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Rapport définitif - Rapport No. 7, 1954

Cas no 56 (Uruguay) - Date de la plainte: 30-SEPT.-52 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Analyse de la plainte
    1. 32 Dans une communication en date du 30 septembre 1952, à laquelle la Federación ferroviaria y ramas anexas s'est associée, le plaignant a présenté les allégations suivantes:
  • Allégation concernant le droit de grève
    1. 33 Les ouvriers des entreprises de transports publics de la ville de Montevideo avaient déclaré la grève, en septembre 1952, pour protester contre la suspension du paiement d'augmentations de salaires accordées légalement par le conseil de salaires compétent pour l'industrie des transports.
    2. 34 Les transports de la ville de Montevideo sont assurés par deux entreprises : l'une privée, la C.U.T.C.S.A. (Coopérative uruguayenne des transports collectifs, S.A.), l'autre appartenant à la municipalité, l'A.M.D.E.T (Administration municipale des transports). Dans la première entreprise, les salaires sont fixés par les conseils de salaires créés par la loi no 10449 de 1943. La loi du 6 décembre 1947 instituant l'A.M.D.E.T aurait établi l'égalité des droits entre son personnel et celui de l'entreprise privée. Les décisions du conseil des salaires seraient, partant, applicables aussi au personnel de l'A.M.D.E.T. La grève aurait donc eu un caractère purement professionnel, du fait qu'elle avait son origine dans une réclamation de paiement de salaires légalement dus.
    3. 35 Le 11 septembre 1952, le gouvernement a promulgué un décret destiné à réprimer les arrêts de travail dans les services publics, sous prétexte que ces arrêts constituaient « l'état de troubles intérieurs » prévu par la Constitution. Par ce décret, toute propagande orale ou écrite en faveur de la grève aurait été interdite. De plus, le même décret aurait fait application des dispositions de l'article 168, paragraphe 17, de la Constitution nationale, autorisant le Conseil du gouvernement à arrêter des personnes comme mesure urgente de sécurité, et de celles de l'article 5 de la loi no 9604 de 1936 sur l'expulsion des étrangers.
  • Allégation concernant le congédiement du personnel de l'A.M.D.E.
    1. 36 Le personnel de l'entreprise municipale de transports aurait été congédié dans sa totalité, et seuls les travailleurs qui l'auraient demandé personnellement auraient été rengagés.
  • Allégation concernant l'interdiction de réunions syndicales
    1. 37 Aucun syndicat n'aurait eu le droit de tenir des réunions pour examiner la situation existante, et le gouvernement aurait ordonné la fermeture des locaux syndicaux où eurent lieu des réunions. Le syndicat du personnel de l'A.M.D.E.T n'aurait pas reçu d'autorisation pour tenir une assemblée destinée à mettre fin à la grève.
  • Allégation concernant la suppression des garanties de la liberté personnelle.
    1. 38 De nombreux syndicalistes auraient été arrêtés et d'autres dirigeants d'organisations ouvrières auraient été soumis à la surveillance de la police. Le recours à l'habeas corpus garanti par la Constitution n'aurait pas été accordé aux syndicalistes emprisonnés.
  • Analyse de la réponse du gouvernement
    1. 39 Dans sa réponse du 24 mars 1953, le gouvernement uruguayen a notamment fait valoir les arguments suivants:
  • Allégation concernant le droit de grève
    1. 40 Il n'est pas exact que le paiement des augmentations de salaires accordées au personnel des entreprises de transports publics ait été complètement suspendu. L'administration municipale (A.M.D.E.T) a en effet continué à payer ces augmentations. La seule entreprise qui cessa le paiement des augmentations fut l'entreprise privée.
