ainsi que les observations du gouvernement.
  3. 739. Le gouvernement du Japon a été informé de cette décision par lettre du 3 juillet 1952 et il lui a été indiqué que ces communications et observations seraient soumises, de même que toutes informations complémentaires qu'il pourrait communiquer à l'O.I.T, au Comité de la liberté syndicale au cours de sa prochaine session, en vue d'un examen préliminaire. Il lui fut précisé qu'étant donné que l'attention du gouvernement du Japon avait été déjà attirée sur ces communications et que ce gouvernement avait communiqué ses observations à leur sujet, la question serait soumise directement au Comité de la liberté syndicale.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 740. Dans sa communication du 8 juillet 1950 adressée au président de la Commission des droits de l'homme, la Fédération syndicale mondiale allègue que les autorités des forces d'occupation au Japon méconnaissent les libertés d'expression et de réunion du peuple japonais.
  2. 741. Le 30 mai, au cours d'une manifestation où les travailleurs et les étudiants réclamaient une amélioration de leur niveau de vie, la police japonaise et la police militaire américaine ont arrêté huit des manifestants, qui ont été condamnés sans preuve ni défenseurs à cinq, sept et dix ans de travaux forcés.
  3. 742. Le 5 juin, deux syndicalistes, Junkichi Nakahara et Sigeo Shindo ont été arrêtés chez eux, le premier, sous le prétexte d'avoir violé l'article 311 de l'ordonnance impériale et le second, sous le prétexte d'avoir violé l'ordre du gouvernement interdisant les réunions. En réalité, leur seul crime était d'avoir cherché à défendre les droits des travailleurs. Yusumasa Sato, président de la Fédération nationale des syndicats des employés du gouvernement et membre de la F.S.M, qui avait été impliqué dans l'affaire du 30 mai, a été arrêté le 7 juin, et un mandat d'arrêt a été lancé contre Hiroshi Nakagawa.
  4. 743. Interdiction a été faite à vingt-quatre membres du parti communiste japonais et à dix-sept rédacteurs de l'Akahate, organe du parti communiste japonais, d'exercer toute activité politique ou sociale.
  5. 744. La communication du 8 septembre 1950 de la Confédération générale du travail (Paris), et la communication du 20 septembre 1950 de l'Eenheidsvakcentrale (Syndicats unifiés, Amsterdam), toutes deux adressées au Secrétaire général des Nations Unies, contiennent dès allégations semblables.
  6. 745. Le 30 août 1950, le gouvernement japonais, placé sous le contrôle du général Mac Arthur, a pris un décret en vertu duquel le Zen-Ro-Ren, Comité de liaison des syndicats japonais, a été dissous et ses biens ont été confisqués. La raison donnée pour cette mesure était la violation du statut d'occupation, mais en réalité le Zen-Ro-Ren a été dissous parce que les syndicats japonais menaient une action systématique pour la défense de la paix sous les auspices de la Fédération syndicale mondiale.
  7. 746. Le général Mac Arthur a en outre déclaré qu'il ferait prendre au gouvernement japonais des mesures répressives contre douze dirigeants syndicalistes parmi lesquels figure Kenta Kaneko, membre du Comité exécutif du Zen-Ro-Ren et du Comité exécutif de la Fédération syndicale mondiale.

C. Analyse de la réponse du gouvernement

C. Analyse de la réponse du gouvernement
  1. 747. La réponse du gouvernement japonais porte en premier lieu sur les droits syndicaux au Japon. Le droit d'organisation, de négociation et d'action collectives des travailleurs est garanti par l'article 28 de la Constitution japonaise de 1946. Il est donné effet à cette garantie constitutionnelle par une série de lois du travail comme la loi sur les syndicats (S.L, 1949, Jap. 3) et la loi aménageant les relations du travail (S.L, 1946, Jap. 1), ainsi que d'autres ordonnances gouvernementales. Conformément à cette législation et à cette réglementation, tous les travailleurs sans distinction de race, de religion, de sexe, de situation sociale ou d'origine familiale, peuvent organiser des syndicats ou en devenir membres sans qu'il soit nécessaire, au moment de la création d'un syndicat, d'en aviser les autorités ou de leur faire rapport. En vue de sauvegarder les droits des travailleurs, la loi sur les syndicats a créé des comités de relations professionnelles comprenant un nombre égal de représentants des employeurs, des travailleurs et des intérêts publics, qui sont chargés de s'opposer à toute tentative des employeurs de s'assurer le contrôle des syndicats ou d'intervenir dans leur fonctionnement.
