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Rapport définitif - Rapport No. 12, 1954

Cas no 64 (Italie) - Date de la plainte: 01-JUIN -53 - Clos

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A. Analyse de la plainte

A. Analyse de la plainte
  1. 84. Le plaignant allègue que le gouvernement italien aurait arbitrairement retiré le passeport au secrétaire général de la Confédération générale du travail italienne, président de la Fédération syndicale mondiale. De ce fait, l'intéressé n'aurait pu assister, ni à la réunion du bureau exécutif de la F.S.M en juin 1952, ni à la 14ème session du Conseil économique et social des Nations Unies, à laquelle il avait été mandaté comme représentant de la F.S.M, organisation non gouvernementale dotée d'un statut consultatif par les Nations Unies.
  2. 85. De l'avis du plaignant, cet acte du gouvernement italien est non seulement contraire au paragraphe 2 de l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui reconnaît le droit de quitter son pays et d'y retourner, mais constitue aussi et avant tout une atteinte à la liberté syndicale garantie par la convention internationale sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Le plaignant relève en effet que le droit, d'un dirigeant syndicaliste de représenter une organisation syndicale internationale est le corollaire du droit des syndicats de s'affilier aux organisations internationales de travailleurs, droit expressément reconnu par cette convention. Le fait de dénier le droit de voyager pour des raisons de service aux membres responsables d'organisations non gouvernementales dotées d'un statut consultatif par les Nations Unies constituerait également une atteinte aux droits et privilèges de ces organisations.

B. Analyse de la réponse

B. Analyse de la réponse
  1. 86. Le gouvernement italien soutient qu'en principe, il pourrait se refuser à répondre aux allégations de la F.S.M, étant donné que cette organisation n'a aucune qualité officielle pour demander des explications au sujet de questions qui dépassent le cadre normal des relations avec l'O.I.T basées sur une collaboration de caractère technique et économique. Par déférence, toutefois, pour l'O.I.T, le gouvernement présente, quant au fond, les observations suivantes.
  2. 87. Le gouvernement italien soutient que le retrait d'un passeport est une affaire purement intérieure. Une telle mesure est autorisée, en vertu de l'article 9 du décret-loi no 39 du 31 janvier 1901, pour des raisons d'ordre public ainsi que par les dispositions de la Constitution italienne, qui subordonne l'exercice de tout droit à l'accomplissement des devoirs correspondants (art. 2) et particulièrement au respect de la légalité (art. 54) ainsi qu'à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat.
  3. 88. Dans le cas d'espèce, le passeport a été retiré à l'intéressé le 27 avril 1952 à la suite d'une dénonciation faite par le Procureur de la République inculpant l'intéressé d'une activité antinationale déployée à l'étranger par le moyen de publications calomniatrices et injurieuses pour l'Italie, actes visés par l'article 269 du Code pénal.
  4. 89. Le gouvernement soutient qu'il respecte pleinement la liberté syndicale, mais qu'en prenant la mesure incriminée il a agi dans l'exercice de sa souveraineté nationale.