    2. 41 Il n'est pas exact non plus que les deux entreprises de transports de Montevideo soient régies par la loi sur les conseils de salaires de 1943. L'entreprise A.M.D.E.T est un organe municipal qui n'est pas visé par la loi de 1943, applicable seulement aux services publics exploités par des concessionnaires. C'était dans l'exercice de ses droits d'administration propres que l'A.M.D.E.T a appliqué à son personnel les salaires établis par un conseil des salaires pour l'autre entreprise de transports de la ville de Montevideo. Cette grève a eu des conséquences sérieuses pour l'ordre public, spécialement du fait qu'elle succédait à d'autres conflits d'une grande gravité. En 1952, une grève générale de fonctionnaires de la santé publique s'était déjà produite, et en août 1952 l'arrêt du travail de fonctionnaires des services administratifs avait été annoncé.
    3. 42 En août 1952, le Conseil du gouvernement avait averti les intéressés qu'à l'avenir il entendait réprimer tous les arrêts de travail dans l'administration publique, en faisant usage de sa compétence disciplinaire en matière administrative et en ayant recours à toutes les mesures de sécurité publique prévues par la Constitution en vue d'assurer le fonctionnement continu des services publics et de garantir le développement normal de la vie de la nation.
    4. 43 La grève des ouvriers de l'A.M.D.E.T était illicite du fait que les travailleurs jouissent du statut de fonctionnaires publics. En ce qui concerne les travailleurs de l'entreprise privée, la grève était également illicite du fait qu'elle a été déclenchée avant que le délai de préavis établi par la loi sur les conseils de salaires fût écoulé.
    5. 44 Le gouvernement, devant faire face à une situation affectant l'ordre public, a eu recours à des mesures d'exception expressément autorisées par des dispositions de la Constitution nationale. Or c'est en vertu de ces dispositions que le gouvernement a pris le décret du 11 septembre 1952 mis en cause par le plaignant. Cette mesure a été approuvée le 13 septembre 1952, par le Parlement en Assemblée générale, par 85 voix contre 7. Le Parlement uruguayen est composé sur la base d'une représentation proportionnelle de tous les partis politiques et il est, partant, d'origine strictement démocratique.
    6. 45 Les mesures d'exception furent appliquées avec modération et le décret les instituant fut abrogé le 30 septembre 1952 une fois que les fonctionnaires publics de l'A.M.D.E.T et les employés de l'entreprise privée eurent repris le travail de leur propre gré. Le pouvoir exécutif n'a pas cru nécessaire d'intervenir dans les grèves qui se sont produites après septembre 1952, sauf comme médiateur et conciliateur.
  • Allégation concernant le congédiement du personnel de l'A.M.D.E.
    1. 46 Le congédiement des employés de l'entreprise municipale de transports a été décidé en raison de l'illégalité de leur attitude vis-à-vis de l'Administration, qui s'est simplement acquittée de ses obligations légales en appliquant à des fonctionnaires publics les sanctions disciplinaires prévues par leur statut. D'autre part, les fonctionnaires en grève ont, de leur propre gré, mis fin à la grève et ont été réadmis au travail à la fin du mois de septembre.
  • Allégation concernant l'interdiction de réunions syndicales
    1. 47 En ce qui concerne l'interdiction de réunions, le gouvernement déclare qu'il s'est limité à appliquer les dispositions constitutionnelles relatives au rétablissement de l'ordre en cas de troubles intérieurs. Etant donné que la grève des transports publics pouvait être considérée comme une atteinte grave à l'ordre public, l'interdiction de réunions syndicales a eu seulement pour but de prévenir l'extension du mouvement à d'autres industries. L'interdiction n'a donc été que le corollaire nécessaire des mesures prises contre la grève en application des pouvoirs accordés par la Constitution au gouvernement pour sauvegarder l'ordre public et la paix.
  • Allégation concernant la suppression des garanties de la liberté personnelle
    1. 48 Les mesures concernant la liberté personnelle des dirigeants syndicaux furent prises en vertu de l'article 168 (alinéa 17), 2ème partie de la Constitution, qui accorde expressément au gouvernement le droit d'arrêter des personnes en cas de crise sous réserve du contrôle immédiat du pouvoir législatif. Le gouvernement signale que ces pouvoirs exceptionnels ont été appliqués aussi avec modération.

49. Le Comité a estimé qu'il ne lui appartient de se prononcer sur les mesures d'ordre public prises par le gouvernement uruguayen à l'occasion de la grève des transports que pour autant que ces mesures auraient pu porter atteinte à la liberté syndicale.