  2. 748. Grâce à ces garanties, les syndicats japonais se sont développés rapidement et le nombre des syndicats, qui était pratiquement négligeable à la fin de la guerre, s'est élevé à 27.000 avec un nombre total de 5.700.000 membres.
  3. 749. Les droits syndicaux, tels qu'ils sont garantis par les lois et ordonnances mentionnées ci-dessus, sont actuellement accordés à tous les syndicats, indépendamment de leur tendance politique.
  4. 750. Toutefois, pour toutes les organisations, même syndicales, qui se sont livrées à des activités dirigées contre les occupants ou illégales de toute autre manière, activités étrangères au domaine de leur compétence, le gouvernement japonais a dû prendre les mesures indiquées dans deux mémorandums du commandant suprême pour les puissances alliées (S.C.A.P) en date du 4 janvier 1946. Des mesures semblables devaient être prises par le gouvernement japonais, contre tout Japonais se livrant à une activité dirigée contre l'occupant ou à toute autre activité illégale, et ceci conformément à un autre mémorandum du commandant suprême pour les puissances alliées en date du 10 septembre 1945 et à d'autres ordonnances du gouvernement s'y référant.
  5. 751. Dans le premier des mémorandums du commandant suprême pour les puissances alliées, en date du 4 janvier 1946, dont il a été question plus haut, des instructions étaient données au gouvernement japonais afin qu'il interdise la formation de tout parti politique, association ou société et toute activité de la part d'une de ces organisations ou de tout individu ou groupe, dont l'objectif aurait été ou dont l'action aurait eu pour résultat de résister ou de s'opposer aux forces d'occupation ou aux ordres émis par le gouvernement pour donner suite aux directives du commandant suprême pour les puissances alliées. Dans le second mémorandum émanant du commandant suprême pour les puissances alliées et portant la même date que le premier, des instructions étaient données au gouvernement japonais afin qu'il révoque et exclu des services publics le personnel indésirable.
  6. 752. Les ordres et ordonnances édictés par le gouvernement japonais à la suite des directives du commandant suprême pour les puissances alliées comprenaient notamment:
    • i) L'ordre du 4 avril 1949 portant contrôle des organisations, qui interdit tout parti politique, association ou organisation dont l'objectif ou l'activité aurait été de résister ou de s'opposer aux forces d'occupation et aux ordres émis par le gouvernement pour donner suite aux directives du commandant suprême pour les puissances alliées, et qui prévoit le mode de dissolution de tout parti politique, association ou organisation de cette nature.
    • ii) L'ordre édicté au Conseil des ministres le 19 août 1948 au sujet de la garde et de la dévolution des biens des organisations dissoutes en vertu d'un ordre qui serait pris par la suite en application de la Déclaration de Potsdam ; ce texte prévoit que les biens en question seront transférés au Trésor national.
    • iii) L'ordonnance impériale no 1 du 4 janvier 1947 sur la révocation et l'exclusion du personnel indésirable des services publics.
    • iv) L'ordonnance impériale no 311 de 1946 prévoyant des sanctions pour les actes préjudiciables aux objectifs des autorités d'occupation.
  7. 753. En ce qui concerne les allégations de la Fédération syndicale mondiale, le gouvernement présente les observations suivantes.
    • Incidents du 30 mai
  8. 754. Le 30 mai 1950 a eu lieu, sur la place du palais impérial, une réunion appelée « Assemblée du peuple pour la défense du parti communiste et de la paix», sous le patronage du « Minshu Minzoku Sensen Junbi Kai » (comité préparatoire du front démocratique et national). Au cours de cette réunion des bagarres se sont produites lorsqu'un manifestant a essayé d'arracher un carnet à un agent de police qui prenait des notes sur les discours. Plusieurs autres manifestants ont brutalisé des officiers et des hommes de troupe des forces d'occupation.
