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Rapport définitif - Rapport No. 12, 1954

Cas no 77 (France) - Date de la plainte: 01-OCT. -53 - Clos

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A. Analyse des plaintes

A. Analyse des plaintes
  1. 184. Les plaignants allèguent que les autorités françaises auraient refusé de délivrer des passeports à des délégués syndicaux régulièrement élus et mandatés par leurs organisations pour assister au troisième congrès syndical mondial qui s'est tenu à Vienne du 10 au 21 octobre 1953. Les passeports auraient été refusés notamment à tous les délégués de Tunisie ainsi qu'à des délégués d'organisations syndicales du Maroc, du Moyen-Congo, du Niger et de la Côte d'Ivoire. D'autres délégués des territoires africains n'auraient également pas pu quitter leur pays pour se rendre au Congrès. Les plaignants estiment que ce refus constitue une violation des droits syndicaux.

B. Analyse de la réponse

B. Analyse de la réponse
  1. 185. Dans sa réponse, le gouvernement souligne que le troisième congrès de la Fédération syndicale mondiale ne saurait être considéré comme une réunion découlant normalement des activités des Nations Unies ni de celles d'une de leurs institutions spécialisées. Les délégués intéressés ne devaient pas se rendre à une assemblée de l'O.I.T, mais à un congrès international qui n'était pas consulté par l'O.I.T.
  2. 186. Le gouvernement rappelle que la Fédération syndicale mondiale s'est vu retirer l'autorisation d'avoir son siège en France en raison de la nature plus politique que syndicale de ses activités. L'ordre du jour du congrès de Vienne revêtant le même caractère, le gouvernement, en usant de ses pouvoirs d'appréciation en la matière qu'il a normalement délégués à ses Résidents généraux au Maroc, en Tunisie et à ses représentants dans les territoires africains, estime ne pas avoir pour autant violé les libertés et droits syndicaux, puisqu'il s'agissait d'activités dont le caractère politique était manifeste.
  3. 187. Quant à l'application de l'article 12, paragraphe 3, de la Constitution de l'O.I.T, le gouvernement déclare qu'il entend tenir pleinement les engagements qu'il a souscrits vis-à-vis des organisations internationales dont la Fédération syndicale mondiale pourrait dépendre au titre d'organisations non gouvernementales bénéficiant du statut consultatif A. Ces engagements ont été rappelés par le représentant du gouvernement français lors des débats de la Conférence internationale du Travail au cours desquels la thèse de la France sur la dissolution de l'association étrangère dite « Fédération syndicale mondiale », en France, a été reconnue fondée.