49. Le Comité a estimé qu'il ne lui appartient de se prononcer sur les mesures d'ordre public prises par le gouvernement uruguayen à l'occasion de la grève des transports que pour autant que ces mesures auraient pu porter atteinte à la liberté syndicale.
  1. 50. Le Comité constate, sur la base des éléments d'information analysés ci-après, que dans le cas d'espèce, les mesures prises par le gouvernement de l'Uruguay contre la grève des transports comme telle ne constituaient pas une atteinte à la liberté syndicale.
  2. Allégation concernant le droit de grève
  3. 51. Le plaignant soutient que le gouvernement ne peut justifier la répression de la grève des transports par l'invocation du motif que cette grève aurait constitué « un état de troubles intérieurs ». Les mesures de répression auraient été arbitraires du fait qu'il s'agissait d'un mouvement strictement professionnel destiné à obtenir le paiement des augmentations de salaires, accordées légalement par le Conseil des salaires compétent.
  4. 52. Le droit de grève est en outre reconnu expressément par la Constitution uruguayenne dont l'article 57 stipule : « ... La grève est un droit syndical ».
  5. 53. Le gouvernement, pour sa part, soutient que, de par son origine, le mouvement de grève était illicite. En effet, les employés de l'A.M.D.E.T avaient, en fait, bénéficié de l'augmentation légale des salaires et jouissaient au surplus du statut de fonctionnaires publics, statut incompatible avec le recours à la grève. En ce qui concerne l'entreprise privée de transports, les ouvriers avaient cessé leur travail sans se conformer aux délais légaux.
  6. 54. La grève des transports aurait troublé si profondément l'ordre public que le gouvernement a cru devoir recourir aux dispositions de l'article 168, paragraphes 1 et 17 de la Constitution uruguayenne concernant les mesures exceptionnelles en cas de troubles.
  7. 55. Le texte de l'article 168 de la Constitution, auquel se réfère le gouvernement, est ainsi conçu:
  8. Article 168. Il appartiendra au Conseil national du gouvernement, par l'intermédiaire du ou des ministres compétents:
  9. 1) d'assurer l'ordre et la tranquillité à l'intérieur et la sécurité extérieure;
  10. ......................................................................................................................................................
  11. 17) de prendre des mesures de sécurité d'urgence dans les cas graves et imprévus d'attaques extérieures ou de troubles intérieures, étant entendu que l'Assemblée nationale siégeant en réunion commune des deux Chambres ou, le cas échéant, la Commission permanente, doit, dans le délai de vingt-quatre heures, être informée des mesures prises ainsi que des circonstances qui les ont motivées, et qu'il appartiendra à l'Assemblée nationale ou à la Commission permanente de prendre une décision définitive à ce sujet.
  12. En ce qui concerne les personnes, les mesures de sécurité peuvent avoir seulement pour effet leur arrestation ou leur transfert dans une autre partie du territoire national si lesdites personnes ne choisissent pas de leur propre gré d'en sortir. Cette mesure, comme les autres, doit être communiquée dans les vingt-quatre heures à l'Assemblée nationale siégeant en réunion commune des deux Chambres ou, le cas échéant, à la Commission permanente, à qui il incombera de prendre une décision définitive à ce sujet.