  9. 755. Par ordre des autorités d'occupation, des agents de la police métropolitaine ont arrêté huit manifestants avec l'aide de la police militaire des forces d'occupation. Les personnes arrêtées ont été jugées par le tribunal militaire des puissances d'occupation et ont été condamnées à des peines de travaux forcés allant de un à dix ans. Au cours du procès, les inculpés ont bénéficié de l'assistance de deux avocats officiels et de six avocats privés, et plusieurs témoins ont été cités par le ministère public aussi bien que par la défense. Tous les condamnés, sauf un ont été remis en liberté conditionnelle.
    • Arrestation de diverses personnes
  10. 756. Junkishi Nakahara a été arrêté pour avoir lu, le 3 juin 1950, au Congrès général du relèvement des salaires pour la solution de la crise industrielle, un questionnaire adressé au général Mac Arthur, et dans lequel il était déclaré que des hommes placés sous les ordres du commandant suprême pour les puissances alliées ont, sans donner aucune explication, frappé à coups de poing et de pied et arrêté six personnes participant à la démonstration et ont fait juger huit participants à la manifestation par la prévôté militaire, sans qu'ils aient reçu l'assistance d'un avocat japonais. Le commissariat de la police métropolitaine a considéré que cet acte était contraire aux directives du commandant suprême pour les puissances alliées du 10 septembres 1945 et a dû poursuivre Nakahara conformément à l'ordonnance impériale no 311.
  11. 757. La police métropolitaine a arrêté Shigeo Shindo pour avoir enfreint l'arrêté de Tokyo-To no 111 de 1949 prévoyant que toute personne qui organise un défilé ou une démonstration publique doit en informer le Comité de la sécurité publique compétent au moins 72 heures à l'avance, alors qu'une démonstration groupant environ 2.500 personnes s'était tenue le 3 juin 1950 sans qu'aucun préavis eût été donné.
  12. 758. Le 5 août 1950, Yasumasa Sato et Hiroshi Nakagawa ont affiché à l'entrée du bâtiment Teino, à Tokyo, le document qui avait été lu à haute voix par Nakahara. La police métropolitaine a essayé de les arrêter pour la même raison que Nakahara, mais ils ont pu s'enfuir. Sato a été capturé le 8 juin, mais Nakagawa a échappé aux recherches.
    • Epuration des membres du parti communiste japonais et du personnel de la rédaction de l'« Akahate »
  13. 759. Dans une lettre du 6 juin 1950, le commandant suprême pour les puissances alliées a donné des instructions au gouvernement pour révoquer et exclure des services publics 24 personnes qui constituent la totalité des membres du comité central du parti communiste japonais et les faire tomber sous le coup des interdictions, restrictions et obligations stipulées dans ses directives du 4 janvier 1946. La lettre indique qu'a agissant selon un plan concerté, ils ont défié l'autorité établie, exprimé leur mépris de la loi et de l'ordre et cherché, par des déclarations fausses et violentes et d'autres moyens subversifs, à provoquer la confusion et à créer une agitation sociale assez intense pour préparer le renversement par la force du gouvernement constitutionnel du Japon ».
  14. 760. Dans une autre lettre du 7 juin 1950, le commandant suprême pour les puissances alliées a donné des instructions au gouvernement afin que celui-ci prenne les mesures administratives nécessaires pour inclure, parmi les personnes mentionnées dans sa lettre du 6 juin 1950, dix-sept personnes partageant la responsabilité de la politique inspirant l'organe communiste Akahate. Il est déclaré dans la lettre que « depuis un certain temps, ce journal s'est fait le porte-parole des éléments qui sont les plus violents ennemis de l'ordre au sein du parti communiste et a souillé les pages consacrées aux informations et aux articles de fond par des appels licencieux et mensongers, incendiaires et séditieux, à des passions irresponsables, cela afin d'inciter à la révolte contre les autorités constituées». Le gouvernement a pris des mesures en conséquence.
  15. 761. En ce qui concerne les allégations de la Confédération générale du travail (Paris) et de la Eenheidsvakcentrale (Amsterdam), le gouvernement a répondu comme suit.