C. C. Conclusions du comité

C. C. Conclusions du comité
  1. 90. Tout en présentant des observations sur les allégations formulées par le plaignant, le gouvernement italien soutient que la F.S.M n'a pas le droit d'exiger d'un gouvernement des explications sur une question qui n'entre pas dans les relations normales avec l'O.I.T basées exclusivement sur une collaboration technique et économique. Il semble ainsi contester la recevabilité de la plainte.
  2. 91. Il convient de rappeler à ce propos qu'en vertu des décisions du Conseil d'administration et du Conseil économique et social des Nations Unies relatives à l'établissement d'une Commission de conciliation et d'investigation en matière de liberté syndicale, décisions approuvées par la Conférence internationale du Travail à sa 33ème session en juin 1950, les seules plaintes recevables, à l'exception de celles qui sont officiellement transmises à l'O.I.T par l'Assemblée générale ou le Conseil économique et social des Nations Unies, sont celles qui émanent soit d'organisations de travailleurs ou d'employeurs, soit de gouvernements.
  3. 92. Etant donné que la Fédération syndicale mondiale est une organisation de travailleurs au sens des dispositions précitées, le Comité est d'avis que la plainte soumise par cette organisation est recevable.
  4. 93. A l'encontre de l'allégation d'après laquelle le gouvernement italien aurait porté atteinte aux droits syndicaux en retirant son passeport au secrétaire général de la Confédération générale du travail italienne, le gouvernement soutient que le retrait d'un passeport est une mesure d'ordre purement intérieure que le gouvernement peut prendre pour des motifs d'ordre public et qu'il a prise dans le cas d'espèce en raison du fait que l'intéressé, conformément aux accusations portées contre lui par le Procureur de la République, aurait déployé une activité antinationale à l'étranger au moyen de publications calomniatrices et injurieuses pour l'Italie, faits expressément visés par l'article 269 du Code pénal.
  5. 94. Le Comité a noté que dans un cas précédent, déjà, il était saisi d'une plainte selon laquelle un gouvernement aurait porté atteinte aux droits syndicaux en retirant leurs passeports à certains dirigeants syndicalistes. En effet, dans le cas no 40 : France (Tunisie), il avait été allégué que le gouvernement en question aurait soit refusé le visa de sortie, soit retiré le passeport à certains dirigeants syndicalistes nationaux, les empêchant de la sorte d'assister à des réunions d'une organisation syndicale internationale. Le gouvernement avait répondu que la restriction apportée à la liberté de déplacement de ces dirigeants syndicalistes était due au fait que leur activité était plus politique que syndicale. Le Comité a estimé que si le refus d'accorder un passeport ou des visas est une question qui relève de la souveraineté d'un Etat, cette question pourrait, dans certains cas, avoir des répercussions sur l'exercice des droits syndicaux. Sur la recommandation du Comité, le Conseil d'administration a indiqué que le droit des organisations nationales de travailleurs de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, droit qui constitue un aspect important de la liberté syndicale, entraîne normalement le droit, pour les représentants des organisations nationales, de se tenir en contact avec les organisations internationales de travailleurs auxquelles sont affiliées leurs organisations et de participer à leurs travaux et qu'il convient que toute latitude leur soit donnée à cet effet.
  6. 95. Le Comité constate que le cas présent porte sur un problème similaire. Il est allégué, en effet, que le gouvernement intéressé aurait, par le retrait de son passeport, empêché le secrétaire général d'une organisation syndicale nationale, qui est en même temps président d'une organisation internationale de travailleurs à laquelle l'organisation nationale est affiliée, de participer aux activités de cette organisation internationale de travailleurs.
  7. 96. Le Comité, tout en reconnaissant que le refus d'accorder un passeport est une question qui relève de la souveraineté d'un Etat, estime nécessaire de souligner, une fois de plus, que le droit des organisations nationales de travailleurs de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, droit qui constitue un aspect important de la liberté syndicale, entraîne normalement le droit, pour les représentants des organisations nationales, de participer aux travaux des organisations internationales auxquelles sont affiliées leurs organisations.
  8. 97. Dans le cas d'espèce cependant, le gouvernement italien affirme que le retrait du passeport était exclusivement motivé par des raisons d'ordre public, à savoir par le fait que l'intéressé était inculpé d'avoir enfreint les dispositions de l'article 269 du Code pénal italien.
  9. 98. Aux termes de l'article 269 du Code pénal - approuvé par décret royal no 1398 en date du 19 octobre 1930 - tout citoyen italien qui, en dehors du territoire de l'Etat, répand ou colporte des rumeurs ou nouvelles fausses, exagérées ou tendancieuses sur les conditions intérieures de l'Etat, de manière à porter atteinte au crédit ou au prestige de l'Etat à l'extérieur ou qui déploie, de quelque manière que ce soit, une activité propre à porter préjudice aux intérêts nationaux, est passible d'une peine de réclusion non inférieure à cinq ans.
  10. 99. Bien que la réponse du gouvernement italien n'indique pas que, de ce chef, une procédure judiciaire a été engagée ou encore que l'intéressé a été condamné, il semble néanmoins en ressortir que la mesure a été prise en rapport avec l'instruction criminelle du cas.
  11. 100. Il est avéré d'autre part que le gouvernement italien a, par la suite, rendu son passeport au secrétaire général de la Confédération générale du travail italien, qui a ainsi pu remplir à nouveau sans restrictions ses fonctions de président de la Fédérations syndicale mondiale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 101. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration, sous réserve des observations faites au paragraphe 96, de décider que le présent cas n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.
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