  13. 56. Dans un message présenté par le pouvoir exécutif à l'Assemblée générale le 15 mars 1953 - message cité dans sa réponse - le gouvernement expose dans les termes suivants les raisons pour lesquelles il a cru devoir recourir aux mesures d'exception prévues par l'article 168 de la Constitution:
  14. Il convient de rappeler ici les mesures que le gouvernement a dû prendre pour faire face aux graves conflits sociaux qui se sont produits au cours de la première période de son administration, et qui ont commencé peu après l'entrée en fonction du Conseil du gouvernement. Le 20 mars 1952, une partie des fonctionnaires de la Santé publique ont cessé le travail. Considérant que cette action constituait un état de troubles intérieurs et une menace pour les institutions du pays le Conseil du gouvernement s'est vu obligé de recourir à des mesures de sécurité d'urgence prévues par la Constitution. Ces mesures, approuvées par l'Assemblée générale à une forte majorité, se sont révélées pleinement efficaces. Le 28 août dernier, pour faire face à une nouvelle menace de grèves, d'interruptions de service et d'abandon collectif du travail dans les services de l'administration centrale, dans les institutions autonomes et dans les services décentralisés, le Conseil du gouvernement a déclaré que, dorénavant, il entendait réprimer toutes les omissions, infractions ou délits qui seraient commis, en faisant usage de sa compétence disciplinaire en matière administrative et, le cas échéant, en faisant appel aux autorités judiciaires et en ayant recours à toutes les mesures de sécurité publique prévues par la Constitution en vue d'assurer le fonctionnement continu des services publics et de garantir le développement normal de la vie de la nation.
  15. Malgré cet avertissement, des grèves de solidarité, déclenchées au début de septembre de l'année dernière, ont paralysé presque entièrement le fonctionnement des principaux services publics. La répétition et le caractère systématique de ces arrêts du travail montraient qu'il s'agissait bien d'un mouvement d'indiscipline généralisée, qui pouvait mettre en danger la stabilité même des institutions du pays. Considérant qu'une telle situation était incompatible avec les normes constitutionnelles et la paix sociale de la République et qu'elle constituait un état de troubles intérieurs, le Conseil du gouvernement s'est vu obligé de recourir pour la deuxième fois à des mesures de sécurité d'urgence, qui comportaient l'interdiction de toute propagande orale ou écrite, visant à paralyser le fonctionnement des services publics, à provoquer des grèves et des arrêts de travail, l'interdiction de réunions convoquées à cet effet, la fermeture des locaux où de telles réunions se seraient tenues, de même que, le cas échéant, l'application des peines de détention et d'expulsion. Ces mesures ont été communiquées sans délai au Parlement, qui les a approuvées le 13 septembre dernier, par 85 voix contre 7. ...Par la suite, étant donné l'attitude ferme adoptée par les pouvoirs publics et l'appui unanime accordé au gouvernement par l'opinion publique dans le pays tout entier, les fonctionnaires publics, de même que les employés et ouvriers des services publics qui avaient abandonné leurs postes, ont modifié leur attitude et ont repris le travail dans les conditions prévues par la législation en vigueur. C'est ainsi que le 30 septembre 1952, constatant que la situation dans les services publics de caractère essentiel tendait à se stabiliser et à redevenir normale, le Conseil du gouvernement a révoqué les mesures en question. Il convient de rappeler à ce sujet que ces mesures, ainsi que le précisait le message présenté à l'époque à l'Assemblée générale, ont été appliquées avec modération et de manière à en limiter les rigueurs... Il convient enfin de souligner comme un fait particulièrement significatif que l'opinion publique a, dans le pays tout entier, appuyé les mesures prises par le Conseil national du gouvernement, qui a reçu un nombre sans précédent de déclarations de loyauté et de solidarité émanant de toutes les couches de la population.
  16. 57. Il ressort de ces précisions que c'était en raison de la répétition et du caractère systématique des grèves dans les services publics, montrant a qu'il s'agissait bien là d'un mouvement d'indiscipline généralisée pouvant mettre en danger la stabilité même des institutions du pays », que le gouvernement a cru devoir recourir, lors de la grève des transports de Montevideo, aux mesures de sécurité publique prévues par l'article 168 de la Constitution.
  17. 58. Conformément aux prescriptions de la Constitution, le gouvernement a soumis le décret comportant ces mesures de sécurité publique à la sanction immédiate du Congrès, qui l'a approuvé à la quasi-unanimité, par 85 voix contre 7.
  18. Allégation concernant le congédiement du personnel de l'A.M.D.E.
  19. 59. Le plaignant déclare que le gouvernement aurait congédié arbitrairement le personnel de l'A.M.D.E.T qui avait déclenché une grève purement professionnelle.