    • Dissolution du Zen-Ro-Ren
  16. 762. Le Zen-Ro-Ren (Zenkoku-Rodokumiai-Renratu-Kyogikai) (Conseil national des syndicats) a été créé en mars 1947 pour assurer la liaison entre les centrales syndicales nationales et unifier l'action du mouvement ouvrier. Parmi les centrales syndicales affiliées à cette organisation figuraient le Sanbetsu (Congrès des syndicats industriels), représentant l'aile gauche du mouvement ouvrier, et le Sodomei (Fédération nationale du travail), représentant l'aile droite. La vieille rivalité entre ces deux organisations a abouti au retrait du Sodomei du Zen-Ro-Ren en juin 1948.
  17. 763. Le 30 août 1950, le gouvernement a été obligé, en raison du fait que les activités du Zen-Ro-Ren étaient dirigées contre les autorités d'occupation, d'ordonner la dissolution de cette organisation et de transférer ses biens au trésor national, conformément à l'ordre portant contrôle des organisations, à l'ordonnance impériale no 311 du 4 janvier 1947 et à l'ordre édicté en conseil des ministres le 19 août 1948. La réponse du gouvernement mentionne huit cas d'action du Zen-Ro-Ren dirigée contre les autorités d'occupation : il s'agit principalement de la publication de déclarations hostiles aux forces d'occupation.
  18. 764. Un de ces cas est un rapport publié par le conseil des secrétaires du Zen-Ro-Ren, en relation avec un conflit du travail aux mines de Matsuura, où il est notamment déclaré que « le conflit a pris le caractère d'une lutte héroïque et patriotique du peuple tout entier contre les impérialistes étrangers qui essaient de coloniser le Japon et contre les traîtres réactionnaires qui sacrifient sans scrupule le peuple japonais au bénéfice des trusts capitalistes étrangers ».
  19. 765. L'ordre de dissolution a été pris avec l'approbation du commandant suprême pour les puissances alliées. Toutefois, il ne vise que le siège central du Zen-Ro-Ren, sans toucher aux conseils de liaison de districts, ni aux syndicats affiliés au Zen-Ro-Ren.
    • Mesures prises contre certains dirigeants syndicalistes
  20. 766. Par le même ordre de dissolution, il a été interdit à douze dirigeants du Zen-Ro-Ren, dont Kenta Kaneko, d'exercer des fonctions publiques.

D. D. Conclusions du comité

D. D. Conclusions du comité
  1. 767. Les allégations contenues dans les plaintes et la réponse du gouvernement japonais font ressortir que les actes visés dans les allégations des plaignants ont leur origine dans le Statut du Japon en tant que pays occupé. La dissolution du Zen-Ro-Ren et les arrestations des dirigeants syndicaux mentionnées dans la plainte de la Fédération syndicale mondiale ont été motivées par les activités que le gouvernement a estimé devoir considérer comme étant en violation du Statut d'occupation qui était en vigueur à l'époque, alors que les autres actions incriminées ont été accomplies soit à la suite de directives spéciales du commandant suprême pour les puissances alliées, soit directement en vertu des pouvoirs des autorités d'occupation.
  2. 768. Dans ces conditions, le Comité estime que, pour autant que les plaintes se réfèrent à une situation politique qui n'existe plus au Japon, un examen plus approfondi de ces questions serait pratiquement sans objet.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 769. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • i) de prendre note avec satisfaction de l'assurance donnée par le gouvernement qu'en vertu des lois en vigueur au Japon les droits syndicaux sont garantis à chaque syndicat ;
    • ii) d'exprimer l'espoir que le gouvernement puisse envisager la possibilité de ratifier la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 ;
    • iii) de suggérer que le gouvernement pourrait estimer qu'il serait indiqué d'examiner la situation actuelle au Japon en ce qui concerne les règles applicables aux activités syndicales, en vue de déterminer si certaines modifications ne pourraient pas être apportées à la législation et à la pratique administrative afin que celles-ci soient mises en complète harmonie avec les principes reconnus dans les deux conventions précitées ;
    • iv) de décider que, compte tenu de toutes les circonstances du présent cas, un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration ne serait pas opportun.
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