C. Conclusions

C. Conclusions
  1. 188. Les plaignants allèguent que le refus du passeport, opposé par les autorités françaises à certains délégués syndicaux régulièrement élus et mandatés par leurs organisations en vue d'assister au troisième Congrès syndical mondial, aurait constitué une atteinte au libre exercice des droits syndicaux, car ce refus a effectivement empêché les intéressés d'assister à cette réunion syndicale internationale.
  2. 189. Le gouvernement fait remarquer que le congrès en question ne saurait être considéré comme une réunion découlant normalement des activités des Nations Unies ni de celles d'une de leurs institutions spécialisées, et que les délégués en question ne devaient pas se rendre à une assemblée de l'O.I.T mais à un congrès international qui n'était pas consulté par l'O.I.T.
  3. 190. Le Comité constate qu'il n'est pas, en effet, question qu'une entrave ait été apportée par les autorités françaises à la participation de délégués syndicaux à une réunion organisée sous les auspices de l'Organisation internationale du Travail.
  4. 191. Le gouvernement rappelle ensuite que la Fédération syndicale mondiale s'est vu retirer l'autorisation d'avoir son siège en France en raison de la nature plus politique que syndicale de ses activités, que l'ordre du jour du Congrès de Vienne revêtant le même caractère, les autorités françaises, en usant de leurs pouvoirs d'appréciation en la matière, n'ont pas pour autant violé les libertés et droits syndicaux puisqu'il s'agissait d'activités dont le caractère politique était manifeste, et qu'il entend tenir pleinement les engagements qu'il a souscrits vis-à-vis des organisations internationales non gouvernementales bénéficiant d'un statut consultatif, engagements rappelés par le représentant du gouvernement français lors des débats de la Conférence internationale du Travail « au cours desquels la thèse de la France sur la dissolution de l'association étrangère dite Fédération syndicale mondiale, en France, a été reconnue fondée ».
  5. 192. Le Comité rappelle qu'à sa 34ème session, en 1951, la Conférence internationale du Travail avait été saisie d'un projet de résolution tendant à déclarer que la mesure du gouvernement français frappant d'interdiction l'activité de la F.S.M en France constituait une grave violation de la liberté syndicale.
  6. 193. Sur rapport de sa Commission des résolutions, la Conférence a approuvé par 132 voix contre 8 le paragraphe 7 du rapport de cette Commission, qui avait la teneur suivante:
  7. 7. Les auteurs du projet de résolution ont soutenu que la mesure prise le 26 janvier 1951 par le gouvernement français a eu pour effet d'interdire les activités de la Fédération syndicale mondiale en France, constituant ainsi une violation des droits syndicaux et de la liberté d'association tels qu'ils sont définis dans la convention de 1948 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, ainsi qu'une atteinte au statut consultatif accordé à la F.S.M par les Nations Unies. Le membre gouvernemental français a répondu que la mesure prise par son gouvernement avait trait à l'octroi de la personnalité juridique en France, question qui relève du pouvoir discrétionnaire du gouvernement français au titre de la loi française relative au statut des organisations étrangères en France ; cette mesure ne constitue en rien une atteinte aux droits syndicaux ou à la convention de 1948 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, car les organisations syndicales françaises qui sont affiliées à la F.S.M conservent, en France, toute liberté d'action, y compris le droit de rester affiliées à la F.S.M et de poursuivre les activités qu'elles déploient du fait de cette appartenance ; enfin, la mesure en question ne porte pas atteinte à la liberté syndicale du fait que le gouvernement français n'entend en rien limiter la représentation de la F.S.M à des réunions des Nations Unies ou des institutions spécialisées tenues en France. On a également fait remarquer que, dans les cas où il est permis de penser qu'il y a eu atteinte aux droits syndicaux, la procédure à appliquer est de recourir au système de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale. Par 28 voix contre 5, la Commission a décidé de ne pas recommander à la Conférence d'adopter le projet de résolution.
  8. 194. La question du droit incontestable qu'a un gouvernement d'accorder ou de refuser à une organisation internationale le droit de bénéficier des avantages de la personnalité juridique dans le pays qu'il gouverne - droit qui n'a nullement été contesté par la Conférence internationale du Travail dans le texte cité plus haut - est une question distincte de celle qui se pose en l'espèce, à savoir le droit que devraient avoir des délégués syndicaux d'assister au congrès d'une fédération syndicale internationale à laquelle sont affiliées les organisations qu'ils représentent.
  9. 195. A cet égard, la Conférence internationale du Travail, en approuvant le rapport mentionné ci-dessus, a pris note d'une déclaration du représentant du gouvernement français, figurant dans ce rapport, aux termes de laquelle les organisations syndicales françaises « qui sont affiliées à la F.S.M conservent en France toute liberté d'action, y compris le droit de rester affiliées à la F.S.M et de poursuivre les activités qu'elles déploient du fait de cette appartenance ».
  10. 196. Or le Comité rappelle qu'à diverses reprises, et notamment dans le cas relatif à la Tunisie, il a exprimé l'opinion que le droit des organisations nationales de travailleurs de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, droit prévu par l'article 5 de la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1948, entraîne normalement le droit pour les représentants des organisations nationales de se tenir en contact avec les organisations internationales de travailleurs auxquelles sont affiliées leurs organisations et de participer à leurs travaux, et qu'il convient que toute latitude leur soit donnée à cet effet.
  11. 197. La convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, a été ratifiée par la France en ce qui concerne son territoire métropolitain, mais le gouvernement français n'a pas, jusqu'ici, fait parvenir au Directeur général la déclaration prévue par l'article 35 de la Constitution de l'O.I.T concernant l'application des dispositions de cette convention aux divers territoires mentionnés dans les plaintes.
  12. 198. Tout en reconnaissant que les autorités françaises de ces territoires ont pu, dans leurs décisions de refus de passeport à certains ressortissants de ces territoires, être guidées par le souci non pas de porter directement atteinte aux droits syndicaux, mais d'empêcher que ces ressortissants n'entrent en contact, à l'occasion d'un congrès international, avec les dirigeants d'un mouvement qui s'est vu interdire d'avoir son siège en France pour y avoir exercé des activités qui s'étaient révélées de nature plus politique que syndicale, le Comité estime devoir souligner à nouveau que le droit pour les organisations syndicales nationales d'envoyer des représentants à des congrès syndicaux internationaux est le corollaire naturel du droit qu'ont ces organisations nationales d'être affiliées à des organisations internationales de travailleurs.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 199. Etant donné cependant que, dans l'espèce, les mesures incriminées concernent la participation à un congrès déterminé dont les assises sont terminées, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que, sous réserve des observations contenues dans les paragraphes 196 et 198, le cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
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