  20. 60. Par contre, le gouvernement fait ressortir que le congédiement du personnel de l'entreprise publique de transports résultait de l'application des mesures disciplinaires prévues par le règlement de service. Au surplus, ces sanctions furent levées le 30 septembre 1952 lorsque les travailleurs eurent de leur propre gré repris le travail.
  21. 61. Le Comité, tout en réaffirmant à cette occasion le principe qu'aucune mesure de discrimination ne devrait être prise contre des dirigeants ou des membres de syndicats pour la seule raison que ceux-ci se seraient livrés à des activités syndicales légitimes, prend acte du fait que, dans le cas d'espèce, le congédiement des employés de l'A.M.D.E.T avait été exclusivement motivé par des raisons disciplinaires tenant à leur statut de fonctionnaires publics et a été, au surplus, révoqué dès la fin du conflit. En tout état de cause, l'allégation est devenue de ce fait sans objet.
  22. 62. Dans ces conditions, le Comité estime que cet aspect de la plainte n'appelle pas un examen approfondi.
  23. Allégation concernant l'interdiction de réunions syndicales
  24. 63. Le plaignant soutient que les mesures d'exception prises par le gouvernement ne se bornaient pas à l'interdiction de la grève, mais comportaient aussi des atteintes à d'autres libertés syndicales fondamentales. Toutes les réunions syndicales, même celles qui se tenaient dans les locaux syndicaux, auraient été totalement interdites. Cette interdiction ne visait pas seulement les syndicats en conflit, mais l'ensemble du mouvement syndical du pays.
  25. 64. Le décret du 11 septembre 1952, pris en application de la déclaration de l'état de troubles intérieurs et que le plaignant a cité dans sa communication, dispose en effet comme suit:
  26. Considérant que la situation actuelle, impliquant l'abandon collectif du travail dans les services publics, des arrêts du travail et des grèves, constitue un état de troubles intérieurs au sens de l'article 168, paragraphe 17, de la Constitution de la république, le Conseil national du gouvernement, par voie de mesures de sécurité d'urgence prévues par ledit article, a décidé:
  27. 1) d'interdire toute propagande orale ou écrite visant à paralyser le fonctionnement des services publics et à provoquer des arrêts de travail ou des grèves qui pourraient, soit directement, soit indirectement, contribuer à prolonger ou à aggraver la situation visée par le présent décret. Cette interdiction s'applique également aux avis, annonces ou convocations d'un caractère similaire. Les infractions qui pourraient se produire peuvent, selon le cas, entraîner la confiscation ou la fermeture des moyens ou des organes de publicité employés à cet effet;
  28. 2) d'interdire les réunions qui, de l'avis de l'autorité, pourraient servir aux fins prévues à l'article précédent ; de fermer les locaux dans lesquels ces réunions se tiennent ou doivent se tenir...
  29. 65. Le plaignant allègue qu'en application de ce texte, les locaux des syndicats où se tenaient des réunions syndicales auraient été effectivement fermés.
  30. 66. Le gouvernement, pour sa part, déclare que l'interdiction de réunions syndicales n'aurait été que la conséquence directe des mesures exceptionnelles prises en application de la Constitution pour sauvegarder l'ordre public, et n'auraient eu pour but que de mettre fin à la grève illégale des transports.
  31. 67. Le Comité, à maintes reprises, a souligné que la liberté de réunion syndicale constitue un des éléments fondamentaux du droit syndical. Dans le cas no 21, où la situation était en tous points comparable à celle qu'il est appelé à examiner dans le présent cas, le Comité avait constaté que si le gouvernement de la Nouvelle-Zélande, pour faire face à une situation très grave créée par la suspension du travail dans les ports du pays, avait dû recourir à des mesures d'exception comportant également l'interdiction des réunions syndicales publiques, il ne résultait pas moins des précisions données par le gouvernement qu'aucune entrave n'avait été apportée aux réunions des membres des syndicats en grève dans les locaux syndicaux habituels. Dans le cas no 40, France (Tunisie), le plaignant avait allégué qu'un certain nombre de réunions publiques, de caractère purement syndical, avaient été interdites par le gouvernement. Dans sa réponse, le gouvernement français avait indiqué qu'en raison de l'état de siège, certaines réunions publiques avaient été interdites, mais qu'une telle interdiction constituait une mesure commandée par les circonstances et ne portait pas atteinte au droit des organisations syndicales de tenir dans leurs locaux toutes réunions ayant pour objet la défense de leurs intérêts professionnels. Etant donné que l'interdiction générale, mais passagère, des réunions publiques était exclusivement motivée par des raisons d'ordre public et ne visait pas les réunions syndicales dans les locaux des syndicats, le Comité avait pu conclure que, dans les circonstances données, l'allégation n'appelait pas un examen plus approfondi. Dans le cas d'espèce, le gouvernement uruguayen a souligné que les réunions syndicales n'avaient été interdites que pour autant qu'elles se rapportaient à une grève illégale. Il a ajouté que cette mesure, prise sous le contrôle du Parlement, n'avait qu'un caractère purement temporaire et a été levée dès que la situation est redevenue normale. Tout en réaffirmant le principe établi dans les cas précités que le droit des membres des syndicats à se réunir dans leurs propres locaux pour examiner des questions syndicales constitue un droit syndical fondamental, le Comité estime toutefois qu'en raison du fait que la pleine liberté de réunion syndicale est aujourd'hui rétablie, cet aspect de la plainte est devenu désormais sans objet.
  32. Allégation concernant la suppression des garanties de la liberté personnelle
  33. 68. Le plaignant soutient que de nombreux syndicalistes auraient été arrêtés ou placés sous la surveillance de la police. Le recours à l'habeas corpus établi par la Constitution ne leur aurait pas été accordé. L'article 3 du décret du 11 septembre 1952 fait en effet application des dispositions de l'article 168, paragraphe 17, alinéa 2, de la Constitution citées ci-dessus (Cf. paragraphe 55 du présent rapport), et de l'article 5 de la loi 9604, de 1936, concernant l'expulsion des étrangers. Le gouvernement déclare qu'ici encore, il s'est borné à appliquer des dispositions constitutionnelles formelles, prises sous le contrôle du Parlement, appliquées avec modération et révoquées après un très court laps de temps. Le Comité a exprimé l'avis, dans plusieurs cas précédents, « qu'un mouvement syndical libre ne peut se développer que dans un régime garantissant les droits fondamentaux de l'homme », et a recommandé au Conseil d'administration de suggérer aux gouvernements d'envisager la possibilité de rétablir intégralement ces garanties. Dans le cas présent, le Comité, tout en réaffirmant sa conviction que la liberté syndicale ne peut se concevoir que dans un régime garantissant pleinement les droits fondamentaux, estime qu'ici encore, cet aspect de la plainte est devenu sans objet du fait que les libertés fondamentales, y compris les libertés personnelles, ont été intégralement rétablies.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 69. Il ressort de l'examen de l'ensemble du cas que les mesures d'exception prises par le gouvernement, en application de l'article 168 de la Constitution, ont été soumises sans retard au contrôle du Parlement et ont été révoquées dès que la situation est redevenue normale. Il en ressort aussi que certains droits fondamentaux des travailleurs, tels que le droit de libre réunion syndicale et le droit à l'habeas corpus, avaient été de ce fait temporairement limités. Tout en exprimant l'espoir que les gouvernements, soucieux de voir les rapports de travail se développer dans une atmosphère de confiance mutuelle, auront recours, pour faire face aux conséquences résultant de grèves et de lock-outs, à des mesures prévues par le droit commun plutôt qu'à des mesures d'exception, qui, même prises en conformité de la Constitution nationale et appliquées sous le contrôle du Parlement, risquent de comporter, de par leur nature même, certaines restrictions à des droits fondamentaux, le Comité constate que la liberté syndicale, traditionnellement garantie en Uruguay, paraît être rétablie à l'heure actuelle.
  2. 70. Sous réserve des observations présentées au paragraphe 69 ci-dessus, le Comité recommande dans ces conditions au Conseil d'administration de décider que l'ensemble du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
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